Chapitre 20
C'était impossible. J'étais à mon bureau alors qu'il regardait la télé avec le volume au minimum. Je l'entendais grignoter des gâteaux qui croustillaient sous ses dents. C'était hyper gênant. Je continuai à gribouiller puis au bout d'un moment, il se leva. Il vint voir mes dessins et soupira.
_ « Tu n'y arrives pas ? Me demanda-t-il.
_ ... Comment tu veux que j'y arrive ? Lui demandai-je en fixant son paquet de gâteaux.
_ Hum... Tu en veux ? »
Il me tendit le sachet mais je refusai. Je soupirai. Il restait chez moi car il voulait que je dessine mon passé. J'avais beau lui dire que c'était impossible, il restait là. Il était arrivé le matin, pour me réveiller et me dire de dessiner. Il était persuadé que c'était ma thérapie, que j'irais mieux après. Je n'étais pas sûr du tout mais je ne pouvais pas le mettre dehors. Ça me permettait de passer du temps avec lui, même s'il me forçait à dessiner mais que je n'y arrivais pas. Il retourna s'asseoir par terre, entre le canapé et la table basse. Il continua à regarder la télé. Je me frottai les yeux.
_ « Je comprends, dit-il. C'est donnant-donnant, c'est ça ? Me demanda-t-il.
_ Hein ? Demandai-je, épuisé car je me torturais le cerveau pour rien.
_ Je ne sais pas dessiner donc je vais te le dire directement. Comme ça, ça sera à ton tour de te dévoiler. »
Il était sérieux. Il allait me dire quelque chose sur lui qu'il aurait préféré garder pour lui ? Je le regardai, intrigué.
_ « Le prêtre Kim m'a touché plusieurs fois... Dit-il en continuant à regarder l'écran.
_ Je suis au courant et ne me le rappelle pas, si tu ne veux pas que j'aie de sang sur les mains. »
J'étais très sérieux et lui aussi. Il me regarda puis il chercha autre chose.
_ « J'ai volé mes parents, quand j'avais quinze ans.
_ Qui ne l'a pas fait ? Soupirai-je car il n'avait aucun secret finalement.
_ Je... Je me suis égaré pendant un an...
_ Comment ça ? Demandai-je.
_ ... J'ai perdu la foi durant une année... »
Ah ! Enfin quelque chose d'intéressant !
_ « Raconte !
_ ... Il n'y a rien à raconter, dit-il en baissant la tête sur son paquet.
_ Bien sûr que si. Si tu me racontes, je dessine.
_ ... »
Il voulait que je dessine donc il soupira et éteignit la télé. J'étais vraiment intrigué. J'allai m'asseoir dans mon fauteuil et je ne le quittai pas des yeux.
_ « ... Au lycée, je me suis égaré pendant l'année scolaire. Je doutais sur tout... Sur l'existence de Dieu, son rôle, son pouvoir sur nous et... Je... Je ne sais plus trop comment c'est arrivé mais j'ai complètement décroché. Je n'allais plus à l'église, je ne pensais plus à Dieu et je ne faisais plus appelle à lui. Durant cette période, j'avais l'impression d'être quelqu'un d'autre. Je trainais avec des personnes que je ne côtoie pas en temps normal. Ils fumaient, se droguaient et... Ils squattaient de vieux bâtiments. J'allais parfois à leurs soirées qui ressemblaient aux Enfers, maintenant que j'y repense. Je suis tombé bien bas mais heureusement, Dieu m'a sauvé. J'ai quitté le lycée et plus jamais revu ces personnes. J'ai pu me reconcentrer sur moi-même, sur qui j'étais réellement et j'ai retrouvé la foi et l'envie de vivre.
_ ... Des gens... Comme moi ? Demandai-je sérieusement.
_ Non ! Tu es bien différent d'eux. Même si tu fumes, bois et... Fais la connerie de te droguer, tu n'es pas comme eux. Tu fais tout ça car tu es brisé, car tu vas mal. Tu aimerais aller mieux et éviter tout ça. »
Ce que je voulais, c'était qu'il arrête de croire en Dieu pour pouvoir m'aimer et être avec moi. S'il s'en foutait de ma gueule, il serait parti depuis bien longtemps.
_ « Alors ? C'est suffisant ? Demanda-t-il.
_ Non. Pour toi, ce que tu as vécu est peut-être traumatisant mais pas pour moi. Pour moi, c'est quelque chose de normal et...
_ Je suis anormal à cause de ma religion ?
_ ... Non. Bien sûr que non et jamais je ne critiquerais ta religion ou même une autre. Je ne suis pas comme ça mais... Tu es très différent de moi. Boire, fumer, coucher avec des gens que je ne connais pas ou peu, c'est... Mon monde. Je ne vois pas où est la révélation.
_ Pour moi, c'est beaucoup.
_ Je sais. Je ne veux pas te contrarier mais... Je voulais te dire ce que j'en pense.
_ ... J'ai l'impression d'être un idiot à côté de toi, de n'avoir rien vécu, d'être dans une bulle coupé du monde. Excuse-moi d'être aussi ignorant, dit-il en se levant.
_ Non ! Tu... Tu n'es pas ignorant ! C'est juste que... Je... Je suis désolé ! J'aurais dû me taire, ne pas te dire ce que je pensais ?! Lui demandai-je en m'énervant et en me levant.
_ Je crois que oui, souffla-t-il en regardant ses chaussures.
_ ... »
Il alla jusqu'à la porte mais... J'attrapai le bas de son sweat avant qu'il remette son blouson. Je le retins en baissant la tête.
_ « ... Ne... Ne me laisse pas... Soufflai-je, sur le point de pleurer.
_ D'habitude, tu veux toujours que je parte, me dit-il.
_ Je... Je sais que tu m'as dit que c'était impossible mais... Je t'aime... J'aime ta présence... S'il te plait... Excuse-moi.
_ ... »
Il ne répondit rien. Je l'entendis soupirer. Je le faisais chier. Je le retenais pour rien. Je lâchai le bas de son sweat en regardant mes pieds.
_ « Je... J'aime... »
Je relevai la tête rapidement en l'entendant parler.
_ « J'aime bien... Ton sourire... Dit-il avec une toute petite voix, toujours dos à moi.
_ ... Que... Quoi ?
_ Rien. »
Il avait vraiment dit ça ? Il aimait mon sourire ? Raaah ! Mon cœur me fit mal. J'avais envie de le prendre contre moi et de l'embrasser.
_ « Je... Je dois vraiment y aller, il est tard. Mes parents m'attendent.
_ ...Hum... Ok. Tu... Tu ne m'en veux pas trop... ?
_ Non. C'est bon.
_ On se voit demain ? Demandai-je car on allait être dimanche.
_ ... Je... Je ne peux pas... J'ai promis à des amis de sortir avec eux, je suis désolé, dit-il en me regardant enfin.
_ Ah ! Non, ce n'est pas grave ! On se voit plus tard alors. »
Je fis un sourire mais il n'y répondit pas. Il bouda et partit sans rien dire. J'étais confus. Je me posai devant la télé en étant dans mes pensées. Je ne voulais pas penser à lui ce soir, je ne devais pas déprimer et envier ses amis qu'il voyait demain. J'étais un gamin... Un gamin amoureux.
Le lendemain, j'avais accepté la demande de NamJoon. Apprenant que je ne voyais pas JungKook, il m'avait harcelé pour que je l'accompagne chercher le nouveau matériel pour le salon. J'avais accepté car il voulait que je m'investisse un peu plus dans notre business. Il avait raison, j'avais l'impression de le laisser tout faire. Chaque mois je lui donnais ma moitié de loyer et c'était lui qui faisait tous les paiements au proprio. Puis il s'occupait des papiers, des factures et tout. Financièrement, on se partageait tout, ce qui était normal mais je le laissais faire le sale boulot et parfois je m'énervais d'être comme ça. Il me disait à chaque fois : « Tu es celui qui tatoue le plus donc normal que je fasse l'autre partie du boulot ». Mais non, ce n'était pas normal car j'aimais tatouer mais lui, il ne devait pas aimer faire de la paperasse. Par contre, il était hyper bien organisé. On n'avait jamais eu de retard de paiement ou de problème administratif. Il était parfait pour ça mais il devait trouver ça chiant. Il faisait toutes les commandes aussi, comme celle d'aujourd'hui. Je ne savais même pas ce qu'il avait acheté de nouveau pour le salon. Je devais me reconcentrer dans mon travail et oublier un peu mes malheurs avec JungKook.
On entra dans la petite boutique et NamJoon alla voir le mec assis derrière le comptoir. Il le salua en lui faisant une tape dans la main. Je fis la même au blond avec un cure dents dans la bouche. Il me regarda longuement.
_ « C'qui ? Demanda-t-il à NamJoon en faisant un signe de tête pour me désigner.
_ Tu le connais, souriait Nam. C'est V.
_ Ah ouais ? Demanda-t-il sans surprise. J'l'imaginais pas si maigrichon ce « V ». Pour l'meilleur tatoueur d'Séoul, j'm'attendais à un type plus tatoué et mieux foutu.
_ D'où ça sort ça, « le meilleur tatoueur de Séoul » ? Demandai-je, surpris.
_ C'sort d'tes clients, gamin. J't'aime pas car t'bouffes tous les bons clients. T'vois, mon frère tatoue mais à cause d'toi... Il est dans la merde.
_ ...
_ Détendez-vous les mecs, nous dit NamJoon en sentant la tension. Tu as ce que j'ai commandé ?
_ Ouais. »
Le blond partit dans la réserve.
_ « Il a un problème ton pote, dis-je à Nam.
_ Ouais, il est un peu chelou mais c'est le seul qui a ce que je veux.
_ Et tu veux quoi ?
_ Ça. »
Son pote revint au même moment. Il posa l'objet sur le comptoir. NamJoon le prit et le regarda avec un sourire.
_ « Tiens.
_ ... Elle est hyper légère... Dis-je en regardant l'outil important pour tatouer.
_ Ouais. Dernière sortie... T'vas encore mieux tatouer avec ça, me dit son pote.
_ Combien ? Demandai-je.
_ Six-cent mille wons, dit-il clairement pour une fois.
_ Sérieux... ? Demandai-je en soupirant.
_ Tu as dit que tu me ferais un prix, lui dit NamJoon sérieusement.
_ Changé d'avis, dit-il en mastiquant son cure dents et en jouant avec un petit clou entre ses doigts sales.
_ On ne la prend pas, lui dit NamJoon, énervé.
_ Attends, lui dis-je. Elle est géniale. On peut mettre des aiguilles standards ? Et niveau vibration ? Parce qu'au niveau de la prise en main, elle est parfaite. C'est une rotative, c'est ça ?
_ Ouais. Aiguilles standards, vibrations faibles, nouveau moteur et silencieuse.
_ Fais-nous un prix... Lui dis-je.
_ Pourquoi j'ferais ça ?
_ Parce que tu as dit que tu me le ferais, lui dit Nam.
_ J'savais pas que ton coloc était c'type.
_ Ça change quoi ?! Ok, ton frère tatoue moins à cause de lui mais merde, s'il avait du talent, il n'aurait pas ce problème ! »
Les mots de trop. Le type s'emballa et attrapa NamJoon par le col du blouson par-dessus son comptoir.
_ « Redis ça et je t'nique ! » Hurla le blond.
Merde ! C'était un nerveux ce type. Je gueulai pour qu'il lâche NamJoon mais il resserra sa prise. Il allait réellement le frapper, et je ne pouvais pas rester là à les regarder. Je n'aimais pas particulièrement me battre, car ça ne réglait rien mais quand ça concernait mes amis, j'étais obligé. Je mis une main sur le poignet du type et l'autre au col de NamJoon pour essayer de faire lâcher le mec.
_ « Lâche-le ! Gueulai-je en lui tenant le poignet fermement.
_ ... Dégage toi ! »
Il lâcha une main et dans un geste rapide, il attrapa le clou avec lequel il jouait juste avant. Je vis le coup arriver rapidement puis...
_ « AAAAAAAH !! »
Je lâchai tout le monde et je regardai ma main en souffrant. Je sentis mon estomac remonter quand je vis le petit objet en métal rouillé planté dans ma main droite. J'eus des vertiges à cause de la vision horrible et de la douleur.
_ « TaeHyung !! »
NamJoon me soutint et il regarda ma main.
_ « Putain de merde... C'est dégueulasse... »
Je commençai à tourner de l'œil. Il me fit asseoir par terre, contre le comptoir où l'autre s'était calmé.
_ « Je dois appeler une ambulance ?! Me demanda NamJoon. Putain... Tu saignes pas mal quand même... Je vais appeler ! »
Je ne devais surtout pas regarder, sinon j'allais tomber dans les pommes. Je n'étais pas fragile quand c'était sur les autres mais là... C'était moi ! C'était ma main. J'allais tuer ce mec ! Je devais prier pour qu'il n'y ait aucune séquelle car je ne pouvais pas arrêter de tatouer, c'était ma vie.
POV JungKook
J'étais dans un café avec quatre amis de la fac. On discutait tranquillement en buvant des chocolats chauds. Ça me faisait forcément penser à TaeHyung. On en avait bu un ensemble une fois. Dans un café pas loin en plus. Je me demandais s'il n'était pas en train de déprimer chez lui. Je le connaissais bien alors c'était très certainement le cas. Il... Il avait des sentiments pour moi et normalement, on se voyait le dimanche alors je me doutais que cet imprévu devait le chambouler et le déprimer. Je me sentais quand même coupable car c'était de ma faute s'il s'était autant attaché à moi. Je sortis de mes pensées en voyant un appel de NamJoon. Je regardai mes amis et je pris mon portable et décrochai pendant qu'ils discutaient entre eux.
_ « Allo... ? Dis-je, un peu inquiet pour TaeHyung.
_ JungKook ? C'est moi, NamJoon.
_ Oui, j'ai enregistré ton numéro.
_ Dis-moi, tu es occupé là ?
_ Heu... Pourquoi ? Demandai-je, surpris.
_ C'est TaeHyung.
_ Qu'est-ce qui se passe ?!
_ On est à l'hôpital...
_ QUOI ?! Pourquoi ?! Il a quoi ?! »
Ma réaction choqua mes amis. Même moi... Je fus choqué par ma réaction excessive. Je n'étais jamais comme ça en temps normal. Mais j'avais peur que TaeHyung fasse une connerie par ma faute.
_ « Une petite dispute avec un gars qui lui a planté un espèce de clou rouillé dans la main.
_ Que... Quoi ? Quelle... Main ? Demandai-je, inquiet.
_ La droite... Le médecin l'a soigné mais... Il commence à paniquer. Il n'aime pas les hôpitaux mais le médecin doit lui faire passer une radio je crois. J'ai du mal à le rassurer là...
_ Quel hôpital ? Demandai-je en mettant mon blouson en me levant.
_ L'hôpital central. Aux urgences dans un box, je t'attends devant la porte.
_ J'arrive tout de suite. Dis-lui que j'arrive, que je serais vite là et qu'il ne s'enfuie pas.
_ Oui... Merci. Désolé de te déranger...
_ Tu as bien fait. Je savais que je n'aurais pas dû annuler notre journée. »
Je partis sans rien n'expliquer à personne. Pourquoi j'étais comme ça ? Pourquoi je ressentais ce besoin de le protéger ? Je m'en voulais à chaque fois qu'il me virait de chez lui ou que je partais de mon plein gré... En fait, dès que je le quittais, j'avais un sentiment inconnu et amer en moi. Ça n'avait rien d'agréable.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro