― Sarah, est-ce que tu les sens ? me demanda mon père, alors que je me concentrais depuis quelques minutes pour faire le silence en moi.

J'avais encore un doute avant qu'il me pose la question. Mais plus maintenant.

Ils arrivaient. Nombreux.

Je hochai la tête silencieusement. Sans savoir pourquoi, quelque chose me dérangeait. Mais mon père ne me laissa pas le temps d'approfondir en continuant :

― Je pense qu'ils vont remonter plus loin. Il faut prendre la voiture, viens.

Toujours silencieuse, essayant de garder mon calme, je le suivis jusqu'à son véhicule. J'envoyai un message télépathique rapide à Elya qui, visiblement, était sous forme animale, pour la prévenir de notre déplacement, alors qu'elle m'informait rapidement de son échec auprès des Mages. Elle volait non loin et nous rattraperait rapidement.

Nous nous étions entrainés mentalement toute la journée, avec mon père, pour être prêts. Mais j'avais l'impression d'avoir perdu mon temps et mon énergie. A deux, nous avions peut-être la capacité d'arrêter la Suvrana, mais qu'allions-nous faire de toute cette armée que je sentais se déplacer sous l'eau ? Allions-nous avoir le temps de tous les neutraliser mentalement ? Est-ce qu'on allait devoir s'y prendre physiquement ?

Mon père posa la main sur ma cuisse tout en gardant l'autre sur le volant, sentant sûrement mon trouble.

― Ça va aller, ma chérie, murmura-t-il.

― La pleine lune, ça ira pour toi ? lui demandai-je en repensant à la dernière lune ronde qui troublait ses pensées et sa communication mentale.

― Ne t'inquiète pas. L'effet est bien moins fort sur moi depuis toutes ces années que je suis sur terre. De plus, mon esprit sera totalement pris par notre "affaire". Ça ira. Et toi ?

― Je n'ai pas l'impression qu'elle ait beaucoup de pouvoir sur moi, répondis-je un peu distraitement, étant déjà passée à autre chose.

Je ne pouvais m'empêcher de réfléchir à toute vitesse, d'essayer de trouver ce que nous aurions pu faire d'autre. Appeler les métamorphes en renfort ? Les fées ? Ou d'autres espèces ? Les plus accessibles, qui faisaient partie du même "monde" que les humains, n'avaient pas répondu à notre appel à l'aide. Qui d'autres ?

Mon père avait réussi à contacter une sirène de son ancien royaume, Vera, qui allait tout faire pour nous aider, mais qui se trouvait loin. De toutes façons, elle n'avait pas le pouvoir mental d'une Suvrana. Ce n'était qu'une Saviu. Mon père n'avait pas osé remettre en place un lien mental avec ses parents. Auraient-ils seulement voulu l'aider ?

Le moteur de la voiture stoppa après plusieurs dizaines de minutes de route et je sortis, dans un état second, remarquant à peine la plage immense qui se dressait devant moi.

Ce n'est que lorsque la lune commença à émerger doucement de derrière l'horizon, que je revins subitement à la réalité, prise d'un frisson incontrôlable.

Un regard gris argenté fit irruption dans mon esprit, mais je le chassai rapidement, me demandant bien ce qu'il pouvait bien faire là, dans un moment aussi peu approprié.

Je me concentrai enfin sur ce qui m'entourait. Du haut de la colline où nous nous trouvions, nous avions une vue dégagée sur une plages de plusieurs centaines de mètres, déserte à cette heure de la soirée. Tout était calme. Rien ne laissait à penser que des centaines de sirènes et tritons étaient en approche rapide. Sous l'eau.

La gêne éprouvée auparavant concernant le ressenti mental que j'avais d'eux me revint, et je tournai les yeux vers mon père. Il paraissait s'en rendre compte au même instant et souffla :

― Qu'est-ce que... Ils... ils ne pensent pas... ? bafouilla-t-il en ouvrant grand les yeux.

― Qu'est-ce que ça veut dire ?

Il n'hésita qu'une seconde avant de répondre d'une voix sombre et dégoûtée :

― Ils sont contrôlés par Attrattiva...

― Quoi ?! Tous ?

― Elle est bien plus puissante que ce que je pensais, enchaina mon père sans me répondre. Avec l'aide du trouble qu'engendre la pleine lune, elle a réussi à pénétrer leur esprit à chacun et à leur ôter toute volonté propre...

Je n'en revenais pas ! Quelle était donc cette Souveraine qui pouvait utiliser son peuple, contre son grès, pour assouvir sa propre soif de pouvoir ?

― Il faut la trouver, continua mon père dans un souffle. Et vite !

C'est à ce moment que j'aperçus un léger remous à quelques centaines de mètres du bord de l'eau, et une tête apparut. Puis deux, puis trois... Et enfin toute une première rangée d'hommes armés.

D'une démarche lente et mécanique, tels des robots, ils s'avançaient d'un même pas, rangés par colonnes égales, indifférents à ce qui les entouraient. Indifférents à ce qui les animait.

Il en apparaissait encore et encore, sortant progressivement de l'eau. Cela semblait ne jamais devoir s'arrêter.

De barrière magique pour les arrêter, aucune trace, aucun effet. Même pas une petite onde de choc ou quelque chose de ce genre.

Le reflet de la lune qui venait d'apparaître à l'horizon, ronde et blanche, dans un ciel dégagé, miroitait dans les vagues provoquées par l'avancée silencieuse de l'armée.

La scène était tellement irréelle, que j'avais encore du mal à en saisir l'ampleur, quand une autre absurdité me sauta aux yeux :

― Mais ! Papa... ils sont sur leurs jambes ?!

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Helloooooo ! Encore un peu de suspens... (désolée, je peux pas m'en empêcher !! 😝)

Ils ne sont pas au bout de leurs surprises... et ça risque d'être un peu plus compliqué que prévu...

Vous en pensez quoi ???? 👀👀👀