3 - Chapitre 12
_ « Allô ?
_ ...
_ Est-ce qu'il y a quelqu'un ? Vous pouvez me parler.
_ ...
_ Dites-moi ce qui se passe. Si vous êtes là, dites quelque chose. Je suis là pour vous écouter.
_ ... Vous allez me juger... Comme tout le monde...
_ Non. Je vous écoute, sans jugement, sans préjugés. Parlez-moi. Je sais où vous êtes et vous devez savoir que votre vie est précieuse.
_ ... Ma femme... Elle va mourir... Et moi j'ai peur. Je veux partir avant elle car je ne supporterai pas de la perdre. »
Cet homme était en larmes. Le voir aussi abattu, ça a remis ma présence ici en question. Est-ce que j'avais autant besoin d'aide que lui ? Est-ce que ce que je traversais était aussi grave que lui ? Je décidai d'agir en entendant que la femme au téléphone ne répondait plus. Je posai ma main la plus réconfortante sur son épaule. Il sursauta et se retourna. Il devait avoir la trentaine. Il garda le téléphone à son oreille en me fixant. Attendant derrière lui, j'avais entendu toute la conversation.
_ « Vous devriez passer les derniers moments avec elle. Ces moments pourraient être les meilleurs de vos vies et elle partira heureuse et encore plus amoureuse de vous. Son souvenir vivra à travers vous et je pense qu'elle en a besoin. Savoir qu'elle continuera à voir le monde à travers vous, ça la réconfortera sûrement. » Lui dis-je.
Il raccrocha le téléphone sur l'énorme borne S.O.S, écrit en vert.
_ « Je me sens inutile auprès d'elle. La douleur qu'elle ressent... Je suis impuissant. Je n'arrive pas à l'aider. Son cancer la détruit de jour en jour. Un matin, elle ne sera plus là... Comment je peux survivre à ça ?
_ Pensez à elle. Elle doit se sentir seule actuellement. Elle doit sûrement vous attendre pour dîner. Si vous tenez à elle, je pense que vous ne voulez pas qu'elle meurt de chagrin cette nuit.
_ ... Je l'aime tellement. Elle est ma vie.
_ Alors accompagnez-la dans le bonheur jusqu'à la fin. Faites ça pour elle. »
Il pleura sans se retenir. Il s'approcha de moi et me prit dans ses bras. Je lui tapotai le dos et il partit sans rien dire. Je le suivis du regard pour veiller à ce qu'il ne saute pas de ce pont quelques mètres plus loin. Je regardai ensuite ce téléphone. Elle n'avait pas été capable de rassurer cet homme alors qu'est-ce qu'elle allait bien pouvoir me dire ? Que Jimin était un pédophile ? J'abandonnai l'idée de parler à quelqu'un d'extérieur. Personne n'allait m'aider. J'avais juste besoin d'être seul. J'avais passé la journée à errer dans Séoul tel un zombie, malgré le froid... Ce soir, je ne voulais pas rentrer. Je ne savais plus ce que je voulais en fait. Tout était remis en question. J'étais gelé. Je n'avais plus mon manteau car j'avais dû l'abandonner quand mon père m'avait retenu. Je n'avais pas mon sac également, donc je n'avais pas mon portable. Je n'avais rien et là, je ne voulais rien. Je voulais juste réfléchir à cette vie qui commençait à ne plus être supportable. J'étais jeune... Trop jeune pour être avec Jimin. J'avais la majorité sexuelle mais je savais très bien qu'ici, en Corée du Sud, les relations mineurs-adultes étaient interdites par la loi. Sauf que personne n'était supposé savoir pour Jimin et moi mais... J'avais merdé. J'avais fait mon gamin en réclamant de l'attention et un baiser en pleine rue. Tout ça, c'était ma faute. C'était à moi de tout réparer. Je ne devais pas embarquer Jimin là-dedans. Je ne voulais prendre aucun risque. Je l'aimais trop pour le mettre en danger. Surtout qu'il avait toujours voulu rester discret mais moi... Bref, j'allais devoir prendre une décision difficile. J'allais la prendre car elle était ce qu'il fallait pour tout le monde... Surtout pour Jimin. Ayant la flemme de marcher le long du pont pour aller m'asseoir au bord du fleuve, je décidai de m'asseoir sur la rambarde. Je n'allais pas me suicider. J'avais juste besoin de réfléchir à comment annoncer à Jimin que je faisais ça pour lui. Je devais trouver les bons mots pour qu'il comprenne et qu'il m'attende trois ans. Quand j'aurais dix-neuf ans, plus personne ne nous accusera de quoique ce soit. Alors que j'étais à fond dans mes pensées, une sonnerie me fit sursauter. Mes doigts agrippèrent la rambarde car un peu plus et je tombais dans le fleuve à cause du sursaut. Je calmai mon cœur et je regardai le téléphone S.O.S. Je regardai autour de moi. C'était bizarre que ce téléphone sonne, non ? Je levai le regard et je vis les caméras.
_ « Merde... » Soufflai-je.
On était surveillé de partout, c'était inquiétant. Je ne pouvais plus m'asseoir sur une rambarde d'un pont sans être fliqué. Pour la peine, je ne répondis pas. Je continuai à balancer mes jambes dans le vide. Qu'ils flippent un peu, ça ne leur fera pas de mal. J'étais mauvais pour penser comme ça... Mais je m'en foutais. On me faisait du mal alors je voulais en faire à la Terre entière. J'entendis alors une portière claquer, derrière moi. Je tournai légèrement la tête.
_ « Tu as une belle vue ? »
Je regardai le policier. Sans répondre, je regardai la vue, au loin.
_ « Ouais... Pas mal... Répondis-je.
_ Est-ce que... Tu as envie de parler ?
_ Non, ça va.
_ ... Tu t'appelles comment ? Me demanda-t-il.
_ JungHyun. Et vous ?
_ Je suis l'officier Moon. Tu peux m'appeler SungBak. Tu as quel âge ?
_ Seize ans, et vous, SungBak ? Demandai-je familièrement en regardant toujours la vue.
_ ... J'ai vingt-neuf ans. Sinon...
_ Tu es marié, SungBak ?
_ Oui.
_ Elle a quel âge ?
_ ... Euh... Vingt-cinq ans.
_ Alors vous avez quatre ans d'écart.
_ Oui, c'est ça, répondit-il calmement.
_ J'ai huit ans d'écart avec la personne que j'aime.
_ Je vois... De plus ou de moins... Ca reste problématique.
_ J'ai huit ans de moins que cette personne. C'est difficile car je ne veux pas attendre trois ans avant d'être avec lui. Il fait attention à moi et il refuse qu'on s'affiche en public car il sait qu'il peut avoir des problèmes. C'est horrible de se dire qu'on peut avoir des problèmes juste parce qu'on aime quelqu'un. C'est injuste... Soupirai-je.
_ Vaut mieux attendre deux ans que de mourir maintenant, non ? Après tu pourras être avec cette personne comme tu le souhaiteras.
_ Mourir ? Je ne veux pas mourir, lui dis-je.
_ Alors... Tu veux bien venir me parler en face ? Parce que ce n'est pas trop rassurant de te voir les jambes dans le vide, comme ça.
_ Ca me permet de réfléchir. »
Il ne répondit plus rien. Je ne voulais pas quitter Jimin. Je l'aimais trop... J'entendis à nouveau une portière calquer malgré le bruit des voitures qui passaient sur ce pont. Des voix discutèrent derrière moi puis...
_ « JungHyun ! »
J'aurais reconnu sa voix parmi dix-mille. Je tournai la tête et je le vis. Jimin. Il était avec mon frère et TaeHyung. On se regarda et je le vis reculer d'un pas. Il me fit un « non » de la tête. Je regardai de l'autre côté et je vis trois policiers en plus de SungBak. Je vis également ma mère et mon père... Qu'est-ce qu'ils avaient tous ? Pourquoi ils étaient tous là ? Ils pensaient vraiment que j'allais me suicider ?
_ « JungHyun, mon grand... Me dit ma mère avec précaution. On va discuter, tu veux bien ? Tu dois être gelé. Viens, s'il te plait.
_ Tout le monde pense que je veux mourir... Est-ce que j'ai une raison de sauter ? Lui demandai-je en regardant le fleuve.
_ ... Le directeur m'a dit ce qui s'est passé, me dit-elle.
_ J'ai juste... Un sale con de géniteur. »
Je passai mes jambes du côté sûr du pont et je descendis enfin. Ma mère arriva jusqu'à moi et elle me mit rapidement mon blouson le plus chaud sur les épaules. Je l'acceptai et le mis rapidement car il faisait trop froid. Je la regardai et elle caressa mes cheveux et mes joues avec amour. Je l'aimais mais tant qu'elle restait avec ce sale con, je voulais mettre une certaine limite entre nous, même si elle me manquait horriblement.
_ « Tout va bien, dit ma mère aux policiers. Merci d'être intervenus.
_ Fais attention à toi, me dit SungBak.
_ ... Désolé de vous avoir inquiété. »
Il me fit un signe de tête et il remonta dans sa voiture. Il partit, suivi de la voiture de ses collègues. Il ne restait que JungKook, TaeHyung, Jimin, ma mère et mon père.
_ « Est-ce qu'il peut partir ? Demandai-je à ma mère en parlant de mon père.
_ ... Oui, me dit-elle à voix basse. Je m'en occupe. »
Elle se retourna vers lui. Il fixait Jimin du regard. Il allait le tuer... Je le regardai s'approcher de mon petit-ami mais avant que je ne bouge, TaeHyung se mit entre eux. Mon père s'arrêta et il regarda Tae, qui était bien plus grand.
_ « Partez, lui dit TaeHyung.
_ Toi... Je t'ai ouvert ma maison, offert le repas et... Et tu as perverti mon fils ?! C'est quoi... Tous ses trucs... C'est horrible !
_ Ce sont des piercings, monsieur. Et j'ai aussi des tatouages, lui dit TaeHyung en lui montrant son cou, où un tatouage descendait sous ses vêtements. Et votre fils est très heureux avec moi. Je ne regrette pas de l'avoir perverti, comme vous dites. Sachez juste que si vous vous approchez de mon meilleur ami, ça va très mal aller. Je n'aurais aucun scrupule à vous défoncer la gueule. Croyez-moi, j'ai de très nombreuses raisons de le faire, alors je ne suis pas prêt de m'arrêter à votre première supplication. Donc dégagez, tout de suite. »
Personne n'osa parler. TaeHyung pouvait être effrayant parfois. J'étais surpris de voir cette facette de lui. Je regardai JungKook, à côté de son petit-ami. Son regard n'était plus le même. Il n'était plus le JungKook qui avait tendance à baisser les yeux quand les choses se compliquaient. Il semblait plus sûr de lui et plus mature. J'eus un sourire à peine perceptible. J'étais content de voir que TaeHyung avait changé mon frère de cette manière.
_ « JungKook, toi aussi tu veux détruire ta vie pour ce genre de personne ? Lui demanda notre père.
_ C'est toi qui as détruit ma vie. TaeHyung l'a réparé. Pour mes études, je vais être formé par son père, un grand cardiologue renommé. C'est TaeHyung qui va payer ma formation car il travaille. Il n'est pas étudiant en art, il est tatoueur professionnel et il a son propre salon. C'est lui qui prend soin de moi et qui va m'aider à réaliser mon rêve. Alors ne t'avise pas à dire quoique ce soit de négatif sur lui car je ne serais plus aussi tendre qu'avant. »
Mon frère avait enfin trouvé ses couilles !
_ « Pars, lui dit enfin ma mère. Retourne à la maison pour t'occuper de JungHye.
_ ... Les clés, ordonna-t-il à ma mère.
_ Tu rentres à pieds.
_ Quoi ?
_ Tu m'as très bien compris. Tu rentres à pieds. »
Il bouilla intérieurement. Il ne répondit rien et il partit. Je vis tout le monde se détendre. Il était l'unique onde négative dans nos vies. Je soupirai et je me frottai doucement la gorge.
_ « JungHyun. »
Il poussa doucement TaeHyung et il s'approcha enfin de moi. Jimin caressa du bout des doigts ma gorge.
_ « Bon sang... J'aurais dû lui faire payer... ! S'énerva-t-il.
_ Ca va... Soufflai-je.
_ J'ai eu peur. »
Il attrapa mon visage et il m'embrassa. J'étais heureux. Je fermai les yeux pour participer à cet échange. Sauf que je fus le premier à y mettre fin. Je m'écartai doucement de lui en n'osant pas le regarder dans les yeux. Il prit mes mains entre les siennes pour les réchauffer. Sa chaleur me fit tellement de bien... Je n'allais pas réussir à lui dire ce que je voulais lui dire. Puis... Il lâcha mes mains et il fouilla dans les poches de son manteau. Il en sortit sa paire de gants. Mon cœur se serra à tel point que je voulais en pleurer. Il était parfait. Je l'aimais. J'étais amoureux de lui. Il me mit ses gants avec douceur et attention. Je le regardai faire.
_ « Merci... Murmurai-je.
_ ... On rentre ? »
Je ne répondis rien. Ma mère intervint en me disant qu'elle avait ma veste d'uniforme et mon sac dans la voiture.
_ « Je vous ramène, nous dit-elle.
_ A... Attends... »
Jimin me regarda, inquiet. Ma mère comprit le message. Elle fit signe à JungKook et TaeHyung qu'ils devaient nous laisser, Jimin et moi. Ils partirent marcher un peu plus loin. Je regardai alors la vue en m'accoudant sur la rambarde. Jimin fit la même chose. Je l'entendis soupirer profondément, ce qui me fit mal au cœur.
_ « Trois ans, c'est ça ? Me demanda-t-il, d'une voix brisée.
_ ... On n'y arrivera pas ? Lui demandai-je.
_ Ca dépend.
_ Ca dépend de quoi ? Je t'aime. Je suis amoureux de toi alors je suis prêt à t'aimer pendant trois ans en m'éloignant de toi.
_ ... T'éloigner... Soupira-t-il. C'est... Enfin... »
Je n'osai pas le regarder car je savais qu'il avait les larmes aux yeux. Peut-être même qu'il pleurait.
_ « Est-ce que... Ca va être une séparation brutale ? Me demanda-t-il. Je veux dire... Est-ce qu'on doit couper les ponts ?
_ Non ! Bien sûr que non ! Je... Je compte t'appeler tous les soirs et peut-être même qu'on se fera des rendez-vous... Mais discrets. »
Je le regardai enfin.
_ « Jimin... Je ne veux pas rompre avec toi. Je veux juste... Qu'on crie au monde entier qu'on est ensemble mais... Dans trois ans, quand je serai majeur. Pour le moment, c'est bien trop dangereux pour toi. Je t'aime et je refuse que tu sois accusé de quoique ce soit ! Tu ne fais rien de mal mais personne ne le comprend. Ils ne m'écoutent pas... Alors... Pour te protéger, je vais retourner chez mes parents. Je vais retourner chez eux et...
_ Et il te fera encore du mal ?! »
Je pinçai mes lèvres. Il se tourna vers moi. Il caressa ma gorge lentement.
_ « Je veux te protéger... Souffla-t-il.
_ Et moi, c'est toi que je veux protéger. S'il te plait, fais-moi confiance. Il ne me touchera plus et on continuera à se voir, je te le promets. Je ne peux pas rompre avec toi. A l'origine, c'était ce que je voulais faire mais... En te voyant là, c'est impossible de ne plus te voir. Je ne veux pas te faire de mal... Je veux juste te protéger.
_ ... Ok... J'accepte. Mais promets-moi une chose !
_ Tout ce que tu veux, lui dis-je.
_ C'est moi qui crierai au monde entier qu'on est ensemble, ok ?
_ Ca me va. »
Il eut un sourire et il m'embrassa.
_ « Je t'aime... Souffla-t-il entre deux baisers.
_ A dans trois ans mon petit-ami. »
On se fit pleins de petits bisous car on n'arrivait pas à se séparer. Le dernier allait mettre fin à notre relation actuelle. Sauf que les petits bisous se transformèrent en baisers chauds.
_ « Peut-être... Le faire... Une dernière fois... ? Me demanda-t-il en glissant ses doigts sous ma chemise d'uniforme.
_ ... Hum... »
Je l'embrassai bien puis je me reculai d'un coup de lui. Il voulut s'approcher mais je l'arrêtai d'un signe de la main.
_ « Ne me tente pas, souris-je.
_ ... Alors... C'est tout ? C'est fini ?
_ ... Hum... Oui. Mais on s'appelle souvent et on se verra aussi, ok ?
_ Ok. Tu vas me manquer horriblement, Hyunie.
_ Tu me manques déjà...
_ Idiot ! »
J'eus un sourire et je fis signe à ma mère que c'était bon. Ils revinrent tous les trois, inquiets.
_ « On... On peut rentrer ? Demandai-je à ma mère.
_ C'est bon ? Je vous ramène ? Demanda-t-elle en souriant.
_ Non... Enfin... Rentrer... A la maison, avec toi, lui dis-je.
_ ... JungHyun... »
Elle comprit à mon regard qu'elle ne devait pas poser de questions. JungKook et TaeHyung restèrent également silencieux. Je fis un signe de la main à tout le monde et je montai dans la voiture. Ma mère monta côté conducteur et elle mit le contact. Je regardai une dernière fois Jimin. Je vis une larme couler sur sa joue. Je détournai vite le regard et on partit. Je ne pus me retenir que cinq minutes avant de fondre en larmes.
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