Chapitre 18 : Provocations
Clarke
Dans les rues de Polis, la fête a commencé : les Trikru fêtent leur victoire. Les tambours de guerre résonnent et s'élèvent dans un écho grondant - ou bien n'est-ce que le bruit sourd des battements de mon cœur.
Recroquevillée sur moi-même, dans un lit bien trop grand pour une seule personne, j'essaie tant bien que mal de trouver le sommeil. Le regard vague, je fixe le plateau qui est posé à côté de mon lit : on m'a apporté à manger, mais je n'ai pas faim.
Je suis épuisée, et je sais qu'il ne sert à rien d'essayer de quitter ma chambre : il y a des gardes à ma porte. Ceux-là... Ils me suivent plus près encore que mon ombre. Je déteste ça. Mais je sais que ce n'est que temporaire ; au lever du jour, Bellamy viendra me chercher pour m'entraîner, et tout reprendra son cours.
Je n'ai eu aucune nouvelle de lui, depuis qu'il est parti avec Costya. Ça fait quelques heures, déjà. Apparemment, je l'ai mis dans une situation délicate, et je m'en veux.
Avec le recul, je comprends que c'était stupide de m'enfuir. Je ne voulais pas y croire, mais Bellamy avait raison : ma vie ne sera plus jamais la même, désormais. Fuir est devenu inutile. J'ai tué quelqu'un. Rien que ça aurait dû me le faire comprendre. Il est temps que je laisse le passé derrière moi et que j'accepte qu'à partir d'aujourd'hui, ma vie se déroulera ici.
Et même si cette perspective me terrifie, je sais que je ne suis pas seule : Bellamy est là pour veiller sur moi. Je ne m'en suis pas rendu compte tout de suite, mais j'y vois plus clair, ce soir : il est venu me chercher ; et même si c'était d'abord parce qu'il a l'ordre de me garder sous son aile, je sais qu'il essayait de m'éviter une sanction sévère. Les Trikru ne m'auraient jamais laissée en paix, de toute façon. C'est peut-être un mal pour un bien.
Au moins, ici, j'a un but, une ligne d'horizon. Un avenir. Qu'est-ce que je serais devenue, si j'étais restée seule toute ma vie ? J'aurais forcément fini par péter les plombs, par parler aux plantes et me cogner la tête contre les arbres.
Un coup sourd toqué contre la porte me fait ouvrir brusquement les yeux et me redresser en sursaut. La lumière du jour me fait comprendre que j'ai fini par m'endormir. Pendant une poignée de secondes, j'oublie où je suis. Je me frotte les yeux et regarde autour de moi : des murs de pierre, des chandeliers, des peaux de bête... pas de doute, je suis bien à Polis.
- Heda demande à vous voir.
Le sentinelle posté dans l'encadrement de la porte me dévisage d'un air indifférent. Encore pas tout à fait réveillée, j'acquiesce d'un mouvement de tête et m'extirpe du lit en grimaçant. Je jette un œil vers les deux larges fenêtres qui trouent le mur de ma chambre. Le vent souffle ce matin, et fait voler les lambeaux de tissu censés servir de rideaux. Je soupire longuement : que peut bien me vouloir Costya ?
Le cœur battant, je me prépare en silence sous l'œil attentif du garde. J'attrape mon épée qui reposait au pied de mon lit et d'un geste habile, la fais passer par-dessus mon épaule pour la ranger dans son fourreau.
- Je suis prête, annoncé-je avec fermeté.
En entrant dans la salle du Conseil, je suis déçue de ne pas trouver Bellamy au pied du trône ; il n'y a que Titus qui me dévisage d'un air mauvais. Un sourire étire le visage de Costya qui se lève, attendant que je m'avance vers elle. Mes pas résonnent dans la grande salle déserte.
- Yu will bow fou your heda, crache le Gardien de la Flamme en voyant que je reste immobile. (Incline-toi devant ta Commandante.)
- Certainement pas, réponds-je, les dents serrés, maintenant le regard de la jeune femme.
Celle-ci hausse un sourcil, visiblement amusée de ma réaction. Alors que Titus fait un pas en avant vers moi, l'air menaçant, elle lève le bras pour le stopper.
- Laisse-la, Titus.
- Qu'est-ce que vous me voulez ? Je suis censée aller m'entraîner, non ?
A nouveau, je suis gratifiée du même sourire vague qui me fait trépigner d'agacement. Cette femme me met hors de moi, et ce n'est certainement pas pour la servir que je reste à Polis. De toute façon, mon but, c'est de prendre sa place... non ?
- Je voulais te parler, avant ça, lâche-t-elle avant de se rasseoir avec grâce sur son trône de bois.
- Ah oui ? De l'armée de cadavres qui gît devant les portes de Polis, peut-être ? sifflé-je, ne pouvant plus contenir mon ressentiment plus longtemps.
- J'ai fait régner l'ordre. Un jour, tu apprendras à oublier ton cœur et à te servir de ta tête, Clarke... répond-elle en faisant tourner un petit poignard entre ses doigts avec désinvolture.
Le mépris qui émane d'elle me donne envie de lui sauter à la gorge, mais je ne dis rien. Sérieusement, je n'arrive pas à comprendre comment Bellamy accepte de lui obéir depuis toutes ces années. Il doit vraiment avoir le sens de l'honneur, pour supporter une vipère pareille.
Je ne bouge pas et me contente de serrer les poings, ce qui n'échappe pas à son fidèle toutou dont le regard se durcit encore. Si j'essayais de l'attaquer maintenant, Titus me trancherait probablement la gorge avant que j'aie le temps de poser une main sur sa précieuse commandante.
- Mais je ne suis pas étonnée que tu réagisses comme ça. Tu dois ressembler à tes parents...
A ces mots, je tressaille. Mon cœur se serre dans ma poitrine tandis que je m'efforce de maintenir le regard de Costya.
- Qu'est-ce que vous pouvez bien savoir de mes parents ?
- Je sais qu'ils étaient assez stupides pour partir à la guerre en abandonnant leur fille unique à une vie de sauvage.
- La ferme !
- Yu will show some respect ! vocifère Titus, mais c'est trop tard. (Du respect !)
Les ongles enfoncés dans les paumes, je retiens difficilement des larmes de rage en me mordant violemment la lèvre inférieure. Cette garce... comment ose-t-elle ?! Elle se sert de mes faiblesses pour m'humilier et me blesser. Et elle sait très bien que ça fonctionne. J'essaie de répliquer mais ma voix est étranglée par les sanglots :
- Ils... ils ont fait ça pour me protéger. Mes parents étaient courageux !
- Tes parents étaient des lâches et des égoïstes, assène-t-elle en se levant brusquement et en descendant les quelques marches qui nous séparent pour venir se poster face à moi. Ils ont eu peur en voyant que leur bébé avait le sang noir. Ils ont désobéi.
Son regard émeraude a changé et s'est voilé ; il me transperce et je finis par baisser les yeux, le cœur lourd. Je sens une larme couler le long de ma joue et me retiens de l'essuyer - je ne veux pas avoir l'air encore plus vulnérable. Je n'ai qu'une seule envie : tourner les talons et ne plus avoir à l'entendre parler. Mais elle continue sa litanie sans pitié :
- Mais dis-moi, Clarke, comment peux-tu trouver la force de les défendre ? Après tout, ils t'ont menti et ils t'ont laissée sans rien te dire du monde dans lequel tu vis... ça ne te met pas en colère ?
- Mes parents sont probablement morts en servant votre armée, soufflé-je. Accordez-leur au moins ce mérite et laissez-les reposer en paix.
J'ai du mal à reconnaître ma propre voix, c'est comme si elle ne m'appartenait pas. Je me sens abattue. Les mots de Costya résonnent dans ma tête dans un brouahaha assourdissant. Quand bien même elle ait raison, je refuse de la laisser bafouer l'image de mes parents. Je n'ai presque aucun souvenir d'eux ; je ne la laisserai pas me les arracher. Je veux juste qu'elle se taise.
- Bien. Après tout, ça ne change rien à présent. Et puis, ce n'est pas la raison pour laquelle je voulais te voir...
Je relève la tête en reniflant, reportant mon attention sur la brune. Mes muscles se tendent un à un. Qu'on en finisse. Je scrute Costya, essayant de percer à jour ses pensées, mais l'expression peinte sur son visage est aussi indéchiffrable qu'une feuille vierge.
- Tu te demandes probablement où est Bellamy.
Aussitôt que la commandante prononce son nom, mon cœur fait un bond dans ma poitrine sans que je puisse le contrôler. Le visage du jeune guerrier se dessine dans mon esprit, fier, audacieux. Je serre les dents, imaginant le pire. Et si je lui avais causé plus de problèmes que je ne l'ai imaginé ? S'il lui était arrivé quelque chose... Je me retrouverais toute seule. Encore.
- Alors, où est-il ? demandé-je, hésitante.
- Eh bien, justement. Cela ne te concerne plus, désormais.
Je fronce les sourcils en observant le sourire en coin de Costya avec inquiétude. Celle-ci se met à tourner lentement autour de moi, et mes poils se hérissent de hargne. Décidément, elle aime jouer avec mes nerfs.
- Il a des choses plus importantes à faire. De toute façon, tu étais un fardeau pour lui, dit-elle en se plantant devant moi. Je le libère d'un poids en l'assignant à d'autres tâches.
Aïe.
Cette fois encore, je sens des larmes me piquer les yeux et une pierre s'abattre sur mon cœur en l'écrasant de tout son poids. Costya continue, semblant prendre un malin plaisir à remuer le couteau dans la plaie :
- J'ai eu le temps de vous observer et il est évident que tu ne mérites pas que je te place entre les mains de mon meilleur guerrier. Tu lui fais perdre son temps ; il me l'a dit lui-même. J'ai donc décidé qu'il fallait changer de méthode avec toi...
Je me mords l'intérieur de la joue pour ne pas fondre en larmes. J'ai du mal à croire ses paroles, probablement parce que j'ai fini par accorder une partie de ma confiance à Bellamy. Les mots fondent sur moi et m'écorchent l'âme. C'est de ma faute : j'ai été trop stupide, de penser qu'il pourrait se soucier de moi. Evidemment que j'ai été un fardeau pour lui... je lui ai mis pas mal de bâtons dans les roues. Il voulait simplement s'attirer les bonnes grâces de Costya. Je secoue la tête, désemparée, encore sonnée d'être tombée de si haut. La chute est douloureuse.
- Je te demande donc d'accueillir ton nouveau mentor.
J'entends la porte s'ouvrir derrière moi dans un grincement sinistre et un frisson me parcourt l'échine. J'ai un mauvais pressentiment, qui se confirme lorsque je me retourne et reconnais avec horreur la silhouette qui s'avance d'un pas arrogant vers moi.
Tout, mais pas lui...
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HEY !
Ouais, j'ai abusé pour l'attente... je suis vraiment désolée :( Je dois être trop perfectionniste, alors je mets 3 plombes avant d'être satisfaite de ce que j'écris. J'espère que vous allez bien (et que vous vous rappelez encore de mon histoire XD) !
Alors, vous avez vu, Costya en fait encore voir de toutes les couleurs à Clarke... et ça ne vas pas aller en s'arrangeant... OUPS.
Dites-moi ce que vous pensez de tout ça !
Merci pour votre présence et pour les 4k ♥
Bisous,
hazlife xx
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