Mission 53 : être le PDG
Un bip spasmodique réveille la silhouette allongée sur un canapé au coin de la pièce. Gehlal s'assoit et fronce les sourcils. Sa main saisit ses lunettes et les enfile tendit qu'il se dirige vers l'origine du bruit. Ses yeux se posent sur des graphiques qui s'affolent.
Hier soir l'intégrité de Corporate est passé à 99%, qui était jusque ici un record, avant de chuter à l'instant à 80% en moins d'une minute, et continue de descendre. Gardant un incroyable sang-froid, Gehlal attrape son téléphone et appelle Al. L'attente est interminable. Dans un râle il raccroche et appelle Daniel.
— Où est Al ?! Demande-t-il immédiatement.
— Bonjour Gehlal, je vais bien merci, répond l'ange sur ton faussement mielleux, Je ne sais pas et s'il est de sortie je ne suis pas au courant : je crois qu'il a droit à une vie, me semble.
— Viens, immédiatement, le scientifique raccroche au nez d'un Daniel circonspect.
En moins d'une heure le Happiness Manager est dans le laboratoire, en compagnie de Vincent qui n'a pas l'air de vraiment saisir ce qu'il se passe.
— Que se passe-t-il bon sang ?
Demande le responsable SAV interne, un peu grognon d'avoir dû quitter son lit qu'il partageait en compagnie de Luan.
— Qu'est-ce qu'il fiche ici lui ? Gehlal le pointe du doigt en s'adressant à Daniel.
— Si tu voulais que je vienne en moins d'une heure j'avais besoin d'un chauffeur, soupire l'ange, et je suis fatigué de devoir lui cacher des choses, surtout quand ça concerne Al.
Le scientifique le foudroie du regard, ce n'est vraiment pas le grand amour entre eux.
— ça ne le regarde pas !
— Cesse de faire ta diva et dis-moi ce qu'il se passe Ed ! Le ton de Daniel impressionne son auditoire.
En pestant, Gehlal leur montre ses écrans. Les deux autres hommes regardent les graphiques. Vincent ne comprend rien, Daniel blêmit. L'intégrité de Corporate est à 69%.
— ça s'est ralenti depuis cinq minutes. Mais Corporate a perdu 10% en moins d'une minute, ça continue, le scientifique affiche son désarroi à travers la colère, cet idiot de Al est injoignable ! Qu'est-ce qui se passe bon sang ?!
C'est la première fois que Daniel le voit aussi paniqué. Il réfléchit :
— Il était à la soirée d'Halloween hier, tout s'est bien passé je crois, murmure Daniel.
— Le samedi matin il travaille. Mais il a pu se faire agresser, dit Vincent mal à l'aise.
Le responsable SAV interne ne saisit pas tous les enjeux de la disparition de son SPF, mais au vu de la réaction de ses deux collègues : l'heure est grave.
— C'est possible, soupire Daniel, mais il aurait tenté de me joindre. Sauf si on l'a séquestré, il frisonne de dégoût.
— Réfléchissez mieux que ça ! crache Gehlal, un détail ! N'importe quoi !
Daniel et Vincent se refont tout le film du vendredi, mais rien... quand soudain l'ange a une révélation.
— Je ne sais pas ce que ça vaut, mais j'ai vu Cathy avec un nouveau manteau de la marque Boss : c'est la marque préférée de Adonis.
Gehlal retient une moue de dégoût.
— Adonis ? Demande Vincent qui tente de comprendre.
— Adonis Carl Farer, un homme détestable, explique Daniel, son rapprochement avec Cathy est une drôle de coïncidence quand on sait combien Al est attaché à elle.
"Pour ne pas dire amoureux" se dit l'ange avec un pincement au cœur : son mauvais pressentiment est en train de se réaliser.
Le cœur de Vincent s'arrête de battre une seconde, pour soudain repartir en cognant comme un sourd dans sa poitrine. Daniel remarque immédiatement que son collègue est à deux doigts du malaise, son radar empathique le met en alerte :
— Vincent ? Tu sais quelque chose ?
— Carl Farer était mon avocat...
Les yeux de Daniel et de Gehlal s'étrécirent sur lui. Se sentant sous pression, il porte une main sur son col et tire un peu dessus.
— Vincent, j'ai bien remarqué que ça n'allait pas ces derniers temps, alors que tu as gagné ton procès... Daniel le fixe avec intensité.
Le regard en détresse du responsable SAV interne finit de le convaincre d'insister.
Vincent s'effondre sur une chaise et leur raconte tout, la tête entre les mains, accablé par la honte. De la proposition de Carl pour retrouver la garde exclusive de ses enfants, en échange de dossier d'employés proches de Alexanders, jusqu'au jour où il a croisé l'avocat en voiture, accompagné de Cathy.
— ... ils avaient l'air de bien s'entendre, termine Vincent bouleversé.
Daniel s'est agenouillé devant lui, sa main posée sur son bras, compatissant. À l'inverse, Gehlal fulmine et n'a aucune empathie :
— Tu as trahi Corporate Vincent. Compte sur moi pour appliquer personnellement sur toi le protocole "reset", dit-il froidement.
— Non ! Je ne veux pas perdre mes souvenirs avec Luan !
Vincent s'est levé d'un bond, les larmes aux yeux. Ses mots touchent le cœur de l'ange qui se dresse en opposition au scientifique.
— Ed, tu n'as vraiment pas de cœur, il l'a fait pour ses enfants.
Vincent est soulagé d'avoir du soutien, mais se sent terriblement coupable de la situation, même s'il ne comprend rien. L'ambiance est électrique entre l'ange et le scientifique.
— Il a trahi une fois, et regarde où ça nous mène, dit froidement Gehlal.
— S'il savait tout sur Al et Adonis il nous aurait avertis du danger. Je t'ai toujours dit que Vincent devait tout savoir pour nous aider à le protéger !
Vincent attrape les épaules de Daniel et le regarde droit dans les yeux.
— Dis-moi tout Daniel. Si Al est en danger à cause de moi, je dois savoir exactement pourquoi.
₍⑅ᐢ..ᐢ₎
Lorsqu'elle sort de sa séance de kiné, après un repas frugal, Cathy retrouve Luan chez elle pour discuter tranquillement autour d'un chocolat chaud..
— J'ai conclu avec Vincent, balance la petite blonde en aspirant très fort sur sa paille.
Cathy répond d'abord par un un hoquet de surprise.
— Q... quand ?
— Pendant Halloween, c'était vraiment torride. Il est exactement comme je l'imaginais, elle glousse, j'ai passé la nuit chez lui aussi. C'était... elle fait tenir le suspense mais explose, INCROYABLE, heureusement que les enfants étaient chez leur grand-mère ! Elles rient ensemble.
Mais Cathy a un pincement au cœur. Luan aspire à nouveau bruyamment sur sa boisson en la fixant dans les yeux.
A ce moment-là, le téléphone de Cathy vibre : c'est l'email de Carl contenant les photos, avec un message :
"Bonjour Cathy, j'espère que vous allez bien. Voici les photos. Je vous trouve magnifique, vous êtes mon plus beau modèle jusqu'ici et j'espère, en toute sincérité, que vous vous trouverez belle et aurez une meilleure image de vous. J'espère avoir été utile dans votre guérison.
Bien à vous, en toute amitié, Carl."
— C'est qui ce mec ?
Cathy sursaute envoyant son amie espionner par-dessus son épaule.
— Attend, ce serait pas le gars qui conduisait la décapotable ? Son amie hoche la tête, c'est quoi cette histoire de photos ?
Dans un soupir, Cathy lui parle de sa rencontre avec Carl, jusqu'à la séance d'art thérapie, y compris le petit "incident" qui lui pesait malgré tout sur le cœur. Cela lui fait du bien d'en parler à Luan qui ne la jugera pas. Enfin pas trop fort.
— Pourquoi tu l'as repoussé ? Il est plutôt beau gosse, sympa, riche ... Luan sait très bien pourquoi mais veut la pousser à le dire, tu es célibataire t'aurais pu tenter le coup non ?
— Ce... n'est pas ce que je voulais. Je ne suis pas amoureuse de lui... Cathy sent son cœur se serrer et lui faire mal.
— Tu pensais à Al ? J'imagine que tu es toujours dans ton déni, dit-elle en lâchant un gros soupir blasé.
Alors que Luan s'attendait à un énième déni de sa part elle voit son amie baisser la tête, le regard fuyant.
— C'est dur, elle renifle, je ne sais pas quoi faire... J'ai réalisé que je le veux, Luan. Je sais que son aura ne marche plus sur moi, et je le veux malgré tout... Si fort que ça me fait terriblement peur, peur de perdre la tête, peur qu'il me fuie...
Face à sa détresse, Luan se lève et vient la prendre dans ses bras.
— Si c'est pas de l'amour ça je ne sais pas ce que ça peut être... elle affiche une moue, à part du masochisme peut-être ? Elle sent un petit rire étouffé dans ses bras.
Luan recule pour regarder le visage de son amie. Elle comprend mieux pourquoi elle restait à ne rien faire, à s'enfermer dans un profond déni. Et puis il y a surement son histoire, avec son ex mari, qui a été un énorme frein dans tout ça, à ne pas en douter.
Mais Al ? C'est quoi son excuse ? Se demande la petite blonde en fronçant le nez avant de revenir à son amie :
— Si tu savais depuis combien de temps j'attendais que tu me confies ça ! dit-elle en lâchant un soupir de soulagement, ça fait des mois que je te vois souffrir en niant que c'était évident qu'il te plaisait au delà de son "charme", t'évolues enfin ! Comme un pokémon ! Elle rit.
Comme les vannes de son cœur sont ouvertes, Cathy lui raconte cette nuit, ce qu'elle a faillit faire, et qu'il l'a repoussé. Son amie lève les sourcils :
— "Pas comme ça" ? Il a vraiment dit ça ?
Cathy hoche la tête et l'inspectrice du love lève les yeux au ciel :
— Il a paniqué. La prochaine fois essaye sans être pompette, termine Luan dans un râle d'exaspération. Comme ça il n'aura plus aucune excuse de fuir, vous serez obligé d'en parler.
— Si je n'étais pas un peu saoule à ce moment là je n'aurais jamais osée.
— Oui ben des fois un coup de pied au cul c'est pas plus mal, même si c'est du Rhum.
— Je ne suis pas sûre de vouloir réessayer... murmure Cathy en le revoyant la repousser.
La peur de perdre l'amitié de Al tord son ventre. Luan soupire, mais a tout de même l'impression qu'elle a fait un grand pas en avant avec cet aveu.
— Cathy je suis sure que Al...
Commence Luan quand soudain, les téléphones des filles sonnent en même temps : un message urgent de Mika sur leur WhatsApp "Da Best Team" :
"Les girls, vous devriez vite regarder les info. Je vais voir sur place."
Curieuses, elles froncent les sourcils, puis Cathy allume sa télé.
Elles se figent immédiatement en reconnaissant la tour avec des dizaines de journalistes autour de l'entrée principale. Des gyrophares de police illuminent sa façade.
— ... célèbre entreprise Corporate, le PDG est très attendu. La victime, a déclaré qu'au vu des antécédents psychologiques et familiaux de l'agresseur, avoir déposé une demande de mise en observation dans un hôpital psychiatrique. Par une source fiable, nous savons qu'un médecin et un directeur ont déjà accepté de prendre en charge le...
Cathy et Luan n'attendent pas la suite, et quittent en trombe l'appartement.
₍⑅ᐢ..ᐢ₎
L'allée principale a été divisée en trois : sur la droite les journalistes s'agglutinent derrière un cordon de sécurité, tous enfiévré de faire le scoop : prendre une photo du PDG qui fera le tour du monde. Au centre, attend une camionnette de l'hôpital privé "St Ballardieu" avec le directeur, une médecin et du personnel. Deux voitures de police et sept agents gèrent la sécurité de ce transfert très médiatisé.
Sur la gauche, une foule de gens, également limité par un cordon. Cathy reconnaît beaucoup d'employés et tous inquiets. Luan tire Cathy jusqu'au-devant où se trouve Mika. L'inquiétude se lit sur le visage des trois archivistes.
— C'est... grave ? Balbutie Cathy qui ne sait pas comment exprimer son inquiétude.
— Je ne sais pas, mais les scandales font toujours mal à une boite. J'imagine que le PDG va être remplacé après ça : les actionnaires n'aiment pas trop avoir à la tête d'une entreprise quelqu'un qui fait chuter le cours en bourse de la boîte...
Il leur monte une application sur son téléphone : les actions de Corporate chutent suite à l'annonce médiatique. Mika ajoute qu'il n'a aucune idée de l'impact que cela aura sur les employés, mais en général les changements de dirigeants ne se passent pas très bien au début.
Le manager aurait aimé être avec Daniel pour partager son angoisse avec lui. Il est très attaché à l'entreprise, comme beaucoup de personnes ici dont les regards paniqués trahissent leur loyauté. Cathy et Luan en font partie.
Les doubles portes de l'entrée principale coulissent et les flash des journalistes pleuvent dans leur direction. Quelqu'un en sort, avec un grand parapluie blanc, ouvert en direction des paparazzis, renvoyant leurs flashs frénétiques. Du côté des employés, tous ont reconnu Daniel dans son costard blanc.
Il fait un pas en avant, puis regarde derrière lui en tenant toujours le parapluie.
Le PDG s'avance enfin.
Une main sur son épaule, Vincent se tient à ses côtés, l'air grave. Ses yeux encore humides trahissent son émotion. Daniel pose aussi sa main, dans le dos du PDG qui sort de l'ombre.
La stupeur frappe la foule des employés. Les archivistes ont le souffle coupé.
Jamais quelqu'un n'a aussi bien porté un costard. Noir, encadrant parfaitement ses épaules, lui donnant presque une allure austère. Des lunettes de soleil aviateur sur le visage. Pas un sourire sur ses lèvres. Sa prestance impose un silence qui rend muette la foule. Son élégance et sa splendeur font trembler chacun et chacune.
Si le charisme devait porter un autre nom, il s'appellerait Alexanders Farer.
Les deux hommes à ses côtés le soutiennent dans cette épreuve. Al fixe devant lui la camionnette dont les portes lui tendent les bras.
Ils marchent ensemble, dans un silence de plomb. Le majestueux PDG tourne lentement la tête vers ses employés, un léger sourire empli de tristesse aux coins de ses lèvres, comme pour les remercier d'être là.
Cathy sent son cœur se comprimer au point de lui faire mal et l'entrainer dans des spasmes de sanglots douloureux. Des larmes roulent sur ses joues, elle ne peut pas y croire.
Bluffé par sa prestance, les employés de l'hôpital se montrent hésitant. Alexanders adresse un dernier regard à Daniel, puis à Vincent à qui il donne quelques mots, provoquant chez le responsable SAV interne un spasme de chagrin : "Pardon" peut-on lire sur ses lèvres. Le PDG lui répond d'un sourire affectueux : il ne lui en veut pas.
L'envie d'hurler aussi fort que son cœur se déchire à cet instant pousse Cathy à passer sous le cordon, et courir vers lui.
"C'est impossible ! Non... Non... ! Ne part pas ! AL !"
Mika l'arrête dans son élan pour lui éviter d'être confrontée à la police. Elle hurle intérieurement, à bout de souffle, se débat dans les bras de son manager.
"NON !"
Alexanders se retourne, lui adresse un regard affligé, avant que les portes ne se referment sur lui.
₍ᐢᐢ₎-----Fin de la saison-----₍ᐢᐢ₎
Ainsi se termine la saison 2 de Corporate. Merci énormément à vous tous et toutes pour votre fidélité ! Vous êtes mon principal moteur de motivation. Vos commentaires et implication m'encouragent chaque jour sur mon travail. Cœur sur vous <3
J'espère toujours vous offrir un excellent divertissement !
Comment vous sentez-vous ?
Beaucoup d'entre vous savaient depuis longtemps que Al était le PDG, mais vous vous attendiez à ce que la révélation se déroule ainsi ?
A bientôt pour la saison finale :)
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