IX
IX
Personne n'est à l'abris du mur qui se lève en plein milieu de notre route. Celui qui coupe court à nos rêves. Celui qu'on est persuadé de ne pouvoir détruire. Celui devant lequel on devient faible. Trop faible. C'est arrivé alors que TaeHyung n'était pas à la maison. Ce n'était arrivé qu'une seule fois mais cela avait suffit. Je marchais dans le corridor, ennuyé par cette solitude inhabituelle. Il pleuvait et le brouillard était si dense qu'on n'apercevait même plus le lac. Le temps ressemblait à un mauvais signe. Mon humeur ressemblait à un mauvais signe. La musique se cognant contre les murs ressemblaient à une ode en l'honneur de la mélancolie. Soudain la sonnerie du téléphone retentit. Interloqué je m'emparai du combiné et ne fus pas tant surpris d'entendre mon père de l'autre côté.
« -Allo ? JungKook, c'est toi ? Demanda-t-il, indécis.
-Papa, oui c'est moi.
-Comment vas-tu ? Questionna-t-il avec une hésitation inquiétante.
-Bien, que se passe-t-il ?
-Ah, je dois te parler. C'est pour une affaire de grande importance.
-Que se passe-t-il ? Insistai-je pour qu'il ne tourne pas autour du pot.
-Je ne peux pas t'en parler comme ça. Il faut que tu rentres JungKook. »
A peine avait-il prononcé ces mots que l'idée s'immisçait en mon cerveau. Partir. Quitter la maison. Quitter TaeHyung. Que ce soit pour une journée ou un mois, c'était hors de question.
« -Je-je crois ne pas pouvoir rentrer papa. »
Il répéta plusieurs fois que je devais revenir chez nous en vitesse et je compris que la situation semblait bien urgente. Pour lui comme pour moi. Cependant il refusait de m'expliquer ses motivations. Alors je commençai à m'emporter. Il commença aussi à prendre le ton sévère qu'il croyait infaillible. Puis comprenant que je ne rentrerais qu'avec une bonne raison, il se lança dans les explications. En vérité j'aurais préféré qu'il ne le fasse pas. J'aurais préféré qu'il ne m'appelle pas. Oui, j'aurais préféré qu'il m'oublie. Que tout le monde oublie jusqu'à mon nom et qu'on me laisse vivre mon idylle tranquillement. Mais c'était trop tard. A peine s'était-il engagé que ma bouche resta entrouverte, mes paupières écarquillées et mes jambes tremblotantes. Je ne parvenais plus à mémoriser des phrases précises et complètes. Tout se brouillait dangereusement dans mon esprit, menaçant de me faire défaillir. Je ne recevais les informations qu'en volutes de fumée grotesques. Mais ce n'était pas assez pour que le sens m'échappe. Non je comprenais tout et chaque parole, aussi trouble fût-elle, réduisait mon bonheur en poussière. Je croyais ma voix partie à jamais et pourtant je réussis à articuler une phrase pour conclure cette conversation sans fin.
« -Oui, je rentrerais dès ce soir, au revoir. »
Je reposai l'appareil à sa place et demeurai immobile quelques secondes. Puis sans un bruit, sans prévenir, sans même me refroidir, les larmes emplirent mes yeux, elles se bousculèrent et débordèrent le long de mes joues. Elles abondaient et se rejoignaient au bout de mon menton pour ainsi tomber par terre. Ma respiration devint bruyante, insupportable. Mes épaules remuèrent et toute mon allégresse fuyait par chaque pore de mon existence. Je m'écroulai enfin sur le plancher, même plus apte à dire qui était qui, où était quoi. Je n'étais plus qu'une étendue infinie de chagrin. Mes souvenirs encore frais se désintégraient au creux de la pluie. Celle du dehors. Celle de mon visage. Je me recroquevillai sur moi-même et suppliai pour qu'on apaise cette déchirure dévastant ma poitrine. Ma peau était gelée. Mes lèvres ne connaissaient plus que les sanglots. Ma carcasse se mourait contre le bois ciré. Et tout était devenu laid. Et tout était détruit. Au loin, la radio continuait. Elle continuait à bâtir un rêve impossible. La douceur s'était échappée. Les couleurs s'étaient envolées. Moi, je restais là. A vider mon âme entre les lattes du plancher. A me vider entre les notes de musique. A agoniser entre les gouttes de ciel.
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