Août

Puisque c'est trop dispendieux et que je refuse qu'on puisse me retrouver grâce à ma plaque de voiture, je n'en ai pas. Kyle est donc passé me chercher à mon appartement pour qu'on se rende ensemble à l'université, pour la rentrée. Tout au long du trajet, je regarde partout, m'imprègne du paysage urbain que j'ai pourtant déjà eu la chance d'admirer plusieurs fois. Par contre, aujourd'hui, c'est différent. Mon rêve se réalise enfin et je dois me pincer pour être sûre que c'est réel.

— Je n'arrive pas à y croire !

— Pourtant, dans quelques minutes, tu franchiras le seuil de cette porte, rétorque Kyle en se garant dans le stationnement réservé aux étudiants.

J'observe la bâtisse, des étoiles plein les yeux, puis sors du véhicule, accompagnée par mon meilleur ami. La cour extérieure est magnifiquement aménagée. Le gazon est vert, les fleurs colorées et, au centre, se trouve même une fontaine en pierre. C'est beau, paisible, surtout quand le soleil est au rendez-vous comme aujourd'hui.

Nous récupérons nos effets personnels dans le coffre de la voiture de Kyle et nous dirigeons vers l'entrée principale, où des étudiants excités sont déjà agglutinés devant les grandes marches en pierre qui mènent au deuxième étage. On nous remet d'abord un dépliant qui contient le plan du campus et l'emplacement de nos classes. Je découvre l'immeuble pour la première fois et suis subjuguée par l'espace qui m'entoure. De hauts plafonds à motifs, d'immenses poutres blanches, des planchers chics, dignes d'une salle de bal.

— Je suis trop contente d'être ici ! m'exclamé-je en sautillant comme une gamine à côté de mon meilleur ami qui consulte son plan de cours.

— Et moi donc ! J'espère qu'on pourra faire équipe ! dit-il en relevant les yeux vers moi.

— Moi aussi, ce serait trop chouette de danser ensemble !

— Certains profs nous imposent un partenaire, j'ignore si ce sera le cas ici.

Je grimace. Je préfère pouvoir choisir avec qui je veux danser. S'il n'y a aucune symbiose entre deux parties, c'est voué à l'échec.

Nous terminons de visiter les lieux, puis nous assistons au mot de bienvenue de la direction et des enseignants. On nous remet la liste des effectifs et nous attribue un casier pour déposer nos affaires.

Puisqu'il n'y a pas de salle de musculation dans l'enceinte de l'école, on nous suggère fortement de nous inscrire dans un gym pour entretenir nos muscles.

— Je connais un endroit près d'ici où tu pourras t'entraîner, énonce Kyle. C'est à mi-chemin entre l'école et ton appartement. Il y a un arrêt de bus juste en face.

— Tu crois qu'on peut y faire une escale tout à l'heure ?

— Pas de soucis.

***

Une fois la journée terminée, Kyle me conduit à la salle de sport dont il m'a parlé. On roule pendant dix minutes avant de s'arrêter dans une rue pleine de commerces, où une affiche nous indique que nous sommes arrivés. Mon meilleur ami se gare devant l'enceinte du Cardio Max et m'encourage à le suivre.

— Tu t'es déjà entraînée dans une salle de gym ? me demande-t-il alors que nous marchons vers l'entrée.

— Non. Généralement, je fais de la course à pied et du Pilates à la maison.

— Dans ce cas, tu auras besoin de quelqu'un d'expérimenté pour te montrer comment fonctionnent les machines.

Je ris. Ça ne peut pas être si terrible que ça, si ?

— Rigole si tu veux, mais je te jure que si tu n'as jamais touché à tous ces machins, tu auras besoin d'aide. Sinon, tu risques de te blesser, m'explique-t-il en m'ouvrant la porte.

— Merci, soufflé-je en passant devant lui. On pourrait s'entraîner ensemble ?

— J'ignore si nos horaires nous le permettront, et puis, avec ton job au bar, je doute que tu aies le temps d'y aller en soirée.

— Merde, je n'y avais pas pensé ! Je vais devoir me lever super tôt pour réussir à tout faire en une seule journée !

— Tu ne peux pas demander une modification d'horaire à Gabriel ?

— Pas vraiment, j'ai accepté le job en connaissance de cause.

— De toute façon, tu n'auras pas besoin de venir tous les jours. Deux ou trois fois par semaine suffiront.

Alors qu'on arrive à l'accueil, la voix de Kyle baisse le ton. Je me tourne vers l'objet de son malaise et reconnais Jake derrière le comptoir.

— Dis, Lyra, ce n'est pas...

— Si... le coupé-je en m'arrêtant net.

Je suis surprise de le croiser de nouveau par hasard, mais aussi un peu mal à l'aise.

— Tu sais que tu vas devoir lui parler pour obtenir un abonnement ?

— J'avais bien compris, merci ! m'exaspéré-je.

La dame devant nous termine son inscription avant de partir, nous laissant le champ libre. Jake tape quelque chose sur l'ordinateur, puis reporte son attention vers nous. S'il semble surpris de me voir, il ne le montre pas. En revanche, sa bouche s'étire aussitôt dans un sourire ravi.

— Comme on se retrouve !

Je roule des yeux tandis que l'envie de rebrousser chemin s'insinue en moi. Kyle doit le sentir, car il pose une main dans le creux de mon dos pour me forcer à avancer.

Je comble la distance entre Jake et moi, puis m'accoude sur le comptoir de l'accueil.

— Que puis-je faire pour vous ? nous questionne-t-il, passant de Kyle à moi.

— Je suis déjà membre, mentionne ce dernier. On est ici pour elle.

Le sourire moqueur qui ourle ses lèvres ne m'échappe pas. Il prend visiblement plaisir à me voir marcher dans les plats.

— Je vais avoir besoin de ton nom complet, précise Jake avec un air ravi.

— Lyra... soufflé-je entre mes dents.

— Je n'ai pas bien entendu, me nargue-t-il.

Je me redresse, affrontant son regard avec détermination.

— Lyra, répété-je plus fort. Lyra Adams.

— Enchanté de te rencontrer officiellement, Lyra !

Moi qui comptais le faire patienter encore un peu avant de me présenter, il a réussi à me soustraire les informations. Ça me déçoit, j'aimais bien le petit jeu du chat et de la souris qui s'était instauré entre nous. Manifestement, le destin est contre moi.

Il entre mes données sur l'ordinateur, me crée un dossier, puis active ma carte d'accès.

— Ça fera trois cents dollars pour l'année. Ton abonnement sera renouvelé automatiquement l'an prochain, à moins d'une annulation de ta part.

Je suis surprise de constater que c'est aussi cher, mais comme je n'ai pas d'autre choix, je me résigne à payer le tout.

— Tu comptes venir ici souvent ? me demande Jake, ancrant ses iris aux miens.

— Quelques fois par semaine. Et toi, tu travailles ici ou ce n'est qu'un passe-temps avant de monter sur scène ? rétorqué-je, moqueuse.

Un rictus amusé prend forme à la commissure de ses lèvres, que je ne peux m'empêcher de les fixer.

— Je travaille ici à temps partiel comme entraîneur.

— Alors, coach sportif le jour et stripteaseur la nuit ?

Son expression faciale change du tout au tout. Il passe une main dans ses cheveux et fuit mon regard, comme s'il avait honte de ses activités nocturnes.

— Si tu pouvais éviter de le crier sur tous les toits, ça m'irait bien, lâche-t-il sur un ton rempli de reproches.

— Pourquoi ? C'est un secret ?

— Disons que je ne le fais pas de gaieté de cœur. J'ai besoin de cet argent pour... Peu importe, ça me regarde !

Il semble sur les nerfs, je l'ai vraiment énervé, cette fois. Mon estomac se serre, je suis allée trop loin. Je lève les mains en signe de défaite, puis attrape la carte qu'il me tend.

— Bonne journée, Lyra, souffle-t-il, las.

Après m'avoir congédier, il détourne les yeux pour les poser sur son écran.

Je rejoins Kyle, qui pianotait sur son téléphone derrière moi, et nous quittons la salle de sport.

— Dis donc, tu l'as drôlement énervé ! s'écrie mon ami alors que nous prenons à nouveau place dans le véhicule. C'est quoi ton problème avec ce mec ?

— Je te l'ai déjà dit. Il m'exaspère, c'est tout.

— Ce n'est pas plutôt le fait qu'il t'attire qui « t'exaspère » comme tu dis ?

— Pas du tout ! tranché-je. Il ne m'intéresse pas !

— Ouais... À d'autres.