Mon séminaire à Hong-Kong s'était bien passé. J'avais rencontré et revu de nombreuses personnes du domaine médical. Bien sûr, j'aurais aimé que Natsuki vienne avec moi. Si je lui avais proposé, c'était pour passer un peu de temps avec lui, juste nous deux, loin de notre quotidien. Bien sûr, il avait refusé et m'avait éloigné de lui. Durant ces deux jours, j'avais dîné avec des « collègues » et ça avait été ennuyant à en mourir. On m'avait posé la même question plusieurs fois à chaque repas durant les deux jours : combien de temps j'allais rester célibataire. Quand on ne parlait pas hôpital et patients, on parlait vie de couple. La plupart était marié avec des enfants. Nous étions que deux célibataires à chaque fois, une jeune femme et moi. Évidemment, ils avaient essayé de nous mettre ensemble une multitude de fois. Ils avaient été tellement fatigants et gênants que la jeune femme avait fini par ne plus venir à notre table. Puis le dernier jour, au dernier repas du séminaire, le sujet était apparu soudainement : l'homosexualité. La plupart avait entre quarante-cinq et soixante ans alors ils étaient tous d'accord pour donner leurs avis négatifs sur le sujet. Puis... Ayant marre de leurs avis de vieux, j'étais intervenu.

**********

_ « En quoi ça vous concerne ? Les coupai-je dans leurs propos homophobes.

_ C'est répugnant de les voir dans la rue... Frissonna un confrère de Busan.

_ Répugnant ? Vous vous rendez compte des mots que vous utilisez ? Demandai-je.

_ Oui, je suis d'accord avec le docteur Yoon. Je n'aimerais pas que l'un d'eux vienne à ma table... Répondit un japonais.

_ Dans ce cas... »

Je me levai.

_ « Où allez-vous ? Me demanda Yoon.

_ Je préfère dîner ailleurs. Puis, de toute façon, je n'ai pas ma place, apparemment.

_ Docteur Kim, vous avez votre place parmi nous et je suis désolé si vous connaissez quelqu'un comme ça...

_ Je suis bisexuel, dis-je en les regardant tous. C'est-à-dire que je peux être attiré aussi bien par une femme que par un homme. Actuellement, c'est un homme donc je préfère laisser des fermés d'esprit, intolérants, homophobes et cons entre eux.

_ ... Cons ? Il vient de nous traiter de cons ? Demanda une femme à son mari.

_ Oui. Pour une fois que vous comprenez quelque chose, ma chère.

_ ... ! »

Elle se tint droite d'un coup comme si elle s'était pris un autre balai dans le cul. Elle devint rouge vif de gêne.

_ « Docteur Kim, je... Nous sommes navrés de vous avoir offensés, me dit le con de Busan. Mais... Pour les recherches que nous envisagions sur...

_ Recherchez donc ce que signifie la tolérance, docteur Yoon... Et vous tous. »

Je partis.

**********

Ce séminaire m'avait épuisé. J'étais heureux d'être rentré chez moi et surtout de retrouver mon bureau. J'allais également retrouver mes deux apprentis. Ils devaient arriver dans une heure, donc j'avais un peu de temps pour faire un peu de paperasse qui s'était entassé depuis plusieurs jours sur mon bureau. Malheureusement, à peine je commençai que quelqu'un frappa à ma porte. Je soupirai et j'allai ouvrir. Je fus surpris de voir JungKook. Il était déjà en blouse. Je regardai ma montre.

_ « ... JungKook ? »

Il était seul donc je le fis entrer. Je fermai la porte derrière lui.

_ « Tout va bien ? Demandai-je.

_ Oui... Enfin... Vous êtes au courant ?

_ Au courant ? »

TaeHyung lui avait dit qu'il avait porté plainte ? Hum... Il m'avait dit qu'il ne voulait rien dire pour le moment.

_ « C'est vrai... Comment vous auriez pu l'être... Se dit-il en réfléchissant.

_ JungKook, de quoi tu parles ?

_ Je parle de Natsuki.

_ ... »

Je le regardai sans comprendre. Je devais faire genre de ne pas comprendre de qui il me parlait car... Enfin... D'après Tae, il était au courant.

_ « Qui ? Demandai-je.

_ Je suis au courant pour vous deux. Natsuki m'en a parlé.

_ ... Que... De quoi tu parles ?

_ Vous avez eu une relation. Natsuki m'a dit qu'il était tombé amoureux et il m'a avoué que c'était de vous. »

Ça faisait longtemps que je n'avais pas ressenti ça. Beaucoup de choses s'envolèrent de mes épaules. J'eus soudainement envie d'aller courir un marathon. Mais c'était étrange... Natsuki avait avoué aussi facilement qu'il était amoureux de moi ?

_ « Bref, je sais que... Que vous tenez un peu à lui, sinon vous n'auriez pas continué à le voir chez vous.

_ Que... Mais...

_ Votre gardien. Il me l'a dit.

_ JungKook... Comment tu fais pour persuader les gens de tout te dire ? Demandai-je sérieusement.

_ ... Je crois que les gens aiment bien se confier à moi...

_ Hum... Je suppose que tu l'as dit à Tae ? Dis-je en faisant genre d'être surpris.

_ Oui, on en avait parlé mais... Il est persuadé que ce n'est pas Natsuki.

_ Ah... Tu crois ?

_ Mais ce n'est pas pour ça que je suis là ! S'exclama-t-il. Natsuki est... Est arrivé en ambulance hier soir.

_ Quoi ?

_ Accident de moto. Il... Il était dans un sale état... Ils l'ont opéré cette nuit.

_ Opéré ? »

Un nouveau poids énorme s'écroula sur mes épaules.

_ « Emmène-moi à lui. Tu me racontes en chemin. »

On partit tous les deux. Je marchai rapidement donc il accéléra le pas pour prendre la tête et me guider.

_ « J'ignore si l'opération s'est bien passée ou non. Ils parlaient de sa colonne vertébrale et... Enfin, ses jambes ne réagissaient plus.

_ S'ils ont opéré, ça signifie que les nerfs étaient réparables... En espérant qu'ils ne se soient pas loupés. »

On arriva enfin devant la chambre. J'entrai en premier et JungKook me suivit. Je m'approchai du lit, le cœur lourd. Je regardai le moniteur avec son rythme cardiaque. Il était stable. Je regardai son corps et je vis son bras gauche recouvert de bandages, ainsi que sa jambe gauche. Je vis aussi sa jambe droite dans un plâtre. Je pris alors son dossier médical. Il avait de nombreuses brûlures au bras et à la jambe gauche. Pour sa jambe droite, le tibia était fracturé, d'où le plâtre. En revanche, je vis qu'il y avait juste son prénom d'indiqué. Je voulus poser la question à JungKook mais un collègue entra. Il fut surpris de me voir là.

_ « Docteur Kim... Vous vous êtes perdu ? »

Je lus son nom sur son badge.

_ « Docteur Choi. Vous vous êtes occupé du patient ?

_ Oui. L'opération est un succès. Mais pourquoi êtes-vous ici ?

_ Je suis un ami.

_ Parfait ! Alors donnez-nous l'identité de ce jeune homme car il n'avait rien sur lui en arrivant. Juste des clés et quelques billets.

_ Pas de portefeuille ?

_ Rien... Enfin seulement des clés et des billets. Nous avons son prénom grâce à monsieur Jeon. »

Il se retourna vers JungKook.

_ « Je travaillais avec Natsuki avant... Lui dit JungKook.

_ Alors ? A-t-il des antécédents ? Nous demanda le docteur Choi.

_ Je vais aller chez lui et vous ramener ses dossiers médicaux, s'il en a. »

Il fut content de ma réponse. Il partit et je me retournai vers JungKook.

_ « Dis-moi que tu as son adresse.

_ Je peux la demander à Yun, sa collègue et amie. Je vais l'appeler tout de suite.

_ Parfait. »

Il sortit pour aller appeler son amie. Pendant ce temps-là, je m'approchai du lit. Je soupirai en regardant le visage endormi de Natsu. Il était tellement inoffensif... Je passai mes doigts dans ses cheveux noirs. Est-ce que c'était de l'amour ? Il était beau, il n'y avait rien à dire à ça. Beau et... Attendrissant. Je regardai ses lèvres et j'avais toujours cette envie de les embrasser. On ne s'était embrassé qu'une seule fois. Enfin... Il m'avait embrassé de force le jour de notre rencontre, quand il m'avait fait sa proposition. Est-ce que je devais en profiter ? Après tout, il m'avait volé un baiser donc je pouvais bien lui en prendre un aussi. Je continuai à caresser ses cheveux et je voulus me pencher pour l'embrasser mais la porte s'ouvrit. Je me redressai d'un coup, restant dos à la porte.

_ « Je... J'ai son adresse, si vous voulez... »

Il m'avait vu... ça s'entendait à sa voix. Je raclai ma gorge et je me retournai vers JungKook.

_ « Merci. Je vais aller chercher ses papiers surtout. S'ils ont son nom de famille, ils auront peut-être un dossier médical.

_ Très bien. Je reste là et...

_ JungKook, tu es rentré cette nuit ? Tu as dormi ?

_ ... Je suis désolé.

_ Ne commence pas. Ne commence pas à vivre pour ton travail. Tu es trop jeune pour faire ça, surtout en ce moment. Tu as besoin de repos alors...

_ Sauf que quand j'arrête de travailler, je revois TaeHyung me dire que je ne comprends rien... »

Il avait les larmes aux yeux. Ça me fit mal de le voir comme ça.

_ « Je veux des élèves en pleine forme alors si tu recommences, je serai moins clément, lui dis-je très sérieusement.

_ Dé... Désolé... Je suis désolé. Je... Je suis fatigué.

_ Tiens. »

Je lui donnai mon pass pour mon bureau.

_ « Le canapé est plutôt confortable, va y dormir le temps que j'aille chez Natsuki.

_ ... Oui... Merci. »

Il l'accepta. En échange, il me donna l'adresse. Je le remerciai et lui ordonnai de se reposer. Il sembla sincère en me disant qu'il allait dormir. Je pris les clés qu'ils avaient trouvés sur Natsuki puis j'allai alors jusqu'à ma voiture. Je mis le GPS puis je partis. Je suivis la route indiquée puis j'arrivai enfin dans son quartier. Pour être honnête, ce n'était pas un quartier que j'avais l'habitude de fréquenter. J'arrivai enfin devant l'immeuble de l'adresse. L'endroit était... Peu recommandable. Je me garai à une place libre et je descendis. Je vis un groupe de quatre jeunes regarder ma voiture. Je la verrouillai puis j'allai devant l'immeuble. Je regardai l'interphone. Aucun Natsuki de visible... Visible car les noms étaient tous à moitié effacés. Je sortis les clés de ma poche puis... Quelqu'un passa à côté de moi. Il poussa simplement la porte et entra. L'immeuble n'avait vraiment aucune sécurité. Tout le monde pouvait y entrer. Je poussai alors la porte et une fois dans le hall, je me demandai comment j'allais faire pour savoir à quel appartement il habitait.

_ « Tu t'es perdu, mon vieux ? »

Je relevai la tête et je vis un type assis sur une chaise de camping, sur le premier palier, en haut de l'escalier. Je lui fis un signe de tête puis je montai quelques marches.

_ « Je cherche l'appartement de Natsuki, lui dis-je.

_ Natsu ? Qu'est-ce que tu lui veux ? Me demanda le jeune aux cheveux verts.

_ Il a eu un accident de moto mais il n'avait aucun papier sur lui. Je suis cardiologue à l'hôpital central et... »

Je lui tendis ma carte. Il la prit après avoir mis son cure dents entre ses lèvres. Je vis plusieurs bouteilles de bières vides à côté de sa chaise, alors qu'il n'était que huit heures trente du matin.

_ « Il va crever ? Me demanda-t-il.

_ Non mais...

_ Ouf ! Ma bite se serait sentie seule sinon ! Ria-t-il en jetant ma carte au sol.

_ ...

_ Fais pas le choqué ! Il a besoin de fric et moi de son cul. C'est comme ça entre nous et même... Je crois qu'il se tape des vieux ! Tu ne serais pas... Un de ces vieux ? Demanda-t-il avec un sourire mauvais.

_ ...

_ Te vexe pas, papy ! »

Il m'énervait. Je l'attrapai par le col de son sweat et je le levai d'un simple geste. Il perdit son sourire et s'accrocha à mon poignet avec un regard effrayé.

_ « Le papy va te casser les genoux si tu ne me dis pas le numéro de son appartement.

_ ... Vous avez le droit de faire ça ?! Je veux dire... Vous allez entrer illégalement chez lui et...

_ Natsuki est mon compagnon. Quand je dis compagnon, ça veut dire qu'il est mon petit-ami alors si tu le touches encore une seule fois, je te les brise.

_ Ok... » Dit-il d'une petite voix.

Je le lâchai et il remit son sweat en place.

_ « Je... Je vous accompagne car il n'y a plus de numéro sur les portes... Venez... »

Il monta les marches et je le suivis. Pendant qu'on grimpa, il prit la parole.

_ « Vous savez... ça fait plus d'une semaine qu'il... Qu'il esquive tout le monde ici. Puis, il rentre plus tôt et... Il a l'air changé.

_ ... Depuis notre rencontre... » Me dis-je à moi-même.

Il s'arrêta enfin devant une porte.

_ « C'est là... Je... Je vous laisse et... Désolé pour mon comportement, monsieur. »

Je lui fis un signe de tête et il partit rapidement. Je regardai la porte et je sortis les clés. Je trouvai facilement la bonne et j'entrai enfin chez lui. Vu l'état de l'immeuble, je fus plutôt surpris par la propreté de son appartement. L'endroit était minuscule mais propre et bien rangé. Il n'y avait qu'une seule pièce principale puis une petite salle de bain. J'allai jusqu'à la table basse, où je trouvai son portefeuille. Je l'ouvris et je regardai ses papiers. Hum... Aucune carte d'identité. Natsuki était japonais mais ça faisait plusieurs années qu'il était en Corée du Sud d'après ce que j'avais compris. Il avait forcément des papiers d'identité coréens ou japonais. Je fouillai un peu partout puis dans un placard, je trouvai une boite en métal. Je l'ouvris puis... Je trouvai enfin ses papiers d'identité. Sauf que... Je fus surpris. Je pris ce que je venais de trouver, ainsi que son portefeuille puis je partis.

Il ouvrit enfin les yeux. Je venais tout juste de revenir de la machine à café, stressé et impatient qu'il se réveille. Je m'assis dans le fauteuil, près du lit. L'infirmière présente était en train de changer les pansements à la jambe gauche de Natsuki. Je l'entendis gémir légèrement puis il ouvrit bien les yeux mais il mit du temps à comprendre où il était. Il regarda autour de lui sans vraiment réagir puis il tourna la tête vers moi. Quand nos regards se croisèrent, on resta un moment à se fixer. Il semblait soulagé de me voir, de voir quelqu'un de familier face à son incompréhension.

_ « Sung... Hae... » Souffla-t-il du bout des lèvres.

Je regardai rapidement l'infirmière. Elle l'avait entendu. Elle avait entendu Natsuki m'appeler par mon prénom. Je raclai ma gorge et je vis qu'il avait la bouche sèche. Je pris le verre d'eau et je l'approchai de ses lèvres. Il accepta et but plusieurs petites gorgées. Le dossier de son lit était suffisamment relevé pour qu'il arrive à boire. Il regarda ensuite ses jambes et son bras gauche.

_ « Pourquoi... ? Demanda-t-il.

_ Tu as eu un accident de moto, lui dis-je calmement.

_ ... Et... Quand ? On est quel jour ? Je... »

Il commença à s'inquiéter.

_ « Tout va bien, lui dis-je en posant ma main sur son épaule. Une voiture t'a percuté à ta droite... Donc ton tibia droit est cassé, d'où le plâtre. Tu es tombé sur ta gauche et la voiture t'a poussé sur plusieurs mètres, d'où les brûlures à ta jambe et ton bras gauche. Ton dos a été touché aussi...

_ Je... Marcher...

_ Tu as dû subir une intervention chirurgicale délicate. Ta colonne vertébrale était touchée. Certains nerfs... Se sont sectionnés.

_ Non... Je...

_ Mais grâce à l'opération, ils ont été réparés. Ils ont agi rapidement et tu n'auras aucune séquelle, Naoki. Tu pourras remarcher.

_ ... Merci... Je... J'ai cru que... Que je ne... »

Il se figea d'un coup. Son regard fixa un point invisible sur son lit.

_ « Comment... Comment tu m'as appelé ? Demanda-t-il en commençant à trembler.

_ ...

_ Tu... Tu as déjà... Oublié mon prénom... ? »

Je ne répondis rien. Je continuai à le fixer.

_ « Je ne m'appelle pas...

_ Takeda Naoki ?

_ ... ! »

La peur... Les larmes... Je regrettai. Il refusa de me regarder et il commença à disparaitre dans ses souvenirs. Oui, j'étais en colère et blessé de ne pas savoir qui il était mais... ça me faisait mal de le voir comme ça.

_ « Natsuki... Soufflai-je en posant ma main sur la sienne. Natsu, regarde-moi.

_ ... »

Il accepta enfin.

_ « Je ne suis plus... Ce type... Dit-il en serrant les dents, les larmes aux yeux.

_ Oui, excuse-moi. Je... Je me sens juste... Enfin... C'est un peu confus dans ma tête. Le fait que tu ais caché...

_ Je ne le cache pas. Je ne suis plus cette personne ! »

Il était en colère. Je retirai ma main et je me reculai dans le fauteuil. Il soupira puis on attendit que l'infirmière s'en aille. Une fois qu'elle eut fermé la porte, je me levai. J'allai prendre son dossier médical qui était mis à jour grâce à son identité et les résultats de ses prises de sang. Je lui tendis et il le prit de sa main droite. Il le posa sur sa couverture et il l'ouvrit. Il le regarda. Il le referma puis il leva lentement son regard sur moi. Il pinça ses lèvres pour retenir ses larmes.

_ « Tu... Tu es... Au courant ? Me demanda-t-il.

_ Oui. »

Je me rassis et je le regardai bien.

_ « Je suis suivi sous mon nouveau nom : Takahashi Natsuki. Pas... Takeda. Tu... Tu sais si... Si mon traitement...

_ Natsuki, tu n'as pas besoin de ce traitement.

_ ... »

Il détourna le regard. Il n'arrivait pas à me regarder dans les yeux.

_ « Tu n'en sais rien... Souffla-t-il.

_ Bien sûr que si. Ton taux de lymphocytes CD4 est au-dessus de 500/mm3 de sang. Et il est stable depuis quatre ans. Natsuki... Ton VIH est indétectable et non-transmissible. Ton traitement ne te sert à rien à part dépenser énormément d'argent. Ton taux de lymphocytes est stable, tu n'as pas d'hépatites, tu n'as pas plus de cinquante ans et tes reins vont très bien... La seule raison pour laquelle tu pourrais prendre ta trithérapie, c'est pour réduire le risque de transmission à ton... Ou tes partenaires. Or, tu es stable depuis quatre ans... Quatre ans, Natsuki. »

Il haussa les épaules et laissa couler une larme, qu'il essuya rapidement.

_ « Je suis allé voir le médecin qui te suit.

_ Quoi ? Pourquoi ? Me demanda-t-il en me regardant aussi.

_ Parce qu'il t'arnaque. Tu es en bonne santé et tu payes un traitement à plus d'un million de wons. Combien tu gagnes par mois ?

_ ... ça ne te regarde pas.

_ Dis-moi juste pourquoi tu prends ce traitement ? Pourquoi ça fait pratiquement deux semaines que tu le prends ? Dis-le-moi, Natsu.

_ ...

_ Dis-moi tout. Dis-moi qui tu es...

_ Tu m'en veux... Souffla-t-il.

_ Non. Je t'en ai voulu sur le coup mais... Dès que tu es parti, j'ai regretté d'avoir marché dans ta provocation. Je sais que tu as fait ça pour m'éloigner de toi car tu as peur. Tu as peur d'aimer et d'être aimé. Alors tu veux m'éloigner de toi et faire en sorte que je te déteste mais ça n'a pas fonctionné. Au contraire... Bien au contraire... » Dis-je à voix basse en prenant sa main entre les miennes.

Je fixai ses doigts osseux. Je les caressai doucement.

_ « Tu... Tu sais qui... Qui j'étais ? Me demanda-t-il.

_ ... Oui. J'ai regardé sur Internet pour savoir si... Si tu avais changé d'identité car... Tu étais recherché pour un crime ou autre et... J'ai vu qui sont... Enfin étaient tes parents.

_ Tu sais alors que...

_ Que tu es porté disparu ? Oui, je le sais. En même temps... Le fils d'un PDG d'une multinationale japonaise et d'une ministre de la Santé, qui disparait, ça ne passe pas inaperçu.

_ Hum... Et...

_ Et information importante aussi, peut-être la plus importante, tu as bientôt trente ans. »

Il me regarda, surpris. J'avais un faible sourire pour essayer de le détendre.

_ « Tu ne pourras plus me sortir que tu as l'âge de mon fils.

_ ... ça ne change rien... Je suis trop jeune pour...

_ Pour quoi ? Pour être avec moi ?

_ ... »

Il fixa la fenêtre, à l'opposé de moi.

_ « Je suis une bombe, dit-il, la gorge serrée.

_ ...

_ Je ne peux pas... Aimer et être aimé. Je peux exploser d'un moment à un autre et... Si j'ai des proches, ils seront affectés par mon explosion. Ils en souffriront... Ils en pleureront... Alors je ne veux personne autour de moi. Je ne veux pas qu'on s'approche trop près de moi sinon... Sinon ça fera énormément de mal. Je préfère éloigner les personnes qui risquent de souffrir. »

Il tourna son visage vers le mien. Je n'avais jamais vu autant de tristesse et de sincérité sur son visage. Son expression me tordit l'estomac. Je voulais l'embrasser... Je voulais le faire mais si je le faisais, ça signifiait que je ne comprenais pas son point de vue. Je soupirai en baissant le regard. Je lâchai sa main.

_ « Je comprends, dis-je. Je comprends mais je vais prendre le risque. »

Je le regardai à nouveau en étant sûr de moi.

_ « Peut-être que tu exploseras avant moi... Si ça arrive, j'en souffrirai, c'est certain. Cependant, je ne veux plus vivre dans le futur. Quand je vivais dans le futur, en imaginant constamment comment j'allais finir ma vie, j'en ai oublié le présent donc mon ex-femme et mon fils. Depuis que je suis divorcé, je veux vivre dans le présent. Je veux faire des choses que j'aime actuellement sans penser aux conséquences qu'elles auront dans plusieurs années. Alors, je veux prendre le risque de souffrir si d'ici-là je vis comme je le souhaite avec la personne que j'aime. »

Il me fixa sans changer d'expression. Je ne savais pas ce qu'il pensait. On se fixa quelques instants puis... Il eut un sourire que je n'aimais pas.

_ « Tu ne m'aimes pas, me dit-il en souriant.

_ Tu as raison, je n'en sais rien.

_ ... Tu vois... Souffla-t-il en baissant la tête.

_ Mais je sais que je veux être avec toi.

_ ... Arrête...

_ Non. Je veux être avec toi. Je suis très sérieux. Cela étant, je peux comprendre que tu ne veuilles pas. »

Je me levai et j'allai derrière le fauteuil pour poser mes mains sur le dossier.

_ « Après tout... Je suis vieux et inintéressant. Puis... Sachant que tu peux avoir qui tu veux... Je n'ai aucune chance. »

Je m'approchai du lit et je pris son dossier médical pour le remettre dans la pochette au pied du lit.

_ « Pour ton traitement, ils ont quand même voulu te le transfuser, donc ton partenaire n'aura vraiment aucune chance d'avoir le VIH. »

Je commençai à partir vers la porte puis... Je me retournai une dernière fois vers lui.

_ « Je te souhaite d'être heureux, Natsu. Tu penses que tu ne le mérites pas mais... Tu te trompes. Tu as suffisamment souffert comme ça. J'espère que tu connaitras le bonheur. »

Je me retournai vers la porte et je mis ma main sur la poignée. Je voulus la baisser mais...

_ « SungHae !! »

Il venait de crier mon prénom. Il l'avait fait. Il avait réussi. J'eus un sourire mais je le retirai rapidement de mes lèvres en me retournant vers lui.

_ « ... Je suis désolé... Dit-il. Je suis désolé d'avoir... D'avoir menti pour... La vidéo. Elle... Elle date d'il y a un an. Je... Je n'ai vu personne d'autre depuis... Que je te connais.

_ Pourquoi ?

_ T'es... T'es pas comme les autres. »

Il se mordit la lèvre inférieure en laissant quelques larmes couler.

_ « Je ne suis pas... Un déchet... Pour toi... Pleura-t-il. Tu me traites... Comme on ne m'a jamais traité... Tu... Tu me faisais l'amour. »

Comment ne pas craquer pour lui ? Je m'approchai de son lit et je me penchai légèrement en me tenant d'une main au-dessus de sa tête. Je le vis déglutir et il appuya bien sa tête contre son lit pour me regarder dans les yeux. Il ne faisait plus le fier. Je voyais enfin le vrai Natsuki. Le Natsuki blessé et en cruel manque d'amour et d'affection. Je me penchai un peu plus de lui. Ses lèvres étaient entrouvertes et il fixait les miennes avec envie. Je passai alors mon pouce délicatement sur ses lèvres fines et gercées. J'admirai son visage en me demandant comment je devais lui annoncer la nouvelle.

_ « Natsu... Soufflai-je intimement.

_ Oui ?

_ Viens vivre chez moi. »

Son regard changea. Il ferma les lèvres.

_ « Quoi ?

_ Je voudrais que tu viennes vivre chez moi. »

Je me redressai en sentant qu'il n'était pas d'accord.

_ « Pourquoi ?

_ Parce que ton immeuble n'a pas d'ascenseur et que tu seras dans un fauteuil, que tu ne pourras pas rouler tout seul vu que tu n'as qu'un bras actif.

_ ... TaeHyung... Il est toujours chez toi ?

_ Oui.

_ Alors non. Tu le sais très bien.

_ Je lui ai dit. Je lui ai dit qu'on avait eu une aventure, tous les deux.

_ ... Quoi... ?

_ Et je lui dirai que c'est seulement pendant ton rétablissement. Tu ne veux pas de moi alors c'est temporaire. Il comprendra et...

_ Temporaire... ? »

Allez... Il devait me l'avouer ! Je voulais qu'il craque et qu'il m'avoue ses sentiments.

_ « Je lui expliquerai et j'ai une troisième chambre.

_ Tu ne changeras pas d'avis, hein ? Me demanda-t-il.

_ Si tu refuses, je changerai d'avis. Je ne te force à rien.

_ Tu sais que si, dit-il en me regardant sérieusement. On sait très bien ce que tu veux que je te dise.

_ ... Pourquoi tu ne le dis pas alors ?

_ Parce que... Je ne peux pas. »

Je soupirai.

_ « Alors on fait quoi ? Quand l'hôpital te mettra dehors, tu feras quoi ?

_ ...

_ Tu as un endroit accessible où aller ?

_ Non. Tu sais que je vais accepter de venir chez toi...

_ Oui. Et ne t'inquiète pas pour TaeHyung, je t'assure.

_ Et... Je dois m'inquiéter de toi ? Me demanda-t-il.

_ Oui. Je compte bien te faire avouer que tu m'aimes. »

J'eus un sourire et avant qu'il ne réponde, je sortis enfin de sa chambre. Je fermai la porte et je m'adossai au mur. Je soupirai profondément. J'étais partagé. Je n'étais pas bien mais en même temps si. Je lui avais dit de venir chez moi mais je ne savais même pas si c'était une bonne idée. Je n'y avais pas vraiment réfléchi mais la colocation avec TaeHyung risquait d'être tendue. J'allais devoir lui en parler avant de prendre une décision définitive. Sinon, j'étais prêt à payer les frais supplémentaires pour Natsuki mais je savais qu'il allait refuser. J'étais bloqué. Maintenant que j'en avais parlé à Natsuki, je ne pouvais plus reculer. J'allais devoir prendre mon courage à deux mains et en parler calmement avec TaeHyung. Je savais que ce n'était pas la période pour le déranger mais... J'avais merdé. Je devais assumer. D'un côté, ça me faisait plaisir qu'il aille bien, ça me rassurait vraiment et je voulais passer du temps avec lui. Il avait bel et bien une histoire et je voulais la connaitre en détail. J'avais énormément de question sur son passé et sur la raison de son changement d'identité. D'ailleurs, je me rendis compte que j'avais déjà rencontré ses parents lors d'un gala à Tokyo. Je n'avais pas entendu parler de cette histoire d'enfant disparu... Jamais je n'aurais cru avoir ce genre de relation avec le fils de la ministre de la Santé japonaise. Je voulais tellement en apprendre plus sur lui. Je voulais le connaitre par cœur et qu'il vienne vivre chez moi. Je voulais me mettre en couple avec lui. Je voulais le présenter à tout le monde... Ressentir tout ça à mon âge, est-ce que c'était bien raisonnable ?