C'est beau Paris, surtout de nuit. La voilure céleste tombe sur cette grande métropole, obligeant réverbères, fenêtres, boutiques et phares à s'allumer. L'air chauffé par les gaz d'échappements et le soleil de la journée se rafraîchit, ce qui n'est pas mal en ce début d'été précoce. Malheureusement, la vue n'est pas superbe de là où je suis, rue de Bretagne. En face de moi, une rangée d'immeuble de tailles et d'aspects différents, imbriqués les uns à côté des autres, m'empêche de voir plus loin. Mais je ne suis pas là pour le paysage évidement, le boulot d'abord... Mon client est en retard de deux jours, c'est pour cela que je poireaute depuis deux jours, à regarder le plafond de l'appartement, ou de regarder les passants aller et venir. Après, je m'en fous, ce n'est pas moi qui paye l'appartement, et j'ai de quoi me nourrir pour une semaine. J'en profite pour me prendre une bouteille d'eau et d'en descendre la moitié d'un coup. Je soupir en mettant la télé en marche. C'est inadmissible de me faire perdre mon temps comme cela, j'aurais pu caser au moins deux clients entre-temps. Mais je suis à la botte du grand Patron, alors je ferme ma gueule, et j'attend. Je mets la télé non pas pour la regarder, mais pour avoir une autre ambiance que le silence, ou le bruit de mes voisins d'à côté et d'au dessus.
Je craque une cigarette. Je préfère en fumer une le travail fait, mais j'en suis en manque, alors j'en allume une, et je fais de longues aspirations de nicotine, pour les recracher tout de suite après, d'un air blasé et satisfait. Je regarde la rue, les voitures qui la traversent phares allumés, les gens qui passent, les boutiques éclairées, les piafs, les chiens, les chats, et autre formes vivantes dans l'ombre. Tout cela ne savent pas que je m'ennuie à mon balcon, à attendre mon client. Je dois normalement le voir au restaurant en face, un petit bistrot sans prétention, un coin discret dans une rue discrète. Mon client est discret, comme la plupart de mes clients au final... Je jète ma clope par la fenêtre quand elle est terminée, et je rentre, en fermant la fenêtre. Je me couche sur le lit, en vérifiant mon portable. Toujours rien. Je râle, et je pose mon téléphone sur la commode. Ça m'énerve de ne rien faire, ou de perdre mon temps inutilement. Si c'est pour attendre le temps de rejoindre un client, dans un train, un avion, ou n'importe quel moyen de transport, cela ne me fait rien. Mais là, je ne fais rien, et cela m'agace de plus en plus, d'autant plus que je peux pas demander au Patron. Silence radio dans les deux sens. Je commence à m'endormir sur le lit molletonné, bercé par une télé qui parlait pour finalement ne rien dire...
Un bip reconnaissable me réveille de ma torpeur au bout d'un moment. C'est un message du Plus Haut

"Client arrive dans 5 minute."

Ce message me réveille tout à fait. Je n'ai plus de temps à perdre, je dois me préparer. La nuit est encore là, mais cela ne me dérangera pas, pas non plus cette petite brise froide. Je prépare mon poste de travail. J'ai juste le temps de finir que mon client arrive, dans une berline noire aux vitres teintées. Il descend, regarde à droite et à gauche, comme s'il s'attendait à être suivi, et rentre rapidement dans le restaurant. Il n'a pas le temps de rentrer, il s'écroule à terre, et un filet de sang coule depuis la tête, là où une balle de fusil à longue portée est rentrée. Je sors délicatement le canon de mon fusil du trou dans la fenêtre où il était, et je me mets en retrait, avec un air satisfait.
Je m'appelle Bleacher, tueur en série pour le monde, tueur à gage pour ceux qui payent, et mon travail de ce soir est terminé.