Felicia rentre chez elle bien plus tard que son acolyte, Spider-Man, après leur petit duel amical. Bien qu'elle n'avait pas très envie d'utiliser ses mutations contre lui - surtout après la fois où il est tombé de sa fenêtre -, la blonde doit avouer que c'était un bon moment passé ensemble. Spider-Man le manquait depuis quelques temps, sa joie est donc revenu instantanément en le voyant.

Peter avait reçu un coup de téléphone de la part d'un inconnu avant qu'il ne parte aussitôt. Et d'après les chuchotements du jeune homme, elle a bien comprit qu'il ne voulait pas que son interlocuteur - ou interlocutrice - sache qu'il est en présence de Black Cat.

― Tu me trompes ? plaisante Felicia en arrivant derrière le héros, puis passe ses bras autour de sa taille. Tu vois d'autres filles dans ta vie, c'est ça ?

Peter sursaute légèrement dû à la rapidité de la jeune femme, tandis que ses sens d'araignées ne l'ont pas prévenu qu'elle arrive dans son dos. Ne lâchant pas son téléphone, il murmure un léger au revoir avant de raccrocher immédiatement et de ranger le portable. Se mettant face à elle, cette dernière retire ses bras d'autour le jeune homme en gardant son éternel sourire en coin sur ses fines lèvres.

― Quoi ? Euh... mais non !

Felicia éclate de rire en voyant qu'il bafouille devant sa question. Il se gratte même la nuque, un tic qu'elle a remarqué chez le jeune homme quand ils parlent d'amour. Elle trouve ça plutôt mignon...

― Ne t'inquiète pas, Spidey, c'est ta vie privée, tu fais ce que tu veux.

La jeune femme pose ses mains sur ses hanches avant de reculer légèrement. En lui tournant le dos, elle lui adresse un énième sourire, celui dont elle ne se prive jamais quand elle est en la compagnie du super-héros.

― Cela n'empêche que je peux quand même faire la peau aux autres filles qui te touchent... termine-t-elle dans un chuchotement.

Les traits du visage du jeune homme se tirent sous son masque. Felicia serait prête à parier qu'il grimace, prenant au sérieux ce qu'elle vient de dire. Evidemment que non, si elle s'en prend à ses potentielles concurrente, il saura immédiatement que c'est elle. Or, c'est le parfait moyen pour que Spider-Man lui en veuille, tout le contraire de ce qu'elle souhaite. Alors, comme une petite fille sage, elle jalousera de son côté les filles qui s'approchent de lui, sans jamais toucher à leurs doux cheveux.

― Quoi ? s'exclame soudainement Peter.

― C'est bon, je rigole.

La blonde esquisse toujours son sourire, amusée, même si soudainement elle se met à songer aux femmes qu'il aime. Un goût amer se mélange à sa joie, lui faisant perdre son sourire. Peut-être qu'il a vraiment une petite amie ? Enfin, pas Spider-Man, mais l'homme sous le masque. Spider-Man sera toujours à elle, quoi qu'il arrive.

― Je dois y aller, lance-t-il avant de sauter du haut du toit, sans jeter le moindre regard vers son amie.

Felicia contemple le héros se balancer entre les bâtiments alors qu'il s'éloigne d'elle. Soufflant doucement, elle finit par quitter aussi ce lieu paisible pour rentrer chez elle. N'étant pas très motivée à faire beaucoup d'exercice, la jeune femme décide de descendre et de s'y rendre à pied, en passant par des petites rues. Si jamais on la voit dans les grandes avenues de New York, il y aura au moins un imbécile de passant pour appeler la police, songe-t-elle.

Elle escalade les grillages séparant les ruelles et utilise même quelques escaliers de secours pour faire quelques acrobaties et ainsi éviter les sans-abris qui utilisent tout l'espace. Elle serait prête à les maudire, si seulement son père n'était pas aussi proche que ça de vivre le restant de ses jours dans la rue. Tandis qu'ils essaient de lui supplier un peu d'argent, elle les regarde simplement de pitié. Si jamais elle avait réussi à voler le tableau de La Maria lors de ces dernières semaines, elle aurait peut-être eu assez d'argent pour pouvoir les aider, eux aussi. Mais malheureusement, son coup ne s'est pas déroulé comme il le fallait, et maintenant elle n'a plus aucun moyen d'aider son pauvre père, qu'elle a encore plus mit en danger.

Felicia jette un coup d'œil par dessus son épaule. Les mêmes hommes, se croyant discrets, la suivent depuis trois rues. La jeune femme fait attention à ne pas paraître suspecte, elle aussi, alors qu'elle se moque intérieurement de leur discrétion non professionnelle. Même les plus imbéciles peuvent les reconnaître, pense la blonde alors qu'elle accélère le pas. Le Caïd ne la laissera décidément pas vivre sa vie, maintenant il faut qu'il envoie ses hommes la pourchasser. Mais est-ce bien ses hommes ?

Lorsqu'elle arrive à un croisement de ruelles, Felicia active le pas les quelques secondes où les hommes ne peuvent pas la voir. Elle en profite pour se cacher derrière un mur, et ainsi les surprendre alors qu'ils ne s'y attendent pas. Son plan marche à merveille, ce qui prouve le fait qu'ils ne sont pas prévoyants et qu'ils doivent bien s'améliorer dans leur travail. Felicia pourrait leur donner des cours de discrétion et de pistage, mais pour l'instant, elle tient en griffe un des hommes. Quand il arrive vers elle, l'anti-héroïne sort activement de sa cachette et le plaque contre un mur, le menaçant avec ses griffes sur son cou. Ne réussissant pas à se libérer de sa prise, l'inconnu grogne de colère, mais aussi de douleur.

― Qui êtes-vous ? l'interroge-t-elle d'un air agressif.

L'homme tente de se débattre mais la jeune femme le tient fermement. Elle appuie ses griffes sur sa peau, l'obligeant à faire ce qu'elle veut. Quelques gouttes de sang coulent, mais rien d'important, seulement ce qu'il faut pour l'effrayer et le faire gémir de douleur. Ne répondant pas à sa question, l'homme est à nouveau plaqué violemment contre le mur par une Felicia enragée.

― Mademoiselle Hardy, intervient une voix dans son dos.

Felicia reconnaît sa voix, mais n'arrive pas à mettre un nom dessus, bien qu'elle cherche dans sa mémoire ce ton familier. Serait-ce peut-être à cause de son accent russe ? Elle aurait parier qu'elle l'a déjà entendu, mais plus elle cherche, plus elle se dit que c'est sûrement une erreur... Ne voulant pas quitter des yeux l'homme qu'elle bloque, la blonde tourne très légèrement la tête, espérant voir de qui il s'agit. Cependant, son champ de vision ne l'atteint pas.

― Qui êtes-vous ? répète-elle, espérant avoir une réponse cette fois-ci.

― Quelqu'un qui peut vous donner des réponses.

L'homme s'arrête de se débattre soudainement. Elle observe dans le brun de ses yeux un léger reflet d'une silhouette dans son dos, mais pas assez pour voir tous les traits de l'inconnu et ainsi le reconnaître. Soufflant tandis qu'elle ne sait plus comment agir, Felicia garde son emprise sur l'homme qui la suivait en répondant.

― Je ne veux pas de réponses. Je veux des solutions.

― Je suis au courant de ce qu'il vous arrive. Croyez moi, je peux vous aider. Alors, lâchez cet homme.

Felicia grimace alors que son esprit balance entre deux options. Si elle le libère, comment peut-elle être vraiment sûre qu'ils sont de son côté ? Il peut peut-être lui arriver le même malheur qu'avec Wilson Fisk, au pire elle se fait enlever et torturer.

Son autre option est bien plus radicale : enfoncer ses griffes dans le cou de l'homme et ensuite s'attaquer à l'inconnu. Elle arriverai sans problèmes, en une seconde le premier adversaire est à terre et il ne faudrait plus que quelques enchaînements de coups pour mettre K.O le second. Cependant, ne pouvant pas voir son deuxième opposant, la blonde ne peut donc pas analyser sa capacité à combattre et même sa force à l'apparence. Au moins, avec son agilité, sa force et ses techniques bien à elle, elle pourra le mettre à terre, en une minutes maximum. Néanmoins, s'ils font partis d'un gang - et elle en est presque convaincue -, d'autres personnes viendront et ce n'est pas pour la féliciter. Ils lui feront la peau en deux-trois mouvements.

Autant dire que dans les deux cas, elle est mal. Alors il vaut mieux voir ce qu'il a à proposer, se décide-t-elle. Avec un peu de chance, ils lui feront une belle offre. Felicia le libère donc en reculant d'un pas. Celui-ci se laisse tomber à ses pieds en tenant sa gorge et en toussant. Il continue à saigner, quelques gouttes tombent au sol mais ce ne sont que des blessures superficielles. Black Cat a déjà fait bien pire.

― Fais pas ta chochotte, ce ne sont que quelques gouttes de sang, lui lance-t-elle. Tu ne vas pas mourir avec ça.

Pouvant enfin voir qui est l'inconnu dans son dos, la jeune femme se tourne vers lui. Alors qu'elle inspecte ses traits, le visage de Felicia se décompose soudainement. Elle le reconnaît immédiatement, comme s'il est un cauchemar, mais pas n'importe lequel.

Elle se souvient de cet accent russe, des tatouages, ses muscles saillants, de ce visage agressif mais aussi protecteur, celui dont elle a été obligé de tuer, sous l'ordre du Caïd. Il a les identiques cheveux bruns, très sombres. Coupés plus courts que dans ses souvenirs, il se tient de la même manière : droit, la tête haute, les mains dans le dos, distingué. Elle aperçoit cependant moins de tatouages. Ses mains sont mâte, comme le reste de sa peau, et non recouverts de motifs. C'est la seule grande différence qu'elle remarque, à part les yeux bien plus clairs et vifs et son regard perçant.

Qu'elle le croit ou non, sa première victime est sous ses yeux.

― Non, je ne suis pas celui que vous croyez, admet-il comme s'il lisait dans ses pensées.

Les yeux de Felicia se remplissent tout de même d'une fontaine de larmes. Le souvenir de ce moment déchirant et douloureux, où elle a tué une première personne, lui revient en tête. La vue du jeune homme tombant du haut de l'immeuble et s'écrasant sur le trottoir, par sa faute, ne quittera jamais son esprit. Bien qu'elle sache que ce n'est pas totalement de sa faute, qu'il s'agit de Wilson Fisk, elle se maudit jour et nuit pour cet acte d'une horreur extrême, sans jamais en parler aux autres. C'est une honte pour elle.

La blonde se sent soudainement fébrile, comme si elle venait de recevoir un énorme choc émotionnel. Précédemment, elle aurait parié se sentir résistante, si jamais elle tombait devant le sosie de sa victime. Après tout, il est mort, et ce n'est pas un fantôme. Pourtant, Felicia n'aurait jamais pensé ressentir un tel poids en elle à cause de cet assassinat, et elle ne le comprend toujours pas. Sa fragilité des derniers temps se ressent de plus en plus, bien qu'elle cache à tout le monde ses émotions, et c'est ce qui fera sa perte si elle ne redevient pas rapidement forte...

― Je suis Nikolai Pavlikovski, le frère jumeau de Aleksandr, votre victime, avoue le russe sur un ton où elle n'arrive pas à percevoir ses sentiments.

La jeune femme ne se sent plus stable sur ses jambes. Celles-ci tremblent de plus en plus. Aleksandr, voici que sa victime a un nom. Elle aurait aimé ne pas le savoir, cela soulagerait mieux sa conscience. Pour elle, il n'était qu'un criminel qui faisait parti d'un cartel russe, pas un homme qui devient de plus en plus innocent à ses yeux. Et voir sa famille devant elle lui brise le cœur, bien plus que Felicia ne l'aurait pensé. Elle se retient de ne pas se laisser tomber devant lui et de se mettre à genoux en pleurant pour lui demander pardon. Ce n'est pas elle, ça, ce n'est pas moi, songe-t-elle, ressaisis-toi, Felicia, bon sang ! Fais quelque chose !

Face à lui, elle ne se sent plus être Black Cat. Elle est redevenue Felicia Hardy, la civile sous le masque qu'elle n'aime pas à cause de son passé difficile et de sa sensibilité. Comment passe-t-elle devant lui ? Pour une pauvre fille qui s'en veut d'avoir tué son jumeau ? Une idiote qui veut lui faire éprouver de la pitié pour s'en tirer vivante ? Ou une simple déception ? Tout ce que l'on dit sur Black Cat s'évanouit ces temps-ci, Felicia a l'impression de décevoir tout le monde. Elle n'est plus la même après les événements avec Wilson Fisk, et elle ne le sera plus jamais. Qu'elle le veuille ou non, elle doit changer et se ressaisir, avant que ses ennemis remarquent sa faiblesse et en profite pour lui faire du mal.

― Je suis terriblement désolée... Vraiment... Je m'excuse pour tout...

― Ne soyez pas désolée, je sais que vous y étiez obligée. Le Caïd est derrière tout ça.

Obligée, mais je l'ai quand même fait. Felicia ne peut pas s'empêcher de s'en vouloir. Elle aurait bien pu refuser la mission, mais, d'une façon égoïste, elle l'a accompli pour ne pas avoir d'autres problèmes. Soit la vie de son frère jumeau, soit celle de son père à elle. Le choix est rapide.

Elle ressent dans sa voix et dans son faciès qu'il éprouve une profonde haine envers le patron de la pègre New Yorkaise. Cela peut être une bonne occasion pour elle, mais la jeune femme reste terrifiée et troublée par le fait d'être devant le jumeau de sa victime. Bien que ses jambes tremblent moins pour être remarquées, elle ressent une mauvaise appréhension.

― Je sais que vous êtes manipulée par Wilson Fisk. Il vous menace, comme il l'a fait avec bien d'autres personnes.

― Que voulez-vous ?

― Vous proposer un marché, déclare Nikolai en marchant prudemment vers elle. Je vous aide à vous libérer de lui, mais en échange, vous m'aidez à tuer Fisk. Une bonne fois pour toute.

La gorge de la brune se noue devant cette proposition. Elle n'arrive même pas à avaler sa salive, toute son énergie s'est envolée suite au choc émotionnel. D'un côté, elle désire accepter sans réfléchir. Ne plus rien à voir avec le Caïd ? Il s'agit de son vœu le plus cher au monde. Son père serait enfin en sécurité... Cependant, cela pourrait être la pire erreur de sa vie. Se lancer dans un projet comme celui-ci est périlleux, totalement suicidaire. Wilson Fisk est le patron de la pègre de New York, personne ne peut faire le poids face à lui et à son empire criminel.

De plus, son acolyte Spider-Man lui a déjà proposé de l'aider bien avant, mais sans service en retour, par pure bonté. Alors, pourquoi accepterait-elle leur proposition, pour se mettre plus en danger qu'elle ne l'est à présent ?

― Je... je ne peux pas, répond-elle en essayant de dissimuler ses émotions.

― Vous avez peur, c'est tout.

Felicia ne peut pas nier, elle voit sur son visage qu'il l'a cerné. Il la découvre comme un livre ouvert, tel la plupart des personnes ces temps-ci. Baissant la tête, comme si c'était la solution miracle pour qu'il ne puisse pas voir ses émotions, le russe poursuit

― Ecoutez moi... commence-t-il, Fisk ne souhaitait pas vous enlever, ce soir-là. Tout ce qu'il voulait c'était La Maria. Vous étiez simplement au mauvais endroit au mauvais moment.

Felicia ressent une boule au ventre lorsqu'il lui avoue ceci. D'après ce qu'il lui dit, ce serait donc de sa faute si elle s'est fait enlevée, elle qui a simplement voulu aider son père en revendant par la suite la toile. C'est une cambrioleuse, c'est son boulot. Le Caïd a donc vu qu'une simple opportunité en voyant l'anti-héroïne. Mais il a fait la mauvaise erreur de lui donner des pouvoirs, croyant que ça allait lui être utile. Maintenant, ses mutations vont se retourner contre lui.

Elle sait que Nikolai ne la tue pas parce que le Caïd est leur ennemi commun. Il s'agit donc d'une belle opportunité pour l'achever ensemble. Cependant, si jamais dans l'avenir elle le déçoit, son gang n'hésitera pas à lui coller une balle entre les deux yeux à cause du meurtre de Aleksandr. Une vie contre une vie.

― Et pourquoi voulait-il le tableau ? Quand il m'a kidnappé, il m'a posé pleins de questions dessus... comme s'il croyait que je souhaitais l'utiliser pour autre chose que son argent.

Nikolai expire lentement alors qu'elle touche à un sujet sensible. Intérieurement, il aurait espéré qu'elle ne pose pas de questions dessus, ça aurait plus simple. Malheureusement, Felicia est assez curieuse et ne veut pas se lancer dans des coups comme celui-ci sans avoir toutes les informations nécessaires - ce qu'il comprend tout à fait.

― Pour vous dire la vérité, il s'agit bien plus d'une toile... admet le jeune homme. Dans les groupes mafieux, les éléments d'une grande valeur sont importants. Quand des objets précieux arrivent en ville, comme La Maria, ils ont l'habitude d'être convoités par les opposants. Celui qui la possède montre donc sa puissance et sa richesse. C'est un moyen de repousser les ennemis et prouver sa force.

― Oh... je vois.

Donc, il ne s'agit que de pouvoir, songe-t-elle. Un petit soulagement pour l'anti-héroïne qui croyait depuis le début que le Caïd avait quelque chose contre Black Cat. Comme si la haine des habitants de la ville et de J. Jonah Jameson ne suffisait pas...

― Alors, acceptez-vous cette proposition ? Votre liberté contre Fisk ?

― Puis-je... avoir un peu de temps ? grimace la blonde.

Felicia voulait ni refuser, ni accepter si précipitamment. Si elle voit Spider-Man dans pas longtemps, elle lui en fera sûrement part pour lui demander son avis. Elle entend déjà sa petite voix dans sa tête disant de ne pas faire confiance aux gangs de la ville, qu'ils sont tous pareils, et que lui, il est là pour elle. Qu'il est et sera toujours là pour elle.

Pourtant, en regardant Nikolai droit dans les yeux, Felicia ressent autre chose. Alors qu'elle connaît très bien le type de criminel qu'il ne faut pas croiser, le russe lui donne plus confiance. Serait-ce à cause de son accent qu'elle trouve mignon ? Ou de sa carrure qui semble la protéger ? Elle ne remarque pas de peur, d'agressivité, de méchanceté. Au lieu d'être repoussée, Felicia est même attirée par cet être qui peut l'aider mieux que quiconque.

― Oui, bien sûr. Donnez moi votre réponse en passant dans notre immeuble, vous le connaissez. Mais ne tardez pas, mademoiselle Hardy...

D'un geste de la main, il fait signe à ses hommes restés au bout de la ruelle - dont celui que Black Cat a attaqué -, de partir. Avant de quitter la jeune femme, il attrape même sa main - que la blonde repousse instinctivement - afin de lui faire poliment un baisemain. Felicia en reste subjuguée par la courtoisie de cet homme, après leur discussion et ce qu'elle leur a fait. Elle ne mérite pas autant de respect, selon elle.

Lorsque la ruelle est vide, Felicia part à son tour, vérifiant plusieurs fois autour d'elle que personne ne la suit. Quand elle est sûre d'être seule, la blonde souffle de soulagement en marchant jusqu'à son appartement, retirant sa perruque blonde pour passer comme une civile. La journée a été riche en émotions, avec son père, Spider-Man, et à présent le gang russe, elle se juge méritante d'un peu de repos. Cependant, son effroi reprend soudainement lorsqu'elle observe des traces de terre sèches sur le paillasson devant son appartement, or, elle n'a croisé personne sur le pallier. Quelqu'un est chez elle.

Felicia ferme les yeux quelques instants pour prendre un peu de courage. Elle apporte sa main à la poignée de porte et ouvre celle-ci. En poussant la porte grinçante, elle aperçoit la seule silhouette imposante de Wilson Fisk assise sur une chaise.

― Bonjour, Felicia.

Cette dernière referme immédiatement la porte derrière elle, comme si elle avait peur que l'un de ses voisins le voit ici. Si on le remarque dans son appartement, elle perdra sa discrétion en étant Felicia Hardy et sera tout aussi détestée que Black Cat.

― Fisk.

― Comment allez-vous, aujourd'hui ?

Felicia ne répond pas à sa question qui paraît pourtant innocente. Elle sait très bien qu'au fond de lui, il est venu ici pour quelque chose. Pourvu que ce ne soit pas pour les russes... supplie-t-elle dans sa tête. Elle tente de dissimuler sa terreur en lui tournant le dos et faisant mine de ranger ses équipements de Black Cat. Heureusement pour la brune, il n'est pas contrarié par le fait qu'elle lui tourne le dos si longtemps, sinon il lui aurait déjà brisé la colonne vertébrale.

― Bon... j'imagine que ça a été une dure journée, complète-il pour aller plus vite. Je n'ai pas le temps de rester très longtemps, alors abrégeons cette discussion et venons aux faits.

Oui, abrégeons, pour que vous dégagiez de ma vie le plus rapidement possible, se retient-elle de lui lancer alors qu'elle se met face à lui.

― Jusqu'à présent, vous avez été très obéissante par rapport à vos missions. Vous avez tué Aleksandr Pavlikovski, vous êtes allé au Daily Bugle, énumère-t-il, c'était du bon boulot.

Sans qu'elle ne l'attendre, le Caïd se lève brusquement et marche droit vers elle. Felicia reste figée sur place, se faisant toute petite comme une souris face à un éléphant. Pourtant, il s'arrête juste devant elle, l'air menaçant mais ne faisant rien. Il ne lève pas le petit doigt, ne la touche pas. Il la menace simplement du regard, ce qui effraie encore plus la jeune femme qui pense qu'à tout moment, il peut s'attaquer à elle.

― Mais voyez vous, à présent j'ai quelques doutes sur votre fidélité.

― Où voulez-vous en venir ? questionne la brune en gloussant.

Un sourire aux lèvres, fier d'effrayer la jeune femme, Fisk s'éloigne légèrement en faisant signe de regarder la décoration inexistante de l'appartement. A ce moment, Felicia souffle de soulagement tandis qu'elle n'est plus - pour l'instant - menacé par lui.

― J'ai une nouvelle mission pour vous. Celle-ci est différente... Elle va me permettre de savoir si je peux avoir réellement confiance en vous, ou non.

― Et quelle est elle ?

Felicia savait que cette nouvelle mission ne va pas lui plaire, surtout avec le sourire machiavélique que Wilson Fisk lui lance.

― Vous allez devoir choisir entre la vie de votre père ou celle de Spider-Man.

A cette annonce, Felicia se fige sur place. Elle fronce des sourcils, se répétant intérieurement ce qu'il vient de lui demander, comme si elle croyait que c'était qu'une hallucination. Elle aurait largement préféré que ce soit un rêve - ou plutôt un cauchemar -, que la réalité, parce que ceci, elle est dans l'incapacité totale de le faire.

Les tremblements de la jeune femme reprennent tout son corps. Incapable de rester debout, elle titube vers une chaise pour s'y retenir, et ainsi ne pas tomber par terre comme une fleur impuissante.

― Vous allez devoir un tuer un et m'envoyer une preuve pour que j'en sois sûr. Dans ce cas, l'autre sera tiré d'affaire et je promets de le laisser vivant.

La jeune femme ouvre grand les yeux en fixant le Caïd. Si elle plante ses griffes dans son dos, il la tuerai, elle, son père, et même Spider-Man, bien qu'il n'a rien à voir là dedans. De toute façon, si elle réussissait, ses hommes le feront à sa place. Dans les deux cas, elle est obligée de le faire. Et c'est ce qui brise son petite cœur fragile.

Après avoir mit Walter en danger, il s'agit maintenant du héros dont personne ne peut s'en passer en ville. Felicia commence à se croire incapable et seulement utile à mettre les autres en danger. Spider-Man a déjà failli être tué par sa faute au MET, lorsque le Caïd a débarqué et qu'ils l'ont laissé pour mort. Maintenant, c'est elle qui risque de le tuer.

― Vous avez une journée. Sinon, je les tue tous les deux.

Alors qu'il claque la porte après s'en être allé, Felicia s'effondre en larmes. Mais son choix est déjà fait.

Elle sauvera toujours son père, quoi qu'il en coûte.