Chapitre 1
On m'a toujours considéré comme un héros, même après avoir détruit la vie de tous mes proches. Parfois, je me demande s'ils ont vraiment raison.
Êtes-vous déjà passé près d'un mendiant, recroquevillé au sol, sans oser le regarder dans les yeux ? Il existe un pays où cette situation est impossible. D'aussi loin qu'on se souvienne, il fut toujours divisé en deux classes bien distinctes. Là, les riches vivaient heureux, au royaume de la Lumière, tandis que les plus pauvres s'entassaient dans un territoire isolé, celui de l'Ombre.
Mais cela ne convint pas à tous.
Sans le savoir encore, cinq jeunes habitants de l'Ombre s'apprêtaient à révolutionner ce système de classes, et marquer un tournant dans l'histoire des deux royaumes.
C'était, encore une fois, une journée ensoleillée à Lucine. Une brise fraîche rendait les habitants calmes et insouciants. La capitale du Royaume de Lumière abritait de nombreux restaurants : le plus réputé d'entre tous était sans doute L'Ambroisie, où s'installaient chaque jour des hommes et femmes habillés élégamment et riant fort.
Soudain, un bruit de fracas retentit dans la salle autrefois animée. Un silence lourd le suivit, durant lequel on cherchait à comprendre sa raison. Aussitôt localisés, on se mit à soupirer :
— Une fois de plus... Il est impératif qu'ils prennent des mesures, la situation devient préoccupante...
Près de la source d'explosion, se tenaient une nouvelle fois les quatre personnes troublant l'ordre qui prospérait depuis longtemps dans le Royaume de la Lumière. Ils se tenaient au-dessus d'un immeuble près de l'impact. Il ne nécessitait pas d'être très futé pour remarquer que ces personnes venaient du Royaume de l'Ombre d'un simple coup d'œil : leurs vêtements étaient sales et légers, prouvant qu'ils les avaient portés plusieurs jours de suite, la marque de la lune visible depuis leur cou exposé, et leurs visages décorés de cicatrices . Tout fidèle aux clichés que les habitants portaient sur leurs voisins.
— Cela fait une semaine qu'ils attaquent quotidiennement, non ? Qu'attend le gouvernement pour agir ? demanda un jeune homme au serveur, qui lui répondit par un haussement d'épaules.
Juste avant que le serveur n'émit son hypothèse, un groupe de soldats du royaume de la lumière surgit de l'immeuble en face, avec une formation rendant impossible la fuite des criminels sans les confronter. Avec leurs capes violettes, ils étaient un énorme signe de justice aux yeux des riches, mais une menace aux yeux des pauvres. Une des dames assise dans le restaurant plissa les yeux, essayant de déterminer quel crime ils avaient commis cette fois.
— Ils ont... Un sac. Probablement encore un braquage ? murmura-t-elle, après avoir identifié l'objet dans la main de celui qui semblait être le chef.
— Ce sera sûrement leur ultime méfait. Bien que je n'aie jamais été témoin de leur combativité, confrontés à la redoutable force de notre armée, ils ne pourront que capituler, déclara avec assurance un gentleman, reprenant son repas avec une sérénité à toute épreuve.
Mais malgré son air confiant, certains clients quittaient déjà leur table, voulant s'éloigner de la confrontation, tout en prenant soin de garder un air de fierté. Les quatre criminels, s'étant réfugiés sur le toit de l'immeuble en face, avaient l'air tellement sûrs d'eux, donnant l'impression qu'ils avaient déjà prévu le plan pour contrer. Les forces de l'ordre, à quelques mètres d'eux, commencèrent à s'avancer et à les interpeller.
— Vous n'avez pas d'issues possible ! Je vous conseille de déposer vos armes immédiatement, et de lever vos bras ! s'écria l'un des soldats, pointant son arme vers celui qui tenait le sac.
En revanche, l'homme pointé ne tenait aucune arme, comme tous ses alliés, à l'exception d'une jeune fille munie d'un sabre. Tout ce qu'il avait dans sa main était simplement le sac, suffisamment imposant pour comprendre que leur braquage était une nouvelle fois un succès. Ses yeux lumineux regardaient à droite à gauche, comme s'il cherchait une issue ou attendait quelque chose.
— Je vous donne dix secondes pour lever vos bras et poser ce que vous avez en votre possession ! Dans le cas inverse, nous avons le permis de tirer !
L'homme au centre du groupe, tenant le sac, regarda ses alliés dans les yeux, voulant sans doute les rassurer, ce qui fit son effet à deux d'entre eux, mais pas le troisième, plus grand de taille mais visiblement paniqué.
— Dix... Neuf... Huit... Sept...
— Maintenant ! hurla le meneur.
En un instant, trois des criminels disparurent, laissant seule la jeune fille, armée d'un sabre, ses courts cheveux roux au vent, courant vers la direction des soldats. L'incapacité d'identifier la localisation des trois autres personnes entraîna une panique, légère mais décisive pour l'issue de la fuite de la jeune rousse. Avançant droit devant elle, et bloqué par un soldat, elle n'hésita pas à le blesser d'un coup avec son sabre pour s'ouvrir une voie. Il n'y avait qu'une porte de sortie, et celle-ci s'ouvrait grâce à la violence.
La jeune fille se nommait Mélina. Née dans le Royaume de pauvreté, elle était destinée à vivre sa vie dans l'ombre. Tout comme ses quatre amis, elle se révoltait contre son avenir. Leur bande n'avait qu'un but : être aussi libre que le vent. Alors qu'elle se frayait un chemin, elle se retourna quelques fois rapidement pour observer les autres soldats la suivre après qu'elle eut mis à terre l'un d'entre eux. Sautant de bâtiments en bâtiments, elle n'arrivait tout de même pas à calmer la boule de stress qui se formait au fond de son ventre. Après tout, même si c'était la septième fois qu'ils attaquaient, elle n'était pas forcément professionnelle en fuite, ses amis l'avaient chargée de la partie majeure de leur plan : distraire. Mais elle était habillée d'une légère tenue et armée d'un moindre sabre, contrairement aux soldats qui avaient des équipements d'une force non négligeable.
Elle stoppa sa course quand les tirs se faisaient trop proches et impossibles à esquiver. Se retournant une bonne fois pour toutes, elle brandit son arme et commença directement à avancer vers le soldat le plus proche, afin de faire comme elle l'avait fait précédemment. Mais cette fois-ci, elle fut stoppée par un autre soldat qui se cachait entre deux hauteurs d'un édifice, rendant impossible chacun de ses mouvements. Menacée avec une arme au cou, bloquant légèrement sa respiration, Mélina n'osa pas bouger, ses yeux verts tremblant. Mais rapidement, elle récupéra son sang froid. Même si son groupe n'était pas présent, elle n'était pas condamnée : ils se connaissaient depuis assez longtemps pour qu'elle leur accorde une confiance aveugle.
Voyant les épaules de celle-ci se décontracter, le soldat serra davantage son emprise sur Mélina :
— Écoutez, sales criminels ! Revenez sur-le-champ, et je pourrai envisager de libérer votre comparse ! Dans le cas contraire...
Avant qu'il ne pût terminer sa phrase, un jeune homme assis sur un nuage flottant, arriva par derrière et lui bloqua le cou. Ainsi, le menaçant devint le menacé.
— Takumi ! s'écria Mélina, finalement relâchée de l'emprise du soldat.
Après avoir lancé un regard confiant à la jeune rousse, il pointa son pistolet sur le soldat, le visant de ses yeux vairons noir et rouge, renversant totalement la prise d'otage. Contrairement à Mélina qui se battait à courtes distances, Takumi préférait être éloigné de sa cible, mais dans certaines circonstances comme celle-ci, il ne pouvait pas ignorer sa sœur d'arme. Avant que les soldats ne puissent trouver une solution pour sauver leur ami emprisonné, Takumi tira, non pas sur le corps, mais sur le pied. Cela fit immédiatement réagir les soldats, courant vérifier l'état de leur ami et ainsi, permettant à Takumi et Mélina de fuir, les deux sur le nuage.
— Merci Takumi... Pour le coup, je ne l'avais vraiment pas vu venir ! J'espère que j'ai tout de même réussi à gagner du temps ? commença à stresser Mélina.
— Ne t'inquiète pas, la rassura Takumi malgré son ton monotone, nous sommes bientôt de retour chez nous.
Tandis que le petit homme blond dirigeait son nuage, qui l'accompagnait depuis un bon moment déjà, arme toujours à la main en cas d'urgence, Mélina supervisait leurs arrières. En jetant un regard autour d'elle, maintenant qu'elle avait une vue globale, elle fut frappée par la beauté du Royaume de la Lumière.
Les immeubles, si bien peints et si hauts, ne possédaient aucune marque de vieillissement. Les arbres étaient parfaitement taillés et alignés, et les fleurs de glycines embaumaient les rues à l'aide de leur parfum pouvant conquérir chaque Homme. Les passants, habituellement si bien habillés avec un visage lumineux, eurent ce jour-là un air paniqué. Ils couraient pour se mettre à l'abri, risquant de froisser leurs vêtements élégants.
Ce contraste saisissant attira l'attention de Mélina, alors qu'elle observait l'immense palais au loin, avec ses tours de marbre et ses jardins suspendus, résidence du roi Soleil, celui qui ruinait toutes leurs journées.
Ce Royaume l'impressionnait toujours. Elle et ses amis avaient toujours pensé que des terres aussi jolis n'existait que dans des légendes comptées dans les ruelles sombres de son territoire. Pour eux, ce genre de paysage était inaccessible de nature, et savoir que la seule occasion où ils y avaient accès était pour l'attaquer leur anéantissaient le peu de bonheur qu'ils ressentaient en ce moment.
Mélina resserra son sabre. Elle ne pouvait pas divaguer et encore moins se laisser aller vers ce splendide paysage, pas après avoir été témoin de toutes les injustices et privations que son royaume avait subi. Des soldats se firent apercevoir au loin de la toile qu'elle observait. Rapidement, elle reprit un air sérieux et déterminé, et sa mission passa une nouvelle fois en premier plan. Bien qu'elle ne doutait pas des capacités de son groupe, le problème majeur était l'avantage numérique des soldats, multiplié par un appel des renforts.
— Takumi ! Ils arrivent ! avertit Mélina, secouant le tee-shirt du dirigeant du nuage.
— Kayato et les autres sont sur le coup, nous deux, on doit ouvrir la porte, focalise-toi dessus.
Le regard de Mélina se porta sur l'immense porte séparant les deux Royaumes depuis des générations. Celle-ci, en plus de sa hauteur impressionnante, ne pouvait pas être ouverte : cela nécessitait un badge, chose que seuls les soldats haut gradés de l'armée, les généraux et capitaines possédaient. En revanche, Takumi était l'exception, en ayant également un en sa possession, rendant donc leurs luttes possible.
Bien qu'elle essaya d'être rassurée, la rousse ne put s'empêcher de retourner son attention sur ses poursuivants. Ses amis étaient sur le coup... Mais comment allaient-ils faire ? Bien que tout se déroulait selon le plan, un aussi grand nombre de soldats n'avait que peu de probabilités d'être conviés. Ce braquage était crucial, non seulement pour l'argent, mais aussi justifié par le succès de cette attaque qui pourrait marquer un tournant, signalant aux autorités que l'ombre ne se laisserait plus illuminée par la luminosité invasive.
Pendant qu'elle luttait pour se focaliser sur sa tâche, un énorme vacarme provoqué par une explosion près des soldats interrompit ses pensées. Les magnifiques immeubles que Mélina avait enviés dans les environs quelques secondes auparavant furent détruit. Penchée pour observer la scène, elle reconnut immédiatement l'appel à l'aide émanant d'un de ses amis.
— Mélina ! Takumi !! Attendez moi, je ne veux pas mourir !
La personne en question n'était autre que Shai, leur allié de grande taille, arborant des cheveux sombres aux reflets violets qui couvraient son œil droit. Il tentait de rejoindre le duo qui se dirigeait vers la porte, alimenté par sa peur incontrôlable.
Pourtant, un humain aurait du mal à rattraper Takumi et Mélina, surtout après l'explosion qui rendait le chemin périlleux et risqué. Shai se retrouva une fois de plus poursuivi par des soldats, indemnes de l'explosion qui n'avait aucune intention meurtrière.
L'artiste courait sans relâche, luttant pour maintenir son sang-froid. Son regard oscillait entre l'avant et l'arrière, mais sa stratégie changea lorsqu'il réalisa qu'il conduisait les soldats droit vers Mélina et Takumi, qu'il devait protéger selon le plan initial. Il sortit un papier de sa poche, et après l'avoir déchiré en deux, le jeta vers les ennemis. De son papier jeté vers l'ennemi émana une dague qui poignarda directement l'épaule visée. Dessiner en plein combat pouvait être synonyme de vulnérabilité et d'inconscience, donc plusieurs dessins étaient réalisés avant chaque intervention dans le Royaume ennemi. Bien que cette action ait neutralisé cet homme, plusieurs autres personnes étaient encore à ses trousses, à son plus grand désespoir.
— Shai, attention !
Alors qu'une voix alarmante retentit, il fit volte-face pour se retrouver nez à nez avec sa propre dague, précédemment jetée. Un des justiciers l'avait probablement ramassée pour la lui renvoyer. Voyant l'objet approcher à une vitesse angoissante, son corps n'eut pas le temps d'éviter, seulement de se contracter et de prier pour un miracle. Ses prières semblaient avoir atteint quelqu'un ayant de la pitié même pour un démunie comme lui. Elle s'arrêta net, suspendue dans les airs, à quelques centimètres de son corps, qui se relâcha de soulagement.
Shai sourit en regardant la nouvelle intervenante qui le rejoignit à ses côtés. Les soldats interrompirent leur poursuite, analysant l'entrée d'une nouvelle arme surnaturelle dans cette lutte, cherchant à retourner une fois de plus la situation à leur avantage.
— Waouh, merci Mina, remercia Shai, sa main posée sur son cœur, afin de reprendre son souffle. J'allais y passer sans toi. Je te ferai un dessin pour te remercier si tu veux.
— Si ça peut te faire plaisir, déclara la femme aux cheveux violet pâle qui l'avait aidé. Mais pour cela, nous devons éliminer ceux qui nous bloquent la route.
Elle pencha légèrement la tête pour désigner les soldats, dont les yeux ne cessèrent de fixer les deux intrus. Leurs pupilles se posèrent finalement sur ce qu'ils identifièrent comme étant l'arme de celle-ci : des fins gants capables de dévier les lois de la gravité grâce à la lévitation. Soudain, la raison de l'arrêt soudain de cette dague devint plus évidente. Rien qu'en sentant la présence assurée de celle-ci à ses côtés, Shai semblait visiblement plus rassuré. Son rythme cardiaque devenait régulier, et ses tremblements diminuait à vue d'œil.
— Où est Kayato ? arriva à articuler Shai, ses yeux fixant ses ennemis qui prennent également leur souffle suite à cette course.
— Devant Takumi et Mélina. Des soldats attendent près de la porte, il veut défendre Takumi pendant qu'il ouvre la porte, déclara Mina, tandis qu'elle se mit rapidement à l'action.
Takumi et Mélina parvinrent près de la porte sans grand souci, mais leurs regards ne cessèrent de basculer, restant sur leurs gardes. Mélina descendit d'abord de la douce plateforme où elle se trouvait, vérifiant qu'aucune attaque surprise ne les attendait dès le premier pas sur le sol. Takumi la suivit, tenant fermement son unique badge.
Dès lors que Takumi posa le pied au sol, une dizaine de soldats se ruèrent vers lui à une vitesse qui fendit l'air. Émergeant de plusieurs angles, ils attaquèrent le duo avec des armes blanches. Mélina fit de son mieux pour défendre son ami, mais les soldats étaient trop nombreux. Voyant la difficulté de Mélina, Takumi rangea son arme à feu n'étant pas avantageux dans cette situation, recula et son bras se transforma : des yeux multiples apparurent, fixant chacun un ennemi, tandis que ses doigts s'allongeaient et s'affinaient, couverts de fissures bordeaux. Malgré la puissance qui en émanait, une souffrance engendrée par cette transformation était visible par son sang qui en coulait. Il commença à défendre sa sœur d'arme, bien que le temps était compté sous cette forme démoniaque, ne couvrant seulement son bras.
Entre deux coups, les yeux verts de Mélina s'immobilisèrent pour fixer une nouvelle ombre surgissant de derrière les soldats, prête à la défendre, elle et le démon.
Avec son arc en main, il invoqua directement de nombreuses flèches pour viser celui qui avait osé attaquer la rousse. Une fois ses deux pieds au sol, il fixa directement ses adversaires, qui se retournèrent pour observer celui qui avait mis à terre l'un de leurs alliés. Sa peau métisse était baignée de la douce lumière du soleil, ses cheveux bruns en bataille brillaient, et dans sa main se tenait son sac contenant de l'argent dérobé ; il n'aurait pas dû marquer les esprits, étant plutôt discret physiquement. Pourtant, personne ne peut préciser en quoi, mais il possédait quelque chose en plus, quelque chose de différent des normes.
— Kayato ! s'écria Mélina, tout de suite une nouvelle fois motivée.
Le regard du jeune homme rencontra celui de la jeune femme, et un énorme sourire radieux équivalent à une confiance mutuelle s'échangea entre les deux. Aussitôt, les soldats se remirent à l'action, mais cette fois, le combat était décidé d'avance. Il y avait plusieurs signes distinctifs pour reconnaître un habitant du royaume de l'ombre : leurs vêtements étaient sales et légers, leur cou exposé était marqué d'un signe de la lune, les cicatrices ornaient leur visage, mais surtout, leurs regards brillaient d'une lueur jusqu'ici peu commune : non pas celle de la joie, non pas celle de la richesse comme à l'habitude de leur ennemi, mais quelque chose qu'ils ne purent déterminer.
Alors qu'ils se battaient, les soldats, les alliés, les habitants qui se cachaient mais étant trop curieux pour ne pas lancer des coups d'œil discrets, toute la foule l'eut reconnu. Le protagoniste, le héros de cette histoire, se tenait devant eux, baigné dans une lueur éclatante. Ses yeux dorés reflétaient une étincelle jusque-là jamais vue, et personne ne put détourner le regard de ce spectacle éblouissant, pourtant sans pitié : un jeune criminel du royaume de l'Ombre, détruisant les armes de chaque soldat, les assommants avec une soif de vengeance pour ce qu'ils lui avaient toujours privé depuis son enfance : la liberté et son indépendance.
Depuis ce jour, personne n'osa à nouveau l'appeler "le criminel", mais par son vrai nom, Kayato.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro