Le hameau de Noria est la représentation typique des villages alpins. En pierre et en bois, une église surplombe tous les toits. Une certaine sérénité s'échappe de ce coin isolé, loin de l'effervescence des grandes mégalopoles. Pour peu, sans quelques détails anachroniques, je me serais cru dans les années 40... et je déteste ça.

A mon plus grand étonnement, je me rends compte que pour rien au monde, je ne voudrais retourner vivre dans le passé. Je ne changerais rien à ma vie et revenir sans Bucky, évoluer dans Brooklyn sans lui, je n'aurais pas pu. Je me serais probablement fiancé à Peggy, continué l'armée et tout ce qui va avec. J'aurais même aidé à la fondation du Shield ! Mais tout ça, c'est le rêve de Captain America, pas de moi.

Les années 2000 m'ont apporté l'anonymat, la liberté et la chance de tout recommencer. L'identité de Chris me permet d'être celui que j'ai envie d'être, pas celui qu'on aimerait que je sois. Et si pour cela, je dois abandonner le nom de Steve Rogers, je le ferais.

-          Hey Chris ?

-          Oui ?

-          Je me posais une question sur Bucky...

-          Laquelle ?

-          Pourquoi personne ne sait qu'il était également un supersoldat ?

-          Il ne l'était pas.

Je fronce les sourcils en voyant le regard étonné de Maisie. Visiblement, elle sait quelque chose que j'ignore. Enfin, pas que cela m'étonne.

-          Pourquoi cette question ?

-          C'est juste que... Quand on est parti à la recherche de Bucky, j'ai voulu en savoir un peu plus sur lui. Toi, on t'a étudié en cours mais le reste des Commandos... J'ai dû apprendre leur nom un jour... Enfin bref, j'ai demandé à JK s'il pouvait me trouver des infos.

-          Bien que je sois assez mal à l'aise que tu ais étudier ma vie à l'école, qu'as-tu appris sur Bucky ?

-          JK a fait un super travail de recherche et a pu me sortir son dossier de l'armée. Au départ, il était dans la moyenne haute sur le plan physique, mais après la formation des Commandos, ses compétences ont été décuplé.

-          Pourquoi personne n'a rien vu ?

-          Surement à cause de toi, répondit Maisie en haussant les épaules. Tes statistiques sont hautes et tout le monde savait que Bucky était le meilleur après toi. Clairement, personne n'a fait attention. Mais si tu le compares aux autres, il est clairement optimisé ou au moins renforcé.

-          Azano...

Dans ma tête, les images du camp me reviennent à l'esprit. J'aurais dû le voir ! Bucky était dans un sale état sur la table d'opération, évidemment que les scientifiques avaient commencé les tests ! Je suis stupide !

-          J'ai abandonné mon frère... Si ça se trouve, il a survécu à sa chute et je l'ai laissé agoniser dans le froid... Je suis un monstre !

-          Ne dis pas de bêtise ! Tu ne pouvais pas savoir !

-          Je l'ai abandonné...

-          Non, tu as fait ce qu'il fallait. Je suis certain que si nous pouvions poser la question à Bucky, il serait d'accord avec moi.

-          A ma connaissance, on ne peut pas réveiller les morts, fis-je remarquer, acerbe.

-          Peut-être ne l'est-il pas ?

Malgré moi, mon cœur manque un battement à la supposition de Maisie. Bucky pourrait-il être encore en vie ? J'ai déjà sauté d'un avion sans parachute, alors même si Bucky n'a pas eu le véritable sérum, il aurait pu survivre à la chute. Mais dans ce cas, pourquoi ne s'est-il pas fait connaitre ?

La réponse me parvient presque aussitôt. Il a probablement été blessé ou, avec la neige, n'a pas pu rentrer. Qui sait ce qui a pu lui arriver ? Faisant un signe de tête à ma nouvelle cousine, je redémarre ma moto. La ville de Noria m'attend.

Le village est assez calme et le bruit de nos motos attire de nombreux regards. Ne sachant pas où nous rendre, nous nous arrêtons sur la place du village, où plusieurs hommes âgés viennent nous voir. Vu leur regard, ils sont méfiants. Sans leur laisser le temps de prendre la parole, je leur demande en mon français incertain.

-          Bonjour. Nous sommes bien au village de Noria ?

-          Qui le demande ?

-          Je m'appelle Chris Evans et voici ma cousine Angel.

-          Vous êtes anglais ? Intervient un jeune homme avec un fort accent.

A côté de moi, Maisie soupir de soulagement. Ne parlant pas un mot de français, elle avait peur d'être totalement inutile.

-          Nous sommes américains.

-          Je m'appelle Thomas et voici Gustave, l'ancien. Que faites-vous ici ? Que nous voulez-vous ?

Patiemment, je lui raconte l'histoire que nous avons inventé une heure plus tôt. La traduisant aux villageois autour de lui, l'adolescent est plutôt bon en anglais. Après quelques questions des anciens du village, ils semblent finalement nous croire et nous invitent au café du village, qui fait également auberge. Après avoir déposé nos bagages dans l'unique chambre louable, Maisie et moi redescendons avec le dossier sur Bucky.

Dans le café se trouve une dizaine de personnes, discutant tranquillement. Gustave est là, tout comme Thomas. Il y a également trois autres hommes présents sur la place et plusieurs individus que je ne reconnais pas.

-          Alors gamin, explique-nous qui tu recherches exactement.

Je souris à Thomas qui s'est approché et sort plusieurs photos et dessins de Bucky. Avec un peu de chance, quelqu'un se rappellera lui.

-          Voici le sergent James Buchanan Barnes, aussi surnommé Bucky. Il faisait partie de l'armée américaine pendant la seconde guerre mondiale, dans une équipe nommée les Commandos Hurlants.

-          C'était un gars du Captain ?

-          Oui.

-          Hum... Il n'y a pas beaucoup de survivant de cette époque... Peut-être que Jeannette pourra t'en dire plus...

Gustave montre une photo à plusieurs anciens et ils commencent à discuter trop rapidement en français pour que je puisse suivre la conversation. Existe-t-il une chance que Bucky soit en vie ? Dans ma poitrine, mon cœur bat plus vite.

-          Bon gamin, ton gars, y'a peut-être quelqu'un qui a des infos sur lui, c'est la vieille Jeannette. Elle a vécu au village pendant la guerre et elle est l'une des rares survivante de cette époque. A mon avis, tu pourras avoir des informations sur le gars que tu recherches.

-          Quand pourrions-nous la rencontrer ?

-          Surement demain après-midi. Aujourd'hui, reposez-vous.

-          Merci beaucoup.

Gustave hoche la tête et la conversation passe sur d'autres sujets, notamment nos vies respectives. Pour ma part, je m'invente une vie simple en tant que professeur d'histoire. Maisie, elle, parle de l'université et de la vie américaine. La soirée se passe tranquillement et nous finissons par aller se coucher, même si je sais par avance que j'aurais du mal à m'endormir.