J'ai tourné mes yeux vers la fenêtre, et j'ai vu un homme. Sur ses épaules, une vieille veste brun fade, et dans ses pieds, de vieilles bottes à cap d'acier et aux lacets détachés. Il écoutait sa musique en murmurant les paroles et de ses bottillons, il jonglait avec un mégot de cigarette. Je me suis demandée si quelqu'un, en l'apercevant, son regard foncé et absent, au bord du trottoir, ne se serait pas questionné. Peut-être bien que quelqu'un en serait tombé amoureux. Quelqu'un ne s'est-il pas demandé ce qu'il attendait, là, les lèvres remuantes ? Il se tenait sur ses deux pieds, avec l'air de penser que personne ne le voyait vraiment. Et c'est sûrement vrai, après tout, personne ne l'avait vraiment remarqué. C'est dommage, parce que personne ne connaitrait le périple qu'il a vécu, les épaves à travers lesquelles il a traversées, les mots qu'il aurait pu prononcer. Le monde ne s'arrête devant rien. Nous passons à côté de ce qu'est réellement la vie. Sans jeter un coup d'oeil autour de nous, ne serait-ce qu'une petite seconde, nous fonçons tout droit vers la mort. Puis, à treize pas de l'atteindre, on se retourne, et on se lamente que ce n'est pas juste, qu'on a oublié de vivre, qu'il fallait nous prévenir. On s'imagine tout ce que l'on a raté. Nous regrettons. À treize pas, c'est irréversible, notre vie n'aura été que l'ombre de ce qu'elle aurait pu être. Nous avons tellement d'aventures à vivre pour si peu de temps. On se répète que l'on doit attendre, que le moment viendra où l'on pourra vraiment se jeter dans la vie et la respirer à plein nez, qu'il ne reste que quelques années, allez, on attend. Mais avant que l'ont puisse en avoir pris conscience, il est déjà trop tard. Chaque moment passé dans la vie nous éloigne de celle-ci, et nous rapproche de la mort. Dépêchons-nous de vivre, ou dépêchons-nous de mourir. Le temps coule, vous dis-je, le temps coule...