Chapitre 12 : Qui suis-je ?
Clarke
- Lâchez-moi, vous me faites mal ! Eh oh, vous êtes sourds ?! Lâchez-moi, je vous dis !
Sans autre réponse que des grognements sauvages, je me retrouve violemment projetée sur le sol de pierres froides et dures. Je me relève aussitôt et fais volte-face, la rage au ventre, mais les grilles de fer se referment brutalement sur moi. Agrippant fermement les barreaux, je me mets à hurler, furieuse.
- Laissez-moi sortir ! Hé, revenez ! Je vais vous tuer !
Des larmes de frustration me brouillent soudainement la vue et je lance un coup de pied dans la grille, avant de pousser un gémissement de douleur mêlée d'exaspération. Sentant alors mes forces et mon espoir m'abandonner subitement, je me laisse tomber à genoux, tête baissée, ravalant avec difficulté mes larmes. Pleurer ne t'aidera pas à sortir, ressaisis-toi. J'essuie mon visage du revers de la main et reste un instant immobile, prostrée, désemparée. Ma tête tourne, lourde et bourdonnante. Ce n'est que lorsque les bruits de pas des gardes s'évanouissent dans la pénombre que je perçois avec horreur des cris, de hurlements furieux qui résonnent et s'écrasent contre les murs suintant de la prison. Je ne suis donc pas seule.
C'est là que les images me reviennent en mémoire avec la violence d'un ouragan et la vitesse d'un éclair.
Je viens de tuer quelqu'un.
Foudroyée par cette brusque prise de conscience, je baisse mes yeux bouffis vers mes mains et réalise seulement alors qu'elles tremblent frénétiquement. C'est même mon corps tout entier qui tremble, sous le choc de la tragédie qu'il vient de causer. Tout est de ma faute. Un frisson d'horreur parcourt mon échine tandis que je lute pour réprimer les souvenirs ; comment ai-je pu faire ça ? Était-ce vraiment moi ? Je ne me reconnais pas. Je ne veux pas le croire. Je ne peux pas... Et pourtant, au fond de moi, je le sais. C'est bien moi qui tenais cette épée, c'est moi et moi seule qui l'ai plongée dans le corps de cette femme. Je suis la seule responsable. Pourquoi ai-je fait ça ? Je ne m'en souviens plus... Je n'arrive plus à réfléchir, mes pensées s'emmêlent, se percutent, perdent leur sens, leur forme, et puis se brouillent dans un vacarme assourdissant. Portant mes mains à mon visage, je capitule, avec l'écho de ma propre voix intérieure qui me murmure : ce monde que tu as tant voulu connaître, regarde ce qu'il a fait de toi...
Une meurtrière.
- Dure journée ?
La voix d'une femme derrière moi me fait sursauter violemment. Je me retourne et plisse les yeux, ne distinguant d'abord qu'une silhouette recroquevillée dans un coin de la cellule obscure. Lorsque mes yeux s'habituent à la lumière, je reconnais avec étonnement la jeune femme du marché, celle qui m'a gentiment tendu un morceau de viande, pas plus tard que ce soir. Lui tournant jusqu'alors le dos, et complètement noyée par mes pensées, je ne m'étais même pas aperçue de sa présence. Je pousse un profond soupir et hoche la tête, la mine défaite.
- Je comprends, ajoute-t-elle en m'adressant une moue compatissante.
Je hausse les épaules, dubitative et incapable de parler, manquant de m'étouffer avec les mots qui restent coincés dans ma gorge. J'ai le goût métallique et acide du sang dans la bouche. Et j'ai froid, des pieds à la tête. Je me rends compte qu'on m'a confisquée mon arme ; c'est sûrement mieux comme ça. Forcée d'admettre que je suis bloquée ici pour un bon moment, je me lève avec peine et rejoins, chancelante, ma nouvelle camarade de cellule. Je me laisse glisser le long du mur suintant d'humidité à côté d'elle, et replie mes genoux contre ma poitrine pour tenter de contrer la vague glacée qui me submerge.
- Je m'appelle Niylah.
- Clarke, réponds-je d'une voix sourde en fixant les grilles de la cellule d'un œil vide.
- Je sais.
Un frisson me parcourt l'échine et je croise le regard de l'inconnue, qui me sourit gentiment.
- Ton arrivée ici a fait du bruit. Ce n'est pas tous les jours qu'un nouveau Sang d'Ébène est découvert.
Je détourne le regard mais sens toujours celui de la jeune marchande posé sur moi. Elle sait donc d'où je viens.
- C'est le choc, affirme-t-elle d'un ton bienveillant, désignant d'un signe de la tête mes tremblements incontrôlables et mes mains glacées. Qu'est-ce qui s'est passé ?
J'avale ma salive ; je ne suis pas sûre d'avoir envie d'en parler. Et pourtant, je m'entends lui répondre :
- J'ai tué quelqu'un. Une Sang d'Ébène.
Mes yeux humides de honte et de culpabilité se détournent vers le sol. Est-ce qu'elle va me mépriser, me haïr, me tabasser ici dans cette cellule isolée et qui empeste la peur ? J'attends sa réponse avec une nervosité que je dissimule péniblement. Comme elle tarde à venir, j'ose lever la tête et lance un regard hésitant vers elle. Je suis surprise de ne lire aucune animosité sur son visage ; au contraire, la jeune femme a l'air désolé. J'en profite pour la détailler plus attentivement : longs cheveux blonds retenus en arrière par une tresse, grands yeux noisette pleins de compassion, visage marqué par la fatigue et les épreuves.
- Et tu ne voulais pas le faire, devine-t-elle en observant ma mine défaite.
A nouveau, j'acquiesce en silence, sentant l'émotion me prendre à la gorge.
- Quelle Natblida ?
- Trisha.
Je suis abasourdie de la voir esquisser un sourire sarcastique. Elle se penche vers moi et, sur le ton de la confidence, me glisse :
- Tu viens de t'enlever une grosse épine du pied pour le Conclave.
Sa réaction me laisse perplexe et je ne trouve rien à répondre. Mal à l'aise, je détourne mes yeux des siens et la détaille discrètement. C'est là que je m'aperçois qu'une large entaille au niveau de son cou laisse s'échapper un liquide rouge.
- Et toi, pourquoi t'es là ?
Aussitôt, son visage s'affaisse et son sourire disparaît. Ses yeux se détournent tandis qu'elle cherche ses mots un instant.
- Après ce qui s'est passé ce soir, tous les Azgedas ayant eu le droit d'asile pour rester à Polis ont été enfermés, au cas où une révolution soit menée de l'intérieur, m'explique la jeune femme avec amertume.
Je fronce les sourcils, déconcertée.
- Mais... vous n'y êtes pour rien ?
Elle opine du chef.
- Bien sûr que non, seule l'armée de notre clan est impliquée. L'initiative vient de Nia, pas du peuple.
- C'est ridicule, me consterné-je.
Un silence pesant s'installe, que je brise rapidement. Emportée par un tourbillon d'émotions destructrices, je poursuis sur ma lancée :
- Toute cette histoire est ridicule, d'ailleurs : les clans, les guerres... Vous êtes tous des êtres humains, non ? Qu'est-ce qui justifie qu'un groupe ou un individu soit supérieur à un autre ? Ça n'a pas de sens.
Niylah m'observe d'un air curieux, comme si j'étais un spécimen inconnu et incompris. Je me renfrogne encore plus, et la vois hausser les épaules.
- C'est comme ça que ça fonctionne... Après l'Apocalypse, les clans se sont formés sur les terres où il y avait des survivants. Je suppose qu'on a tous besoin de sentir qu'on appartient à quelque chose, surtout quand on a tout perdu.
Je prends un instant pour réfléchir. L'Apocalypse... Je me souviens que le mot a franchi les lèvres de mes parents quelques fois, mais je n'en sais pas grand-chose, à part qu'il fait référence au jour où la terre a été réduite en cendres par l'humanité. Et que celle-ci a été presque entièrement entraînée dans la catastrophe. Mais de toute façon, c'était de notre faute, non ? Ça ne peut pas être autrement : c'est toujours de notre faute.
- Les leaders de nos clans ont su nous rassembler dans le chaos et donner un sens à nos existences, c'est pour ça que nous nous battrons s'ils en formulent le désir. Nous leur devons tout.
- Il y a d'autres clans, à part les Trikru et les Azgeda ? la questionné-je, ma curiosité s'éveillant à son tour.
Elle esquisse un sourire et semble regagner un peu d'entrain. Quant à moi, je commence à me dire que ce n'est pas si mal d'avoir de la compagnie, ici.
- Bien sûr. Notre Commandant est la chef du clan Trikru, mais aussi de la Coalition entre les 12 clans.
Je suis surprise d'apprendre qu'autant de groupes se sont formés depuis la fin du monde. J'ignore décidément de cette planète bien plus de choses que je ne le croyais. Toutefois, je ne peux m'empêcher de laisser échapper dans un grognement :
- Votre Commandant... Je ne connais même pas son nom... Je suppose que c'est plus facile de se cacher derrière un titre méprisant que d'assumer qui on est vraiment.
Sentant la rancœur envers cette femme me serrer le cœur, je jette nerveusement un caillou à l'autre bout de la pièce. Après tout c'est à cause d'elle si je me suis retrouvée ici en premier lieu.
- Costya.
Je lève les yeux vers Niylah, qui m'adresse un sourire indulgent. La jeune femme poursuit :
- Elle s'appelle Costya. Ne la juge pas trop vite. Heda est une femme de nombreuses qualités. Sans elle, nous serions probablement déjà tous morts.
Je m'entends pousser un rictus sarcastique.
- C'est elle qui est à l'origine de l'alliance entre les clans et qui est garante de la paix au sein de tous les peuples. Elle ne te plaît peut-être pas, mais quoi que tu penses, tu devras la respecter et te plier à ses règles, comme tout le monde.
Les explications de Niylah tournent en boucle dans ma tête sans que j'arrive à tout assimiler correctement. Je pousse un soupir, résignée, soudainement accablée par ce mont d'informations que j'essaie tant bien que mal de comprendre. Je me sens prise au piège et, en ce moment, je donnerais tout pour retourner dans ma forêt, loin de la civilisation. Mais je sais qu'il est trop tard, que plus rien ne sera jamais comme avant, désormais ; même si je partais, je serais inévitablement rattrapée par mon destin.
- Je n'ai rien demandé de tout ça..., m'entends-je souffler, la gorge serrée.
Je sens la main de Niylah se poser doucement sur mon épaule ; en temps normal, je la repousserais, mais maintenant je n'en ai même pas l'envie.
- Il faut que tu acceptes de laisser ton passé derrière toi. C'est ta place, ici.
Sa voix est douce, effleurant ma peau comme par peur de me blesser. Ce qu'elle ne sait pas, c'est que le mal est déjà fait. L'eau inonde brusquement mes yeux et ma tête bascule en avant. Je ne peux plus retenir la digue de chagrin plus longtemps. Pendant un moment, je reste immobile à lutter contre mes sanglots, et me redresse finalement en essuyant mes joues d'un revers de la main. Niylah n'a pas bougé ; je n'ose pas croiser son regard.
- Je ne sais pas, parviens-je à dire, la voix étranglée par les larmes, désespérée. Je ne sais pas où je suis censée être ni pourquoi je me suis retrouvée ici.
La rage fait place à la peine et je bondis sur mes pieds, pointant sur la jeune femme un doigt tremblant et accusateur :
- Tu ne me connais pas, alors arrête de me donner des leçons de morale ! Tu ne sais rien de moi. Je n'ai jamais voulu de cette vie. Je ne suis pas comme vous !
Mon ton monte et je balance mon poing contre le mur de pierre, espérant peut-être au fond de moi que le coup évacue la douleur. Mauvaise idée. Je recule en retenant un cri de douleur. Tenant mon poing meurtri contre moi, je poursuis ma tirade avec acharnement :
- Votre dévotion pour le sang, ce délire malsain que vous vous êtes créé... je ne veux pas en faire partie ! De toute façon, je n'y comprends rien... Je ne comprends rien à vos coutumes monstrueuses.
Je commence à faire les cent pas.
- Est-ce que tu imagines ce que j'ai vécu ? On m'arrache à la vie que j'ai toujours menée, à ma paix, à ma sécurité, on me traîne dans une ville qui empeste le sang et la mort sous prétexte que mon sang est sacré ! Pourquoi est-il sacré ? Je n'en sais rien !
Épuisée et à bout de souffle, je me laisse tomber à genoux. La jeune blonde m'écoute avec attention. Je reprends mon souffle puis, pus doucement, cette fois :
- Je n'en sais rien... Je suis une étrangère, ici. Vous attendez de moi que je me fonde dans la masse, que je devienne comme vous... Mais je suis bien trop loin de vos idéaux. Depuis que je suis arrivée, j'ai tout fait pour m'adapter. Au début, j'ai cru que j'aimais ça. J'ai cru qu'on me donnait une nouvelle chance et que j'allais m'en sortir. Gagner le gros lot. Aujourd'hui... je n'en suis plus si sûre. J'ai l'impression d'avancer à tâtons, sans savoir où je vais et si je prends le bon chemin.
Je n'arrive plus à contenir les mots qui s'échappent de ma bouche avant même que j'aie le temps de réfléchir. Je ne suis même pas vraiment consciente de ce que je dis, mais j'ai le sentiment d'extraire un poids de mon cœur.
- Tout ça... parce que mon sang est noir. Parce que je suis un produit privilégié de la sélection naturelle, murmuré-je comme pour moi-même.
Lorsque je sors enfin de mon flot de pensée et que relève la tête, j'aperçois Niylah tapoter le sol à côté d'elle, m'invitant à la rejoindre, ce que je fais sans insister. Pour la seconde fois, je me laisse lourdement tomber à ses côtés, le regard rivé droit devant moi mais perdu dans le vide. C'est elle qui brise le silence la première :
- Je n'ai jamais eu la prétention de dire que je te connaissais, ni que ce serait facile... Je n'endure pas les mêmes épreuves que toi. Mais tu n'as plus le choix, Clarke. Tu vas devoir faire face.
- Un jour, je devrai me battre à mort. J'avais peur de ne pas être assez forte. Maintenant, ce n'est pas ce qui m'inquiète le plus. Ce qui me fait le plus peur, c'est de savoir si j'en serai capable.
Je déglutis avec peine.
- J'ai tué une femme, ce soir. Est-ce que je suis devenue un monstre ? Est-ce que c'est ce qu'on attend de moi ?
Je tourne un regard empreint d'inquiétude vers Niylah, cherchant auprès d'elle une réponse à mes questions et mes angoisses.
- Je ne suis pas une guerrière.
- Si tu n'étais pas une guerrière, tu n'aurais pas fait ce que tu as fait ce soir.
Ses mots restent en suspens quelques secondes.
- Cette partie de toi existe bel et bien, Clarke.
- Alors elle fait de moi un monstre.
Niylah secoue la tête et me lance un regard compatissant. Je ne sais pas vraiment pourquoi je me confie aussi librement, depuis tout à l'heure. Peut-être est-ce sa voix rassurante, son sourire bienveillant qui me poussent à lui faire confiance. Peut-être que j'ai besoin de me raccrocher à quelqu'un, après tout.
- Les monstres tuent sans raison. Quelle était la tienne ?
Je ferme les yeux.
Et là, un visage s'impose à moi.
Celui de Bellamy.
C'est pour lui que j'ai dégainé mon épée. Parce que je ne voulais pas qu'il meurt. Parce qu'avant que ma tête ait pu réagir, mon cœur m'a poussée en avant pour le protéger. Et je sais que ça signifie quelque chose. Quelque chose que je ne peux pas nier. Peut-être n'ai-je pas envie de le tuer, après tout. Peut-être qu'au lieu de me battre contre lui, je veux me battre à ses côtés.
Lorsque mes yeux s'ouvrent à nouveau, j'ai l'impression d'avoir compris quelque chose. Je regarde Niylah et à la place d'une réponse, je lui souris. Un vrai sourire. La tension est descendue d'un cran et je sens en moi que la colère s'est tue, au moins pour le moment. Je me recroqueville sur moi-même et, sans même m'en rendre compte, me laisse entraîner par une fatigue écrasante. A travers la minuscule fenêtre qui troue le mur de la cellule, la lumière opaline de la lune se faufile et éclaire mon visage endormi.
Je suis réveillée en sursaut par le son d'une clé qui tourne dans la serrure. Je me redresse brusquement, désorientée, et mets quelques secondes à me rappeler où je suis et pourquoi. Il fait jour. Combien de temps ai-je dormi ? En tournant la tête, je vois que Niylah aussi a été tirée de son sommeil. Je me relève péniblement, le corps raide et douloureux, et m'approche prudemment de la porte en plissant les yeux. A contre-jour, une silhouette s'agite dans la demi-pénombre.
- Bellamy... ?
Le jeune homme pousse la porte et se précipite à l'intérieur de la cellule. Je me retrouve nez-à-nez avec lui, le cœur battant à tout rompre. Mon souffle se coupe lorsque je remarque les traces de sang sur son visage, mais je ne parviens pas à dire quoi que ce soit. Ses mains se posent sur mon visage, m'arrachant un frisson, tandis qu'il me scrute attentivement, son regard soucieux semblant chercher sur ma peau des traces de violence.
- Qu'est-ce que tu fais là ? le questionné-je, inquiète qu'il se fasse arrêter à son tour.
Mais il s'est déjà écarté de moi et a fait volte-face.
- Tout est arrangé. Viens, maintenant, me lance-t-il sans plus d'explications.
Mais alors que je vais pour le rejoindre, mes pieds se figent et je me retrouve paralysée, incapable d'esquisser le moindre geste. Je reste plantée là, les bras ballants, à quelques mètres de lui qui me dévisage.
- Qu'est-ce que tu attends ?
Je me tourne, hésitante, vers Niylah qui s'est levée à son tour et nous observe. Avant que j'aie le temps de me demander si j'ai le droit de partir en la laissant là, elle me dit :
- Pars avec lui. Je finirai bien par être libérée.
J'acquiesce d'un air entendu et lui offre un dernier sourire presque imperceptible, avant de quitter la cellule sans me retourner. Bellamy referme la porte derrière moi et m'entraîne par le bras hors de cette prison de pierre.
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Heyyy !
Je fais des progrès quant à ma ponctualité... non ? x)
Mais vous allez finir par me détester de vous écrire des trucs aussi longs XD
Beaucoup de blabla, dans ce chapitre ! Prise de conscience, mise au point... Des peurs aussi qui surgissent, parce que ça fait quand même beaucoup à assimiler pour Clarke. Et puis les retrouvailles !
A votre avis, comment Bellamy a-t-il pu "tout arranger" ? :p Moi, j'ai ma petite idée...
Qu'est-ce que vous pensez de tout ça ?
Comme d'habitude, j'attends vos petits (ou grands) commentaires !
Bisous bisous ♥
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