Chapitre Andrew 13. Pas facile d'être papa -
Dimanche 21h (Lisa)
Je sortis de l'ascenseur la première. J'attendis impatiemment que mon père ouvrît la porte. Mais je ne dis pas un mot. Même quand ils saluèrent la voisine qui sortait de chez elle. C'était une nouvelle, une jeune, pas comme Madame Cooper, la vieille dame qui était là avant. Celle qui détestait les chats. De toute façon, cette nouvelle, je ne la connaissais pas et je n'avais pas envie d'être aimable et polie avec elle. Tant pis pour ce que Papa attendait de moi. Je me faufilai sans un mot entre lui et le battant de la porte entrouverte avant de me planter au milieu du salon en attendant que mon père et sa copine me rejoignent. Un coup d'œil discret autour de moi et je compris que rien n'avait changé ici en un an. C'était juste plus... rangé. Je haussai les épaules. J'en avais rien à faire de toute façon.
J'étais contente d'avoir retrouvé Justin. Il était mon ami et lui ne me trahirait pas, lui.
- C'est laquelle ma chambre ?
- La grande, en bas. Ta grand-mère et Livie ont fait quelques changements mais...
Je n'attendis pas la suite et m'y précipitai directement. Je claquai la porte derrière moi. Je sautai à plat-ventre sur le lit, le nez dans l'oreiller, laissant trainer mes jambes et mes pieds avec mes chaussures sur le couvre-lit. C'était bête, de toute façon, il ne verrait rien. De la main, je touchai le tissu. C'était doux. Ça sentait bon. Je relevai un peu la tête et observai autour de moi. Ce n'était plus ma chambre de bébé. Les couleurs étaient claires, du mauve, du blanc et du vert pâle. Un truc sympa. Pas un truc de bébé à la « Hello Kitty » ou « Charlotte aux fraises ». Mamie Sue avait dû passer par là. Le grand lit blanc était collé sous la fenêtre. Je me mis à genoux sur la couette et ouvris la fenêtre à guillotine. En me penchant un peu, je pouvais même voir le haut des arbres de Central Park. C'était trop beau. Ça m'avait manqué. Je me retournai et parcourus la pièce du regard, il y avait un beau bureau avec une photo de papa et moi le jour où... Nein. Je secouai la tête et continuai de faire le tour de la pièce. À côté du lit, un gros pouf violet était placé devant une immense bibliothèque pleine de livres ! Je me mordis les livres, je devais aller voir s'il y avait ceux que je....
Non, de toute façon je n'avais pas envie d'être ici !
Je me rallongeai sur le dos, fixant le plafond blanc et frottai délibérément mes chaussures sur la couette. Puis, il frappa à la porte avant d'entrer.
ooOoo
Andrew
Je n'allais pas la disputer, l'effet serait catastrophique.
Je n'allais pas crier, ça ne servirait à rien.
Je ne lui dirais pas de ne pas claquer les portes, j'en ai subitement envie moi aussi.
Je ne lui dirai pas qu'elle avait été impolie avec Livie, même si férocement, ça me démange.
Je respire profondément avant de mettre un pied dans la chambre.
- Lisa ? Tout va bien ?
J'attends sa réponse. Je n'ai aucune idée de l'endroit où elle se trouve dans la pièce. Le silence me répond. J'ai l'habitude de ce genre de situation, mais c'est ma fille, mon bébé, un froid glacial grandit en moi.
- Je t'apporte ta valise. Livie viendra plus tard t'aider à la ranger. Je... vais préparer le repas. Et après, il faudra qu'on parle toi et moi.
Un léger mouvement sur le lit m'indique sa position. Je me tourne dans cette direction. Mais elle ne dit toujours rien. Je suis désarmé. Je ne sais que faire alors, je choisis la facilité et recule vers la porte. Je vais rejoindre Livie mais juste avant de refermer doucement le battant sur moi, je me retourne une dernière fois vers le lit où je suppose que ma fille est.
- Je suis heureux que tu sois là Lisa.
- Pas moi.
Le souffle coupé par les mots qui ont traversé le bois de la porte, j'appuie mon front contre le chambranle, cherchant désespérément à deviner quelle erreur j'ai commise. Il me faut comprendre pour avancer et combler la fosse qui nous sépare. Sa froideur me fait physiquement mal. Je suis blessé dans ma fierté de père et incapable de réagir. Tout est différent de mes attentes. Je me laisse tomber sur le canapé du salon. Qu'avais-je espéré ? Un an. C'était long surtout à cet âge. Nous avions pourtant un peu parlé au téléphone. Surtout depuis que je suis sorti du centre de rééducation. Les conversations n'ont pas toujours été faciles, mais je n'avais jamais ressenti pendant cette période, ceci, cette distance, cette incompréhension entre celle qui resterai toujours mon bébé et moi.
- Andrew ?
Livie s'est approchée doucement et je la sens juste devant moi. Elle effleure mon genou et je saisis sa main comme une bouée de sauvetage à laquelle je m'accroche désespérément.
- J'ai peur.
Les mots sont sortis de ma bouche sans contrôle. Comme un sanglot que je ne peux retenir. Elle s'approche alors un peu plus et je la saisis par les hanches, la plaçant entre mes cuisses avant de reposer ma tête contre son ventre. Ses mains passent alors doucement sur ma nuque, m'apaisant de quelques caresses sur mes cheveux. Elle ne parle pas. Ses doigts caresse doucement mon cuir chevelu et je me sens comme dans l'œil du cyclone. Cet espace silencieux et calme au milieu du tourment d'une tempête. Il n'y a aucune équivoque à notre position. Elle me réconforte. C'est tout et c'est surtout ce dont j'ai besoin à cet instant. Je ne sais pas comment Livie l'a su mais elle est là.
Ce qui s'est passé entre nous dans l'ascenseur, m'a ouvert les yeux. Livie est mon amie et je suis, nous sommes, clairement attirés l'un par l'autre. Mais elle a ses cicatrices cachées, elle n'est pas prête à m'en parler. De mon côté, je trimballe encore trop de problèmes. Nous ne pouvons construire quelque chose dans l'immédiat. Nous avons nos priorités. La mienne est Lisa.
- Il faut lui laisser un peu de temps. Il y a quelque chose qui la tracasse.
Elle parle doucement. Elle ne souhaite pas être entendue par ma fille. Je souris, Livie est indulgente, mais je sais qu'elle a raison.
- Laisse-toi du temps à toi aussi, reprend-elle. Tu as investi trop de rêves sur ces retrouvailles. Tu as vécu beaucoup de choses depuis votre séparation. Elle aussi, je suppose, avec sa mère.
Je ne m'en étais pas vraiment rendu compte. Mais c'est exact : comment ai-je pu occulter le fait que Lisa a vécu une année entière sans moi après cet accident. J'agissais comme si nous nous étions quitté hier.
- Oh Livie. Comment je ferais sans toi ?
- Je ne sais pas Andrew. Tu inviterais Justin à t'aider ?
Justin ? Sa voix taquine m'aide à comprendre qu'elle plaisante.
- Idiote.
Je souris. Je resserre mes mains sur le bas de son dos, refusant de quitter l'agréable contact de sa peau tiède, le cercle rassurant de ses bras autour de mon cou.
- Parle-moi d'elle. Raconte-moi ta fille, me demande-t-elle alors.
C'est une bonne idée. Me souvenir d'elle. Des moments que nous avons passés ensemble.
- C'était une enfant adorable. Nous n'avons pas planifié sa naissance. En tout cas, pas moi. Mais j'ai voulu avoir un appartement comme celui-ci dès que j'ai su. Je voulais un foyer pour elle. Je l'ai acheté quand elle a eu un an, elle a toujours vécu ici depuis. Avec sa mère et moi, dans un premier temps, puis seulement avec moi. C'était une petite fille très vive avec le cœur sur la main. Je me souviens du jour où... C'était en avril, je crois, elle devait avoir 3 ans à peine.
Je m'interromps un instant, frottant ma joue sur le chemisier de Livie, recherchant dans ma mémoire les images colorées de ce jour.
- Nous étions allés nous promener tous les deux à Central Park. Elle jouait avec d'autres enfants sur un tourniquet juste devant moi. J'étais assis sur un banc avec mon carnet de notes, je griffonnais des trucs, des idées pour mon futur bouquin, je crois. Il faisait très beau. Tu sais, c'était le genre d'après-midi où le soleil joue à cache-cache entre les branches de cerisiers en fleurs. Central Park est superbe au printemps. Il y a plein de couleurs. Pleins d'odeurs. C'est très inspirant comme ambiance. Il y avait du monde, plein de gosses. C'était un peu bruyant mais joyeux. Mais quand j'ai relevé la tête de mon calepin, plus de Lisa !
La peur encore et toujours. Je devrais être immunisé, mais je ressentais encore la panique de cet instant. Ma fille avait disparu. Le soleil avait disparu. Les cris des enfants aussi. Je soupire en me passant nerveusement la main dans les cheveux, avant de recoller ma tête contre le ventre de mon amie.
- Heureusement, dès que je me suis tourné, je l'ai vue. Elle était à 10 mètres derrière moi, dans sa petite salopette en jean. Elle tentait de grimper sur un arbre. Je l'ai rejointe en courant. Elle pleurait silencieusement, elle a levé vers moi son petit visage, très pâle, trempé de larmes et m'a montré de sa petite main pleine de terre et égratignée, le sommet de l'arbre. Sans un mot. Dans sa frimousse, barbouillée de larmes, je lisais que j'étais le sauveur.
- Il y avait quoi dans l'arbre ?
- Une petite boule de poils gris complètement hérissés, qui miaulait à fendre le cœur. Lisa pleurait pour elle.
Elle était pathétique et touchante. Je souris à ce souvenir.
- C'était Luna ? devine Livie.
- Oui, c'était Luna. J'ai escaladé l'arbre, j'ai déchiré mon pantalon de costume. Depuis, je ne mets que des jeans pour sortir avec Lisa. Luna avait le vertige, elle ne voulait pas descendre, j'ai dû l'envelopper dans ma veste. Elle a d'ailleurs dormi dedans ensuite. Sur le lit de Lisa. Elles ne se sont plus quittées jusqu'à... jusqu'au déménagement de Lisa chez sa mère. Alana a refusé de prendre le chat, c'est Casey, ma secrétaire, qui l'a nourri pendant mon absence.
- Luna est donc la chatte de Lisa.
- Oui, elle a choisi son nom le soir-même. Nous étions sur la terrasse. La lune était pleine et Lisa m'a dit, je m'en souviens très bien « Elle a la même couleur que mon chat. Elle est presque aussi belle ».
- C'est curieux, elle n'a pas demandé à la voir.
- Oui. Ben ça attendra, maintenant.
Je me repose encore un moment. Livie devait méditer le piège dans lequel je l'avais coincée, entre une môme désagréable et un jeune père plein d'angoisses. Je décide de couper court à cette parenthèse.
- Bon. Assez de guimauve pour ce soir. Je vais préparer le repas. Merci d'avoir été là et de supporter nos sautes d'humeur.
Je me lève rapidement et l'embrasse sur la joue avant de me diriger vers la cuisine.
- T'en fais pas pour moi, je suis résistante. Accepteras-tu de l'aide ce soir ? demande-t-elle.
- Non. Va te reposer un peu, je crois qu'on aura besoin de toutes nos forces, du moins pendant quelques jours.
- Bien Chef ! dit-elle en riant, pendant je regroupe les ingrédients nécessaires pour de simples escalopes panées accompagnées de riz.
Je suivis son pas léger qui montait à l'étage. C'était curieux comme sa présence me semble naturelle.
Ma routine culinaire me calme. Je prends même le temps de répondre aux messages pressants de Drake qui souhaite savoir si tout se passe bien avec Lisa. Je ne suis pas forcément très honnête dans ma réponse, mais mentir par omission n'est même pas un demi-mensonge. C'est ce que mon futur avocat de frère m'avait répété plusieurs fois lorsqu'il m'incitait à cacher ses sorties clandestines aux parents.
« Lisa est bien arrivée. Nous t'attendons demain pour dîner. Comme prévu. Tenue décontractée et chocolats de rigueur. »
J'appuie sur la touche envoi après avoir enregistré ma réponse. J'avais expédié Drake plutôt rapidement ce matin après qu'il nous ait sortis de l'ascenseur.
Sa curiosité vis-à-vis de Livie, n'est sûrement pas satisfaite. Tant mieux. J'aime le faire griller un peu sur les charbons ardents de l'impatience. Quand il est remonté à l'appartement ce matin, Livie était sous la douche... enfin dans la salle de bains au moins et je me tenais volontairement éloigné de celle-ci. J'étais même redescendu au rez-de-chaussée pour nous préparer un solide petit déjeuner. En échange d'une tasse de café et de quelques douceurs, j'ai demandé à Drake de me laisser un peu de temps avec Livie et Lisa. Il a même renoncé, assez facilement, au plan de notre mère de m'accompagner à l'aéroport quand il a su que Livie m'y accompagnait.
Le repas est prêt en moins d'une heure. J'ai repris le contrôle de ma cuisine et de mon calme. Je dois être capable de me faire comprendre d'une petite fille de huit ans !
- Lisa ? Livie ? À table ! Ces dames sont servies.
Quelques secondes passent, puis j'entends à l'étage la porte de Livie s'ouvrir.
- J'arrive Andrew.
Je sens son parfum m'entourer tandis qu'elle me prend les assiettes des mains pour les placer sur la table.
- Tu sais que je vais y prendre goût ? Me faire servir, et en plus ça sent bon.
- Merci. Profites-en. Quand je ne suis pas enfermé dans mon bureau, j'aime cuisiner, ça me détend. Après, j'ai des périodes d'écriture compulsive où j'oublie complètement les horaires. Enfin, on verra ça au moment voulu.
Je me passe la main dans les cheveux, je ne sais vraiment pas si j'ai envie que Livie se rende compte de l'espèce de caricature d'ours mal léché et noctambule que je deviens lorsque le « démon de l'inspiration" s'empare de moi », comme disent gentiment mes amis.
Tout est servi sur la table, mais Lisa n'a pas daigné se montrer. Je serre les mâchoires. Est-ce qu'elle dort ? Dois-je faire un gentil rappel ? Ou me montrer plus dur, le jour de son retour ?
- Elle dort peut-être, le décalage horaire peut l'avoir un peu perturbée.
Livie lit dans mes pensées ?
- Tu essaies de lui trouver des excuses, c'est gentil, mais tu sais comme moi qu'il ne s'agit pas d'un simple décalage horaire. Ce serait trop beau.
Je carre les épaules, me drape dans ma cape invisible (heureusement) de super-papa compréhensif et calme avant de m'avancer vers la chambre de ma fille. Je frappe un petit coup sur la porte avant de l'entrouvrir.
- Lisa, viens nous rejoindre. C'est l'heure de manger. Tu te laves les mains et nous passons à table.
- J'ai pas faim.
Elle ne dort pas. La voix boudeuse provient encore du lit, vers la fenêtre. Je fais quelques pas dans cette direction, avec prudence, n'étant pas encore tout à fait certain de la nouvelle configuration des lieux, puis je m'accroupis devant le lit, prenant appui sur mes coudes posés sur la couette.
- Je veux bien te croire. Mais tu vas faire un effort pour manger un peu, et pour venir parler avec moi aussi.
- Pourquoi tu veux parler ? demande-t-elle, agressive.
J'ai l'impression d'avoir devant moi un petit chaton en colère. Un de ces animaux dont il ne faut pas s'approcher sous peine de griffures, mais que l'on crève d'envie de serrer dans ses bras. Je reste immobile, sans dire un mot pendant un moment. Pourquoi je veux lui parler ?
- Parce que tu es ma fille, parce qu'on ne s'est pas vu depuis très longtemps et que moi j'ai plein de choses à te dire, à te demander.
Je tends ma main vers son corps et touche son épaule, qui se raidit sous mes doigts. Je recule encore une fois. Je ne veux pas la brusquer. Me relevant, gardant au plus profond de moi ma frustration de ne pas pouvoir la prendre contre moi.
- Viens Lisa. Laisse-nous une petite chance de nous retrouver.
Je rejoins Livie dans le salon sans me retourner, laissant la porte ouverte.
C'est à elle de jouer.
Passant dans le salon, je m'assois en bout de table, je n'arrive pas à parler.
Livie pose sa main sur mon bras gauche.
- Elle viendra. Ne t'inquiète pas.
- Elle viendra sûrement tu as raison. En attendant, sers-toi.
Je mâchonne sans entrain depuis quelques minutes quand elle arrive derrière nous en traînant les pieds.
- Je m'assois où ?
- Si je sais encore compter jusqu'à trois, jeune fille, il doit rester sur la table, une assiette vide avec une chaise devant. Juste à ma droite.
- Très drôle.
Je ne réponds pas et la chaise crisse sur le sol.
- Je vais te servir Lisa si tu veux bien, commence Livie.
- Je peux le faire seule.
- Non, le plat est encore très chaud. Je te sers, insiste Livie avec fermeté.
Je n'interviens pas, beaucoup plus satisfait de la réaction de Livie que de celle de ma fille. Le silence s'éternise et je ne veux pas aborder de sujet aussi chaud que le plat principal à table.
- Ton oncle Drake mangera avec nous demain soir.
- Pourquoi il vient ?
- Pour te voir. Tu lui as manqué.
- Pas tant que cela. Il n'est même pas venu me voir en un an.
Je sursaute à ses paroles amères. J'ai même cru deviner de la tristesse dans sa voix. Lisa et Drake s'entendaient bien. Avant.
Drake s'entend toujours avec les enfants. On se demande pourquoi d'ailleurs. Je ne peux pas laisser passer cela.
- Il a traversé le continent trois fois pour te voir. Et il a trouvé la porte fermée deux fois. Sans réponse bien qu'il ait, je crois, un peu... cogner sur elle. Tu connais ton oncle. Puis la troisième, il se l'est fait claquer au nez. Nous savons tous les deux que ta mère ne l'aime pas, mais je croyais qu'elle te l'avait dit.
- Non.
- Il est passé une première fois dès ta sortie de l'hôpital. Il a laissé un paquet pour toi, devant la porte de votre appartement, je crois.
Je lui cache le fait qu'il avait entendu du bruit dans l'appartement et que nous savions tous pertinemment que Alana ne lui a pas ouvert en sachant qu'il était venu voir la petite de ma part.
- C'était quoi le cadeau ? demande-t-elle curieuse.
- Une peluche, je crois. Un ours.
- Un gros ours brun avec un nœud papillon ?
- Oui je crois. Alana te l'a transmis ?
Elle ne répond pas immédiatement.
- Oui. Je crois. Et après ?
- Euh la deuxième fois, c'était juste avant la rentrée scolaire. Je savais que tu venais de rentrer de chez ta grand-mère Carmen et j'avais confié une lettre à Drake. Mais personne n'a répondu à l'interphone. Ses paquets sont restés à la loge.
- Il m'avait apporté quoi ?
Sa voix est tendue.
- Des livres, une poupée en tissu que ta grand-mère avait cousue pour toi, un carnet pour écrire et ma lettre. Il faisait le facteur de la part de toute la famille.
Il y a un silence.
- Bon. J'ai plus faim. Je peux retourner dans ma chambre ?
Je ne comprenais pas pourquoi elle interrompt ainsi la conversation.
- Tu as mangé un peu au moins ?
Je suis inquiet. Elle ne répond pas. Il faudra vraiment que je lui explique que sa voix est le seul moyen de communication que j'ai avec elle. C'est trop frustrant. Livie prend la parole.
- Oui, Andrew elle a mangé.
- Eh ! Je suis assez grande pour répondre toute seule ! J'ai plus faim, c'est tout. Je vais aller dormir. J'en ai marre.
Lisa a quasiment crié les derniers mots, mais je jurerai avoir senti des sanglots dans sa voix.
J'entends juste la chaise racler le sol et une porte claquer. Encore.
- Je suis désolée, je ne voulais pas la mettre en colère.
- Je ne pense pas qu'elle soit en colère contre toi, Livie. Tu n'es que le prétexte et j'en suis désolé moi aussi. Il y a autre chose. Je vais la voir. Souhaite-moi bonne chance.
- Fais attention, elle a des crocs apparemment ta fille, dit Livie qui souhaite alléger l'atmosphère.
- Ouais, j'ai cru comprendre ça. Elle a dû les affûter avec sa mère.
Je me lève de table et file rejoindre ma fille. Je constate, en faisant la grimace, qu'elle a trouvé la télécommande de la télévision. Ma mère a insisté pour en installer une dans sa chambre. Une chaîne quelconque de clips déroule les décibels à un niveau trop important pour mes oreilles sensibles. Je suis résolu à crever l'abcès et je ne peux pas le faire dans cette ambiance. Après quelques tâtonnements, j'appuie sur le bouton d'arrêt de la télévision, pour entendre le pire bruit de toute mon existence.
Lisa pleure à gros sanglots. Elle est apparemment sur le grand pouf en forme de poire proche de la bibliothèque. Je me dirigeai donc vers elle et m'assoie sur le sol à proximité de celui-ci.
- Il faut qu'on parle sérieusement toi et moi. Ça fait un an qu'on ne l'a pas fait véritablement.
Comme elle ne dit rien. Je passe ma main sur sa joue et essuie ses larmes du bout des doigts.
- Pourquoi ? Pourquoi t'es pas venu toi ? Pourquoi tu ne parlais pas vraiment au téléphone. Tu ne parlais qu'à Alana !
Ses sanglots me serrent le cœur. Je ne suis pas très bavard au téléphone. C'est vrai. Nous ne discutons que de l'école, de ses copines. Pas vraiment d'elle ou de moi. Je n'ai pas été à la hauteur. Je caresse ses cheveux courts. C'est curieux au toucher, doux et tellement différent de mes souvenirs.
Ne sachant comment évoquer ma difficulté à communiquer verbalement. Ce qui avait été si simple à lui écrire dans ma première lettre, je n'avais pu lui confier de vive voix par téléphone.
- Peut-être que tu me manquais trop ? Peut-être que je suis un imbécile qui ne sait pas dire les choses. Je m'excuse mon bébé mais tu es...
- NON ! Tu peux dire ce que tu veux ! Tu mens. Je t'ai entendu parler avec maman. Tu ne voulais pas que je vienne. Eh bien moi je ne veux pas être ici !
Vive comme l'éclair, je l'entends se lever et sortir de la pièce me laissant cloué sur place par la violence de ses paroles.
Je ne veux pas qu'elle vienne ? Elle ne veut pas être ici ? Je ne sais pas quelle phrase était la plus fausse des deux.
Ce que je sais, c'est que j'ai intérêt à bouger de là rapidement, car une autre porte venait de claquer.
Celle de l'entrée de l'appartement... juste après le cri de Livie « Non Lisa ! Reviens ici ! »
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