Après avoir laissé Michael débarrasser le plateau, je m'empresse de me retirer pour prendre une douche. Je ne supporte pas la chaleur, cette impression que vos vêtements ne font qu'un avec votre peau m'agace au plus haut point, si bien que je ne me vêtis que d'un pantacourt et d'une légère chemise blanche une fois rafraichis.

Et puis, cette douche m'aura permis d'oublier un petit peu le trouble que m'a provoqué O.

En me peignant devant mon miroir je m'imagine arborer quelques mèches de couleur, comme Michael. Des mèches claires, qui casseraient avec mon noir de jais. Je suis sûr qu'il m'aiderait pour ce genre de chose, il me donnerait de bons conseils. Le seul bémol, c'est la réaction de ma mère. Je soupire et me contente de me peigner avant de quitter mes appartements. Tant que ma mère vivra, je ne serais jamais libre de faire ce que bon me semble.

En chemin je croise quelques domestiques, dont Cyann, ma préférée. Dès qu'elle me voit ses joues s'empourprent et elle me fait une légère courbette, faisant s'emmêler ses bouclettes rousses avant de détaler aussitôt après. Je glousse face à son attitude et poursuis mon chemin d'un pas serein. Je ne suis pas comme Luke, cela dit je dois avouer que passer une soirée en bonne compagnie de temps en temps n'est pas de refus et je sais que Cyann m'est très dévouée sur ce point.

Après tout, elle n'oserait pas refuser.

«- Monsieur, j'ai un message de votre mère ! -M'intercepte Michael-

-De penser à ranger ma chambre ? Je l'ai fait, merci Michael, tu peux disposer.

-Mais non je...»

Il mord l'intérieur de sa joue et bien que je l'aie invité à s'en aller, je suis surpris de le voir me suivre dans les jardins. Peu importe, sa compagnie ne m'est pas désagréable. Nous prenons tous deux le sentier qui juxtapose la roseraie de ma mère et nous descendons en contrebas. Notre terrain est immense, parfois je me dis que c'est beaucoup trop, que jamais nous n'aurons assez de motivation pour parcourir tous les hectares, mais selon ma mère, un jardin doit être à la hauteur de l'image d'une personne. Dans notre cas, le mot serait 'Imposant'.

Pour ma part toutes les plantes qui poussent ici m'indiffèrent, je ne viens me promener dans le jardin que dans un seul but. Il y a un coin bien particulier que j'aime ici. Quelque chose que je n'avais pas à Londres. Je jette un coup d'œil derrière moi avant de m'enfoncer un peu plus loin. La terre devient humide et l'air se fait lourd, des nuées de moustiques volent au-dessus de nos têtes mais ça m'est égal. Nous sommes arrivés. Quelques mètres plus bas j'aperçois les légers remous du fleuve qui borde notre jardin. Le Mississipi.

« -Monsieur vous allez salir vos chaussures -Gémit Michael-

-Et alors ? J'en ai plusieurs paires.

-Vous savez que ce n'est pas raisonnable.

-Michael -Je soupire et me tourne face à lui- Depuis quand es-tu devenu aussi rabat-joie ?

-C'est juste que... Je sais que votre mère cherche toujours à trouver une excuse pour vous reprocher quelque chose.

-Et bien sois gentil, ne m'empêche pas de faire ce que je peux encore faire moi-même. »

Ceci étant dit, il pince ses lèvres et hoche timidement la tête avant de me suivre. Encore une fois je vérifie que nous ne sommes pas suivis et m'approche d'un petit cabanon. Il est usé, totalement moisi mais peu m'importe.

Ce qui importe c'est ce qu'il y a à l'intérieur.

J'ouvre le cabanon et en sors une lourde barque que j'attire vers la berge. Elle aussi est abimée, mais je l'ai faite retaper il y a quelques mois. Car c'était quelque chose qui me tenait à cœur.

Je pousse la barque sur l'eau et grimpe dedans, faisant signe à Michael de venir avec moi. Ce dernier hésite, perdu entre son esprit aventurier et son devoir de domestique avant de finalement poser un pied dedans. Il n'est pas habitué. Il chancelle légèrement avant de tomber à plat ventre dans l'embarcation, manquant de la faire se retourner.

« - Je suis vraiment navré monsieur ! -S'excuse ce dernier, les joues rouges-

-Ce n'est rien, tu as juste faillit nous noyer -Je souris en coin- Pour la peine c'est toi qui va ramer. »

Je lui tends les pagaies et m'assois confortablement, m'amusant de le voir paniquer en fixant les bouts de bois dans ses mains. Même moi qui suis gosse de riche je sais comment ramer, pourtant Michael non. Il les plonge dans l'eau et provoque d'énormes clapotis qui nous arrose tous les deux, me forçant à reprendre les pagaies.

« -Bon décidemment tu n'es pas bon en tout -Je lève les yeux au ciel et commence à ramer, appréciant de sentir les pagaies fendre le courant paisible de l'eau-

-Vous avez l'habitude de vous faire balader en barque monsieur ?

-Oh non, d'habitude c'est toujours moi qui manœuvre, seulement parce que je suis en compagnie de quelques dames, si tu vois ce que je veux dire.

-Je...Je vois -Il déglutit et pose son attention sur l'eau autour de nous- Vous n'avez pas peur de tomber ?

-Il n'y a pas de raisons pour qu'on tombe, à moins que tu ne te mettes à bouger et là on tombera -Il se fige et instinctivement se tasse sur lui-même- Au fait, c'était quoi le mot que tu avais pour moi ?

-Oh ! Madame votre mère m'a demandé de vous rappeler que c'était bientôt vôtre anniversaire et que...

-Michael j'aurais dû te couler. »

Ses yeux s'écarquillent sous le choc et bien que je ne fasse rien de plus qu'un sourire en coin, je le vois qui se tend, se préparant à être jeté par-dessus bord à tout instant. Pourtant ce n'est pas contre lui que je ressens de la colère.

Mais pour ma mère et ses fichus traditions.

Chaque année, le jour de mon anniversaire, ma mère s'évertue à me présenter des jeunes filles 'convenables'. A mes yeux ce ne sont rien de plus que des saintes nitouches, pourries gâtées et écervelées. Ça ne m'intéresse pas. Pourtant c'est la tradition.

En tant que Lord je dois me marier à une fille de mon rang. Une fille qui, selon ma mère, en vaut la peine et saura se montrer à la hauteur de notre famille. Je pense qu'elle nourrit beaucoup d'espoirs à ce sujet. Je suis le seul héritier de la famille, toutes les attentes de mes parents reposent sur moi. Argent, travail, famille, héritier. Je lève les yeux au ciel. Rien de ceci n'a de valeur à mes yeux et parfois je regrette que ma sœur ne soit plus là pour répondre aux besoins de nos parents. J'aurais aimé avoir encore un peu de temps devant moi...

« -Peut-être que vous trouverez quelqu'un cette année ? -S'avance timidement Michael-

-Tu aimerais toi ?

-Quoi donc Monsieur ?

-Etre marié de force à une fille que tu ne connais sur aucun point ?

-Non, mais ça ne risque pas de m'arriver -Il hausse les épaules- Bien que ce serait l'occasion pour moi d'avoir ma première petite amie.

-Es-tu sérieux ? -Je demande en pouffant alors que ses joues deviennent plus rouges que la normale- Tu n'as jamais eu de petite amie ?

-Non Monsieur -Il répond timidement- A vrai dire quand on est domestique on a pas trop le temps de batifoler à l'extérieur.

-Il n'y a pas des domestiques qui te plaisent ? Cyann par exemple ? -Je le regarde avec attention-

-Oh Cyann est très belle, mais je sais quel genre de relation elle entretient avec vous monsieur.

-Et donc tu ne te risquerais pas à me la piquer ?

-De toute façon je ne lui plais pas -Il entortille nerveusement ses doigts-

-Et cette fille, que j'ai vu tout à l'heure en rentrant. Celle que tu cachais derrière ton dos ?

-U... Une fille Monsieur ?

-Oui j'ai bien vu. C'est une amie à toi ? Une amie proche ? On est entre hommes tu peux tout me dire.

-Oh non Monsieur ce... C'est -Il masse nerveusement sa nuque- C'est ma petite sœur, Pearl.

-Donc, pour résumer les choses que je viens d'apprendre en moins d'une heure.Tu n'as jamais eu de petite amie, tu es sûrement puceau et tu as une sœur qui se promène dans mes appartements. Est-ce que tu as d'autre chose à m'apprendre ?

-Je ne sais pas nager... -Il blêmit en voyant la rive s'éloigner de plus en plus-

Toujours bon à savoir. »

Il laisse échapper un rire nerveux alors que je nous rapproche de la rive. Je n'aimerais pas le traumatiser, c'est le seul réel ami que je puisse avoir ici, le seul avec qui je parle. Nous échangeons encore quelques instants jusqu'à ce que je décide d'arrêter de le torturer. Je laisse la barque se poser sur la rive et descends le premier pour aider mon domestique à descendre avant de ranger l'embarcation. Voilà mon autre petit plaisir avec le thé de 17 heures.

Quand j'y pense dans les deux cas ce sont des moments et des actions totalement futiles, mais sûrement est-ce ça qui me plait. Ça me donne l'impression de m'évader un peu de mon quotidien. D'être normal.

Des actions que ma mère n'apprécie pas.

Mais au final, qu'apprécie-t-elle réellement ?

*

Lorsque nous rentrons, la nuit commence à tomber et c'est avec plaisir que je sens la température baisser. Ce serait parfait de dormir à la belle étoile, sentir le vent caresser mon visage, entendre le bruit des arbres plutôt que la climatisation qui me rend malade. Mais lorsque je vois Sigrid siéger devant les lourdes portes de l'entrée, je me ravise et passe devant Michael, lequel est devenu aussi livide qu'un mort.

« -Ce n'est pas une heure pour jouer dehors messieurs.

Michael est venu m'aider à rafistoler quelques petites choses. Merci de vous inquiéter pour nous Sigrid. »

Elle fronce les sourcils et nous laisse passer, son regard de braise dardant le pauvre Michael qui s'empresse de me passer devant. Peut-être a-t-il raison d'avoir peur d'elle. Sigrid, en plus d'avoir été ma nourrice et gouvernante depuis mon plus jeune âge, est également la domestique en chef, responsable de tous les domestiques de la famille Hood. Toujours à l'affut du moindre petit détail, de la moindre chose à redire. Une véritable harpie, à cheval sur les bonnes manières ce qui me laisse à penser qu'elle doit bien s'entendre avec ma mère.

Et surtout que c'est cette entente qui lui vaut sa place actuelle.

Sans ça ce fossile serait déjà parti d'ici.

«- Tu ne vas pas avoir d'ennuis Michael ?

-Oh je ne sais pas Monsieur...

-Si jamais elle te dit quelque chose en particulier, tu lui dis que c'est moi qui t'ai demandé de m'accompagner. Elle ne peut rien contre moi. »

Il hoche la tête et me fait un timide merci alors que nous arrivons à mes appartements. Je sursaute. Devant ma porte se tient une silhouette. C'est une fille. Il n'y a pas beaucoup de lumières cependant je distingue quelques traits. Ce n'est pas Cyann. Ses cheveux sont d'un blond particulièrement doux, raides et finissent sur des belles anglaises roses. Etant donné la pigmentation capillaire hors du commun je déduis qu'il s'agit de Pearl Clifford.

« - Bonsoir Pearl. »

Aussi étonnant que ce soit elle ne se retourne pas et ne me réponds pas. N'ai-je pas parlé assez fort ? Je vais pour recommencer lorsque Michael me passe devant et l'attrape par l'épaule. La tirant un peu rapidement vers lui.

« Eh P...Pearly tu... Monsieur Hood viens de te saluer, tu pourrais au moins lui répondre.

Ce n'est rien Michael -Dis-je en souriant- Je vais vous l...

Bonsoir Monsieur Hood. »

Sa voix est si fluette, si fragile que je m'arrête, la main toujours sur la poignée de ma chambre. Quel âge a-t-elle au juste ? Je me penche pour l'observer mais cette dernière se contente de faire une courbette avant d'être attiré au loin par son frère. C'est un peu tard mais je remarque néanmoins qu'elle porte l'uniforme attribué aux domestiques des Hoods.

Depuis quand Pearl Clifford est-elle à notre service ?

J'hausse les épaules et m'enferme dans ma chambre. Il y fait terriblement lourd, mais je n'ai pas le choix. Sigrid a sûrement dû prévenir mes parents de mon escapade dans le jardin et d'ici quelques temps ma mère viendra me sermonner. Il vaut mieux pour moi que je reste ici. Je lève les yeux au ciel et décline l'invitation à souper de mon domestique avant d'attraper mon portable.

De : Luke Hemmings

Eh Hoodstery, la semaine prochaine mes parents organisent un pique-nique dans notre jardin. Promet moi de ramener ton joli petit fessier de Lord, j'ai des tas de donzelles à te présenter.

Ps : Apporte Clifford !

Je jette un œil au calendrier. Mon anniversaire tombe également la semaine prochaine..

Je soupire bruyamment. Entre ma mère et Luke, je vais me retrouver avec plus de prétendantes en une semaine qu'un homme dans toute une vie. Mais bon, si je peux amener Michael alors peut-être que lui se trouvera quelqu'un. On ne sait jamais.

Je réponds un simple oui au blondinet et ferme mon téléphone avant de me poster à la fenêtre pour regarder le ciel de la Nouvelle-Orléans se colorer d'orange et de rose.

Rose, c'est plutôt joli comme couleur finalement.

~ Bonsoir :) Bon je sais l'histoire va mettre un petit moment avant d'être intéressante, je m'en excuse. Ecrire une quatrième histoire c'est pas si facile, surtout après trois précédentes qui ont plutôt bien plu :') j'ai peur de décevoir... Donc bon, n'hésitez pas si vous avez déjà des reproches ou quoi ^^.

En tout cas merci de votre soutien, ça me fait plaisir de lire vos commentaire et même si je réponds moins à cause des beugs, je veux que vous sachiez que je les lis tous :) et ça me touche beaucoup ^^

PS : Je pense que dans les jours à venir je ferais une NDA au sujet du meeting Wattpad à Paris :) si jamais ça vous tente ^^

Sinon, MERCI <3

Kactus