Chapitre 44
Non, tout ne se passait comme prévu. Pourtant, c'était évident, Takumi l'avait prévenu. Il avait prévenu, insisté, et avait appréhender ce scénario. Mais le savoir à l'avance n'avait rien changé à la dureté du moment.
Devant eux, il se tenait dans l'ombre. Ses cheveux, aussi noirs que la nuit, encadraient un visage marqué par le poids des années et des émotions réprimées. Ses yeux, rouges et hagards, portaient les traces de larmes séchées mêlées à des éclats de sang, tandis que sa peau grise semblait refléter toute la douleur qu'il avait traversée. Il était là, le général brisé. Kayle, le général aux émotions débordantes, au sourire forcé et aux rêves écrasé.
Takumi lui racontait souvent, des nuits de leurs enfance lors de leurs onze ans, durant lesquels les deux critiquaient les persécuteurs trop riches pour être virés. Ils avaient partagé bien plus que des années : des rires, des défis, des souvenirs. Des matins marqués par leurs chamailleries avec Lynn, tous prêts à se battre pour une simple part de tartine. Les midis où leurs anecdotes ridicules les faisaient éclater de rire, réunis autour d'une table bien trop grande pour leurs petits corps. Et les après-midis, où les entraînements difficiles se terminaient toujours par des encouragements et des défis amicaux, avant que la soirée ne s'achève sur des jeux et des éclats de voix joyeux.
Désormais, Kayle était devant lui, l'ancien ami de Takumi. Ils étaient près de l'entrée de l'Âme de Soleil, mais celle-ci était bien gardé, il en était conscient. Mais voir un général si tôt dans leurs avancés ne présageait rien de bon.
— Kayato. La Flèche dorée.
Kayato redressa sa tête. Il se répétait qu'il ne devait pas avoir peur, qu'il devait se montrer digne du surnom qu'il portait. Mais malgré tous ses efforts, la vérité le rongeait : il était terrifié.
— Où est Takumi ? demanda Kayle en cherchant son ancien ami des yeux.
Un dialogue silencieux s'installa entre Kayato et Kayle. Immobile, figé dans l'instant, Kayato savait qu'un seul mouvement pouvait signer leur arrêt de mort à tous. Le général avait la capacité de les réduire en poussière, lui, Shai, Mina, Lumae, Mélina et Panda. Une frappe, un coup, et ce serait terminé. L'idée de fuir traversa son esprit, mais il la balaya aussitôt. Courir ? Kayle les rattraperait. Combattre ? C'était tout simplement impensable.
Le général rompit l'immobilité. Lentement, il tourna son visage vers Mina et Lumae. Ses yeux s'attardèrent sur les deux jeunes filles, un éclat de surprise traversant brièvement son regard sombre. Lumae. La traîtresse. Kayato n'avait aucun doute que Kayle avait misé sur elle. Sa défection devait le troubler. Mais ce fut la vue de Mina qui sembla réellement éveiller sa curiosité.
Kayle arqua légèrement un sourcil, son expression mêlant incompréhension et mépris. Il avança la main, tendant un doigt accusateur vers Mina. Puis, comme si une pensée nouvelle l'avait traversé, il pivota à nouveau vers Kayato.
Le mouvement n'avait rien de précipité, mais une lourdeur écrasante s'abattit sur Kayato. La malédiction flottait dans l'air, étouffante. Ce n'était pas qu'une peur ordinaire ; c'était une terreur viscérale, une force dévorante qui le réduisait à l'état de spectateur de son propre corps. Il sentait ses émotions déraper, amplifiées au point de devenir incontrôlables. La panique s'infiltra dans ses veines, ses muscles, son esprit. Comme si son corps ne lui était pas, que ses organes allaient exploser, que son oeil allait s'arracher, ses dents prêtes à s'effriter, son coeur lâcher...
Kayato trouva la force de tourner la tête vers Panda. Ce qu'il vit le glaça davantage. Panda était dans un état similaire au sien : haletant, les pupilles dilatées à l'extrême, ses veines saillantes sur une peau qui semblait hurler de douleur. Ses cheveux, d'ordinaire rebelles, pendaient mollement, comme écrasés par un poids invisible. Chaque détail hurlait la même vérité : ils étaient en train d'être brisés.
Kayle. Le général des émotions.
Pourtant, quelque chose changea. Une anomalie, un souffle nouveau. La peur qui dominait Kayato commença à s'effriter, remplacée par une vague d'étonnement. Derrière Panda, des ombres prenaient forme. D'abord subtiles, elles s'étiraient, s'élargissaient, jusqu'à devenir palpables. Des bras noirs et vaporeux émergeaient, dansant autour de Panda, comme des entités protectrices. C'était comme si sa terreur, au lieu de le consumer, s'était transformée en une force tangible. Les ombres semblaient crier un refus silencieux : pas maintenant, pas ici.
Kayle se figea. Ses yeux rouges vacillèrent, et il recula d'un pas. Son assurance s'étiolait. Ce n'était pas normal.
— Kayato, fonce ! ordonna Mina.
Kayato sursauta, comme réveillé d'un cauchemar. Kayle avait eu une brève inattention, et il savait que c'était leur chance. Fuir. Laisser la suite à ceux qui pouvaient encore agir. Sans un dernier regard en arrière, il attrapa la poignée frêle de Panda, et se mit à courir. Derrière lui, un coup de feu retentit, déchirant le silence oppressant. Mais il ne pouvait pas se retourner. Ses pensées, fragmentées et fébriles, tourbillonnaient dans son esprit : Mélina ? Shai ? Mina ? Sierra ? Lumae ? Qui ? Qui était touché ? Était-ce les derniers instants d'une vie précieuse ? Mais peut-être que c'était un de ses alliés. Dans tout les cas, Kayato se devait d'avancer.
Derrière lui, Panda trébuchait presque, ses pas maladroits s'entremêlant, mais Kayato le tirait sans relâche, guidé par une détermination brute.
— Kayato !
Il ne tourna pas la tête, mais il reconnut immédiatement la voix. Ce simple appel dissipa une partie de ses angoisses, lui insufflant une énergie nouvelle. Panda, toujours déboussolé, osa jeter un regard furtif par-dessus son épaule. Une silhouette courait à leur suite.
— C'est Mélina ! souffla Panda, essoufflé.
Mélina, les yeux rivés sur eux, leur offrit un sourire rassurant. Ce simple geste apaisa Panda, bien qu'il tremblait encore.
— Elle va nous protéger, déclara Kayato d'une voix ferme. Nous, on avance.
Et ils avancèrent. Kayato sauta par-dessus des vides béants sans réfléchir, sans calculer les distances, se laissant guider par l'instinct. Ses jambes le brûlaient, son souffle se déchirait, mais il courait encore, encore et encore. Chaque pas était une promesse de survie.
Derrière eux, des gardes apparurent, leurs visages grimés par la surprise en voyant les fugitifs. Ils n'eurent pas le temps d'agir. Mélina était déjà sur eux.
D'un geste précis et rapide, elle trancha la gorge du premier, puis du second. Le sang éclaboussa les murs dans un cri silencieux. Elle ne s'arrêtait pas. Mélina avançait, le corps tendu, les mains fermes sur son arme, un éclat de détermination dans ses yeux. Mais ses mains tremblaient, même si elle refusait d'y penser. Elle ne pouvait pas se permettre de flancher. Pas maintenant.
Lorsque des ennemis se trouvèrent face aux deux hommes, ceux-ci se contentaient de les esquiver et de continuer, laissant le travail à Mélina qui gardait le rythme, derrière eux. Ce n'était pas grave si le sang coulait le long des plais qui se formaient au fur et à mesure du corps de Kayato ; il devait avancer. Courir vers la vie, ou bien la mort.
Ils atteignirent une porte, étrangement laissée sans surveillance. Essoufflé, Kayato ralentit et jeta un regard vers Panda. Aucun mot ne fut échangé, seulement un silence lourd, chargé de souvenirs. Leur passé défila en un instant dans leurs pensées : ces soirées passées à chercher Leyo, blottis dans une tente, se lançant des insectes pour s'amuser. Ce jour où, à deux, ils avaient libéré un prisonnier délirant, défiant le bon sens. Ces nuits où ils s'étaient confiés leurs secrets, leurs peurs. Les moments où ils s'étaient dessinés mutuellement, immortalisant l'un l'autre avec maladresse. Et cette fois, où, dans un parc, ils avaient simplement ri comme des enfants. Maintenant, ils étaient là, prêts à rencontrer Soleil ensemble.
Si Kayato était un rayon de soleil, Panda était l'ombre qui l'épaulerait toujours.
D'une main tremblante, l'archer saisit la poignée. Il ouvrit la porte avec lenteur, et il fut étonné de contaster qu'il n'y avait aucun grincement. Derrière eux, Mélina était encore loin, mais avançait toujours, leur assurant une protection silencieuse. Ils pénétrèrent dans une salle immense, presque irréelle. Ses dimensions semblaient défier la logique : pas de murs, uniquement des fenêtres à perte de vue, offrant une vue infinie sur une obscurité constellée de lumière. Chaque pas résonnait, amplifié par le vide presque solennel de l'endroit. Au bout de ce passage sans fin, une porte colossale se dressait, imposante, majestueuse.
— Pourquoi c'est aussi vide ? demanda Panda, sa voix teintée d'un mélange d'émerveillement et d'inquiétude.
Kayato, toujours en alerte, répondit sans ralentir :
— Il devrait y avoir des gardes dans ce couloir. Après ça, il restera une dernière porte. Ensuite, nous nous élèverons dans l'Antre des Âmes. Une fois là-bas, tout combat sera interdit.
Panda hocha la tête, bien qu'un frisson lui parcourût l'échine. Ses yeux, attirés par l'immensité des vitres, se posèrent sur les bâtiments de Lumière. Leur hauteur défiant les cieux, leur architecture soignée et éblouissante... Il était captivé. Il aurait voulu y vivre, marcher librement dans ces rues baignant dans une lumière dorée. Il aurait voulu vivre.
Dans un élan de courage mêlé à une étrange vulnérabilité, il saisit la main de Kayato. Ce geste silencieux parlait pour lui. Kayato ne dit rien, mais serra légèrement sa main en retour, puis ils reprirent leur avancée, unis dans leur silence.
Devant la Grande Porte, Kayato s'arrêta et sortit le badge des généraux que Takumi lui avait confié pour cette mission. Il observa un instant l'objet, ses doigts le serrant fermement, avant de donner un bref signe de tête à Panda.
— Prépare ton arme.
Panda, sans poser de question, dégaina son arme, et fixa celle de Kayato, son arc scintillant dans la lumière du couloir. Celui-ci inspira profondément, puis leva le badge vers le mécanisme de la porte. D'un geste déterminé, il l'actionna.
L'immense porte, trois fois plus grande qu'eux, s'ouvrit dans un grincement métallique qui résonna à travers le couloir. Une lumière froide et artificielle inonda leurs visages, et la tension devint palpable. Avant même que les gardes postés à l'intérieur n'aient le temps de voir qui était entré, Panda bondit, profitant de l'effet de surprise.
Avec une rapidité féroce, il glissa au sol pour faucher les jambes du premier garde, qui perdit l'équilibre et s'écroula lourdement. Mais le fracas alerta immédiatement les autres. L'un des soldats pivota, son arme à feu déjà levée. Kayato, pris d'un instinct primal, décocha une flèche avant même de réfléchir.
La pointe en acier transperça le casque du soldat, s'enfonçant profondément dans son crâne. L'impact, suivi d'une explosion grotesque de matière cérébrale, fit chanceler Kayato, plus par l'horreur de son propre geste que par le recul de son arc.
Il n'eut pas le temps de se remettre. Un autre garde, armé d'une longue lame, chargea sur lui. Kayato pivota et lui décocha un coup de pied brutal au torse, mais l'homme encaissa l'impact avec son armure renforcée et répliqua d'un revers tranchant. La lame siffla à quelques centimètres de Kayato, qui recula à temps pour ne pas être tué, mais pas suffisamment pour que la lame ne coupe les tendons dans ses bras. Tout en serrant son membre blessé, il enfonça une nouvelle flèche dans le cou du soldat.
Un tir retentit. Kayato, sentit son cœur manquer un battement. Il était exposé, et le garde derrière lui avait ajusté sa visée.
Mais Panda surgit, se jetant sur le tireur avant qu'il n'appuie sur la détente. Les deux hommes s'écrasèrent au sol dans un fracas métallique. Panda, armé de sa dague de secours, trouva une ouverture. La visière du garde était légèrement relevée. Sans hésiter, il plongea la lame dans la bouche de l'homme, perforant chair et os dans un éclat de rage et de désespoir.
Un cri étouffé emplit la pièce. Panda roula sur le côté, essoufflé, son visage couvert de sueur et d'éclaboussures.
Le silence qui suivit le chaos de la bataille semblait presque irréel. Le sang qui maculait leurs corps, l'odeur métallique et la violence palpable, tout semblait s'éteindre dans l'air lourd. Panda, essuyant d'un geste rapide le sang qui coulait de sa joue, ne se permit pas une pause pour réfléchir à la brutalité du combat. Ses bras étaient douloureux, ses jambes tremblaient, et il sentait chaque blessure comme un rappel de la lutte acharnée qu'ils venaient de mener. Mais il ne laissa rien transparaître.
Certaines de ses veines, éclatées sous l'effort, s'étaient vidées de leur énergie, mais il savait que ce n'était pas la fin. Il allait rencontrer Soleil. Le simple fait de penser à cela lui insufflait un peu d'espoir. Une lueur, aussi ténue soit-elle, suffisait à le faire avancer.
Kayato, quant à lui, fixait, comme hypnotisé, le carnage derrière eux. Ses yeux restaient fixés sur les corps, sur les visages figés dans l'agonie. Mais Panda, sentant le poids de ces âmes perdues, se tourna vers lui, sans un mot, et posa une main sur son épaule, avant de le pousser à avancer. Il évita soigneusement de regarder les victimes, se concentrant sur la porte devant eux. Le bruit sourd de la porte se fermant derrière eux résonna comme un dernier adieu à ce chapitre sanglant.
— Je pensais que ça allait être plus compliqué, se vanta Panda.
— Si nous n'avions pas le badge de Takumi, ça aurait été impossible. Mais oui. Ils sont nuls. Maintenant, quand on va s'élever dans les airs, reste à voir si nous penserons toujours ainsi...
Il évita de penser aux restes membres de son équipe, à ceux qu'ils avaient laissés derrière, pour se focaliser devant lui.
Face à eux se tenait une porte, étrange, hors du temps. Autour d'elle, une brume vaporeuse flottait, formant une aura irréelle qui les invitait à passer. Kayato déglutit, son regard s'intensifiant. Il prit à nouveau son badge, son regard s'assombrissant un instant avant de l'insérer dans le mécanisme de la porte. La serrure s'actionna dans un bruit sec et ils pénétrèrent dans un espace qu'ils ne connaissaient pas encore.
La pièce était baignée dans une lumière irréelle, chaque coin brillant d'une lueur douce et presque éthérée, comme un havre de paix. Le sol était lisse, froid sous leurs pieds, et tout semblait figé dans un calme mortel. Une plateforme, simple et blanche, se dressait devant eux, invitant leur passage. Panda sentit son cœur se serrer. Ils avaient réussi à entrer. Mais maintenant, ils se retrouvaient au seuil de l'inconnu. Il n'y avait plus de retour. Ils n'étaient plus que des ombres dans un lieu où même la lumière semblait contenir un secret trop lourd à porter.
Panda fixa la plateforme, hésitant un instant. Le poids du monde pesait sur ses épaules. Il avait confiance en leur plan, mais une appréhension naissante se leva en lui, alors qu'il s'avançait avec Kayato. Leur quête prenait une tournure qu'il n'osait pas imaginer. Le silence qui régnait autour d'eux était lourd, trop lourd pour être réconfortant.
La plateforme vibra sous leurs pieds, un frisson d'énergie parcourant l'air tandis qu'elle commençait lentement à s'élever, brisant le silence environnant. Kayato se laissa aller à un sourire d'émerveillement alors que la brise fraîche se faufilait entre ses cheveux, un souffle de liberté qui le faisait presque oublier l'immense poids qui reposait sur ses épaules. Le plafond au-dessus d'eux s'ouvrit en silence, comme si le ciel lui-même les accueillait, et ils s'élevaient au-delà du château.
— Waouh ! C'est incroyable ! s'exclama Kayato, son regard se perdant dans l'immensité du paysage qui se dévoilait sous leurs yeux.
Le vent soufflait fort, comme une caresse sauvage. Au loin, des phénix chantaient, leurs ailes battant l'air lourd du matin. La vue était à couper le souffle. Ils s'élevaient au-dessus du Royaume de la Lumière, et chaque étage du château devenait de plus en plus petit, les rues se transformant en minces lignes entre les bâtiments imposants. Kayato, les yeux brillants, se laissa submerger par cette immensité. Mais tout à coup, la voix de Panda, tendue, brisa son admiration.
— Kayato, le roi nous regarde !
Kayato se tourna immédiatement vers Panda, qui pointait l'horizon, et son regard se fixa droit sur le sommet du château, où il aperçut une silhouette qui n'avait jamais quitté ses pensées. Là, tout en haut, le roi. Celui qui avait ruiné sa vie, brisé ses rêves, et tué sa mère. Son cœur s'emballa à la simple vision de cet homme. Il allait le tuer.
Il n'était qu'une silhouette blonde, plus bas, sur le toit, presque irréelle, comme une ombre lointaine et inatteignable. Le regard du roi était fixé sur eux, une présence imposante et glaciale. Le sang de Kayato bouillonnait, une rage sourde montant en lui, prête à exploser. Là, dans cette position vulnérable, il voyait l'homme qu'il détestait de tout son être.
Puis, un mouvement attira son attention. Le roi leva lentement une main. Avant même qu'il n'ait pu réagir, un phénix, immense et majestueux, fonça vers eux avec une vitesse phénoménale, ses ailes battant l'air dans un tourbillon de puissance. Un frisson de terreur mêlé d'excitation traversa Kayato, qui se crispa instinctivement.
Kayato regarda les alentours, attendant que le phénix soit tué. Mais rien. Et il ne pouvait pas se battre dans une si petite plateforme, par risque de mourir. Que faire dans ce cas-là ? Se laisser tuer ?
— On va arriver à temps, se persuada Panda. Il ne peut pas rejoindre Soleil sans la plateforme. On va venir à temps.
Mais le phénix était rapide, ce qui n'était pas le cas de leur plateforme. Kayato n'hésita pas un instant. Il brandit ses flèches, les ajustant rapidement, et les lança droit vers l'oiseau enflammé. Chaque flèche suivait la trajectoire de sa cible, mais à peine avaient-elles atteint le phénix qu'elles étaient instantanément consumées par les flammes. Bien sûr, ce n'était pas un phénix ordinaire, mais un appartenant au roi, un être imprégné de puissance.
— Continue, chef, qu'il perde au moins du temps ! encouragea Panda. Nous y sommes presque.
Kayato n'eut d'autre choix que d'obéir. Il continua à tirer, envoyant flèche après flèche, une pluie d'attaques qui ne faisait que se volatiliser dans l'air chaud de la créature. À mesure que la plateforme montait, les nuages se rapprochaient à une dizaine de mètres, mais le phénix ne ralentissait pas. Il allait les rattraper. Ils allaient échouer.
Puis, alors que Kayato sentait l'issue se rapprocher et se préparer à tenter une autre approche, quelque chose d'inattendu se produisit. Le phénix fut projeté en arrière par une force colossale, une masse sombre surgissant de nulle part. Kayato cligna des yeux, un sourire se formant sur son visage en reconnaissant son démon préféré.
— T'en a pris du temps, Takumi ! taquina-t-il, sa tension dissipée par l'apparition de son meilleur ami.
— Je vais me rattraper avec ces dizaines de soldats qui arrivent, répondit-il fièrement, j'ai contaminé tout le hall avec Naïa. Dans cinq minutes, vous pourrez repartir sans craindre de mourir.
Kayato était rassuré, mais il n'oublia pas l'instant de vulnérabilité qu'ils venaient de traverser. Takumi n'était pas qu'un simple soldat. En réalité, il était le plus puissant du groupe. Bien qu'il n'ait pas encore achevé sa transformation, il avait suivi l'entraînement des généraux, ce qui le rendait redoutable même sans sa pleine puissance.
Takumi, tout en déployant ses ailes rouges, se lança vers les menaces à une vitesse vertigineuse, ses ailes battant avec une force qui faisait trembler l'air autour de lui. Le phénix, repoussé, se stabilisa dans les airs et tourna ses yeux flamboyants vers lui, mais Takumi était déjà sur lui, le défiant avec une détermination sans faille.
Pendant ce temps, le bruit des vagues se fit entendre alors que Naïa s'élançait dans les airs. Propulsée par une vague colossale, elle fit une entrée fracassante, noyant d'autres soldats qui arrivaient en renfort d'un simple mouvement. La mer rugissait sous son contrôle, une force implacable qui balayait tout sur son passage, et avec elle, les derniers vestiges de la résistance ennemie commençaient à s'effondrer.
A présent que le risque n'était plus, Panda relâcha un souffle qu'il ne savait pas qu'il retenait, sentant la tension s'évanouir de son corps. Le danger avait disparu, et avec lui, la lourde pression qui pesait sur leurs épaules.
— Ils sont trop classe, les deux ! Moi aussi, je veux leur puissance, dit Panda, un sourire admiratif sur son visage.
— On n'est que des humains, répondit Kayato, sa voix teintée de rire.
— C'est vrai que dans la liste, je dois être le plus faible, sourit Panda.
Mais avant que le rire ne se dissipe, une sensation étrange envahit Panda. Ils s'élevaient, passant au-dessus des nuages, et la plateforme s'approchait enfin du lieu qu'il avait tant désiré atteindre. Ses lèvres se retroussèrent, un sourire sincère et ému éclairant son visage alors qu'il réalisait qu'il avait atteint son but. Il y était, dans l'Antre des Âmes. Et il n'était pas seul. Non, il était avec celui qu'il avait toujours admiré, celui qu'il avait observé s'entraîner sans relâche, celui qui l'avait motivé à persévérer dans les moments difficiles. Kayato n'était pas seulement son compagnon de voyage, il était son héros.
Ils s'approchèrent tous les deux d'une pierre ancienne, qui semblait irradier une énergie mystique. La pierre rescellait l'âme de Soleil, et en la regardant, Panda ressentait un mélange d'espoir. Il s'inclina devant celle-ci avant de confier à Kayato :
— Chef, si je voulais tant venir ici, ce n'était pas simplement pour moi. Elle a quelque chose pour toi, aussi.
Panda resta figé, observant avec une intensité accrue la scène qui se déroulait devant lui. Il sentait son cœur battre de plus en plus fort à chaque seconde, une nervosité qu'il n'avait pas anticipée. Ce moment, tout ce qu'il avait fait, tout ce qu'il avait sacrifié, l'avait conduit ici, à cet instant précis. Et pourtant, une partie de lui avait du mal à y croire. Il ne voulait pas se réjouir trop tôt, pas avant d'avoir la certitude. Peut-être, juste peut-être, que son rêve allait enfin devenir réalité.
Il inspira profondément, une légère brûlure au fond de sa gorge, les yeux embués. Il savait que c'était le moment décisif. Tout ce qu'il avait enduré l'avait mené jusqu'ici, jusqu'à cette rencontre, et pourtant, il sentait la peur le serrer comme une poigne invisible.
— Peu importe ce qu'elle me dira, je voudrai que tu acceptes ce qu'elle te donnera, d'accord ? Tu pourras faire un vœu, et tu le feras en fonction de toi.
— Vas-y, Panda. Appelle-là, dis Kayato en aquiesçant, conscient que ce moment sera unique dans sa vie.
Panda inspira une dernière fois, les mains tendues vers la pierre. Un silence lourd s'installa autour d'eux, comme si l'air lui-même retenait son souffle. Puis, lentement, Panda s'agenouilla, son corps s'inclinant devant cette entité ancienne. À cet instant, l'atmosphère se chargea d'une énergie palpable, l'air devenant presque électrique. Le vent souffla fort autour d'eux, formant un tourbillon mystérieux, comme si la nature elle-même répondait à l'appel.
Soudain, une lumière éclatante jaillit du centre de la pierre, une lueur intense qui fit briller l'horizon. Les deux hommes écarquillèrent les yeux, hypnotisés par cette vision. Lentement, la lumière se transforma, se modelant pour prendre la forme d'un buste féminin. La silhouette faisant quatre fois leur taille, brillante, radieuse comme le soleil, se dessina devant eux. L'aura qui l'entourait semblait presque irréelle, une essence divine, éthérée, mais pleine de puissance.
Elle se tenait devant eux, majestueuse, une incarnation de la lumière elle-même, son regard fixant les deux hommes avec une sagesse infinie.
L'espace semblait suspendu dans le temps, une lourdeur emplissant chaque recoin de l'atmosphère. Le silence se fit presque oppressant, mais dans ce vide, Kayato pouvait entendre un battement, faible mais distinct. C'était le cœur de Panda. Un battement sincère, plein d'espoir, mais aussi de tension. Kayato, plongé dans ses pensées, se sentait de plus en plus accablé par une pression qu'il ne pouvait expliquer. Le monde autour d'eux semblait avoir disparu, ne laissant place qu'à l'écho de ce moment.
Puis, une voix, douce mais infiniment puissante, résonna dans leurs esprits. Ce n'était pas un simple son, mais une vibration qui allait au-delà du corps, une onde qui pénétrait directement leur âme.
Et cette voix... elle allait abattre son moral, comme un coup fatal.
Car Kayato aimait le sourire de Panda. Il aimait le rire franc de celui-ci, si pur, sans arrière-pensée. Il aimait sa manière de comprendre chacun, d'inclure chaque âme qui croiserait son chemin, d'apprécier la vie dans toute sa simplicité et sa complexité. Panda était celui qui apportait de la lumière, même dans les ténèbres qui l'accompagnaient.
« Panda, jeune orphelin abandonné, n'est-ce pas... dit la voix calmement. Atteint d'une maladie mortelle, tes parents ne voulaient pas d'un enfant malade. »
Kayato, saisi par une vague de déni, secoua la tête intérieurement. Il refusa d'y croire. Il ne voulait pas entendre cela. La voix ne pouvait pas avoir raison. Non, dans aucun monde, il n'accepterait cette réalité. Pourtant, tout semblait soudainement s'aligner, plus logique, plus évident.
« Il ne te reste moins d'un an à vivre. Je suppose que toi, habitant de l'Ombre, est venu implorer mes soins ? »
Panda resta là. Il n'eut pas de réponse immédiate, comme si le temps lui-même se suspendait autour de lui. Une onde de silence s'étira, entrecoupée seulement par le battement sourd de son cœur. Puis, lentement, la réalité s'imposa à lui. Le temps était compté, bien plus que ce qu'il n'avait imaginé. Moins d'un an à vivre, il allait mourir. Il allait mourir. Il voulait hurler, mais ses mots restèrent coincés dans sa gorge, comme une barre de fer, jusqu'à ce qu'il parvienne à prononcer, d'une voix brisée :
— Je veux vivre, je vous en supplie...
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