Chapitre 40
Lumae contemplait les lanternes flottant dans la nuit, chacune tenue par une de ses amies. Cette année, elle n'en avait pas. Et cela lui convenait. La jeune femme ressentait une certaine honte à être originaire de ce Royaume, un sentiment qui l'étonnait toujours, car l'orgueil était autrefois la norme. Pourtant, l'avenir proche ne lui laissait aucun doute : tout cela changerait dans deux nuits. Deux nuits avant sa trahison envers Soleil.
Autour d'elle, les rires des enfants s'élevaient dans l'obscurité, ornés de légèreté et d'innocence. Les petites têtes étaient couronnées de diadèmes scintillants, leurs habits étincelants comme autant de fragments d'étoiles. Lumae, pourtant, ne parvenait pas à s'imprégner de leur joie. Elle voyait aussi d'autres enfants. Ceux de l'autre côté du mur, à qui l'on interdisait lumière et fêtes.
— Lumae, tu ne prends pas de photo ?
La voix claire d'Aylin la tira brusquement de ses pensées. Lumae sursauta, dérangeant presque la lanterne de l'amie qui la dévisageait avec un sourire interrogateur. Elle réalisa soudain qu'elle n'avait pas sorti son appareil photo, d'ordinaire un prolongement naturel de sa présence. Ne pas le tenir pointé vers les lanternes éparpillées dans le ciel la rendait suspecte. Mais après des semaines à se fondre dans la masse, à feindre un enthousiasme factice, à voler de petites sommes pour les transmettre discrètement à Kentin, et à répandre des paroles de sensibilisation, Lumae était fatiguée. Fatiguée de jouer un rôle.
— Non, pas cette fois, je suis fatiguée. Je vais rejoindre Kentin, on se retrouve demain ?
Aylin échangea un regard silencieux avec Kawasho, toutes deux élégamment vêtues de robes somptueuses. Si elles furent étonnées par la décision de leur amie, elles n'insistèrent pas. Un simple hochement de tête confirma leur accord. Après une rapide accolade, Lumae fit demi-tour. Elle se glissa avec agilité parmi la foule, demandant doucement à chaque personne de lui laisser passer un chemin.
Lumae devait retrouver Kentin pour obtenir des détails précis sur le plan. Jusqu'à présent, ils s'étaient croisés sans jamais aborder ce sujet, la peur des oreilles indiscrètes pesant trop lourd dans ce Royaume. Mais cette nuit, tout le monde était occupé à célébrer : c'était l'instant idéal.
Dans le Royaume de la Lumière, l'obscurité totale n'existait jamais. Il y avait toujours des lampes, des animaux luminescents ou des dispositifs soigneusement disposés pour chasser les ombres. Lumae suivait les petites allées balisées, savourant un rare moment de solitude. Elle en profita pour retirer ses talons et enfiler des bottes plus confortables.
En respirant le parfum sucré des Clorilles, elle continua son chemin jusqu'à l'atelier de Kentin, niché près du mur délimitant le Royaume. Cet endroit était proche de son appartement mais loin du château, une situation qui renforçait son besoin d'anticiper. Sans attendre de calèche, Lumae accéléra le pas, déterminée à ne croiser aucun témoin.
Après une vingtaine de minutes, elle se retrouva devant un bâtiment, orné de décorations dorées. Elle toqua quelques fois la porte, et attendit quelques instants. Un peu trop longtemps par rapport à l'habitude, ce qui lui provoqua un sentiment de malaise. Mais avant même qu'elle put frapper une nouvelle fois à la porte, celle-ci s'ouvrit avec un mécanisme automatique.
Kentin apparut, ses yeux bruns écarquillés de surprise avant qu'un sourire rassuré n'éclaire son visage. Ses taches de rousseur ressortaient sur ses joues mates, adoucies par la lumière dorée de l'intérieur.
— Tu refais un truc en cachette ? devina Lumae, un sourire en coin, devinant l'anxiété qui semblait se dissiper chez lui.
— Et tu ne devineras jamais ! s'enjoua celui-ci.
Il invita la brune à entrer dans l'atelier, son enthousiasme presque contagieux. Lumae comprit aussitôt que ce qu'il mijotait devait être spectaculaire. Elle déchaussa ses bottes sans se faire prier et pénétra dans la maison. Mais l'attitude de Kentin la déconcertait. Il sautillait sur place, incapable de tenir en place, ce qui ne lui ressemblait pas. Cette exubérance inhabituelle ne fit qu'augmenter le stress de Lumae.
— Vas-y, entre ! lança-t-il, un sourire éclatant illuminant son visage, en la poussant gentiment à avancer dans l'atelier.
Lumae fronça les sourcils, hésitante, puis se dirigea lentement vers le lieu où Kentin aimait concocter ses mystérieux produits chimiques. À chaque pas, elle gardait un œil sur lui. Il la suivait de très près, presque collé à elle, son excitation palpable. Elle finit par détourner son regard pour enfin se concentrer sur ce qui se trouvait devant elle.
Elle se stoppa net.
Cinq ans.
Cinq ans qu'elle n'avait pas vu ces cheveux blonds.
Elle ne sut comment réagir sur le moment.
Ce fut comme si il n'existait plus de Royaumes, d'inégalités, d'infiltrations. Juste elle, Kentin, Takumi, et deux personnes qu'elle identifia comme Kayato et Mélina.
Lorsqu'elle vit que le démon portait toujours le collier qu'elle lui avait offert, ce fut comme si qu'elle retomba amoureuse pour la seconde fois.
Ce fut la meilleure Aube Doré qu'elle eut vécue.
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— Je veux rentrer dans mon Royaume.
Cette déclaration résonna comme un coup de tonnerre dans le petit atelier. Kentin se figea, son visage habituellement jovial se fermant sous l'effet du choc. Takumi, son meilleur ami, voulait retourner dans le Royaume de la Misère, cet endroit qu'il avait eu la chance de fuir grâce à la sélection. Cette décision insensée faisait naître une peur viscérale en Kentin.
— Mais Takumi, tu es en train de signer ton arrêt de mort... tenta de convaincre Kentin.
— Au moins, j'aurai eu le choix. Dans mon Royaume, on meurt sans même avoir un mot à dire.
Kentin soupira. Il n'avait que douze ans, et Takumi treize, la situation était trop critique pour être géré par eux seuls. La porte de sa maison s'ouvrit, et bien qu'en premier lieu, Kentin eut peur que ce soit sa mère qui rentrait du travail, ce n'était que Lumae, ramenant des en-cas comme à son habitude.
Lumae entra dans l'atelier, posant son plateau d'en-cas sur la table comme à son habitude. Kentin, assis à côté de Takumi, mordait distraitement dans une madeleine, son regard trahissant un mélange d'inquiétude et d'incrédulité. Takumi, lui, restait silencieux, ses bras croisés sur sa poitrine, comme s'il attendait un jugement.
— Il veut rentrer dans son Royaume, lâcha soudainement Kentin, brisant le silence qui pesait sur la pièce.
Lumae se figea. Sa main, qui allait déplacer un verre, resta en suspens. Elle fixa Kentin, cherchant une trace de plaisanterie sur son visage. Mais il ne souriait pas. Elle tourna alors son regard vers Takumi, espérant qu'il réfuterait cette affirmation absurde.
— Quoi ? murmura-t-elle finalement, les sourcils froncés.
— Écoutez, j'ai déjà prévenu les autres généraux, commença Takumi. Ils essayent de gagner du temps pour moi en ce moment même. J'ai mon badge, et il me suffit d'atteindre le mur. Je voulais vous dire au revoir avant de partir.
— Attends une seconde, tu es sérieux, là ? Takumi, tu ne peux pas être sérieux !
Kentin avala rapidement sa madeleine, l'air paniqué.
— Mais c'est de la folie, Takumi ! Dès qu'ils remarqueront ta disparition, ils te traqueront. Tu seras un fugitif pour eux, tu comprends ? Tu ne reviendras pas vivant !
— Peut-être. Mais c'est mon choix, Kentin.
— Ton choix ? Tu réalises ce que ça signifie ? Tu ne penses pas à nous, à ce que ça va nous coûter ? J'ai pas envie d'avoir a disséquer ton cadavre !
— Ce n'est pas contre vous, répondit le démon en détournant le regard. Je dois le faire. Mourir ou devenir une machine à tuer des innocents... La réponse est carrément évidente.
Kentin soupira bruyamment, attrapant une autre madeleine, pour l'enfoncer une nouvelle fois dans sa bouche.
— Et on est censés faire quoi, nous, en attendant que tu te fasses tuer ?
— J'aimerai bien une petite fête, mais vous voyez bien que...
— Non, pas dans ce sens-là ! rétorqua Kentin en se levant brusquement. Nous trois, jusqu'au bout du monde ! Je t'accompagne. Je te protégerai !
Takumi, occupé à engouffrer une poignée de madeleines dans son sac, suspendit son geste pour dévisager son ami, visiblement perplexe.
— Mais tu es fou ? Je dois être discret, murmura-t-il, ses sourcils froncés.
— Justement ! ajouta Lumae, son regard pétillant d'une détermination nouvelle. Ils chercheront un homme seul. Ils ne se douteront pas que tu es en groupe !
Takumi secoua la tête, se redressant pour poser son sac sur la table.
— C'est trop dangereux, trancha-t-il en se levant, signifiant clairement qu'il considérait la discussion close.
Mais Kentin n'en démordait pas. Il planta son regard dans celui de Takumi, ses poings crispés le long de son corps.
— Tu crois qu'on est nuls ? lança-t-il, sa voix vibrante d'émotion. On est dans la formation pour l'armée ! Jamais ils ne nous soupçonneront !
Il détestait ça. Impliquer les autres dans ses propres problèmes, leur faire porter un fardeau qui n'aurait jamais dû être le leur. Mais cette détermination qu'il lisait dans leurs yeux, il la connaissait trop bien. Lumae et Kentin n'étaient pas du genre à reculer, pas quand il s'agissait de lui.
Et lui-même n'était pas certain de vouloir les repousser.
Takumi soupira, résigné, et d'un geste de la main, invita Kentin et Lumae à le suivre. Depuis ce jour, il ne sera plus jamais seul.
Après deux jours de marche à emprunter des routes peu fréquentées, évitant soigneusement les patrouilles et les regards curieux, Takumi se préparait à leur dire adieu. Ils avaient partagé rires, inquiétudes, et moments de silence, mais il savait que leur voyage ensemble touchait à sa fin.
Ce soir-là, alors que le soleil disparaissait à l'horizon, ils campèrent au bord d'un sentier abandonné. Takumi, le regard sombre, se tenait à l'écart. Il savait que, dès l'aube, il poursuivrait seul son chemin.
Mais le destin avait d'autres plans.
Un cri perça la tranquillité de la nuit. Un cri désespéré, rempli d'une douleur si profonde qu'il força Takumi à lever les yeux. Non loin de là, dans une clairière éclairée par la lueur froide de la lune, se déroulait une scène qu'il ne pourrait jamais oublier.
Un jeune garçon, visiblement âgé de dix-sept ans, se tenait au-dessus d'une silhouette allongée. Ses sanglots déchirants résonnaient dans l'air. Malgré sa frêle carrure, il tentait désespérément de protéger la personne à terre, faisant rempart de son propre corps.
Takumi hésita. Ce combat ne le concernait pas. Mieux valait rester en retrait, poursuivre son chemin et éviter les ennuis inutiles. Mais alors qu'il s'apprêtait à détourner les yeux, il entendit les slogans retentissants de l'armée de la Lumière.
Son cœur se serra.
Les soldats de la Lumière encerclaient le garçon, leurs lames brillantes scintillant d'un éclat cruel. Takumi savait déjà comment cela finirait. Mais il ne bougea pas. Ce n'était pas son combat, se répéta-t-il.
Puis il vit.
Il vit la tête de la femme, celle que le garçon tentait désespérément de protéger, tomber sous les coups des soldats. L'enfant hurla, sa douleur éclatant comme un feu dans la nuit.
— Maman !
Takumi resta figé, les poings serrés, son souffle coupé. Il sentit une rage sourde monter en lui, dévorante, implacable. Quel crime cette femme avait-elle commis pour mériter une telle fin ? Quelle justice y avait-il à arracher une mère à son enfant ?
Il connaissait la réponse. Il n'y en avait aucune.
Les soldats de la Lumière. Ces gardiens d'un Royaume prétendument parfait, ne faisant que masquer leur cruauté sous le couvert de la paix et de la justice. Takumi les haïssait.
Il baissa les yeux sur sa main droite, sentant le pouvoir sombre bouillonner en lui. Sa peau se transforma, prenant une teinte noire et écailleuse. Ses griffes acérées brillèrent dans l'obscurité.
Il s'élança.
Sans un mot, il fondit sur les deux soldats les plus proches. En un éclair, ses griffes transpercèrent leurs armures scintillantes, leur ôtant la vie en une fraction de seconde. Leur sang éclaboussa l'herbe, et un silence pesant tomba sur la clairière.
Takumi observa l'adolescent, le souffle encore coupé. L'enfant, le visage empreint de douleur, tenait fermement le corps inerte de sa mère, ses bras tremblants, comme si la moindre secousse pourrait briser la fragile silhouette de la défunte.
Les yeux dorés et les yeux vairons se croisèrent.
Le monde autour d'eux semblait se disloquer, comme une toile déchirée par la cruauté des événements. Il n'était pas parfait, il était tout le contraire : un monde rongé par la douleur et la perte. Pourtant, ce moment précis marquait la fin de leur solitude. Ce jour-là, quelque chose changea entre eux, un lien invisible mais indéfectible se forma. À partir de ce jour, ils n'étaient plus seuls. Ils s'étaient trouvés, et ensemble, ils s'engageaient sur un chemin qu'ils n'avaient pas choisi, mais qu'ils suivraient désormais jusqu'au bout.
— Je suis Takumi, un ancien général. Je dois m'enfuir d'ici, tu m'accompagnes ? Tu viens de l'Ombre, n'est-ce-pas ?
L'adolescent, les larmes encore visibles sur ses joues, essuya ses yeux d'un revers de main avant de se pencher pour embrasser le front de sa mère. Ses gestes étaient pleins de respect, une tendresse poignante dans un moment où tout semblait échapper au contrôle. Il hocha la tête, détermination nouvelle dans son regard.
— Oui, je ne viendrai plus ici si ce n'est pour les faire regretter.
— Et tu es ?
L'adolescent releva les yeux, sa silhouette se redressant. Le vent souleva quelques mèches de ses cheveux sombres, mais son regard restait fixe, déterminé :
— Kayato.
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— Donc, demain après-midi, je récupère Loki et Haru ici, et ils dormiront chez moi ?
Lumae s'efforça de maintenir son calme, les pensées tourbillonnant dans son esprit. Le plan de demain semblait simple, mais l'incertitude l'envahissait. Elle n'avait pas eu le temps de savourer ses retrouvailles avec Takumi, une surprise qu'elle n'avait pas anticipée. Son cœur battait toujours plus vite, mais la présence de deux inconnus à ses côtés attisait plus de questions qu'elle n'en avait résolues.
Takumi, silencieux et distant, ne lui adressait même pas un regard. Elle n'avait jamais imaginé que ses retrouvailles se passeraient ainsi, et cela la perturbait. Il semblait délibérément l'éviter, laissant Kayato, l'adulte au regard froid et déterminé, prendre la parole à sa place.
— Oui. Ils vont se faufiler comme étant tes gardes du corps. Tu devrai paraître naturelle au possible, avertit Kayato.
Lumae hocha la tête, tentant de dissimuler sa déception. Ce n'était pas tant l'excitation de revoir Takumi qui l'avait poussée à poser des questions, mais la sensation qu'il était désormais un étranger. Pourquoi cet éloignement ? Pourquoi semblait-il se tenir à l'écart ? Elle baissa les yeux un instant avant de les relever, se concentrant sur la situation actuelle.
— Et... tenta t-elle de reprendre, comment vais-je les reconnaître ? Et que faire après les avoir emmené dans le château ?
— On va te les amené. As-tu un pouvoir ?
Kayato savait très bien la réponse, mais il espérait tout de même que celle-ci serait différente.
— Non, désolé. Mais je sais bien utiliser des armes à feu.
— C'est pas grave, on le savait déjà... réconforta Mélina, elle aussi incapable d'avoir de la magie. Après ça, tu devras nous accompagner et nous protéger, et tu étais anciennement affiliée à l'armée, n'est-ce-pas ?
— Oui.
— Tu me suivra et nous guidera vers l'Antre des Âmes, intervint Kayato.
Lumae ravala difficilement sa salive, la gorge sèche comme si chaque mot qu'elle s'apprêtait à dire était un poids supplémentaire qu'elle ne savait comment porter. Cette mission... c'était comme du suicide, un saut dans l'inconnu, une danse avec la mort. Le simple fait de franchir le seuil de ce lieu sacré suffirait à briser leur couverture. Tout serait terminé avant même que l'infiltration n'ait véritablement commencé.
Pourtant, dans un coin de sa tête, une pensée réconfortante germa. Elle se rappela la première mission de Takumi, celle qu'il avait menée seul, une mission de fuite alors que tout semblait perdu. Il était supposé mourir, se faire capturer, mais il s'était échappé, contre toute attente. Et maintenant, il se tenait là, vivant, devant elle, aussi calme et impénétrable que toujours. Cela lui donna un peu de courage, une lueur d'espoir. Si Takumi avait survécu à ce qui semblait une fin inéluctable, alors peut-être qu'elle aussi pourrait traverser cette épreuve.
Elle hocha de la tête de haut en bas, son regard reflétant de la détermination. Elle essaya d'imprimer leurs visages dans son esprit, avant de se relever. Elle devait rentrer chez elle, ou bien ses parents s'inquièteront.
— On se retrouvera donc dans deux jours. Je dois y aller.
Lumae s'arrêta juste avant de franchir la porte, ses doigts effleurant le bois de l'encadrement, lorsqu'une voix familière l'interpella.
— Lumae !
Elle tourna lentement la tête, son cœur s'emballant à l'instant même où elle croisa le regard de Takumi. Cela faisait si longtemps qu'elle n'avait pas entendu sa voix, si longtemps qu'il était devenu une ombre du passé, que chaque mot résonnait comme une musique lointaine, une mélodie oubliée. Il s'avança vers elle, son regard plongé dans le sien, une lueur d'hésitation, mais aussi de certitude.
— On se reparlera correctement après tout ça ?
Elle hocha la tête avec un sourire, bien qu'elle aurai aimé en parler maintenant. Elle savait que son ami devait être particulièrement angoissé.
— Tâche de revenir en sécurité, dis celui-ci avec un sourire. Tu seras une traîtresse, tout comme moi. Toujours ensemble, n'est-ce pas ?
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Le lendemain, Kentin l'avait rappelé. Elle avait déduis que c'était pour l'arrivé de Haru et Loki, et c'était le cœur battant à travers les oreilles qu'elle les rencontra. Les deux hommes, avec leur marque de Lune cachés, semblaient directement opposés, mais Lumae n'avait à peine le temps de faire des présentations correctes, qu'elle leur demanda de les suivre.
Dans les rues, c'était difficile de ne pas se faire remarquer, avec Loki sautillant partout. Il avait les joues rosies, et ses yeux brillaient tellement que les larmes menaçaient de couler. Il tourna autour de lui, admirant le ciel, humant le parfum des fleurs, touchant les murs solides. Il semblait découvrir un nouveau monde, et Lumae se sentit coupable de traverser ce chemin quotidiennement.
Haru, quant-à-lui, ne semblait pas impressionner. Il marchait sans un mot, écoutant les louanges de Loki. Cela ne fit que renforcer l'impression de différence entre les deux hommes.
Arrivés devant l'immeuble, Lumae incéra la clef dans la serrure, et après le bruit métallique confirmant l'entrée, invita ses alliés à entrer. Aussitôt à l'intérieur, Loki se rua vers les pâtisseries qu'elle avait laissé de côté.
— Je dois en prendre pour Naïa aussi... Et Panda... Et Leyo... Pour tout le monde ! murmura celui-ci en enfonçant les en-cas dans son sac à dos.
— Eh bien... Bienvenue chez moi, servez-vous autant que vous le voulez.
Loki fut bientôt suivi par Haru, et ensemble, mangèrent jusqu'à être rassasié. C'était étrange, pour Loki. Un nouveau sentiment c'était enregistré au cours de sa vie, et l'impression de ne plus pouvoir manger davantage l'emplissait de joie.
— Donc, je suis Lumae, et je vais vous accompagner pendant la journée de demain.
Le mot "demain" faisait mal, autant à Loki et à Haru, mais aucun ne le montra.
— Est-ce que les soldats de Lumière vous connaisse ? continua la brune.
— Non ! répondit Loki avec un air faussement sérieux.
— J'étais avant de ce Royaume, donc c'est possible, prévint Haru.
Haru sentit alors un regard appuyé sur lui, sans comprendre la raison d'une telle insistance. Lumae expliqua alors :
— Ça fait combien de temps que tu ne l'es plus ?
— Quatre ans.
— Ça fait longtemps. Les soldats t'ont probablement oubliés, ils oublient tout. Pourquoi tu as été banni ?
Haru se gratta la nuque en regardant le plafond, et le lustre qui y brillait. C'était beau, mais sa maison lui manquait déjà.
— J'ai été accusé d'avoir tué mon père, répondit celui-ci.
Loki arrêta de boire des boissons pour fixer Haru avec des grands yeux, avant de reprendre son activité, avec plus de lenteur. Lumae hocha la tête de haut en bas, elle ne savait pas quoi répondre, mais sa curiosité était plus forte que tout :
— Désolée pour toi... On peut savoir pourquoi ?
— Ce n'est pas la priorité, là. Loki et moi devont dormir, pour nous réveiller tôt demain et nous camoufler au maximum nos marques.
Ils voulaient éviter une situation où leur cou serai à découvert, dévoilant la preuve évidente de leurs origines, se pourquoi Lumae se porta volontaire pour leur appliquer un maquillage. Sans davantage de commentaires, Lumae dressa un lit pour les deux garçons, où Loki n'hésita pas à sauter dessus. Il se mit à rire seul, en voyant le confort des biens, et s'enroula à travers la couette.
Sa joie était si dense qu'il devait l'exprimer, ce pourquoi il se faufila auprès de Haru pour lui parler. Loki ne faisait que de rire seul, en faisant des petits bons, jusqu'à s'endormir. L'homme invisible se contenta de lui remettre sa couette en place, avant de s'endormir en fixant le plafond, lui aussi. Il était détendu, à ses côtés.
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Dans la légende, Kayato patientait. C'était un univers vide, que Evan avait uniquement écrit dans le but de patienter. Toutefois, des lits y étaient, mais personne ne les occupait.
Chacun regardait la neige défiler, suivi par aucun sentiment de froideur. Seulement l'obscurité, un semblant d'océan et de calme, et de la neige.
Même Sukai et Furai, d'ordinaire si énergiques, ne parlaient pas. La demi-soeur avait posé sa tête sur l'épaule de son frère, et ensemble, ils fixaient l'endroit qu'ils ne quitteront que pour attaquer.
Leurs tenues étaient prêtes, mais l'ambiance n'y était pas. Ils semblaient tous déréaliser, et Kayato le premier. Il semblait être dans un monde ailleurs, où ils se retrouvaient seuls avec leurs pensées, leurs peurs, leurs doutes.
Mélina était la seule à dormir, aux côtés de Néon. Une âme paisible, mais toutefois, elle ne voulait pas se séparer de son frère. Elle ne rêva de rien. Seulement un rideau noir, où le seul bruit la berçant était les chants de baleines, profonds et envoûtants.
— Dis, Kayato...
Kayato ouvra lentement des yeux pour fixer ceux de Naïa. Ses mouvements étaient noyés, et Naïa semblait aussi étrangement calme. Un moment avant l'anxiété, mais trop calme pour être détendu.
— Si jamais il m'arrive quelque chose, je voudrai juste que tu saches que...
— Arrête.
Kayato soupira, il était épuisé, sans même en savoir la véritable raison. Peut-être car il savait que c'était le début de la fin.
— Tu ne mourras pas ici, ne penses pas à ça.
— Tout de même. Je vous considère comme ma seconde famille, et je te remercierai toujours pour ça.
Aucune réponse. Kayato voulait saisir une pièce pour jouer avec, mais il réalisa qu'il ne l'avait plus. Il se contenta alors de simplement sourire à Naïa, car elle était là pour eux, sans même être concernée. Naïa était probablement la personne la plus gentille qu'il ai rencontré. Mélina était la personne la plus courageuse, Shai le plus fort mentalement, Takumi le plus présent, et Mina la plus soucieuse.
Il était aussi heureux de les avoir rencontré. Il se leva alors de sa place pour se diriger vers Panda, qui fixait la neige aux côtés de Evan. A quoi pouvaient-ils penser ? Pourquoi Panda semblait être si absent ? C'était vrai que rencontrer Soleil était l'objectif premier de l'orphelin, et savoir qu'il se rapprocha de son but devait lui procurer un sentiment étrange.
— Merci, Panda.
Panda fixa les yeux de Kayato. C'était toujours quelque chose, lorsque leurs yeux se rencontraient. Car là où Kayato était l'ami ensoleillé, Panda était vu comme l'ombre. Toutefois, parfois, leurs rôles s'inversaient, et les deux aimaient ce sentiment.
— Kayato, ce moment va changer ma vie. J'aimerai que, lorsqu'on verrai Soleil, tu sois à mes côtés. J'aurai aimé une présence plus réconfortante, mais je n'ai que toi...
Kayato se contenta de sourire, n'ayant pas l'humeur pour plaisanter davantage. Il s'installa aux côtés de Panda, et Evan les fixait, sans rien dire.
— Je serai là.
— J'espère.
— Depuis le jour où on s'est rencontré, on a tout vécu ensemble.
— Si on oublie quand Leyo s'était fait enlevé et l'entraînement de Shai, oui...
— J'ai vraiment aimé passer mon temps avec toi.
— Ce n'est pas réciproque.
— Alors, pourquoi pleures-tu ?
Les larmes coulaient sur les joues pâles de Panda, qui était lui-même étonné de celles-ci. Il tenta de les essuyer, mais il n'était même plus émotionnellement capable de les stopper. Evan, sans rien dire, caressa les cheveux noirs et blancs de son ami, lui murmurant des "ce n'est pas fini", en vain.
Ce fut la dernière nuit avant la déclaration officielle de guerre.
Un jour avant l'infiltration.
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