Vous savez ce qui l'a trahie? Ce n'était pas tant son léger tic nerveux quand elle fit entrer le lieutenant Maxime Robin, le sol jonché de lettres non ouvertes et d'emballages alimentaires. Ni la tension manifeste de tous ses muscles comme si elle s'apprêtait à bondir. Non, ce fut son refus de reconnaître la mort de son fiancé, Lucca Dubois. Il ne s'agissait guère d'un refus désespéré, celui d'une jeune femme qui se voyait déjà mariée et heureuse comme en avait attendu le lieutenant. Mais d'un refus net, pas triste ni impuissant, c'était une affirmation. « Il n'est pas mort, avait-elle déclaré d'une voix de glace sans tremblements, il reviendra ». Son regard avait alors plongé dans celui de Maxime, et ce qu'il y vit, l'emplit d'effroi. C'était un regard de mort, si noir...

Opération de police du 30 novembre 2001 dirigée par le lieutenant Maxime Robin de l'arrestation de mademoiselle Mary Vermelin, 23 ans, poursuivie pour cinq chefs d'accusation d'assassinat:

Mary courait. Un point de côté lui déchirait le ventre. Ne pas s'arrêter. Ne pas s'arrêter. Plus vite. Plus vite. Des branches sciaient sa peau, blanche, presque transparente. Des arbres apparaissaient en plein milieu de son chemin. Les hululements des hiboux sonnaient comme des reproches. Le vent faisait frissonner les feuilles, les arbres riaient. L'humidité de la mousse du bois dégageait une odeur écœurante, putride. Son sang pulsait dans ses oreilles , les cris de la demi-douzaine de policiers qui lui ordonnait de se rendre lui semblait loin, loin. C'était la fin. Lucca serait toujours là pour gâcher sa vie même s'il elle l'avait tué cinq fois. Mary pensait en avoir fini, dans ce couloir obscur, et puis elle l'avait revu dans une fête étudiante, au détour d'un virage, dans une course de fond en pleine montagne, pourtant, Lucca détestait courir. Et aussi dans le métro quand elle avait tenté de lui voler son portefeuille, ou au bord d'une rivière en train de pécher, alors qu'elle se promenait. Les mêmes cheveux d'or, des yeux océan, un corps de héros grec tel Samson. Elle avait dû le tuer encore et encore et il revenait encore et encore. Des larmes de rage coulèrent sur ses joues, des larmes de sang. Mary présenta son visage au ciel, la nuit, elle seule la connaissait vraiment. Soudain, la forêt s'écarta pour laisser place à une falaise abrupte. Elle l'appelait comme une douce voix de sirène, envoutante. Son chant était si beau...Une légère nappe de bouillard dissimulait le bas de la paroi, tel un doux matelas de plumes, si doux...A bout de souffle, Maxime l'avait rattrapé. De sa lampe, il éclairait désormais son visage cadavérique, un fantôme, les vêtements déchirés. Il regardait Mary avec terreur, comme s'il comprenait ce qu'elle allait faire. Lucca était devant-elle, déguisé en policier cette fois-ci. Non, non, non ! Pas lui ! Mary se pris le visage entre ses mains, se plia en deux, et lâcha un sinistre hurlement de douleur, elle ne savait plus où elle était. Ça tournait, tournait. Les étoiles venaient la chercher. « Pitié » souffla-t-elle en tombant en arrière, elle alla rejoindre les sirènes.