Son cri est horrible, perçant et la voir se convulser en tout sens dans son lit me fait terriblement peur. Elle devient incontrôlable et hurle à s’en déchirer les poumons, qui venaient seulement de se remettre de son agression. Je ne comprends pas qu’a-t-elle vu ? Luke se dépêche de retirer Michael malgré qu’il se soit agrippé aux barreaux du lit, quand les infirmiers entrent et nous font brusquement sortir, essayant de maintenir Heidi allongée avant de lui procurer une dose importante de calmants.

        Une fois en dehors de la pièce je cherche de l’air, ne m’étant pas rendu compte que pendant toute la crise d’Heidi j’avais coupé ma respiration et je regarde partout autour de nous. Les gens nous dévisagent, ils chuchotent et bientôt nous sommes obligés d’aller attendre plus loin, ne supportant plus les regards.

« - Bordel c’était quoi ça ! –S’exclame Luke sous le choc-

-Je ne sais pas –Dis-je à bout de souffle-

-P…Pourquoi… »

Je me fige net et tourne la tête vers Michael dont le visage est blême, pas une seule larme ne sort de ses yeux et il ne bouge plus, respirant à peine.

 «Michael je…

-Vous avez vu comment elle m’a regardé ? –Dit-il en fixant un point imaginaire sans cligner des yeux, la voix éteinte-

-Elle est encore sous le choc –Dit Luke avec maladresse-

-Son cri… -Commence-t-il-

-Michael elle va s’en remettre –Dis-je pour le rassurer, mais rien ne semble l’atteindre-

-Elle me déteste ? »

        Je ne sais quoi répondre, c’est en effet à la vue de Michael qu’elle s’est mise à hurler. Mais je ne comprends pas, il n’était même pas là, comment peut-elle le relier à son agression ? Pour moi je peux comprendre, elle m’a vu alors qu’elle était sur le point de mourir, mais Michael n’était pas là.

        Peut-être était-ce ça qui lui était passé par la tête, elle aurait voulu que Michael vienne la sauver mais comme il n’est pas venu, elle en garde un mauvais souvenir ?

        Je mords ma lèvre et le regarde qui fixe d’un regard vide le mur face à lui. C’est vrai qu’Heidi était la seule qui s’était réellement intéressée à lui, la seule qui en soit naturellement tombée amoureuse. Il doit se sentir de nouveau seul.

        Alors que je m’approche de Michael un médecin sort de la chambre d’Heidi et rapidement je me précipite vers lui, demandant à Luke de surveiller Michal mais de toute façon ce dernier est figé sur place.

«  Excusez-moi ! –Dis-je déjà essoufflé, passant une main sur ma blessure douloureuse- Je…

-Je vous interdis de retourner dans cette chambre ! –Me dit-il froidement-

-Quoi ? Mais c’est notre am…

-Obligé de la remettre sous calmants à peine réveillée ! Tout ça à cause de votre ami.

-Comment ça ? Michael n’a rien fait ! –Dis-je avec colère-

-Ce n’est pas lui en lui-même, ce sont ses cheveux ! –J’ouvre grand mes yeux-

-Ses cheveux ? Vous vous foutez de moi ou quoi ?

-Réfléchissez une minute mon garçon, la seule chose que votre amie aie vu en se faisant agresser était le sang dans lequel elle baignait. Elle a développé une sorte de psychose à ce sujet et lorsqu’elle a vu votre ami, sûrement de façon trouble car sa vue n’est pas opérationnelle, elle n’a aperçu qu’une tache rouge sur un fond blanc et tout lui est revenu en bloc dans sa pauvre tête.

-Vous êtes en train de me dire que les cheveux de Michael l’ont effrayée ? Elle a cru que c’était du sang ?

-Elle a dû penser pendant un tiers de seconde qu’elle était retournée dans la pièce où elle se faisait torturer. C’est une réaction normale après un tel choc.

-Mais… Mais Michael est son petit ami.

-Monsieur, vous ne pensiez tout de même pas qu’elle sortirait indemne ? –Je baisse la tête- Vous devriez vous y faire, et son petit ami encore plus, elle n’est plus la jeune femme que vous avez connu. Elle a subi un trop fort traumatisme, croyez-moi c’est déjà bien qu’elle ait pu ouvrir les yeux. »

Je reste bouche-bée et laisse le médecin prendre congé, me laissant seul dans le couloir, bientôt rejoins par Luke qui pousse Michael que je regarde tristement.

« Il se passe quoi ? –Demande Luke-

-On n’a pas le droit d’entrer.

-Pourquoi ?

-Apparemment elle…. Elle ne s’est pas totalement remise.

-Elle veut plus me voir ? –Dit Michael en fixant tristement la porte close-

-Non Mikey c’est pas ça…

-J’ai vu le médecin me regarder –Dit-il en me lançant un regard vide d’émotion- Dis-le qu’elle ne veut plus me voir. J’ai l’habitude tu le sais.

-Apparemment ce sont tes cheveux qui gênent.

-Pardon ? –Dit Luke qui ne sait s’il s’agit d’une mauvaise blague-

-Ca lui rappellerait la vue du sang –Je soupire-

-Mes cheveux ? –Répète-t-il d’une voix absente-

-Ca va lui passer Mike je t’assure. »

        Je vais pour m’asseoir lorsque d’un geste Michael retire le bonnet de la poche de sweat de Luke et l’enfile tout entier avant de s’engouffrer rapidement dans la chambre d’Heidi. Je me redresse d’un bon et tente de l’arrêter mais Luke me maintient le poignet.

« Tais-toi si tu cries ça va alerter les médecins et ils vont venir le récupérer.

-Mais Luke il…

-Laisse le faire. »

        Je me repose sur mon siège et fixe nerveusement la porte face à moi, est-ce une bonne idée ? Elle a changé, peut-être a-t-elle-même totalement oublié Michael. Je lie mes mains entre elle et attends, anxieux à l’idée d’entendre de nouveau un cri effroyable.

*

POV Michael

        Je ferme la porte et suis satisfait de voir qu’aucun des deux ne m’a suivi, me laissant seul avec Heidi. C’est beaucoup mieux, je ne me sens à l’aise que lorsque je suis seul avec elle. Je m’avance doucement et me fige lorsque je l’aperçois, elle est légèrement surélevée et ses yeux hagards se sont posés sur moi. Par réflexe je tire sur le bonnet de Luke, priant pour qu’aucun cheveu rouge n’en dépasse et j’attends de voir sa réaction. Mon souffle s’est coupé, à tout moment elle peut se mettre à hurler et cette fois-ci je comprendrais que ce n’est pas mes cheveux mais moi qui l’effraie. Sauf qu’elle ne dit rien et me regarde m’avancer à sa hauteur.

        Le lit est toujours aussi haut et même en me mettant de côté, seule ma tête dépasse des barreaux du lit, m’empêchant de la prendre dans mes bras. Satané fauteuil, sans ça j’aurais pu la garder contre moi, j’aurais pu la bercer.

J’aurais pu la protéger.

        Je soupire et passe ma main au-dessus des barreaux, l’approchant doucement de son corps sauf qu’elle se recule vivement, les yeux bordés de larmes mais la gorge trop sensible pour se remettre à crier. Je baisse la tête à ce recul et mord ma lèvre pour ne pas pleurer.

Voilà qu’une fois encore on me rejetait.

« - H…Heidi je ne te veux aucun mal. C’est moi Michael, tu sais ton voisin ? Ton…. Ton petit ami –Elle ne répond pas et continue de me fixer de ses yeux larmoyants- Tu ne me reconnais pas ? Ce…Ce doit être le bonnet –Dis-je avec un petit rire forcé- tu n’as pas l’habitude et moi non plus d’ailleurs.

-M…Mi…

-Non chut ne dis rien –Dis-je en chuchotant- je sais que tu n’as pas le droit de parler, je… Je voulais seulement te voir, te parler – Je souris faiblement- Juste, est-ce que tu te souviens de moi Heidi ? –Elle hoche doucement la tête et mon corps semble s’embraser, laissant perler une larme sous l’émotion- J…Je suis content alors –J’essaye à nouveau d’approcher ma main de son bras mais elle le retire vivement- Heidi je te jure que je ne veux pas te faire de mal, je t’aime, tout ce que je veux c’est te protéger. »

        Mais apparemment aucun de mes mots n’a assez de pouvoir pour effacer la peur dans ses yeux. Elle se souvient de moi, mais elle a peur de moi. Est-ce qu’au moins elle me voit ou bien a-t-elle encore du mal à discerner les visages à cause des calmants qui l’ont complétement droguée ? Peut-être ne reconnait-elle que ma voix ? Je baisse la tête mais ne m’en vais pas pour autant. Il n’y a qu’avec elle que je me sens bien et ce même si elle est devenu différente.

« - Quand les médecins te laisseront partir tu viendras vivre à l’appartement avec moi ! Je… Je t’ai préparé ton petit coin rien que pour toi, tu auras même ta penderie pour mettre tout tes vêtements –Je souris mais elle n’a aucune réaction, ce qui me brise le cœur encore une fois- On….on dormira ensemble mais si tu veux je….Je te laisserais ma chambre et j’irais dormir avec Ashton, pour ne pas que tu sois effrayée, qu’en dis-tu ? –Je l’observe mais aucun trait de son visage ne bouge, seuls ses yeux papillonnent- Heidi je… Je ne sais pas à quoi tu penses, mais juste fait moi un signe, dis-moi… Dis-moi que tu ne m’as pas oublié, que tu ressens toujours la même chose pour moi –Ma voix s’étrangle dans mon sanglot- D…Dis-moi que tu m’aimes ! »

        Une larme s’échappe de ses yeux affolés et elle reste recroquevillée dans son coin de lit, ne me laissant pas l’approcher. Est-ce que je dois comprendre qu’elle a oublié ses sentiments pour moi ? Dois-je me dire que je vais redevenir l’insignifiant Michael Clifford ? Que rien durant ces derniers mois n’a existé ?

        Le poids des larmes est trop douloureux et bientôt je pose ma tête contre les barres en métal de son lit et éclate en sanglots. Pourquoi fallait-il qu’une telle chose lui soit arrivée ? Pourquoi ai-je l’impression de revivre la même chose qu’avec Daphnée ? Elles ne sont pas si différentes que ça toutes les deux, à la différence qu’Heidi était tombée amoureuse de moi. Mais voilà que tout est fini, Luke a raison il fallait que je sois réaliste, je me suis enflammé à croire qu’elle était la fille qu’il me fallait. Mais je n’aurais pas dû crier victoire.

        Je la regarde qui pleure doucement dans son coin et j’essaye à nouveau de l’approcher, je n’aime pas quand elle pleure, mais elle se cache de moi. Pleurant en boule dans l’angle de son lit d’hôpital, comme un chétif animal.

Et cette vision m’achève.

        Je me recule et sors rapidement, passant devant Luke et Ashton qui se lèvent automatiquement et me suivent, ne comprenant pas pourquoi je ne m’arrête pas. Je veux sortir d’ici. Je veux que tout ceci s’arrête.

*

        Une fois à l’appartement je regarde ma chambre toute propre, je m’étais affairé à la rendre habitable pour une fille, je voulais que ça lui plaise, être le genre de petit ami qu’on voit dans les films. Mais je ne suis pas dans un film. Ma vie n’a rien d’un film qu’on voit au cinéma, ou alors si mais quelque chose de dramatique, où le héros fait pitié et fini par mourir esseulé.

Je ne suis pas un petit ami model… Je suis un putain d’handicapé qui n’a même pas pu sauver la fille qu’il aimait et qui se retrouve encore une fois tout seul.

Heidi n’est pas morte mais pour moi c’est tout comme. Si elle ne veut plus me parler, me regarder, si elle ne veut plus que je l’approche, que je la touche, que je l’embrasse, alors à quoi bon ?

« Tu vas dormir avec moi cette nuit –Me dit tristement Ashton qui m’éloigne de ma chambre-

-J’veux pas dormir –Dis-je d’un ton froid-

-Il le faut, ça fait une semaine que tu passes tes journées à l’hôpital et le soir quand tu rentres tu restes dans le salon à dormir dans ton fauteuil. –Il m’amène dans sa chambre et je grogne- Que tu le veuilles ou non de toute façon t’as pas le choix, tu ne peux pas t’enfuir à moins de ramper –Il glousse et je lui lance un regard que je veux noir mais sa bouille d’enfant m’apaise quelque peu-

-Comment tu fais ?

-Pardon ? –Me dit-il-

-Pour sourire comme ça alors que tout va mal ? –Il baisse un peu la tête mais maintient un faible sourire sur son visage-

-Je me force. Au fond je n’ai pas envie de sourire, mais si je laisse mon désespoir gagner, alors je n’arriverai pas à remonter la pente. –Je le regarde avec une sorte d’admiration dans les yeux- Et puis, je souris pour nous deux comme ça.

-Je n’ai pas envie de sourire.

-Michael je t’ai dit que ça allait s’arranger.

-Tu ne l’as pas vue, tu n’as pas vu ses yeux, sa façon de me regarder, la façon dont elle s’est éloignée de moi quand je l’ai approchée, comme si elle avait peur que je ne vienne la tuer.

-Michael on ne peut pas lu en vouloir. Elle a subit un lourd traumatisme et…

-Elle a laissé Luke lui caresser la joue ! P…Pourquoi moi elle s’est reculée hein ?! –Dis-je en essayant de me contenir alors qu’il m’aide à me déshabiller- Pourquoi c’est toujours à moi de souffrir ? J…J’ai rien fait dans cette histoire, c’est toi qu’elle a vu en dernier avant de s’évanouir, mais elle ne t’a rien dit et moi… M…moi qui suis pourtant plus qu’un ami à ses yeux, moi elle… Elle m’a repoussé !

-Michael je n’en sais rien, je ne suis pas dans sa tête et justement je pense qu’il faut lui laisser le temps de se remettre psychologiquement.

-Mais je…

-Mikey si tu l’aimes alors tu attendras. Comme tu dis tu n’as rien à voir avec cette histoire, tu n’as rien à te reprocher, en dehors de tes cheveux –Je grimace-

-Je regrette d’être tombé amoureux.

-Non Michael, c’est juste une épreuve à passer.

-Je pensais en avoir passé suffisamment pour que la vie me laisse tranquille !

-Ne perd pas espoir et souris, c’est tout ce que je te demande de faire. »

Je soupire et le laisse me mettre complètement nu avant de m’enfiler un bas de pyjama pour ensuite m’aider à me soulever et m’allonger sur son lit.

        Finalement c’est une bonne idée, le confort d’un vrai matelas m’avait manqué mais pour rien au monde je ne voulais retourner dans ma chambre, alors je remercie timidement Ashton qui tapote mon épaule en guise de réponse et ferme les yeux, essayant de m’endormir mais tout ce à quoi je pense ce sont les yeux bruns d’Heidi, terrorisés comme si elle était restée figée dans le passé, comme si je n’avais plus aucun visage pour elle et que je n’étais qu’une ombre indissociable des autres.

Une larme dévale ma joue et je fixe le plafond d’Ashton à travers le noir de la nuit.

Je me sens terriblement détruit.

Comme si en plus de ne plus sentir mes jambes je commençais à ne plus sentir mon coeur battre.

*

        J’ai passé deux semaines horribles à ne pas manger ni sortir, refusant d’accompagner Ashton et Luke à l’hôpital. Je ne peux plus supporter le regard d’Heidi, j’ai bien trop peur.

        Puis j’ai fêté mon Noël et mon Nouvel An seul, enfermé dans la salle de bain à pleurer, ignorant les messages de mes parents et Luke et Ashton qui essayait de se remonter le moral. Je n’ai pas le cœur à ça, je n’ai pas envie de faire la fête ni de manger alors que je redeviens petit à petit le fantôme que j’avais été.

         Un soir à ma grande surprise j’ai appris le décès soudain d’Amarande, apparemment elle aurait succombé à ses blessures mais Ashton ne comprend pas, il l’a seulement assommée, rien de plus. Elle n’aurait pas dû mourir ce qui ramène au premier plan cette histoire de cerveau derrière les Erudits. Je l’avais complètement oublié ce cinglé-là, mais visiblement, nous avons encore été trompés en pensant que c’était elle le cerveau de tout ça. Je déglutis, si ce malade ou cette malade, s’est occupé d’Amarande, Heidi n’est toujours pas en sécurité.

Personne ne l’est.

« J’ai eût l’hôpital –Me dit Ashton alors que je regarde les flocons tomber depuis la fenêtre-

-Et ?

-Heidi va enfin pouvoir sortir ! –Je ne me retourne pas et sens me cœur se figer-

-Tu vas l’amener ici ?

-Bien-sûr que oui, Calum n’a toujours pas refait surface et je ne veux pas la laisser seule dans son appartement. De toute façon avec ce qu’il s’y est passé je ne pense pas qu’elle y retournera un jour.

-T’es conscient qu’on vit dans le même style d’appartement qu’elle ?

-Michael à quoi tu joues ? –Grogne Ashton dans mon dos- T’es pas content de la retrouver ?

-Si c’est pour me rendre compte qu’elle m’a totalement effacé de sa mémoire alors non je ne suis pas content !

-Ne sois pas aussi égoïste !

-J’aimerais bien t’y voir à ma place ! –Lancé-je avec amertume-

-Fais ce que tu veux, moi je vais aller la chercher et tant pis pour toi si tu refuses ! »

        Il claque la porte, me faisant sursauter et le silence m’oppresse. Bien-sûr que si je suis content de la retrouver, mais comment vais-je la retrouver ? C’est bien ça qui m’angoisse et m’empêche d’être réellement heureux. J’ai bien trop peur de ne plus rien représenter à ses yeux. Elle qui m’a redonné confiance en moi, qui m’a motivée, qui m’a dit m’aimer pour la personne que j’étais à l’intérieur et qui a ignoré mon handicap, celle à qui j’ai fait l’amour, à qui j’ai donné toute la tendresse que j’avais pour lui redonner confiance en elle, pour lui prouver que moi aussi je l’aimais au-delà de tout.

         Si tout ceci n’a plus aucune signification pour elle alors ça n’en avait plus pour moi. Je soupire et pars dans la salle de bain, regardant mes cheveux rouges, totalement sales. Je ne m’en suis plus occupé depuis deux semaines, depuis qu’Heidi s’est mise à crier en fait. Ils sont horribles et je finis par prendre un produit et m’engouffrer maladroitement dans ma douche spécialisée où je m’assois lourdement. N’ayant pu retirer que mon t-shirt je reste en jean et laisse l’eau le tremper, je m’en moque qu’il soit mouillé, je n’en peux plus de devoir attendre l’aide des autres pour faire les choses, je veux pouvoir être indépendant.

*

Une heure plus tard j’entends un bruit de clé et mon cœur fait un bond, Heidi est là, sauf que je suis encore tout trempé et que je viens à peine de finir avec mes cheveux.

« - Doucement Heidi, voilà tiens-toi à moi –Je l’entends qui la dépose sur le canapé- Michael t’es où ? –Gronde Ashton-

-Dans la salle de bain. »

        Je mords ma lèvre, je pensais avoir fini avant qu’il n’arrive mais je ne suis pas doué et lorsqu’il entre ce dernier pousse un juron en me voyant à demi habillé dans la douche. Enervé que j’y sois rentré tout seul alors que d’habitude il m’aide et reste pas loin au cas où j’ai besoin d’aide.

« - Michael qu’est-ce qu’il t’a pris ?! Imagine si tu étais tombé et que tu t’étais cogné ?

-J…J’en ai marre d’être dépendant !

-Bordel Michael tu es handicapé ! C’est normal que tu aies besoin d’aide –Il grogne et m’aide à me rincer- Mais qu’est-ce que tu as fait à tes cheveux bordel ?!

-J…Je me suis dit que comme Heidi venait bah je…

-Espèce d’idiot ! –Il rince mes cheveux avant de m’aider à sortir et me reposant dans mon fauteuil recouvert d’une serviette au préalable qu’il enroule autour de moi- Je vais te chercher des affaires propres, tu ne bouges pas ! »

        Je fais un timide non de la tête et le regarde qui s’en va en grognant avant de tourner la tête vers le miroir. Je souris, chose que je n’avais pas faite depuis des semaines. Désormais mes cheveux ne sont plus rouges, mais blancs, comme ceux d’Heidi. C’était ma seule option, je n’avais pas d’autre teinture, seulement du décolorant alors autant en profiter.

        Quand Ashton revient il m’aide à sécher mes jambes puis il me fait enfiler mon bas de pyjama avec une chemise épaisse avant de me sécher les cheveux. C’est vrai que sans lui je ne suis rien. J’ai beau me vouloir indépendant, il est compliqué pour un handicapé de faire les choses seul. Alors je me retourne et le serre doucement contre moi. Ashton est bien le seul qui sera toujours là pour moi.

*

        Je n’ose pas sortir bien qu’Ashton me force à le suivre, je sais qu’Heidi est là, qu’elle va poser son regard sur moi et qu’à ce moment-là je verrai si il y a encore une once d’espoir entre nous deux. J’appréhende et bientôt Ash passe derrière moi et pousse rapidement mon fauteuil, me faisant me retrouver face à Heidi, emmitouflée dans une écharpe, qui est assise sur le canapé à contempler les flocons de neige au dehors.

« -Voilà, j’en ai fini avec lui –Glousse Ashton alors qu’Heidi tourne enfin son visage maigre face à moi, ses yeux voilés par l’absence de sentiment-

-Salut –Dis-je tout bas et elle me répond avec un demi sourire- Tu… Tu vas mieux ?

-Elle ne peut pas encore parler Mikey –Dit tristement Ashton qui prépare à manger-

-Oh je vois –Je la regarde et n’ose pas m’approcher d’elle, je ne veux pas qu’elle se recule encore une fois, alors je garde mes distance, luttant contre la déchirure qui s’abat sur mon être- Tu… Tu m’as manqué –Elle me fait un autre petit sourire avant de reposer son regard sur les flocons-

-Bon on va passer à table. »

        Ce silence me tue, j’ai l’impression que malgré le fait qu’elle soit face à moi il y a un énorme fossé qui me sépare d’elle, la fille que j’aime. Mais reste-t-il en elle quelque chose de cette fille ? Je soupire et n’avale rien du repas, n’écoutant même pas Ashton qui essaye de faire la conversation.

Je déteste cette atmosphère et je ne sais pas si j’arriverais à m’y faire.

        Alors qu’elle mange en silence j’observe en coin ma petite amie. Elle est dans un état épouvantable. Jamais je n’aurais imaginé la voir aussi maigre, ses os ressortent et elle a encore des marques de son agression, sa lèvre a cicatrisé, mais je peux encore voir la cicatrice derrière ses courts cheveux blonds qui repoussent.

Blonds ? Je n’ai pas rêvé ?

Je regarde avec plus d’insistance et bientôt son regard croise le mien, donnant à ses joues creuses une teinte rouge qui me fait dévier le regard. Je ne veux pas la gêner, je ne veux pas qu’elle pense que je l’observe comme une extraterrestre alors qu’elle elle avait accepté mon côté extraterrestre.

« - Bon Michael ce soir tu dors avec moi encore une fois, Heidi va prendre ta chambre.

-Tu la laisses seule ?

-Je pense qu’elle en a besoin oui. »

        Je baisse la tête et regarde Ashton qui la conduit jusqu’à ma chambre, il lui a ramené ses affaires après son agression et il les a toutes rangées dans les tiroirs, jetant le sac hourdé de sang séché. Au moins elle allait se sentir un peu chez elle, sans avoir à trop souffrir du passé.

        Quand Ashton revient et me met au lit je ne peux m’empêcher de penser à elle. Je n’aime pas quand elle est seule et de la savoir si proche de moi et pourtant si éloignée me tue lentement, m’empêchant de dormir, si bien que je finis par réveiller Ashton.

« Quoi Mikey ? –Grogne-t-il-

-Je veux faire pipi…

-Mh ok j’arrive. »

        Il se lève lentement avant de venir m’aider à me mettre dans mon fauteuil. C’est ça le seul problème dans sa chambre, son lit n’est pas fait pour les handicapés, il n’a pas de rampe et il est bien trop haut pour que je puisse monter ou descendre seul. Une fois qu’il s’est recouché je pars aux toilettes où j’attends, histoire d’avoir un alibi avant de tirer la chasse pour rien et de sortir, tout en prenant soin de me rendre dans ma chambre plus tôt que dans celle d’Ashton.

Je veux tenter le tout pour le tout, je veux avoir le cœur net. 

Que suis-je devenu à ses yeux ?