chapitre 30 Andrew : Aller de l'avant
Justin
Putain il fait froid ce matin. Je suis arrivé tôt et ma chevauchée en moto c'était pas vraiment un plaisir. Alors que d'ordinaire le froid.. pff je m'en fiche. Bon j'ai fait le tour de l'immeuble. RAS . Le sale type n'est visible nulle part. Je fais toujours le tour de l'immeuble. Chaque matin? la routine quoi. Mais depuis l'appel d'Andrew... pardon d'Andy, je suis beaucoup plus méfiant. D'abord la gueule de ce type, ce Peter, ne me revient pas. je sais pas comment expliquer. c'est comme s'il ...exhalait une odeur nauséabonde Comme s'il sentait mauvais quoi ! Bon Ok je sais c'est pas rationnel. mais l'appel de Follen l'est : si il me dit que le ...fameux Peter ne doit pas rôder autour de Livie, il doit pas approcher de mon immeuble.
Alerte rouge. C'est noté. En plus l'alerte est devenue triplement rouge quand le grand costaud (j'ai appris qu'il était avocat), le petit frère Follen est venu me voir hier matin, doublant les avertissements d'Andy. Un peu bizarre ce type. Le frère je veux dire. Il m'a menacé pour commencer de me faire virer si Peter , l'ex de Livie, m'a-t il appris, rentrait dans l'immeuble. Pendant quelques minutes, il a continué son monologue devant mon apparente indifférence (j'aime pas trop les ordres), me donnant son numéro perso pour l'appeler en priorité, avant Andy a-t-il précisé, en me lançant un regard appuyé, si je voyais le bout du nez de l'ex. j'ai parfaitement saisi : il ne voulait pas que son frère se mette dans des embrouilles seul et préférait gérer le type lui même.Je me demande s'il voulait le gérer avec sa mallette d'avocat bien réglo ou avec les muscles qui semblaient en parfait état de marche. Les Follen sont en apparence des types réglos et disciplinés mais à mon avis si tu les chatouilles un peu, ils sont prêts à se défendre (et à attaquer d'une manière semblable à celles de mes potes et moi. avec les poings. Ca me plait.
Follen-bis m'a quitté en me tapant dans le dos pour "conclure le deal" comme si nous étions copains depuis un bail. Bon OK, il semble sympa. Je plisse le nez à cette idée. je trouve les Follen sympa maintenant ?
En tout cas on fait front contre l'ennemi. Pour la belle Olivia.
Je rejoins ma loge et enlève mon blouson de cuir le jetant sur le dossier de mon fauteuil avant de rejoindre le hall. Quand on pense au loup.... Andrew sort de l'ascenseur et me salue de loin. Comment peut-il savoir que je suis la ? Ca me dépasse.. Tenue de sport et air renfrogné. Sans canne. Comme d'habitude. Un jour il va se casser la gueule et ça sera pas faute de l'avoir prévenu. On échange quelques mots, sur Peter justement mais il semble pressé de sortir.
Je le surveille : il sort et fait le pied de grue quelques instants en sautillant sur place après avoir mis son éternel bonnet. C'est sur, il fait pas chaud. Ah ... le petit -- lol -- frère arrive. Tout va bien.
Ok je retourne bosser.
ooOoo
Vendredi matin
Je vais bien. Très bien. c'est ma première pensée. Avant même d'ouvrir les yeux. J'ai eu la meilleure des nuits depuis longtemps. Les cauchemars ont été tenus éloignés de moi par les bras de Livie . Et ce réveil...
À la fois terriblement sensuel et affreusement gênant. Un parfum fruité et la tiédeur d'une peau nue contre moi, sont mes premières sensations. La sonnerie agaçante de mon portable suit ce plaisir d'une microseconde. Et sur le champ, je prends conscience que mon corps est très loin d'être indifférent à celui qui le côtoie.
Livie non plus ne va pas tarder à sentir contre sa cuisse la dure preuve de cet « intérêt ». Elle est à demi-allongée sur moi. Sa main posée sur ma poitrine me retient tout autant que sa jambe gauche posée sur les miennes. Évidemment, mon corps tendu réclame bien plus que la caresse de ma main indiscrète sur son sein nu .
Je resterai volontiers plus longtemps à savourer ce plaisir d'un réveil sensuel avec Livie. Nous avons tellement partagé cette nuit. Je me sens apaisé, reconstruit, lavé d'une partie de mon passé.
Ma main frôle doucement la peau tendre de sa poitrine, mais la sonnerie insistante de mon téléphone a repris de plus belle. J'ai reconnu, Hystéria, de Muse, la sonnerie personnalisée de Drake et il est évident qu'il ne nous laissera pas tranquille. A sa décharge, il ne sait pas que Livie dort avec moi. Je me dégage doucement de son étreinte, en essayant de ne pas la réveiller . Avec mille fois plus de regret qu'il y a deux jours.
Mais Livie retient mon épaule doucement. Me retournant vers elle, sa main se pose aussitôt sur mon visage. Douce incitation à rester près d'elle.
- Bonjour Andrew. Tu comptes te sauver encore une fois ? Sans me souhaiter une bonne journée ? m'avait-elle demandé doucement d'une voix ensommeillée.
Me rallongeant à son côté, oubliant le téléphone, je resserre mes bras autour de la petite silhouette qui se blottit immédiatement contre moi. C'est juste parfait. Elle, emboîtée contre ma poitrine. Son parfum flotte autour de moi et ses cheveux frisottent sur mon cou.
- À contrecœur, je te le jure, Livie . Tu entends ? C'est Drake qui m'appelle. Il ne me lâchera pas.
Les lèvres de Livie frôlent ma poitrine, me chatouillant légèrement alors que je la sens sourire.
- Drake n'est pas ici avec nous, il peut patienter, un peu, fait-elle tentatrice.
Je ferme les yeux, retenant un grondement de plaisir lorsque de sa main, elle caresse mon torse, descendant insidieusement de mon épaule vers mon abdomen. La sensation de ses caresses n'a rien à voir avec l'apaisement ressenti la veille. Ce matin, son geste est empreint de sensualité et mon corps réagit instantanément. Je deviens de plus en plus... tendu.
- Livie ? Sais-tu que tu prends un chemin dangereux ?
- Hum ? murmure-t-elle d'un air distrait.
- Livie, il faut arrêter
Je la supplie à regret et stoppe la descente de sa main en saisissant son poignet, le posant sur ma hanche où il sera moins dangereux.
Ce n'est pas le jour. Ni le moment. Je meurs d'envie de répondre à son invite mais la sonnerie puissante de mon portable avait repris. Hysteria et Drake se laisse pas oublier.
- Tu le souhaites vraiment Andrew ?
- Souhaiter quoi ? Arrêter le voyage de ta main sur moi ?
Je ris brièvement. Aux grands maux, les grands moyens. Je reprend la petite main tentatrice pour la placer sur le renflement de mon boxer. Très inélégant mais sincère et instructif. La torture est à son comble.
- Oooh...
Le petit couinement de surprise de Livie me montre qu'elle a saisi sans nul doute le message.
- Oui... oooh ! Et je vais tuer mon frère. Mais avant...
Je soulève Livie par la taille et la couche sur mon corps puis, faisant remonter mes doigts rapidement sur son corps en frôlant au passage ses hanches, la courbe de sa poitrine avant de prendre son visage en coupe, je laisse alors mes lèvres prendre le relai et lui exprimer mon désir. Ce baiser est dur, violent, je suis ...frustré !
Elle répond avec la même ardeur et me laisse m'insinuer dans sa bouche, la découvrant avidement. Son souffle s'accélère en réponse au mien et je ne me lasse pas d'explorer ses lèvres avec plus de brutalité que je ne l'aurais souhaité. Sa réponse provoque un nouveau grondement quand elle me mordille, m'incitant à continuer de ses mains crispées sur mes épaules. J'ai furieusement envie d'elle et ni l'un ni l'autre ne sommes capable de nous décrocher.
Ce baiser est une satanée bêtise, car il a ouvert la porte sur un paradis de sensualité et de promesses pour l'instant interdit. Nous venons de franchir une autre étape sans réfléchir aux conséquences. Livie me fait cet effet-là. Agir puis réfléchir. Un plongeon vers l'inconnu. Diantrement tentant le plongeon ! Et tellement inhabituel pour moi. Andrew Follen est un type sérieux qui réfléchit mille fois et considère toutes les options avant de passer à l'action. Sauf avec Livie.
Avec une petite tape sur le postérieur de Livie , je met fin à notre préambule avant que nous ne dérapions davantage.
- Lâche, me jette- t-elle lorsque j'abandonne la chaleur de nos draps.
Mais j'entend le rire dans ses paroles, mêlé à une pointe de regret coquin.
- On en reparlera... plus tard. En tous cas clairement tu m'a donné la réponse à la question : toi et moi seul ensemble égale un incendie dangereux et peu contrôlable. Repose-toi Livie, je vais voir ce que me veut mon frère. Je reviens au plus tard dans une ou deux heures.
Je saisis mon téléphone sur la table de nuit et bloque la sonnerie insistante avant de passer à la salle de bain, sentant le regard brûlant de Livie sur moi. Drake attendra cinq minutes. je dois me rafraîchir... les idées.
Lorsque je le rappelle, il décroche à la première sonnerie. Notre conversation est brève :
-Salut frangin. Je suis au volant. Je serais chez toi bientôt.
- C'est obligatoire ? J'ai...
Il me coupe la parole.
- Pas de discussion. Tenue de sport exigée dans trente minutes en bas de chez toi ! Mon frère est devenu un vrai mollasson et ça je ne peux pas le tolérer. Je vais te réveiller moi. A tout de suite.
Il raccroche.
Bon sang ce que Drake peut être pénible parfois.
Il ne me laisse pas d'autre choix que d'obtempérer.
J'achève de lacer, en ronchonnant, mes vieilles Nike noires retrouvées tout au fond du placard de l'entrée. Cela fait un an que je ne les ai pas mises, et deviner où Casey pouvait les avoir mises a été une gymnastique matinale assez harassante. D'ailleurs, il faudra que je pense à envoyer un mail à mon ancienne assistante, histoire de lui dire que je vais bien... Même sans ses incomparables services.
Je soupire en me relevant du fauteuil du salon. Je me retrouve frustré et ronchon dans mon salon revêtu de mon vieux jogging gris, il est un peu lâche sur les hanches, mais je ne vais pas concourir sur un podium. Je zippe la veste à capuche au dessus de mon tee-shirt noir, prêt à aller tirer les oreilles de mon frère.
Bien entendu au moment où je vais partir, Luna se frotte contre mes jambes, réclamant sa part d'attention. Je lui sers rapidement son repas, sachant parfaitement qu'elle réclamera à Lisa ou Livie une seconde ration, puis je décide de frapper doucement à la porte de Lisa. Ma fille ne dort pas et je la serre contre moi, heureux de ce câlin matinal. Drake peut patienter un peu non ? Après ce que m'a appris Livie hier j'ai besoin de la sentir contre moi. je voudrais être un rempart définitif contre... sa mère.
- Tu vas bien ma puce ? je lui demande en m'asseyant à côté d'elle sur le lit.
-Oui mais tu m'as manqué hier.
-J'espère bien ! Et toi aussi diablesse,
Je lui frictionne la tête pour la taquiner, dérangeant la tignasse qu'elle avait déjà peignée.
-Bon je dois sortir avec ton oncle ce matin. Je ne pense pas en avoir pour longtemps. Je reviens aussi vite que possible. Il faut qu'on discute un peu tous les deux.
- Ok je prépare le petit déjeuner avec Livie si tu veux, elle cuisine presque aussi bien que toi et elle explique bien mieux. On a prévu hier de faire des crêpes ce matin.
Elle a l'air heureuse. J'esquisse une moue dubitative
-Mouais et je suis sure qu'elle te laisse goûter tous les gâteaux ?
-Logique, rigole Lisa.
-En parlant de Livie, elle s'est couchée tard hier soir. Elle doit être fatiguée. Laisse la dormir un peu Tu lui demanderas de te préparer ton p'tit dej' quand elle descendra, d'accord ?
Je n'ai pas spécialement envie que ma fille monte dans ma chambre, ou celle de Livie , et qu'elle s'aperçoive de l'endroit où celle-ci a passé la nuit. Leur complicité est naissante et je dois d'abord rassurer Lisa.
- De toute façon j'ai prévu de lire une histoire à Luna avant de réveiller Livie.
-Parfait une longue histoire et moi je reviens aussi vite que possible. Avec oncle Drake sûrement.
Après un dernier baiser sur le front de ma princesse, je sors de sa chambre puis de l'appartement.
Patientant devant l'ascenseur, je me fais la réflexion que l'appel de Drake tombait à pic. C'est une bonne diversion. J'oublierai un peu le séduisant corps de ma colocataire et ma façon très personnelle d'y réagir. Livie est une femme si forte et fragile qu'elle éveille en moi trop d'émotions. L'envie furieuse de la protéger contre Peter , contre l'adversité de la vie se dispute avec d'autres sentiments beaucoup trop... troubles.
Et puis il y a ce qu'elle m'a appris sur Alana et Lisa. J'ai malheureusement plein de choses à dire à Drake. Il sera content d'avoir de l'eau à son moulin. Finalement la séance de sport qu'il veut m'imposer vient à point, je me défoulera de ma frustration sexuelle sur un tapis roulant et donnerai mes nouvelles instructions à mon avocat de frère.
Dans le hall, je salue Justin,qui martèle le sol avec ses bottes de motard. Il est déjà à son poste. et je m'approche de la loge.
- Bonjour Andrew. Déjà levé ?
Notre nouvelle familiarité me perturbe encore un peu. Je ne suis pas persuadé qu'il n'a pas des vues sur ma Livie .
Ma ??
Enfin, sur Livie .
- Comme toi non ? Pas de traces de Peter dans le coin ?
- Non, il ne s'est pas approché. Je l'attends de pied ferme s'il montre sa tronche dans le coin. Personne ne touchera à Livie .
Je suis d'accord avec lui, heureux de son aide et vaguement jaloux.
- Merci de ton aide. A plus tard, Justin !
Je pousse la porte de l'immeuble et la fraîcheur mordante de l'automne me saisit. Je prends mon bonnet de laine noire dans ma poche et l'enfonce sur ma tignasse et mes oreilles. Peu sexy mais chaud. J'entends un type arriver à petites foulées sur ma gauche.
- Drake ?
- Suis là, p'tit frère !
Pff l'idiot !
- Tu te rends compte que tu me fais lever aux aurores pour aller en salle de gym alors que je t'ai rien demandé ?
Je râle un peu pour la forme. Dans le fond il n'a pas tort même si je ne me vois pas encore comme un "mollasson".
- Oui, et j'adore ça ! J'ai décidé qu'il faut commencer à te secouer un peu. Et nous n'allons pas à la salle de gym. De toute façon, t'aime pas ça.
Je fronce les sourcils. Je ne vois pas où il veut en venir. Il est vrai que j'ai toujours détesté m'entraîner en salle préférant de loin les footings, seul ou avec lui dans Central Park mais maintenant...
- Bon, tu proposes quoi ? Et puis la prochaine fois préviens, t'as mal choisi ton jour !
Je me mords les lèvres. Les paroles m'ont échappé et je crains de devoir répondre à la curiosité de mon frère.
- Pourquoi ? Tu avais prévu une grasse mat' ? Tu as un boulot de fainéant, tu peux bosser quand tu veux ! Ou alors... j'ai interrompu quelque chose ? Ta jolie coloc et toi... ?
Il laisse sa phrase en suspens comme s'il espère que je commente son idée. Je hausse les épaules, en omettant de lui répondre.
- Bon ! On fait quoi alors ?
- Footing.
Quoi ? J'ai dû mal entendre. Même si mon ouïe fonctionne très bien.
Il me saisit le bras et me fourre dans la main gauche une espèce de fine cordelette semblant assez solide. Elle est longue d'une cinquantaine de centimètres et un gros nœud orne chaque extrémité.
- Bon sang Drake, j'ai froid et je suis de mauvaise humeur. Explique-moi !
- C'est euh... on pourrait courir ensemble dans Central Park, comme... avant. Je te guide avec ce truc... Ça s'appelle courir en duo. Il suffit qu'on prenne cette cordelette chacun à une extrémité et on court au coude à coude. Je te promets que j'irai pas trop vite.
Je réfléchis avant de répondre. Il a semblé gêné au départ, mais sa petite pique finale, me laisse froid. Je pince les lèvres, songeant que mon frère ne m'a pas habitué à ce genre d'initiative.
- Tu as pensé à ça tout seul ou une jeune femme de ma connaissance te l'a soufflé ?
Un bref silence.
- Peut-être que tu as raison et qu'elle m'en a un peu causé l'autre soir. Je m'en veux de ne pas y avoir pensé avant tu sais. J'aurais dû passer plus de temps avec toi cette année.
Ok ! Un Drake repentant...
Je réfléchis encore un peu, faisant passer et repasser la cordelette d'une main à l'autre. Le système est curieux. Ca peut marcher. Lui et moi on se connait bien. On courait souvent côte à côte. J'ai confiance en lui. Plus qu'en une canne blanche. Je souffle doucement imaginant la scène et un petit sourire en coin soulève mes lèvres. Me rapprochant de mon frère, je lui frappe le dos.
- Si tu crois pouvoir me dépasser facilement à la course, c'est que tu as oublié à qui tu parles Follen ! De nous deux le plus rapide, ça a toujours était moi. Alors tiens bon la cordelette. Et celui qui gagne aura plus de crêpes.
Il rit, rabat ma capuche par-dessus mon bonnet et m'entourant les épaules de son bras, me guide pour traverser l'avenue et nous parcourons ensemble en chahutant les cent mètres qui nous séparent du poumon vert de New-York.
40 minutes plus tard.
Andrew Follen est mort.
Décédé quelque part autour du Jacqueline Kennedy Reservoir. 2.5 km uniquement certes mais après 2 ou 3 tours... j'en ai perdu le compte, trop occupé à cracher mes poumons.
Je n'ai pas couru depuis un an ! Les quelques kilomètres de tapis de course au centre de rééducation ne comptent pas.
Ne cherchant même pas à dissimuler à mon frère mon état de santé délabré, je m'affale sur le banc proche de notre point de départ qu'il m'indique. Je me fais pitié, c'est dire !
- Il y a du boulot Andrew. On dirait que tu as fumé 3 paquets par jour depuis des années..
Drake sautille devant moi sur l'asphalte de l'allée, ayant jeté l'instrument de torture qui nous a lié pendant plus de 30 minutes sur mes genoux.
- Je sais. La ferme ! réussis-je à répondre après quelques instants.
Je suis officiellement mort de fatigue mais qu'est-ce que je me sens bien ! C'est masochiste sûrement. Courir à nouveau, seul ou presque, me rend vivant. Drake et moi nous connaissons suffisamment bien et après un départ assez chaotique, heureusement sans témoin, enfin je pense, nous avons trouvé assez rapidement notre rythme. Les centaines de mètres sont devenus des kilomètres de course à petites foulées.
Je souffre, car l'endurance m'a fui pendant ces longs mois d'inactivité. Cependant la sensation de liberté, de complicité avec Drake, a pointé rapidement le bout de son nez. Je respire à pleins poumons, l'air relativement pur et parfumé du parc. Il y a peu de monde à cette heure matinale, nous sommes seulement dérangés par le chant des oiseaux. J'écarte les bras sur dossier du banc et je grimace en sentant mes muscles endoloris protester à ce modeste effort.
- Faut pas t'arrêter brusquement sinon, tu sentiras les courbatures demain, rigole Drake histoire de m'enfoncer encore plus.
Je ne hausse même pas les épaules. Trop de muscles endoloris dans le coin. Les yeux clos, je m'appuie contre le dossier du banc, la tête basculée en arrière, je pense alors à un moyen assez agréable de faire passer mes courbatures, en tête-à-tête avec Livie . Après tout, elle est la responsable de mes maux actuels, elle pourrait rembourser sa dette en enduisant ses jolis doigts d'huile de massage pour soulager les douleurs de mon dos et de mes cuisses.
- Andrew ? T'es parti où ? Tu as un sourire rêveur sur les lèvres qui ne me dit rien de bon.
- Je rêve à la récompense qui m'attend à la maison, lâchai-je sans réfléchir.
Ok je suis devenu idiot.
- Une récompense ? Qui se mange ?
Je ne peux m'empêcher de m'esclaffer. je suis sauvé par l'estomac de Drake.
- Tu verras ! Livie est vraiment une pro de la tarte aux pommes et si tu me ramènes entier, peut-être qu'elle t'en donnera une part.
- Alors on rentre ! Lève-toi ! me dit-il soudain pressant.
- Nope. J'ai des choses à te dire avant. Assieds-toi une seconde, je ne te vois pas mais t'entendre bouger tout autour ainsi me donne le tournis et augmente mes douleurs musculaires. .
Le banc de bois craque un peu mais le matériel de Central Park est solide.
Sans détour j'attaque les choses sérieuses.
- Je veux la garde de Lisa.
- Euh, oui je sais.
- Par tous les moyens possibles. Tu as carte blanche.
L'ambiance change. Il se tait et ne bouge plus pendant... trente secondes. Un record. j'entends presque les rouages de son cerveau se mettre à tourner à toute allure.
- Explique-moi, pourquoi tu changes d'avis maintenant ? Cela fait six mois que j'essaie de te convaincre d'être plus... dur, plus direct contre ton ex.
Ma gorge se serre, la culpabilité renaît de ses cendres. Elle n'est jamais très loin chez moi, je songe avec amertume.
- Lisa a confié certaines choses à Livie qui a su... m'expliquer le mode de fonctionnement de Alana avec ma fille.
Drake claque brutalement dans ses mains, me faisant sursauter et grimacer.
- Bénie soit cette femme ! Maintenant explique-moi. Tout. Et en détail. Que s'est-il passé avec Lisa ?
En mode avocat, la voix de Drake est froide et cassante. Je crois qu'Alana ferait bien de ne pas s'approcher de lui avant longtemps. En quelques mots, sans trahir les confidences de Livie sur sa situation personnelle, c'est un autre problème que j'aborderai plus tard avec Drake , je lui explique comment Alana manipule Lisa en sapant sa confiance en elle et les craintes qui sont maintenant ancrées en elle.
Drake s'éloigne un peu et j'entends un objet se fracasser sur le sol. Un autre banc ? Un panneau ? Je le laisse se défouler un peu. Il adore sa nièce et doit s'en vouloir aussi certainement de n'avoir rien vu. À chacun sa façon de réagir. Moi j'ai paniqué dans les bras de Livie , lui, cogne le mobilier public. Nous portons tous notre part de responsabilité dans ce gigantesque gâchis. Moi, mille fois plus que les autres.
- Donc le programme c'est quoi maintenant ? lance-t- il en revenant s'asseoir calmement près de moi..
- Ce que tu décides. Je veux sa garde. Le plus vite possible et pour toujours. Alana n'aime pas Lisa. Je ne crois pas même qu'elle veuille la garder avec elle. Je pense qu'il s'agit plus... d'une vengeance. Elle ne m'a jamais pardonné de l'avoir quittée lorsque j'ai compris qui elle était.
- Donc... il semble réfléchir un peu. Donc, je contacte ce matin mon associé sur L.A. Ton ex sera, dès ce soir, sous la surveillance d'un privé. On verra ce qui en sortira, mais la connaissant...
Il ne poursuit pas sa phrase et cela m'intrigue.
- Quoi ? Que veux-tu dire ?
- C'est une garce tu la connais.
- Moi oui, mais toi ? Tu en as trop dit maintenant. Que sais-tu sur Alana ?
Il soupire... puis rale d'une voix étouffée. Il semble abattu.
-Laisse tomber.
-Non. Je veux savoir. Tout ce qui concerne Alana. Explique tes sous-entendus.
Je suis conscient que je lui parle trop sèchement mais j'en ai marre de passer à côté des choses.
- C'est un truc qui s'est passé il y a longtemps. J'ai jamais voulu t'embêter avec ça... c'était au moment où tout allait déjà très mal dans votre couple. Lisa avait un an je crois. C'était le soir où tu as emmenée la petite à l'hôpital en urgence, suite à une petite chute...
- Je vois très bien de quoi tu parles mais Alana n'était pas à la maison ce soir-là. Je suis parti seul avec Lisa aux urgences si je me souviens bien.
- En effet, Alana n'était pas avec toi : elle était chez moi. Elle a d'abord pleurniché. D'après elle, Tu étais « dur » avec elle, sans cœur. Je ne l'écoutais que d'une oreille. Puis... elle a tenté de... elle voulait... . pfff merde je peux pas t'expliquer ca ! ....Bref, je suis sorti de chez moi presque en courant, la laissant seule se rhabiller. Je ne voulais pas rester une seconde de plus avec elle après avoir compris ce qu'elle cherchait à faire ... enfin tu comprends ?
Jamais je n'avais senti Drake aussi mal à l'aise. Je crains de comprendre. Mon estomac se tord et une envie de vomir me tenaille. Alana me dégoute. Je recoupe cet événement avec d'autres et certaines choses s'éclairent dans mon esprit.
- Laisse tomber. Je vois tout à fait. Et malheureusement, je ne suis pas surpris. Je comprends mieux seulement maintenant pourquoi tu ne venais plus à l'appartement la dernière année de notre mariage. Ton détective privé aura sûrement effectivement rapidement de quoi se mettre quelque chose sous la dent.
Un silence gêné nous entoure. Les aveux de Drake ont été pénibles à entendre et sûrement plus à dire, mais cela ne change rien entre nous. J'ai une confiance totale en mon frère. S'il me l'avait dit à l'époque ? Ca n'aurait rien changé : notre couple était déjà mort.
- D'autres idées ?dis-je un moment plus tard.
- Une oui, mais tu ne vas pas apprécier.
- Je suis prêt à tout pour que Lisa ne retourne pas là-bas.
- Andrew ! Je te rappelle qu'elle doit y retourner. Lundi... Les vacances s'achèvent et si on veut avoir la moindre chance que l'audience pour obtenir la garde tourne en notre faveur, il faut respecter la loi.
- Je le sais mais il faut que tout aille vite...
- Bon pour cela, il faut que tu donnes ton approbation pour que la petite soit vue par un psy.
J'ouvre immédiatement la bouche pour refuser et la referme. Drake connait ma détestation des psys, il connait son boulot aussi et s'il me suggère ceci, je dois réfléchir avant de refuser.
- Tu crois que cela peut avoir un impact sur le tribunal ?
- Oui. C'est évident. Sais-tu que ta voisine, la p'tite brune pétillante, est une psy agréée auprès des tribunaux du comté. C'est une experte judiciaire assez reconnue dans son domaine. Elle ne s'occupe pas des gosses habituellement mais, comme elle en pince pour ton éditeur, je suis sûr qu'elle fera une exception.
Pas bête.. Alice Barnett connait déjà Lisa et ma fille l'apprécie. Je suis soulagé. Lisa ne prendra sûrement pas cela comme une intrusion dans sa... personnalité et peut-être même que cela lui sera utile. Malgré ma méfiance envers les psys, je dois reconnaître que le Docteur Kate Garrett n'a pas été totalement... désagréable, ni inutile. C'est juste moi qui déteste perdre le contrôle de mes émotions et de mes pensées.
- Bien, je demanderai à Alice si elle veut bien s'occuper de ma fille. Autre chose ?
- Livie pourrait témoigner aussi ? suggère Drake
Je soupire. Décidément il a le don de proposer des solutions désagréables. Je n'ai pas envie de cela maintenant. Je sais que Livie le fera si je le lui demande, mais cela ouvrira chez elle des plaies mal cicatrisées.
- C'est compliqué Drake. Elle acceptera évidemment pour Lisa mais... si on pouvait faire sans...
- Après le premier rapport du détective, je te dirai si c'est nécessaire ou pas.
Encore une fois il hésite avant de poursuivre.
-Andy ? Tu sais que tu ne peux pas toujours protéger tout le monde autour de toi ? Si Livie veut aider Lisa, tu ne dois pas lui en interdire la possibilité.
- On verra plus tard.
Je repousse son conseil d'un mouvement d'épaules. Il ne peut pas avoir raison sur tout. En tout cas je ne veux pas lui donner raison sur tout, c'est mon grand frère. J'ai besoin d'une pause. A moi de le torturer un peu. Je replace mes bras sur le dossier du banc et conserve mon sérieux pour le questionner.
-Dis-moi, j'avais une question à te poser hier mais, j'ai laissé tomber...
- Alors laisse tomber aussi aujourd'hui, frérot.
- Non, tu n'y échapperas pas ! La sœur de James, elle te fait peur ou quoi ? Tu t'es sauvé de chez elle avant-hier comme si elle avait trois yeux.
Il se rassoit lourdement à côté de moi. Comme si ses jambes ne le portait plus. J'ai touché le gros lot.
- C'est pas exactement cela, c'est même plutôt le contraire. Elle est... sublime. Un vrai canon. Une blonde comme j'en ai jamais rêvé. Tu crois qu'elle est mariée ?
Je siffle entre les dents. Je suis cependant soufflé. Drake qui se préoccupe de savoir si une femme est mariée ou pas ? Il semble sérieusement accro après une seule rencontre. je ne peux résister à l'envie de le chatouiller un peu.
- Tu envisages de l'épouser ? Déjà ? Tu l'as mise enceinte ? T'es rapide.
- Triple idiot ! Je suis sûr que les parents t'ont secrètement adopté ou qu'ils ont inversé des berceaux à la maternité. Moi, me marier ? Non mais tu dis n'importe quoi...La course t'a bousillée le cerveau.
Ma suggestion semble l'avoir épouvanté.
- Et alors ?
- Alors... J'ai besoin qu'elle soit... libre.
J'attends patiemment. Je sais qu'il n'a pas vidé son sac. Il soupire en faisant craquer ses doigts;
-Je veux qu'elle soit... à moi, finit-il par admettre.
Je lui tapote le dos.
- C'est élégant Drake. et très mature. Il faudra quand même lui demander son avis car Macy Williams semble avoir son caractère. C'est une femme intelligente et très douée. Je suis fier de mon frère ! Tu as fait un bon choix.
Je le vois presque se rengorger aux compliments tordus que je lui adresse.
- Tu la connais bien ?
- Pas vraiment... Je ne l'ai jamais rencontrée avant l'autre jour mais... J'ai déjà lu ses écrits...
- Elle est écrivain ?
Il est étonné. Il a dû peu parler avec elle; Un coup de foudre donc.
- Pas encore publiée mais ça ne saurait tarder. James m'a demandé d'annoter le premier roman de sa demi-sœur. Il avait peur de ne pas être objectif. Même si la romance n'est pas mon ...domaine, j'ai apprécié. « Rude »* est addictif... Macy a un très bon style, bien à elle. Je me suis régalé. D'ailleurs en parlant de manger...
- Oh oui, j'ai faim moi aussi. Tu vas arriver à rentrer sur tes deux jambes ou je te porte sur mon dos ?
Drake a sauté sur ses pieds, il piétine sur place. Je sais qu'il a raccourci son heure de course pour moi et nous rentrons en nous chamaillant comme deux gosses. J'ai une faim de loup inhabituelle. J'espère que les filles ont préparé assez de crêpes pour mon monstre de frère et moi.
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Note de l'auteure :
* "Rude"....à chercher, savourer et commenter sur wattpad :) .
Macy Williams y publie sous le pseudo de cocoblood777 mais chuut c'est un secret.
Plus sérieusement l'oeuvre de cocoblood777 est une perle à ne pas manquer. Les nombreux lecteurs ne s'y sont pas trompés.
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