Lexi était presque en transe, perdue dans les bras de la fille qui dansait avec elle. Astrid avait un regard magnétique, et peut importe combien elle essayait, Lexi ne parvenait pas à lui échapper. Elle retombait toujours dans le guet-apens de ses yeux bleu électrique. Elle était littéralement sous le charme, et Astrid recommençait à l'embrasser chaque fois qu'elle relevait la tête. Quand la musique arriva son terme, Lexi se rendit enfin compte de tout ce qui les entourait. Elle était trempée de sueur, ses cheveux bruns collés aux tempes, le souffle coupé et le corps brûlant. Un rire nerveux prit les deux jeunes femmes, enivrées par les émotions qui avaient pris possession d'elles. Quittant enfin Astrid du regard, Lexi surprit celui de deux filles qui les regardaient d'un air inquisiteur.

Elle haussa les sourcils. "Eh. They can think whatever they like. It's not the 19th century anymore", se rassura-t-elle. Assoiffée, elle proposa de l'eau à Astrid, qui refusa d'un gracieux signe de tête. Lexi n'en revenait pas. Elle avait le coeur battant et les jambes encore tremblantes de la danse - ou de l'effet d'Astrid, comme elle le réalisa avec un drôle de sentiment au creux de l'estomac - et la blonde paraissait aussi essoufflée que si elle avait simplement descendu un escalier.

Lexi se dirigea vers le buffet, et Astrid lui fit signe qu'elle allait prendre l'air. À ce moment-là, Arlo lui tapota l'épaule. La brune se retourna. Son meilleur ami criait pour se faire comprendre par dessus la musique.

"YOU BETTER THANK ME FOR THIS HAPPENING, YOU UNGRATEFUL CUNT!"

Lexi haussa les épaules et lui retourna son sourire complice. Un grand verre de limonade à la main, elle abandonna Arlo à la jolie jeune fille qui l'attendait et après avoir pris plusieurs longues inspirations rendues difficiles par le sourire étalé sur son visage, elle sortit rejoindre Astrid. La blonde lui souriait, assise sur la table où les filles s'étaient rencontrées, ses lèvres rosies par le faux sang qui avait plus tôt maculé celles de Lexi. Le cœur battant, cette dernière prit cette fois la place de la blonde, et s'accola contre la table. Astrid se glissa derrière elle, ses jambes encerclant la taille et ses bras la poitrine de Lexi, et vint lui déposer une multitude de baisers dans le cou. La brune ferma les paupières, ne parvenant tout simplement pas à en croire ses yeux.

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Les premières lueurs du jour commençaient à colorer l'horizon quand Lexi passa le pas de porte de son appartement. Le coeur et le pas léger, elle se dirigea vers la salle de bains où elle retira ses vêtements en deux temps, trois mouvements. En passant devant le mirror du lavabo, la couleur vive d'inhabituelles plaques sur sa peau pâle attirèrent l'attention de la jeune femme.

De toute évidence, les baisers langoureux partagés avec Astrid avaient largement répandu le faux sang: tout le bas de son visage en était barbouillé. Là où la blonde lui avait dévoré le cou, la peau s'était teintée d'un beau violacé, parsemé ici et là de rouge foncé, sans nul doute le reste du faux sang collecté par la bouche voluptueuse d'Astrid.

En chantonnant doucement un air qui lui était resté en tête, Lexi empoigna sa bouteille de démaquillant. Un, deux, trois coups de coton sur la peau, et le plus gros des dégâts était annihilé. Avec un peu d'insistance, elle parvint à faire disparaitre le reste du maquillage sur son visage. Quant à son cou, il s'agissait d'une autre affaire. Le gonflement violacé des suçons ne dissiperait pas avec autre chose que du temps, il était clair que son eau micellaire était incapable de sauver cette cause-là. Mais le rouge vermeil qui maculait ses jugulaires se prouvait bien plus résistant que celui qui avait coloré son menton.

Mais après tout, il s'agissait simplement de quelques tâches de faux sang, ce n'était pas la mort si elle abandonnait prématurément. Elles finiraient sans doute de se dissiper sous l'eau chaude de la douche. Lexi y entra et se laissa s'abandonner à l'extase de sentir ses muscles tendus par le stress se dénouer sous l'eau chaude qui tombait avec ferveur.

Passant ses longs doigts de pianiste au creux de sa chevelure trempée, elle ferma les yeux et se déplaça de manière à ce que le déluge se répande sur son visage. Sentir l'eau brûlante rouler sur sa peau et goutter le long de ses cils provoqua un sentiment de bien-être irrépressible en elle. Derrière ses paupières closes, elle ne voyait que le visage de la belle inconnue qui lui avait retourné les entrailles ce soir-là. Incapable de les retenir, Lexi sentit les coins de sa bouche s'étirer dans un sourire si considérable que les muscles de ses joues en pâtirent.

Résistant à l'appât d'une exploration plus physique de leur alchimie, les deux filles avaient fini la nuit frigorifiées, les corps entrelacés sur une chaise en plastique, qui couinait à chaque fois sur l'une d'entre elles remuait. L'intimité de leur proximité physique, de leur rôle mutuel de barrière aux éléments météorologiques, et de leurs conversations à contenu existentiel sous-jacent avaient réveillé quelque chose de nouveau en Lexi. Une exaltation, un enfièvrement, une obsession, presque. Pour quelqu'un de résolument et immuablement sobre, le sentiment était frais, inexploré. Terrifiant. Terriblement séduisant.

Une fois hors de l'eau, le corps plus rouge qu'une tomate mûre, la brune chassa la buée sur le miroir d'un coup de serviette. L'aspect ensanglanté des suçons ne s'était pas amenuisé. "Oh well. She did bite me quite a few times. This shouldn't come as a surprise," remarqua-t'elle à voix basse. "Nothing a good night's sleep can't fix, though."

Cela s'avéra plus juste qu'elle n'aurait pu l'imaginer. Quelques heures plus tard, lorsque son alarme la fit sauter du lit, le renflement comme les coloris qui avaient jusqu'ici ornementé sa gorge avaient entièrement disparu. Ne demeurait plus qu'une vague impulsion de gratter la peau où ils s'étaient trouvés, comme lors du dernier stage de la cicatrisation d'une plaie, ou quelques jours après avoir subi une piqûre de moustique tigre.