J'ai oublié à quel point feinter un sourire et une attention est horrible. Depuis mon entrée dans le 21ème siècle, j'ai pu être moi-même, sans avoir de filtre. Et avant ça, j'avais Bucky à mes côtés. Maintenant, cependant, j'ai l'impression d'être revenu au temps des majorettes, juste après l'absorption du sérum, quand je ne maitrisais pas encore mon corps, que j'étais mal dans ma peau.

Au milieu de cette foule, dans cette soirée, c'est la même chose. Entre ceux bégayant en me voyant, ou ceux me prenant pour un abruti, je dois également me coltiner les rentre-dedans. Si seulement je n'avais pas parié avec Stark de jouer le prude une soirée entière ! J'aurais déjà pu en mettre quelques-uns à leur place, tout comme je l'ai déjà fait avec Ironman. J'aimerais tellement, ça couperait le sourire de cet idiot blond face à moi, qui ne prend même pas la peine de cacher la luxure dans ses yeux.

Dans ma poche, mon téléphone vibre doucement et j'utilise cette excuse pour m'éloigner de quelques pas avant de le sortir. Outre les deux douzaines de notifications des différentes applications que j'utilise, j'ai également reçu un message. Pas sur ma messagerie privée et mon numéro de téléphone, non, le message vient du forum officiel sur les Harley, sur lequel je passe beaucoup de temps. Grace à Tony, j'ai pu récupérer les deux motos que Bucky et moi rêvions d'avoir. Depuis, je passe mon temps à les restaurer manuellement. Le message provient d'un certain Shooter56898. J'ai l'impression de reconnaitre ce pseudo, probablement quelqu'un qui m'a déjà donné des astuces.

« De nos jours, les jeunes n'ont plus aucun respect pour leurs ainés »

Mes yeux restent une seconde de plus fixé sur le message, avant que je relève la tête à la recherche de Stark. Il n'y a que lui pour me faire ce genre de blagues vaseuses. Pourtant, il est en pleine conversation avec Rhodes et la ligne sur son front m'indique qu'il est concentré dessus. Clairement, il n'est pas l'auteur du message.

Natasha ? Non, elle boit un verre en draguant un gars, ce n'est pas elle. Clint non plus, il discute avec quelqu'un au téléphone depuis une petite demi-heure. Bruce alors ? Ce n'est pas son genre, surtout qu'il est rentré il y a plus d'une heure, alors qui ? Qui peut bien savoir qui se cache derrière Brook-Grant-44 ?

Dans la salle, les gens me dévisagent, mais sans plus, je ne reconnais personne. Personne n'est venu à mon secours. Peut-être est-ce quelqu'un derrière sa télé ? Après tout, le gala est retransmis en direct. Dans ma main, mon téléphone vibre une nouvelle fois. Toujours du même expéditeur.

« Sérieusement ? Je vais me sentir vexé Stevie »

La phrase fait rater un battement à mon cœur, alors que mon esprit me la récite avec la voix de Bucky. Bucky. Il m'a dit ça un million de fois, quand je lui disais que je n'avais pas besoin de son aide. C'est sa phrase, se sont ses chiffres. Son numéro de prisonnier à Azano, celui qui est tatoué sur son bras, qu'il ne montrait jamais à personne. Shooter56898. Comment quelqu'un peut-il savoir ça ?

« Tu as perdu ton entrainement ou quoi ? Même Stark a remarqué que ça ne va pas ! »

-          Un problème Cap ? Tu es vraiment pâle.

-          Je... La cryogénisation n'existe pas encore, pas vrai ?

-          Ce n'est pas une science exacte, mais s'est théoriquement possible pour une personne en très bonne santé comme toi. Pourquoi, tu veux faire une somme ?

Je ne lui réponds pas et reprend mon téléphone, ouvrant l'application de moto. J'espère ne pas me tromper...

« Maria est malade, elle a attrapé la fièvre »

« C'est une battante, elle s'en sortira. Une cuillère de miel et elle ira mieux »

Les mots se figent presque instantanément à l'écran, me replongeant dans le passé. Il s'agit de l'ancienne phrase qu'utilisait les Black Fox pour prévenir d'une nouvelle mission. Personne ne se souvient de ça, pas même JK. Et je sais que ça ne peut pas être lui, il est avec Maisie. Il ne prendrait jamais le risque de me contacter directement.

« Il faut qu'on parle, mais sans tes chiens de garde. On se retrouve devant les voitures volantes ? »

« En cours »

-          La Terre à Rogers, je répète, la terre à Rogers. Sérieusement ça va mon gars ?

-          Je dois y aller.

-          Oh non pas question. Tu viens de foutre la trouille à la moitié des personnes sur place, alors tu vas aller t'excuser et ensuite tu vas m'expliquer qui est ce Shooter56898 ? C'est quoi ce nom ? Et pourquoi tu dois le retrouver.

-          C'est un informateur et il a une piste sur Bucky, je dois y aller.

-          Je t'accompagne dans ce cas.

-          Non. Je n'ai pas besoin de toi pour me défendre. Occupe-toi de cette réunion.

Avant que Tony ne puisse argumenter de nouveau, je lui glisse mon téléphone si âprement défendu dans la poche avant de partir en courant. Je m'en fiche de passer pour un illuminé si je peux revoir Bucky...

Je me glisse dans la rue et entame un sprint vers la Stark Expo en passant par des coins sans grand monde. J'essaye également d'éviter les caméras, même si je m'en fiche un peu. D'un bond, je passe par-dessus la grille de cinq mètres bloquant l'entrée à l'exposition et me dirige vers ce qui autrefois était le stand de présentation de la voiture volante par Howard Stark. L'endroit est vide. A une heure du matin passé, seuls les gardiens rôdent encore par ici.

Pour la première fois depuis un moment, ma respiration est erratique. Pas à cause de la course, mais à cause de la situation. Je dois savoir.

-          3 minutes 47, record battu.

Je reconnais cette voix. Je la connais par cœur. Devant moi, sortant de l'ombre, se tient Bucky, un chronomètre à la main. Il a changé depuis la guerre, tout comme j'ai changé. Il a un peu vieilli, paraissant plus dans les 35 ans que dans les 30 comme moi, même s'il est bien conservé pour son âge. Il a changé de coiffure, est plus musclé, plus mature, toujours Bucky.

Sans pouvoir m'arrêter, je le prends dans mes bras dans une étreinte poulpesque, reconnaissant son odeur alors qu'il rigole doucement au creux de mon oreille. C'est bien lui. Après plusieurs longues secondes, je me détache légèrement et ma main vient palper son épaule droite. Pourtant...

-          Un joyeux cadeau d'Hydra. Il voulait tester leurs automails.

-          Bucky je...

-          T'inquiète, tu n'es jamais à l'heure de toute façon, sourit mon meilleur ami.

-          Je n'aurais pas dû te laisser tomber, ou sauter après toi. Je suis tellement désolé.

-          Le passé est passé, mais j'ai besoin de toi, maintenant.

-          Sérieusement ? Tu quittes la fête pour aller rejoindre ton petit-ami ?

La voix de Tony Stark coupe la discussion. D'un même geste témoignant de notre habitude à nos battre côte à côte, nous faisons face au milliardaire, ou plutôt, à Ironman. J'aurais dû me douter qu'il me suivrait, même en ne prenant pas mon téléphone. Bon, autant faire les présentations avant que ça dégénère.

-          Bucky, je te présente Antony Stark, le fils d'Howard. Tony, voici le sergent James Buchanan Barnes des Commandos Hurlants et mon meilleur ami, présumé mort depuis plus de 70 ans.

-          J'espère pour toi que ce n'est pas un complet batard comme son père...

-          Langage ! Et Howard n'était pas si...

-          Si quoi ? Il prenait tous les mecs de haut et les femmes pour des Mary-couche-toi-là. Franchement, je me demande comment une femme a pu accepter de l'épouser !

-          Ce n'est pas parce que vous vous détestiez qu'il fût autant... horripilant avec les autres.

-          Même Peggy l'a giflé ! Elle, le sang-froid a l'état pur !

-          Elle m'a tiré dessus !

-          Tu as couché avec une secrétaire dans la salle des archives aussi et elle vous a surpris.

-          Barnes, comme le sergent Barnes, le gars que l'on recherche depuis ton réveil ?

La prise de parole de Tony nous rappelle à l'ordre. Effectivement, il y a des discussions plus importantes à avoir.

-          Bucky, comment peux-tu être en vie ? Et ici ?

-          Justement, c'est pour ça que j'ai besoin de toi, je crois que j'ai servi d'arme à Hydra.