Chapitre 27 - Simon
On s’était trouver un petit motel pour la nuit. Le psy avait donné un faux nom, payé comptant, et abandonné la voiture quelque kilomètre plus loin. Avec un peu de chance, nous serions tranquilles pour la nuit. Il devait être prêt de cinq heure du matin, mais je n’arrivais pas à dormir. Le psy, lui, était tombé dans son lit comme une buche. Je trouvai un papier et écrivit : « je suis pas loin » et le laissais sur la table de chevet près du lit du psy, puis sortie dehors avec son manteau, qui était un peu trop large pour moi. Je contournai le motel pour me mettre face à une forêt, où personne ne risquera de me voir, puis m’allumai une cigarette.
Ce que j’avais envie de faire, sur le moment, était d’appeler mon père, même s’il est évident que je le réveillerai. Surement qu’il se mettrait à gueuler après moi comme jamais, mais bon, il avait bien dit qu’il voulait que j’aille sauver Elwin. Seulement, je n’avais aucun moyen de l’appeler ; mon téléphone était rester à la maison, et le psy avait jeté le siens dans la neige une dizaine de kilomètre plus loin pour s’assurer qu’on ne nous retrace pas. Et puis bon, entre appeler mon père et retrouver Elwin, il était assez évident de mon choix.
Vers la moitié de ma cigarette, je remarquai une lumière, une centaine de mètre plus loin, à l’autre bout de cette petite forêt. Pendant un instant, je pensai que c’était peut-être Bleu, avant de remarquer que, non, la lumière était rouge ; c’était un feu. Qui ferait un feu à cinq heures du matin ? Des meurtriers qui veulent éliminer des preuves ? Là-dessus, on peu dire que serait une bonne idée de retourner tout de suite à l’intérieur. Mais, en un sens, j’étais moi-même un meurtrier. Et tuer un meurtrier, c’est pas un peu contradictoire ? Dans un élan de stupidité, je me décidai d’aller voir de plus près. Je me dépêchai de terminer ma cigarette, avant que la petite lueur rouge au bout ma trahisse, l’écrasai sous mon pied, l’ensevelissant du même coup dans une petite bute de neige, puis partie tout droit dans la forêt.
J’entendais déjà le psy me gueuler d’avoir été stupide, que j’aurai pu me faire prendre, me donner une bonne grosse claque derrière la tête, et ensuite reprendre son sang-froid et me demander des questions, plus calmement, de la raison de mon comportement. Et la réponse, honnêtement, je n’en sais rien. J’ai envie d’y aller, alors j’y vais, pas besoin de plus ! L’auteur de mon monde avait envie de me faire aller voir ce qu’il y avait là-bas.
Ce qu’il y avait là-bas ; la cours arrière d’une grande maison. Des types de mon âge, peut-être six ou sept, j’étais trop paresseux pour compter, qui buvait, prenant du bon temps autour d’un feu de camp. Nous étions surement un vendredi ou samedi, je n’avais même pas réaliste. Il y avait de la musique, mais très basse, en respect pour les voisins qui dormaient toujours, même si une petite forêt entourait toute la cours.
Bon, il n’y avait rien d’intéressant, c’était une perte de temps. Même que je commençai enfin à ressentir un peu de fatigue. Il serait plus sage de retourner au motel. Mais je m’étais tellement rapproché que j’avais peur qu’ils me voient ou m’entendent. Et puis quoi, s’ils me voient ?
Je me retournai pour refaire le chemin inverse. Et parce que je n’ai jamais eu de chance dans la vie – rien que pour donner une idée, c’était Elwin qui avait de la chance ! -, je trébuchai sur une branche au même moment que la musique s’arrêtait, un silence de deux secondes entre deux chansons pendant lequel tout le monde aurait pu m’entendre dire « agh ! ».
- Qui est là ? demanda quelqu’un.
Il avait parlé en anglais, mais je l’avais très bien compris. Être bilingue était une obligation, dans le coin, puisque la langue changeait à tous les cent kilomètres.
Je ne répondis rien, me dépêchant de m’accroupir derrière un arbre. Avec cette noirceur, il faudrait vraiment être droit devant moi pour me voir.
- Ça va, c’était surement un lièvre, un raton-laveur, un truc dans le genre...
- Un lièvre qui dit ouille ? dit la première personne avec un rire jaune. Je crois pas, non...
Quelqu’un éteignit la musique, qui avait recommencé sur la nouveauté du mois dernier de Ed Sheeran.
- Qui est là ? dit-il un peu plus fort.
Il fit quelque pas en direction de la forêt. Je me repliais, lui laissant le moins de chance possible de me repérer.
- Je paris que c’est Tommy, dit une fille. J’en suis sûr, il est tout le temps en train de m’espionner, c’est super bizarre...
- Tommy est super bizarre, dit une autre fille en riant.
- Tommy, c’est toi qu’es là ? dit le premier en s’avançant encore un peu. Je te jure, si c’est toi, je te fais la peau, espèce de pervers !
J’appuyai le front contre un arbre, soupirant silencieusement. Qu’est-ce qu’il me restait à faire ? Partir en courant comme un raté ? Sortir de ma cachette et menacer de les tuer – ce qui allait surement faire son effet, puisque j’étais justement un meurtrier. Mais par la suite, ils allaient surement révéler à tout le monde, surtout à la police, qu’ils m’avaient vue, et le psy et moi ne pourront plus rester au motel...
- T’es vraiment sûr que ce n’est pas qu’un lièvre ? soupira quelqu’un.
- Très sûr, dit le premier, qui s’était maintenant avancé jusqu’à la lisière des arbres, à tout juste un mètre de moi. Je sens la cigarette. Je crois pas que les lièvres sont de grands fumeurs.
Cette fois, il y eu un long silence chez les veilleurs. Ils devaient se rendre compte qu’il y avait peut-être un vrai danger.
- On devrait entrer, dit une fille. Il est tard, de toute façon, il est vraiment temps d’aller se coucher.
- Je suis d’accord avec toi !
Plusieurs personne partirent, et je me risquai à sortir un œil de ma cachette ; trois fille et deux gars avaient quitté la place, ce dirigeant vers la maison. Mais il y avait toujours deux autre gars, celui qui était à la lisière de la forêt, se servant plus de son nez que de ses yeux pour essayer de me repérer, l’autre un mètre plus loin, semblant plutôt nerveux, mais déterminé à trouver l’intrus.
Non mais, c’était quoi, cette idée d’aller voir la petite lumière rouge ? C’est vraiment le monde à l’envers : Elwin est le méchant, et moi je suis l’idiot.
- On devrait peut-être retourner à l’intérieur, nous aussi. S’il y a vraiment quelqu’un là, je crois qu’on serait peut-être mieux de partir, avant que...
- Que quoi ? Qu’est-ce que tu veux qui arrive ? S’il y a quelqu’un, eh bien c’est lui qui est sur la propriété de quelqu’un d’autre, pas nous ! Enfin, moi, je suis chez moi, mais toi et les autres, vous êtes invités, c’est différent...
- Ça va, j’avais compris... arrête de me prendre pour un con.
- Et toi, arrête d’avoir peur. On est deux contre un. Tu viens ?
Personne ne lui répondit, mais je supposais que c’était un oui muet, car j’entendais les pas qui se rapprochaient. Mon seul espoir étant qu’ils passent à côté de moi sans me voir, je m’appuyai confortablement contre un arbre, attendant patiemment. Mais je commençai à avoir de la difficulté à garder les yeux ouverts. Je fermai les yeux, appuyant ma joue dans ma main. Les pas s’approchaient toujours de plus en plus, je me cachai la bouche de ma main pour étouffer un bâillement. J’étais bon pour rester dans ma cachette un bon moment ; on ne peut pas aller plus loin sans Bleu, et on ne peut pas passer de jour, à la lumière, ce serait trop voyant. Ce qui me faisait un peu moins de vingt heures, pour sûr, à attendre.
J’avais fermé les yeux sans même m’en rendre compte. Peut-être aussi que je m’étais endormie, c’était le genre de chose que je ne saurais jamais. Mais, pour sûr, quand j’ouvris les yeux, il y avait une chose que je savais ; ils m’avaient trouvé. Et le temps que je m’en rende compte, le gars devant moi m’avait déjà agrippé par les bras et forcé à me relever, me sortant de ma cachette. Maintenant qu’il était tout juste devant moi et que son acolyte, juste à côté, m’éclairant avec la lampe de son téléphone cellulaire, je pouvais enfin les détailler ; celui qui me tenait n’était pas particulièrement grand, mais, rien qu’à sa poigne, je pouvais deviner les muscles qui se cachaient sous son manteau. Il avait des cheveux très cours, je n’arrivais pas à dire s’ils étaient bruns ou noirs, et son nez semblait cassé, à l’angle qu’il avait. Son acolyte était fait sensiblement de la même manière, sauf son nez qui était bien droit, quoiqu’assez large.
- Qu’est-ce que tu fais là, toi, hein ? s’écria-t-il en me secouant.
Il lança un mot qui sonnai comme une insulte, mais mon anglais n’était pas assez avancé pour le comprendre. J’aurais voulu lui répondre que je m’étais égaré, mais je n’arrivais plus à me rappeler comment dire « égaré », je n’arrivais plus qu’à balayer des « euh… heum… je... ».
- Je crois qu’il sort tout droit d’un hôpital psychiatrique, celui-là, dit l’acolyte en riant, regardant clairement le pantalon que je portais.
- Je porte pas de jeans, et alors ?! m’énervais-je. Ça ne veut pas dire que je suis...
Je fermai les yeux, ne sachant plus comment terminer ma phrase. Comment on dit « aliéné » en anglais ?
- Ça ne veut pas dire que je sors d’un hôpital psychiatrique ! terminais-je dans un soupire.
- Tu parles français ? dit le premier en haussant les sourcils.
- Oui, voilà ! Vous parlez français ?
- Non.
Je poussais un second soupir en levant les yeux au ciel. Les deux gars se mirent à rire de moi.
- D’où tu sors ?
- Je me suis perdu.
« Perdu » m’était revenu en tête. « Égaré » restait égaré...
- Laissez-moi retournez à la maison.
- Non, non. Tu es perdu. Tu ne s’aura pas retrouvez ton chemin seul !
Le type au nez cassé entoura son bras autour de mes épaules et m’entraina hors de la forêt, droit vers sa maison. Je fermai les yeux et lâchai un troisième soupire de désespoir. Apparemment, il ne m’avait pas reconnu, c’était très bien comme ça. D’un autre sens, j’avais l’impression qu’ils ne me laisseront pas partir de sitôt.
- Je vois la rue, maintenant. Je sais où aller, dis-je en essayant de me dégager.
Le type m’ignora, resserrant sa poigne autour de mes épaules, ouvrit la porte de la maison et me poussa pour me faire entrer. C’était une belle et grande maison spacieuse, s’ouvrant sur un corridor où, à gauche, un grand salon, à droite, une cuisine. Mes ravisseurs m’entrainèrent vers le salon, me lâchant qu’une fois assis sur le canapé en coin. Les cinq autres personnes étaient là aussi, sur ce même canapé, me regardant avec nervosité.
- C’est qui, lui ? demanda quelqu’un.
- On l’a trouvé dans la forêt, derrière, répondit celui au nez cassé. Il se serait perdu.
- Il a de beaux cheveux, en tout cas, ricana une fille. Tu savais que les mèches, c’est passé de mode depuis plusieurs années ?
Je serrais les poings, sentant la colère monter en moi. C’était par ce genre de personne qu’Elwin c’était fait intimidé, un temps. C’était aussi par ce genre de personne que j’avais appris à ne pas avoir peur de frapper quelqu’un.
- J’aime le bleu, dis-je simplement.
- Eh bien, ça fait bizarre.
- Je paris que c’est même pas un vrai blond, dit une autre fille.
À bout de patience, je me levais du canapé et partie en direction de la porte d’entrée, mais je n’avais fait que trois pas quand deux des gars m’agrippèrent chacun par un bras et me forcèrent à me rasseoir. Là, j’étais vraiment en colère.
- Hé, tu nous as même pas dit ton nom !
- Mathieu, dis-je, c’était le premier nom qui m’était venu en tête. Maintenant, il faut que je parte...
Je me relevai encore une fois du canapé. Et cette fois encore, les autres se levèrent aussi pour me barrer le chemin. Je serai les poings, me demandant pendant un instant sur quel visage l’envoyer.
- Alors quoi, vous voulez me retenir prisonnier ? m’énervais-je. Vous voulez vous amuser un peu avec moi, peut-être ?
- Oh, c’est que t’as de bonnes idées, toi ! ricana le nez cassé. Mais avant, il faut encore qu’on se présente. Moi, je m’appelle Shan. Et voici Vicki, Vanessa, Clark, Phil, Sammy et Frank. Voilà, maintenant que c’est fait... Qu’est-ce que tu voulais ? Qu’on te revienne prisonnier ? Eh bien, c’est comme tu veux !
J’essayai de lui enfoncer mon poing sur son nez déjà abimé, mais il évita le coup et me coinça le bras derrière le dos avant de me pousser pour que j’atterrisse à plat ventre sur le sol. Shan se pencha devant moi, et Clark s’assis sur mon dos pour m’empêcher de me relever.
- Tu sais, au États, on a le droit de tuer quelqu’un qui viens sur une propriété privée. Légitime défense.
- Mais on est pas au États, crétin ! hurlais-je. Tue-moi, et tu vas aller en prison, crois-moi !
- On est à cinq minutes de la frontière, dit-il en riant. Et je suis née de l’autre côté, au Maine.
- C’est pas pour être raciste, mais les américains sont vraiment cinglé !
Shan éclata de rire, et Clark me remit sur pied.
- Vous allez très vite regretter ce que vous faites, dis-je en les dévisageant tous un après l’autre. J’ai un ami, et quand il m’aura trouvé, il vous enverra tous à l’hôpital!
Faites seulement qu’il ne les envoie pas à la morgue...
Voyant qu’ils riaient encore, je décidais d’y aller franc jeux. C’était peut-être ma dernière chance de me sortir de ce trou.
- Je m’appelle pas Mathieu ; je m’appelle Simon Bowan !
- Et alors ? dit Shan.
- Googlez-moi, vous aller voir.
Avec un soupir, la dénommé Vicki sortie son téléphone de sa poche et fit la recherche. Une dizaine de secondes plus tard, ses yeux s’agrandirent et sa bouche s’ouvrit bien grand. Elle leva les yeux vers moi, puis l’écran, plusieurs fois, peut-être pour s’assurer que je correspondais à la photo.
- Shan, murmura-t-elle.
- Quoi ?
Tout le monde se regroupa derrière elle pour regarder l’écran, et tous eux la même expression ; la peur. Seul Shan et l’autre qui me tenait ne savait toujours pas où était le problème.
- Quoi, qu’est-ce qui a ? demanda-t-il encore.
- Il, heu... marmonna Vicki. C’est... un meurtrier !
Clark me relâcha aussitôt et recula de plusieurs pas. Mais avant même que je pu faire un mouvement, Shan se précipita vers moi pour ma plaquer au sol.
- T’es fou ? Il faut pas le lâcher ! T’imagine, une seconde, qu’il se décide de tous nous tuer ?!
- La faute à qui ? répliquais-je en essayant de me débarrasser de lui sur mon dos, sans y parvenir. C’est toi qui m’a entrainé ici, petit crétin !
- Il a pas tort, marmonna Phil, qui était toujours à fixer l’écran, peut-être à lire l’article parlant de moi.
- Laissez-moi partir, je vous promets que je vous ferrais rien. Tout ce que je veux, c’est continuer ma route... Je m’étais arrêté ici pour la nuit, je n’ai jamais eu l’intention de faire autre chose que dormir ! Mais je n’y arrivai pas, et j’ai décidé d’aller fumer. J’ai vu une lumière, je me suis demander ce que c’était, je suis aller voir, et je vous ai vu. J’ai voulu me retourner, mais vous m’avez entendu, et je n’ai pas pu partir! Comprit?
- Peut-être bien, dit Shan. Peut-être aussi qu’il vaudrait beaucoup mieux d’appeler la police. Va chercher le téléphone !
Sammy partie dans la pièce d’à côté et revint avec un téléphone dans les mains.
- JE T’INTERDIS ! hurlais-je.
Sammy se figea aussitôt, pétrifié. Je profitai du moment de confusion pour me débattre comme jamais, et je parvins enfin à faire tomber Shan de côté. Nous nous battîmes un peu sur le plancher, sans que lui ou moi parvienne à frapper vraiment l’autre.
- 911, quel est votre problème ?
Je sautais aussitôt sur mes pieds pour foncer vers Sammy avec le téléphone dans les mains. Il figea encore une fois en me voyant foncer vers lui et lui arracher le téléphone des mains.
- Aucun problème ! dis-je dans le combiné.
Je raccrochai la ligne, puis laissait tomber le téléphone au sol et sautait à plusieurs reprises dessus. Je sentais mon visage rouge, tellement j’étais exaspéré. Pire que la fois où mon père m’avait privé de sortie pour être arrivé à la maison totalement soul. En réalité, c’était la toute première fois que j’avais bu – je n’avais presque rien bu, seulement, je l’avais bu trop vite, et ça m’avait tué...
- Qu’est-ce qu’il faut que je fasse pour que vous me laissiez tranquille ?! hurlais-je.
Personne ne me répondit, pas même Shan. Je profitai du moment qu’ils étaient tous figé pour retourner vers la porte d’entrée en courant. Je passai la porte et me remis à courir vers la forêt, refaisant le chemin inverse. Il fallait que nous partions d’ici au plus vite, car je doutais fort qu’ils n’ont qu’un seul téléphone dans cette maison, et qu’ils allaient se retenir d’appeler la police encore une fois.
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