Chapitre 42- Andrew : Transaction
Maman est partie il y a quelques minutes. Elle chantonnait une musique que j'ai entendue à la radio comme si elle était contente mais je sais qu'elle est nerveuse. Elle m'a disputé car son petit déjeuner était froid ce matin et ce soir , elle m'a dit que je ne savais pas m'habiller correctement. Je porte juste le pyjama d'intérieur que Livie m'a offert. Celui qui a un dessin du Petit Prince et de la Rose. Mais je m'en fiche. Qu'elle me dispute.
Elle me manque Livie. Presque autant que Papa. J'ai hâte de repartir là bas. Papa ne m'a pas appeler hier. J'étais un peu inquiète car d'habitude il m'appelle tous les jours sur notre téléphone secret. Mais il a appelé ce matin juste après mon départ pour l'école. et c'était super. Il m'a dit que j'aurais peut-être une surprise bientôt . Et qu'il m'aimait très fort.
Autant que le petit Prince aime sa Rose.
ooOoo
Le voyage est long, presque 6 heures avec mes jambes recroquevillées dans un espace soi-disant confortable.
Je me trompe de direction pour rejoindre mon siège en sortant des toilettes.
La sauce des spaghettis coule sur ma chemise blanche.
Le film diffusé n'est qu'une suite de coups de feu et de hurlements.
Je m'en sors plutôt bien cependant, et dans le taxi qui me conduit vers mon hôtel, vers 20h30, je prends conscience que même si je reste aveugle toute ma vie, même si je commets des erreurs, je peux y arriver seul. Alors avec Livie et Lisa, je me sentirai comme le roi du monde.
C'est plein de confiance que j'envoie un texto à Alana .
« Suis arrivé à L.A. R.V. 21h à l'Éclipse si tu as une baby-sitter pour Lisa »
Ce café est juste en bas de mon hôtel (ce que je ne lui dis pas) et pas très loin de son appartement. J'ai, à l'aide de Drake, choisi un terrain neutre avec témoins et surtout sans Lisa pour discuter des horreurs de la transaction.
Lorsqu'elle me confirme son arrivée dans moins de 10 minutes, je me lève et enfile ma veste. Pantalon de flanelle noire, chemise sobre et blanche et cette veste de laine noire très classique. C'est Livie qui a choisi la tenue que je dois mettre pour « revoir » Alana. Très loin de l'écrivain bohème qu'elle a épousé. Je porte un peu de Livie sur moi, je lui ai emprunté une des photos de sa boîte secrète. Je ne sais pas ce qu'elle représente mais elle lui appartient et cela me suffit. Je la glisse dans la poche intérieure gauche de ma veste comme un talisman pour descendre au café.
Je m'installe à une des tables assez éloignée de la porte. Un coin pas trop bruyant et commande un café bien serré. Mon horloge interne accuse le coup : il est plus de minuit à New York et dans mon corps. De plus, j'avais peu dormi la nuit précédente. Je souris en y repensant. Puis un parfum capiteux et entêtant m'entoure en même temps qu'une main féminine caresse mes épaules.
Alana en mode séduction.
Je me dégage d'un geste.
- Bonjour Alana .
- Bonsoir Andy. Tu es... splendide.
Je fais comme si je n'ai pas entendu et désigne de la main, la chaise de l'autre côté de la table.
- Assieds-toi en face de moi.
- Comme tu veux.
J'entends la chaise racler sur le sol et inspire doucement. Il y a beaucoup de bruits autour de nous. Je me souviens soudain que notre histoire a commencé dans un tel lieu, un café bruyant où elle m'avait abordé alors que j'attendais des amis. C'était si loin. Il est symbolique qu'il se termine de la même façon.
- Lisa est chez toi ? Elle va bien ?
- Elle va bien. Mieux que moi, même si tu ne le demandes pas. Alors on commence par quoi ?
- Tu m'as fait appeler en urgence. Je suis là alors ne perdons pas de temps.
Je sortis de la pochette de cuir de Drake la chemise au grain de papier grossier. Je la pose calmement devant moi et en extirpe, d'un geste sûr, un exemplaire du contrat que je fais glisser sur la table devant Alana .
- Voici, pour commencer, le contrat que tu as accepté de signer. Tu renonces expressément à tes droits maternels. Tu ne pourras plus demander la garde de notre fille. Ni la voir. Jamais. Sauf si elle en fait la demande et encore, dans ce cas précis, cela se passerait en ma présence ou celle d'une personne de mon choix jusqu' à ses 16 ans.
Cette dernière clause est un ajout de ma part, que Drake a approuvée.
- Oui, c'était convenu ainsi. Je sais tout cela Andy, répond-elle agacée.
- Andrew ! Je préfère Andrew, tu le sais. Bien sûr que tu es au courant des clauses du contrat, mais je veux t'entendre dire que tu as compris. Tu... vends ta fille et moi, j'achète sa liberté. Les mots doivent être prononcé.
Vomir. Partir, oublier cette sinistre négociation. Je serre les dents.
- Lisa ne m'intéresse pas.
Elle l'a dit. Les mots auxquels je ne m'attendais pas pas résonne et le monde se tait autour d'eux qui tournent, lourds et sinistres autour de ma tete. Je tente de garder mon calme et me félicite que Nous ayions décidé de nous réunir loin de LisA;
Alana est froide. Indifférente et pressée de passer à autre chose.
- Je vais te signer tout cela dès que j'aurais vu les autres documents.
Je soupire et sors le reste des documents, les posant un par un devant elle, comme si je comptais les liasses qui achètent ma fille.
- La voiture à ton nom, les billets pour ta croisière et l'acte de vente de l'appartement. Tout y est. L'acte notarié pour l'appartement ne sera enregistré que lundi ou mardi. Les délais étaient trop courts mais ce document te prouve que l'achat a été fait, à ton nom.
Les documents me sont arrachés, et j'entend le bruit de pages tournées avec empressement.
Le contrat ne l'intéresse pas mais le reste... elle vérifie attentivement.
Elle a un bref soupir. Soulagement ? Regret ?
- Tout me semble correct en effet. Donne un stylo que je te signe ce contrat.
Je sors le stylo encre, prévu à cet effet, de la poche de ma veste, mes doigts caressant au passage la photo de Livie.
Ma plume griffe le papier, feuille après feuille. Exemplaire après exemplaire. J'entends le même son losqu'elle fait de même. Puis je récupére les deux exemplaires qui me sont destinés et appelle un serveur.
– Monsieur pourriez- vous vérifier s'il vous plait si les pages de ce documents comportent deux signatures ? Désolé Alana mais tu comprends que je dois le faire, je poursuis ironiquement à destination de mon ex-femme.
Je n'ai aucun scrupule à avouer ma cécité à un inconnu et à vérifier si Alana ne cherche pas à me tromper. Elle souffle de colère mais cela m'est égal. Apres quelques secondes, l'homme me confirme que tout est conforme et je glisse les feuilles avec soin dans leur chemise. Mon avenir. L'avenir de Lisa. Tout était fini. Comme cela.
- Je passe chercher Lisa demain dans la matinée.
- Si tu veux. De toute façon la croisière débute dans trois jours, j'aurai mille choses à faire.
Je n'ai rien d'autre à lui dire. Quelques années de vie commune, une enfant merveilleuse, des heures et des mois de disputes et de procédures judiciaires pour que tout s'achève ainsi. J'en ai le vertige.
- Tu as toujours été trop naïf Andrew. Cette gamine.... Tu veux la chouchouter ? Fais-le. Cette année passée près d'elle a été très longue. Trop longue. Être mère, c'est pas fait pour moi. Je m'en fiche. Je vais mener la belle vie. Enfin libre.
- Grand bien te fasse Alana. Tu as déjà ferré un autre poisson ? C'est pour cela que tu as exigé que je vienne immédiatement sous peine de tout rompre ?
Ce n'est pas que ça me passionne, mais je suis curieux de comprendre l'urgence de mon déplacement.
- Peut-être ou peut-être pas. Tu sais, je n'ai jamais eu de difficultés à séduire les hommes. Et puis, j'en avais marre de traîner à L.A. coincée avec la gamine. Je te l'ai dit l'autre jour, j'ai envie de prendre l'air, de voir autre chose. Tu as refusé ma proposition de partir avec moi, tant pis pour toi. Mais...
Elle se tait une seconde comme si elle hésite. Elle me fait peur soudain. Elle peut être séductrice une seconde et nerveuse et agressive, la seconde suivante, comme si elle m'en voulait. Je suis extrêmement sensible à ses changements de ton et sens qu'elle va attaquer comme un cobra se jette sur sa proie.
- Je dois te l'avouer Andrew.
Que manigance-elle ?
- Lisa, je ne suis pas... certaine qu'elle soit ta fille.
Un vertige me saisit. Fatigue, décalage horaire et horreur. Je ferme les yeux une seconde, instinctivement comme pour mieux échapper à tout cela. Faire disparaître Alana de ma vie. Retrouver la douceur des bras de Livie. Mais je l'entends continuer, discernant la nuance de triomphe dans sa voix. Mon instant de faiblesse ne lui a pas échappé. Elle pense tenir sa revanche.
- Déjà à l'époque, tu ne me satisfaisais pas. On ne sortait pas, tu écrivais tout le temps, ou alors tu filais avec ton frère courir dans le parc, pendant que je cherchais et trouvais des divertissements. J'ai dû avoir deux ou trois ... compensations.
Je me ressaisis. J'agrippe le bord de la table pour rester calme. Du moins en apparence. Elle me prend pour qui ? La fureur m'emplit de façon incontrôlable.
Je me penche vers elle par-dessus la table, plongeant dans ce parfum entêtant, je vais devoir me doucher en rentrant pour en effacer la moindre trace. Je saisis la nuque de mon ex-femme pour murmurer contre son front.
- Tu oublies quelque chose Alana.
Elle veut se dégager. Mon ton ferme et menaçant la perturbe, mais je tiens bon, sans serrer, sans lui faire mal, mais sans lui laisser la moindre chance de m'échapper.
- Lisa a les yeux de ma mère, les miens aussi.
Je laisse passer quelques secondes avant de poursuivre. Juste le temps qu'elle imagine une réplique. Et je poursuis.
- Même sans cette preuve, Drake a exigé, il y a longtemps, que je fasse un test de paternité.
Elle a un hoquet de fureur.
- Lisa avait 4 ans. Pas de chance pour toi, c'est positif à 99.8 % que ma princesse soit la mienne. Génétiquement d'une part et de cœur surtout. Elle ne serait pas MA fille, elle le serait tout de même. Je l'ai élevée et c'est le plus important. Jamais tu ne comprendras cela. Pars. Fais tes croisières. Profite de l'appartement pour inviter tes amants éphémères. Et si tu veux savoir ?
Je me tais une seconde sans relâcher l'étreinte de mes doigts sur son cou avant de reprendre, murmurant contre sa joue :
– si Lisa ne nous reliait pas, je te souhaiterais de rouler vite, très vite dans ton nouveau joujou jusqu'à rencontrer un mur. Il sera toujours plus chaud et plus aimant que toi.
J'ôte ma main de sa peau et l'essuie plus ou moins discrètement sur mon pantalon en me reculant sur ma chaise. Je récupère la pochette contenant notre contrat, pose un billet sur la table pour régler les consommations et me lève.
- À demain.
Armé de ma canne blanche, je sors tentant de bousculer un minimum de personnes.
Ce n'est peut-être pas une bonne idée de « contrarier » mon ex mais, ça fait un bien fou de se libérer.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro