chapitre 37 Andrew . Cauchemar
Justin Black - Jeudi 18h
Je ne savais plus que faire. Elle semblait toujours perdue dans un autre monde 5 minutes après le départ d'Alice. Bon sang pourquoi celle-ci m'avait laissé tomber préférant s'occuper de l'autre imbécile. Franchement, il avait parfaitement réussi son coup !
Laissant de côté ma fureur contre Follen et revenant au pauvre visage livide de Livie , j'eus une idée. Je me précipitai dans mon bureau et me mis à sa recherche. Ouvrant rapidement les premiers tiroirs, farfouillant dans mon bazar, (qu'est-ce que ce tee-shirt faisait là ?), je constatai immédiatement qu'elle n'était pas où je pensais.
Bon sang où est-ce que je l'avais mis ? J'étais certain de ne pas l'avoir fini ! Liam me l'avait offert il y a pas si longtemps et...tout en réfléchissant je me mis à genoux sous le bureau et dans mon vieux sac à dos, tout au fond, je la trouvai enfin !
J'époussetai mon jean en me relevant, avant de retrouver Livie . Je lui mis d'autorité la flasque d'alcool dans la main, et le regard toujours vide, elle la porta à sa bouche avalant une longue rasade avant que je ne puisse la prévenir.
La transformation fut flagrante. Elle devint brutalement rouge et revint à la vie, toussant et hoquetant. Reprenant la flasque argentée, je lui tapotai le dos ne sachant quoi faire d'autre.
-Argh ! C'est quoi ce machin ? cria-t-elle lorsqu'elle put de nouveau respirer normalement.
- Du whisky irlandais. Enfin je crois. C'est un ami dublinois Liam, qui me l'a offert à son dernier passage. Sa femme Cassie et lui possèdent une sorte de brasserie. Tu ne m'as pas laissé le temps de te dire que c'était un peu fort.
- Un peu. Redonne-la-moi.
Hésitant je lui confiai à nouveau le petit flacon d'alcool, après tout, elle était majeure et vaccinée. Je fus toutefois admiratif de la façon dont elle reprit une bonne quantité du liquide ambré. Elle se leva, posa le whisky sur le bureau, et se mit à tourner en rond dans la pièce, marmonnant des trucs à voix basse. Je reniflai la boisson. Oui, c'était bien le parfum piquant de l'alcool quasiment pur, dont le niveau avait fortement baissé. Livie me surprendrait toujours.
- Bon, tu m'expliques ce que t'as fait ce connard ? Pourquoi tu étais si triste ? S'il te rend malheureuse, je lui ai promis qu'aveugle ou non, je lui écrase mon poing dans la figure avec joie.
Elle se tourna vivement vers moi, les yeux étincelants. L'effet de l'alcool ? Par précaution je reculai tout de même un peu et tombai assis sur la chaise qu'elle avait libérée.
- Tu ne comprends pas. Je suis malheureuse pour lui ! J'espère qu'Alice pourra l'aider comme elle m'a promis d'essayer.
En effet, je ne comprenais pas les femmes !
Livie soupira. Debout derrière mon bureau, elle se plaça face à moi, vaguement menaçante, s'appuyant sur le meuble de ses bras. Elle me regardait pensivement.
- C'est donc toi qui as appelé Alice ?
Je me grattai la tête.
-Je ne demande qu'à comprendre pourquoi tu te laisses faire ainsi, poursuivis-je.
Je vis ses mâchoires se crisper et un petit sifflement d'exaspération lui échapper. Je la préférais en colère. Même contre moi, que catatonique comme il y a quelques minutes. Je n'osai pas lui dire la pensée qui m'effleurait à l'instant. Elle était superbe, forte et fragile à la fois, avec une trace de rimmel noir coulée sur sa joue, trahissant sa tristesse maintenant remplacée par une détermination impressionnante.
- Alice doit m'appeler plus tard. La soirée va être longue. Je t'invite à diner ? Je tenterai de t'expliquer en mangeant.
Heureusement que j'étais assis car son invitation me sidéra. Il ne me fallut cependant que deux secondes pour l'accepter et la rejoindre sur le seuil de ma loge.
ooOoo
Andrew- Jeudi 23H
Le couloir était long, mais si je marchais en me tenant au mur, étais-je sûr d'arriver quelque part ? Il le fallait. Ça ne pouvait plus durer. J'avais froid et chaque bifurcation nécessitait un choix. J'essayai de réfléchir mais plus le temps passait, plus j'avais l'impression de marcher dans ce couloir depuis des heures, des jours. Des mois.
C'était inutile. Je tournais en rond. J'étais fatigué. Épuisé. Cela ne servait à rien de se battre contre cet ennemi invisible. Quoique je fasse, je ne trouverais pas la lumière. Je m'agenouillai un instant, la main collée sur le mur humide et froid.
Pourtant elle m'avait guidé au départ. Elle m'avait posé des questions. J'avais tenté de répondre, et la voix d'Alice m'avait appris que certains de mes choix m'emporteraient loin. D'autres seraient sans issue. Lassée par mon absence de réponses, la voix qui dans le couloir m'indiquait une possibilité de sortie, m'a abandonné. Non, je l'avais quittée. Je l'avais faite sortir. Comme je l'avais fait avec Livie .
Je devais trouver seul. Je ne pouvais pas dire à Alice, aussi gentille soit-elle, que j'étais responsable. Que j'étais coupable. Je ne pouvais pas ME le dire sans ressentir une honte et une peur que cela se reproduise.
Je me forçai à me relever, je devais avancer. Je ne savais pas pour qui, pour quoi mais une force me poussait à avancer.
Puis en une seconde, le froid, le noir disparurent. Ma peau se rechauffa et je repris espoir.
Le soleil inonda la plage. Lisa me lança un ballon multicolore en souriant. Je fis semblant de tomber dans le sable pour le rattraper, et en éclatant de rire, elle sauta sur moi. La gaïté de son rire, la beauté de ses yeux verts que je n'avais plus vus depuis si longtemps. J'aurais voulu pouvoir arrêter le temps pour les savourer sans fin. Elle était si belle ma princesse aux longs cheveux bruns. Je lissais les mèches si douces dont je reconnaissais le parfum, mais qui pour une fois brillaient au soleil. Il s'était écoulé tant de mois depuis que je n'avais pas contemplé ce si beau spectacle. Nous étions tous deux dans une sorte de bulle, oubliant les cris des autres enfants et le monde qui nous entourait.
Elle était heureuse. Elle se releva avec vivacité courant vers les vagues. Je la suivis faisant mine de la poursuivre pour me venger et l'après-midi passa comme un éclair.
Ce fut l'heure de rentrer. Je lui serrai la main en retournant vers le parking où j'avais garé ma Volvo.
- Papa ? En rentrant on mangera de la glace ?
- Je croyais que tu voulais des crêpes ? la taquinais-je.
Secouant vivement la tête qu'elle leva vers moi, en me tirant la langue, elle me fit savoir qu'elle avait compris ma plaisanterie : plage = glace, quelle que soit la saison ! C'était comme cela entre nous. Un contrat que je n'oserais pas rompre.
Je tapotai le bout de son nez rougi par le soleil. Heureuse d'avoir été comprise, elle continua à sautiller autour de moi, sa robe bain-de-soleil rouge cerise tourbillonnant autour de son corps d'enfant.
- Regarde Papa, le marchand de glace est ouvert ! On y va ?
C'était une belle fin d'après-midi. Tiède et lumineuse. Calme et heureuse. Respirant la douceur et le bonheur.
Je suffoquai soudain, lorsque des éclairs rouges effacèrent ces images. Les cris. La voiture, surgie de nulle part, fonçait sur nous à vive allure. Le mur de feu se déclara quasi instantanément lorsqu'elle heurta le magasin à 3 mètres de Lisa et moi. Je ne pus que reculer de quelques mètres, entraînant ma fille que j'avais saisie dans mes bras, avec moi. Tout semblait se dérouler à nouveau au ralenti devant mes yeux horrifiés. Je tentai de faire demi-tour, de m'éloigner, alors que le véhicule continuait inexorablement son chemin vers nous, vers moi.
Je lançai alors de toutes mes forces ma princesse vers le fossé herbeux, de l'autre côté de la rue. Puis le choc me plia en deux, je heurtai le pare-brise et le monde s'assombrit juste après que je vis le véhicule continuer sa course vers ma fille.
Je ressentis alors la douleur. Intense et brûlante. La peur. Paralysante. Je voulais courir la retrouver. Mais le couloir sombre et sans fin était de retour et un poids immense immobilisa mes membres.
Je n'avais rien fait. Je n'avais pas su la protéger.
Je n'avais pas vu le bolide assez vite et elle était blessée. Morte peut-être.
Mon cœur tapait si fort dans ma poitrine que je n'entendais que lui. Il faisait noir et je retrouvai ma terreur. Intacte. Où était-elle ?
Je me tourne plusieurs fois dans les draps qui m'emprisonnent, cherchant à me libérer de cette geôle. Je pose mon bras sur mes yeux sentant contre mon poignet vibrer les vaisseaux de mes tempes. Je reprend pied dans la réalité et je ne sais ce qui est pire. Le cauchemar est revenu. Comme avant l'arrivée de Livie.
Elle n'est plus là, je l'ai fait partir. A moi d'en assumer les conséquences. J'ai retenu la leçon de la fatigante séance qu'Alice m'a imposée il y a quelques heures. Tant que je n'aurai pas résolu CE problème avec mon passé, je ne pourrai pas assumer le besoin que j'avais de Livie. Oui, j'ai besoin de Livie. Infiniment. Désespérément. Et ma conduite égoïste me révolte, même si Alice m'a expliqué qu'elle est « logique » dans le cadre de mon syndrome post-traumatique.
Syndrome post-traumatique.
Je grimace dans mon demi-sommeil. Cette expression que j'ai rejetée pendant ma convalescence à l'hôpital est de retour. Alice me l'a jeté au visage sans aucune précaution. Et il faudra cependant que je l'affronte. Je l'ai promis à Alice. Pour Livie. Pour moi.
Mais la fatigue m'envahit et je sombre à nouveau dans ce que je sais être un simple, mais terrible cauchemar où le sommeil m'entraîne une fois de plus.
Le noir était zébré de rouge une fois encore, des flashs éblouissants me brulèrent les yeux. Il faisait aussi chaud que dans un four. Mon corps semblait brûlant de fièvre. Je sentis un liquide visqueux couler sur mon visage. Le cœur battant à toute allure, je voulus m'essuyer mais je ne voyais plus rien. La panique m'envahit. Lisa ?
Où était-elle ? La voiture l'avait-elle touchée ? Ma jambe droite était paralysée et ma tête semblait être passée sous un camion. J'avais mal partout mais il fallait que je la retrouve. Était-elle blessée ?
-Lisa ? Réponds-moi !
Les cris tout autour de moi avaient repris de plus belle et il me semblait entendre les pleurs de ma fille. Elle était vivante ! Je voulus me lever mais aucun membre ne m'obéit. Le rouge était la seule chose que je distinguai dans le chaos qui m'entourait.
- Lisa, crié-je avec désespoir en basculant la tête en arrière, le seul geste qui m'est permis.
À nouveau tout change autour de moi. Il y a comme un frémissement dans l'air. L'obscurité revient, plus douce, moins agressive. Une brise fraîche m'entoure, et un parfum printanier effleure mes narines.
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