Ses petites jambes avaient du mal à faire tenir son corps meurtri, mais elle devait garder la cadence. Essoufflée, elle mourrait d'envie de prendre une pause, mais elle ne le pouvait pas, si elle voulait rester en vie ne serait-ce qu'une minute de plus.

La nuit et la neige rendait sa progression difficile, mais elle tenait, pour le moment. Le froid glacial lui brûlait les poumons, et sa respiration était saccadée. Elle devait tenir bon.

Les rares lumières encore allumées du village, pas très loin derrière elle, lui illuminait légèrement le chemin. Mais, elle le savait très bien. Dans quelques minutes – si elle survivait jusque-là–, elle sera dans le noir total. Les astres n'étaient pas de la partie ce soir, malheureusement.

Derrière elle, les bruits de pas rapides de ses poursuivants semblaient êtres à la fois proches et loin, elle n'arrivait pas à savoir. Mais pour le moment, ce qui comptait le plus, c'est que la distance entre eux soit assez grande pour que leurs machettes ne l'atteignent pas. 

Terrifiée, elle gravit avec difficulté la colline qui surplombait le village de son enfance. La neige lui arrivait presque au genoux, et chaque levée de jambe lui donnait l'impression que sa hanche allait se détacher de son corps. L'effort fait, arrivée en haut de la colline, et se tourna rapidement afin de voir si elle était toujours prise en chasse. Une dizaine de petite lumières jaunâtres grimpait la colline à une vitesse effarante. Elle réprima un cri, et, en voulant tourner les talons, elle ne pensa pas à lever les pieds. Ceux-ci se prirent dans l'épaisse couche de neige, et la jeune fille s'y s'étala de tout son long. La neige était si froide qu'elle eut l'impression de se faire brûler le visage. Elle tenta de se relever aussi vite qu'elle ne le pouvait, et, quand elle fût enfin debout, elle put voir dans le coin de sa vision qu'ils étaient déjà là, juste derrière.

– Laissez-moi tranquille, pitié ! hurla-t-elle en fonçant droit devant elle, pleurant à chaude larmes, faisant fondre la neige qui était restée collée à son visage.

A ce moment, les épais nuages se dissipèrent légèrement, et la jeune fille vit que la route n'était qu'à quelques mètres. Sur le macadam, la course serait plus pratique, et elle aurait peut-être même la chance de tomber sur un automobiliste qui accepterait de la prendre. Épuisée et à bout de souffle, et profita de la descente pour sprinter le plus rapidement possible vers le bitume, sautant presque par-dessus la neige. Arrivée en bas, elle manqua de se projeter elle-même contre la route, dû à la vitesse folle qu'elle avait dû atteindre en courant dans la pente.

Cette fois-ci, elle ne prit pas le temps de regarder derrière elle, et fonça vers la direction opposée au village. La jeune fille n'arrivait pas à stopper ses tremblements et ses pleurs, mais l'adrénaline lui donnait la force de continuer à courir. 

Malheureusement pour elle, la tempête se leva en même temps que les nuages recouvraient à nouveaux la faible lueur de la lune. Le vent souffla contre elle, et les flocons tournoyaient de façon à lui brouiller la vue de plus en plus. Au bout d'un moment, elle ne savait même plus si elle était toujours sur la route.

Voyant qu'elle ne voyait plus rien à un mètre devant elle, et qu'elle avait visiblement quitté le macadam, la jeune fille ralentit, jusqu'à marcher. Ils étaient sûrement à quelques pas derrière elle, mais qu'importe. Elle était condamnée.

Puis, elle le vit. A travers les vent presque opaque, elle distingua une forme dans la nuit. En se rapprochant, elle vit qu'il s'agissait d'un bâtiment, et plus exactement d'une station de ski. Surprise, elle regarda autour d'elle, dans l'espoir de voir un panneau, mais rien. Normalement, il fallait  plusieurs heures de marches pour arriver à la station la plus proche. Elle avait courut si longtemps ?... déboussolée, elle s'approcha de la porte d'entrée, et la poussa. Elle ne sera pas tellement à l'abri du froid, mais au moins à l'abri du vent. 

La pression était légèrement retombée, mais remonta d'un seul coup lorsqu'elle entrevu une lumière jaune derrière elle. Elle se retourna vivement, s'apprêtant à leur hurler de partir, mais se ravisa. Ils étaient tous là, avec leurs torches embrasées, à une bonne distance du bâtiment. Il ne la regardaient plus avec leur yeux morts habituels, mais avec une pointe de... peur ?

Confuse, elle recula. Puis, après quelques secondes, elle referma la porte. Qu'ils aillent au diable. Ils avaient peur de rentrer ? Bien fait pour eux. La jeune fille eut un rictus nerveux, suivit d'un ricanement incontrôlé. Ces malades pouvaient bien crever de froid, elle n'en avait rien à faire. Elle allait s'installer sagement ici, et attendre le lendemain pour trouver quelqu'un qui la ramènera en ville. 

Elle n'avait plus peur. Le danger était passé.

Du moins elle le croyait.