D'un geste automatique, je saute sur la personne qui m'a interpelé, la plaquant contre un mur. Il me faut quelques secondes pour comprendre qu'il s'agit d'une femme d'une vingtaine d'années. Brune avec des yeux bleus semblable aux siens, elle est assez quelconque, même si plutôt jolie. Relâchant ma prise pour ne pas paraitre indécent, je lui demande durement.

- Qui es-tu ? Comment m'as-tu trouvé ?

- Je suis là pour t'aider abrutit ! Le boss a été alerté par ton message et m'a demandé de te faire quitter la ville au plus vite.

Pour le prouver, elle me montre son avant-bras gauche où se trouve un tatouage surprenant. Il s'agit d'une sorte de serpent sortant d'un crâne. Le renard stylisé de notre organisation est caché dans les ombres du crâne. C'est assez glauque.

- Ça fait trois heures que je t'attends. La voiture n'est pas loin.

- Merci mademoiselle, mais...

- Gars, je suis une extractrice. C'est mon taff de te faire quitter la ville alors tu vas remballer ton égo et faire exactement ce que je dis. Contrairement à toi, je ne me suis pas fait chopper et je ne suis pas en danger, alors tu bouges maintenant.

Sans me laisser le temps de répliquer, la fille tourne les talons, s'engouffrant dans un autre couloir. N'ayant pas d'autres solutions, je la suis, la détaillant au passage. Pas très grande, pas plus d'un mètre soixante, elle porte la tenue typique des adolescentes de cette époque : chaussures plates blanches, short court, top couvrant à peine la poitrine et des cheveux remontés en chignon à moitié défait. Elle n'a clairement pas l'apparence attendue d'une extractrice, c'est peut-être mieux. Même si Fury est un parano, il ne devrait pas imaginer le pudique Steve Rogers avec une gamine comme elle.

Nous finissons par arriver à une porte verrouillée par un code que la demoiselle s'empresse de taper. Pourtant, avant de sortir, elle se retourne vers moi en remettant du rouge à lèvres et m'embrasse simplement au coin des lèvres avant de les mordiller. Furieux, je me recule alors qu'elle passe ses mains dans mes cheveux, me décoiffant totalement.

- Qu'est-ce qui te prend ?

- Je parfais notre couverture, idiot ! Dès que le patron t'a vu entrer, il m'a prévenu et je suis entrée ici avec un gars de manière explicite sur nos intentions. Si tu ne veux pas te faire repérer, tu dois prendre l'apparence du mec qui m'a troussé, alors bouge !

- Mais c'est...

- Bon sang ! Tu n'as pas fait vœu de chasteté non ?

Malgré moi, je fais non de la tête et mon extractrice reprend son travail, mettant mes cheveux en bataille. Elle me pose aussi une fausse barbiche et une paire de lunette ronde sur les yeux, changeant totalement mon apparence. Clairement, je ne pense pas que Fury pourra me reconnaitre. C'est peut-être le mieux... Sans attendre plus longtemps, mon extractrice me prend la main et me fait sortir du placard, me jetant ce qui pourrait être un regard langoureux pour un observateur extérieur. En la voyant se déhancher devant moi, je ne peux m'empêcher de penser qu'elle est déjà allée plus loin que quelques baisers avec l'un de ses clients.

A peine la pensée m'eut-elle traversé l'esprit que je me reprends. Je n'ai pas le droit de la juger. Cette époque est bien différente de la mienne. Et puis, sans elle, aucune chance de m'en sortir. Je ne sursaute pas quand je sens les clefs de la voiture dans ma main et je vais me placer derrière le volant, me retenant d'aller lui ouvrir la porte. Fury me reconnaitra immédiatement.

Heureusement pour moi, la voiture est une vieille Ford manuelle, je ne devrais pas avoir trop de mal. Mon sac posé à l'arrière, nous quittons le parking dans un silence tendu et reprenons la route.

- Le boss m'a dit de t'accompagner jusqu'où tu voudras et de t'aider dans tes tâches. Prend à droite et prend le boulevard en direction du nord.

- Habituellement, les extracteurs amènent les demandeurs justes en dehors de la ville, les choses ont changé ? Répondis-je en m'exécutant.

- Tu es un cas particulier. Le boss a un peu enquêté sur toi et sait que tu es pourchassé par le Shield. Comme je devais également partir, il m'a demandé de t'évacuer. Va jusqu'à la sortie de la ville et prend l'autoroute.

La demoiselle tombe dans le silence et je n'ose pas reprendre la parole. Visiblement, elle est sur les nerfs. Pour que le boss lui donne l'ordre de partir avec moi et m'accompagne, c'est qu'elle doit être en danger.

Nous continuons à rouler en silence en passant des policiers en faction. Je reconnais aussi plusieurs agents du Shield, mais aucun ne semble me reconnaitre. Le déguisement fourni par mon extractrice est particulièrement réussi.

- Prend la sortie N180.

- Où va-t-on ?

- Au petit aéroport à la sortie de la ville, mon aéronef s'y trouve. Nous avons un plan de vol jusqu'au Texas.

- Tu sais voler ?

- Pourquoi tous les mecs me posent constamment cette question ?

- Je m'excuse, je n'aurais pas dû mettre en doute tes compétences.

A côté de moi, mon extractrice fronce les sourcils et m'observe. Elle me détaille un long moment avant de reprendre la parole d'une voix étonnée.

- C'est bien la première fois qu'un de mes demandeurs s'excusent. Tu n'es vraiment pas commun toi. Je m'appelle Maisie.

- Steve Roger.

- Ravi de te rencontrer Steve.

Je souris à Maisie. Finalement, notre voyage se passera peut-être bien. Gardant mon attention sur la route pour ne pas me faire repérer, je m'étonne tout de même.

- Je ne pense pas que prendre l'avion soit discret. Nous ne devrions pas nous cacher ?

- Non, c'est exactement ce qu'attend le Shield. Ce genre d'organisation a plus de contact dans les bas-fonds de la société qu'au gouvernement. Même s'il pirate les caméras, il aura du mal à interroger des fonctionnaires, nous sommes donc plus en sécurité dans la légalité. Et puis, j'ai déjà un plan de vol vers Tokyo. Un voyage d'affaire, tout est en règle et tu es mon co-pilote. Prend à droite.

Suivant ses instructions, j'amène la voiture jusqu'à un parking réservé aux pilotes. Là, la miss récupère des housses dans le coffre et nous nous rendons jusqu'au bâtiment réservé au personnel pour nous changer. Quelques minutes plus tard, me voilà en tenue de pilote. Fury ne me retrouvera jamais.

Maisie et moi allons vite déposer nos affaires dans le jet et nous accueillons nos passagers, un couple de japonais rentrant chez eux. Quelques minutes plus tard, nous décollons.