Track 3
Note de l'autrice
ATTENTION ! Ce chapitre est BOURRÉ de spoilers du manga. Si vous n'avez pas terminé le manga et que vous voulez attendre la dernière saison de l'anime, arrêtez de lire ^^
Merci de me lire <3
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Levi le sent entrer en lui. Il le pénètre avec douceur. Avec cette galanterie qui le caractérise, respectueux de son passé, du fait qu'il est né et a été élevé dans un lieu où le sexe était sale, douloureux et monstrueux.
Tout le contraire de ce moment qu'ils partagent tous les deux.
Entre eux, le sexe a toujours une signification.
Ils se regardent et se touchent. Erwin à l'intérieur, Levi l'enveloppant. Erwin au-dessus et Levi en-dessous.
Erwin cherche l'équilibre qu'il n'a plus comme il peut. La perte de son bras droit a laissé derrière elle un corps et un esprit brisé. Il appuie son front contre celui de Levi, qui l'entoure de ses bras et de ses jambes.
Erwin lui sourit, les yeux humides, et lui murmure ces mots interdits pour la première fois en six ans.
— Je t'aime.
Levi secoue la tête.
— Ne fais pas ça.
— Quoi ?
— Faire tes adieux. Ne dis pas des trucs comme ça, putain...
— Mais demain à Shiganshina...
— N'essaye même pas me me dire au revoir, putain. Ne me donne pas une raison de plus de te péter les jambes.
Erwin laisse échapper un petit rire. Il frotte sa joue contre son front comme un chat cherchant la chaleur d'un humain.
— Pourquoi tu ne me dis pas juste que toi aussi ?
— Erwin...
Il embrasse Levi. Il l'embrasse avec douceur, et pourtant ce simple contact lui semble brutal et puissant. Il le laisse tremblant, en proie à ces sentiments qu'ils se portent mutuellement.
La confiance.
La vérité.
Lourde de sens, toujours.
Erwin utilise sa main gauche pour prendre la main droite de Levi. Il repose leurs mains entrelacées contre le torse de son amant. Il sourit. Et pleure en même temps.
— Peu importe ce qu'il va se passer, je te fais confiance, déclare Erwin dans un doux murmure. Tes ailes ont toujours été réelles, Levi...
— C'est hors de question que je te dise au revoir, enfoiré...
— Ce n'est pas un au revoir. Je veux seulement que tu saches, pour que tu ne puisses jamais l'oublier. Est-ce que tu pourrais faire pareil ?
— Putain...
— S'il te plait... ? Juste une fois, je t'en prie.
Une larme perle au coin de son œil gauche. Levi haït le monde entier, tout ce qui n'est pas ce corps qu'il ne considère pas comme celui d'un autre, mais comme une extension de lui-même. Et il se résigne.
Il ne peut pas lui faire ça.
Il ne peut pas...
— Je t'aime, connard. Je t'aime putain... T'es content ? Maintenant baise-moi.
Erwin sourit, puis l'embrasse encore, tenant leurs mains enlacées contre leurs cœurs.
Peu importe ce qu'il se passera, il a le sérum.
Le choix de ramener Erwin lui appartient.
*
*
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TRACK 3
— Erwin, murmure-t-il, les yeux rivés sur la photo de profil de l'homme aux 139 likes.
Ce dernier nombre a sans doute encore augmenté depuis.
Quelle putain d'ironie, ce nombre. 13 ans pour la malédiction, 9 titans.
1+3+9.
— Putain...
9 ans entre leurs morts respectives, aussi. L'un mort à 36 ans, l'autre à 45.
3+6, 4+5...
— Nique-toi, déesse de mes deux.
Levi laisse tomber son téléphone contre sa hanche. Il se retourne dans son lit et fixe le plafond de la chambre d'hôtel. Leur maison de disque a organisé un soirée pour célébrer le succès de la tournée Promesse. Après huit longs, intenses, merveilleux mais épuisants mois, elle touche à sa fin. Demain, il pourra rentrer chez lui et enfin passer quelques jours au calme avec sa mère. Et même s'il va devoir commencer à répéter, enregistrer de nouveaux morceaux, écrire de nouvelles chansons... ils vont aussi pouvoir prendre le thé et regarder des films tous les deux en étant presque tranquilles.
Peut-être pourrait-il aussi faire des recherches sur la réincarnation, pour trouver de nouveaux indices.
Il se gratte la tête. Il n'arrête pas de ressasser et il déteste ça. Pas parce qu'il n'aime pas ça, mais parce que c'est frustrant.
Tout ce qu'il sait, c'est que quand il avait neuf ans (putain, encore ce chiffre...), sa mère est tombée sur des fans après un spectacle. Une femme aux cheveux noirs l'a abordée pour demander une photo. Elles se sont brièvement enlacées et ont pris la pose pendant que Levi restait sur le côté.
C'est là qu'il l'a vu.
L'homme qui prenait la photo.
Blond.
Grand.
Avec les plus gros sourcils qu'il ait jamais vus.
Avec un nez busqué, adjectif utilisé pour décrire les nez comme ceux de Mike et Hange dans les fanfictions RPF. Quoi que non, il était beaucoup plus beau que dans ces descriptions, ou du moins à ses yeux.
Mais...
Des yeux aussi bleus qu'un rêve, oui.
Ces yeux et lui tout entier.
Il sait très peu de choses que les phénomènes qui impliquent les membres de sa famille et les quelques personnes à qui ils sont connectées. Beaucoup de conneries, une ou deux vérités.
Selon Kenny, qui a trouvé Uri il y a dix ans, les souvenirs sont différents pour chaque Ackerman. Du moins, c'est ce que le grand-père de Kenny lui avait expliqué quand il était enfant. Certains se souviennent de chaque minuscule détail. D'autres de certaines conversations et pas grand chose d'autre. D'autres encore, d'une scène en particulier, rien de plus.
Tous les Ackerman avec la mémoire de leur vie antérieure, s'en sont souvenu après avoir rencontré la personne qu'il avait le plus aimée. C'est la seule information qui a été transmise de génération en génération.
C'est la seule chose dont lui et ses oncles sont certains. Que Kenny et Uri s'étaient aimés dans le passé.
Que lui et Blondie...
Levi se souvient de tout. Il s'en rappelle avec tellement de détails qu'il a y gagné des troubles anxieux pour lesquels il est soigné depuis des années. Il se souvient de tout, oui même de l'odeur de la lotion capillaire de Blondie. Mais d'aucun nom.
Juste du sien.
S'il se rappelle de son propre nom, il pense que c'est parce qu'il se souvient des personnes l'utiliser autour de lui. Mais c'est le seul nom qui sonne dans son esprit.
Ceux des autres, non. Il est cerné de visage sans nom.
Pas même le sien, bordel.
C'est pour cette raison qu'il a surnommé le commandant : Blondie. Depuis le début, il l'appelle Blondie. Cela fait deux heures qu'il essaye d'associer le prénom Erwin à ses souvenirs, de le replacer dans les conversations durant lesquelles il sait l'avoir prononcé, sans succès. Il n'arrive pas à coller ce prénom sur son visage.
L'associer à cet homme qui, quand il a croisé son regard après avoir pris la photo de sa mère, lui a donné une terrible migraine. À cause de ça, sa mère avait dû mettre en pause sa tournée pendant un mois afin qu'il puisse passer toutes sortes d'analyses médicales.
Il était trop jeune pour comprendre tout ce dont il venait de se souvenir. C'était ce que Kenny et Uri avaient conclu. Eux s'étaient souvenus une fois adultes, ce qui avait été un avantage.
Il était trop jeune, oui. Et il ne savait pas grand chose sur la vie.
Apparemment, c'est la raison pour laquelle son esprit avait bloqué soigneusement une partie de ses souvenirs. Pour les faire remonter au fur et à mesure qu'il grandissait. Avant ça, à chaque fois qu'il essayait de s'immerger dans un souvenir, il avait instantanément des maux de tête affreux qui pouvaient aller jusqu'à l'empêcher de se tenir debout.
D'un autre côté, il arrivait que stopper l'afflux de souvenirs soit si difficile, voire impossible, qu'il passait des heures à pleurer, crier et à supplier son esprit d'arrêter de lui montrer les mêmes scènes en boucle.
À cause de ça, sa mère l'a fait consulter un nouveau médecin. Il a commencé un traitement contre l'anxiété dans le but d'apprendre à contrôler les souvenirs les plus sombres, ceux où des titans dévoraient des hommes et avec les saloperies de lances foudroyantes créées par La Binocle. Avec les années, il a appris à les gérer.
Mais c'est la musique qui l'a le plus aidée.
Sans ça...
Il se souvient avoir été un voyou, un soldat, un capitaine. Il se rappelle avoir été à la retraite, avoir vécu avec la gamine braillarde et le gosse charmant. Et l'ami de Hange, ce cher pilote d'avion.
Il se souvient avoir été estropié. Deux doigts en moins, une jambe trop abîmée pour lui permettre de marcher, une vision avec un seul œil. Mort à seulement 45 ans, d'une pathétique crise cardiaque pendant que la gamine braillarde pleurait à son chevet. Au moins, ça n'avait pas été violent. Il n'avait pas été dévoré par un titan et il n'avait pas non plus eu à subir les conséquences des stupides décisions prises par les Edliens. Il n'avait pas hésité une seule seconde à leur tourner le dos après la guerre.
Il n'avait jamais eu d'attachement particulier à cette terre qu'il appelle maintenant son pays. Ni dans sa vie précédente, ni dans celle-ci.
Jamais.
Il se souciait de ses camarades, néanmoins. Et il est heureux d'avoir été assez chanceux pour retrouver Isabel, Furlan, Mike et Hange. Et Moblit. Jusqu'au propriétaire de leur maison de disque.
Qui aurait cru que Pixis, le plus brillant des alcooliques de l'armée, aurait fini dirigeant d'une multinationale ?
Tant mieux pour lui, tant mieux pour lui.
Il a baptisé intérieurement chaque personne importante dont il se souvient. Comme la gamine braillarde, qui l'être qu'il avait le plus aimé sur la fin. Elle était bruyante, comme Isabel. Et comme elle, elle était une bonne personne.
Avec un peu de chance, un jour, il la reverra elle aussi.
Il est quatre heures du matin ; la soirée n'est probablement pas encore terminée, mais sa tête lui fait trop mal pour s'en soucier. Il n'était pas d'humeur et n'avait pas envie de s'attarder. Et maintenant, il n'arrive pas à dormir.
En plus de ça, Isabel a dit qu'elle viendrait après avoir fait ce qu'elle fait toujours avant toute pyjama party entre emo : prendre une douche. Elle sait qu'il est très à cheval sur certaines choses, notamment l'hygiène. Autrement, il ne l'autorise pas à dormir avec lui.
Putain, ce qu'il l'aime. Encore.
Et il l'aimera toujours.
Perturbé, il se frotte le visage.
Si seulement il pouvait retrouver la grincheuse Ackerman... S'ils pouvaient se parler et qu'elle se souvenait elle aussi, merde, peut-être qu'il pourrait enfin comprendre pourquoi il a deux vies au lieu d'une à l'intérieur de sa tête. Et en plus, de comprendre quelle est la vraie raison à tout ça, en admettant qu'il y en ait une.
S'il en croit les théories compilées dans le carnet qu'il cache dans sa chambre, la grincheuse Ackerman est la seule capable de l'aider. Quoi que, en fait, il reste un problème.
Il semblerait que les Ackermans regagnent leurs souvenirs quand ils retrouvent leur ancien amour.
Et si elle se souvient, ça signifie qu'elle a croisé la seule personne capable d'activer ses souvenirs. Et il ignore si c'est une bonne idée de réveiller le morveux génocidaire.
Rien que penser à ce que ce connard avait fait, détruire le monde entier dans le but de sauver ses amis...
— Je te botterai le cul si je le pouvais, petit merdeux pro-génocide... murmure-t-il en sentant la colère monter en lui.
Il réfléchit trop, c'est à se faire des noeuds au cerveau. Il est déjà suffisamment échauffé, il ne devrait pas solliciter ses souvenirs davantage. Ça suffit pour aujourd'hui.
Mais si c'est Blondie...
Il récupère son smartphone et recherche son profil. Il a bien sûr déjà retenu son nom d'utilisateur.
Il est encore plus beau que dans ses souvenirs. Que ce soit ceux de ses neuf ans ou ceux de sa vie antérieure.
Il est réel, même si rien n'est plus difficile à croire.
Il scrolle sur son fil, dédié à des photos de voyage de ce qu'il peut voire. Il est allé à Hizuru, Mahr, et même Nodnol ! C'est là-bas que Levi est mort, en un dimanche ensoleillé, alors que la gamine braillarde pleurait.
Il a des photos de lui sur la rive méridionale d'Eldia.
Il se revoit lui-même sur cette rive, dans sa vie précédente. Il se revoit pleurer intérieurement, derrière son masque d'impassibilité, souhaitant plus que tout au monde que Blondie fut là pour voir ce monde qu'il avait tant soif de découvrir depuis sa tendre enfance.
Il n'était pas à ses côtés comme ils l'auraient voulu, mais Blondie y est allé. Il a réussi.
Il souffle en se grattant la tête.
Et si... ?
On frappe à la porte. Levi sort de son lit, enfile ses chaussons et ouvre, non sans s'être assuré que c'était bien Isabel de l'autre côté.
— Pyjama partyyyyy ! s'exclame-t-elle en entrant.
Elle lève le bras pour lui montrer le vernis à ongles qu'elle tient dans la main, alors que Levi referme la porte.
— Tu t'es lavée ?
— Tu peux vérifier, répond Isabel en collant son visage contre son nez.
Elle sent le shampoing qu'il lui a offert la dernière fois qu'ils étaient à Mahr.
— Alors bienvenue à la pyjama party.
— Trop bien !
Ils font ce genre de choses depuis qu'ils sont enfants. Même avant qu'il se souvienne l'avoir connue et perdue en de terribles circonstances – souvenir qui hante dans ses cauchemars. De toutes les morts qu'il se rappelle, aucune n'est aussi claire et précise que la sienne.
Parfois quand il ferme les yeux devant elle, il revoit ses yeux vides sous la pluie.
C'est la chose la plus horrible qu'il...
— Tu as mal à la tête ? demande Isabel, bien vivante et entière, remarquant la grimace de douleur que Levi tente toujours de dissimuler en sa présence.
— Un peu, répond-il en feignant l'indifférence.
— Frangin, est-ce que c'est parce que tu as chanté Après la guerre ? À cause des souvenirs ?
Isabel et Furlant sont au courant, un peu par accident. Ou pas. Ils savent parce que quand il était enfant, il était trop stupide pour comprendre que parfois, il vaut mieux fermer sa gueule. Néanmoins il ne regrette pas de leur avoir dit. Ils ne savent pas tout, rien sur leurs morts bien sûr. Mais quelques détails sur Blondie et les dernières années de Levi à Nodnol.
En fait, il ne regrette pas d'en avoir parlé à Isabel. Non seulement elle le croit sans penser qu'il a perdu l'esprit – ce qui aurait été normal – mais elle l'a aussi aidé à rassembler des informations.
Concernant Furlan, par contre...
— C'est un peu long à expliquer. Je vais faire du thé.
Ils prennent place autour de la table installée dans un coin de la chambre. Derrière eux s'étend la vue panoramique de la ville. Levi vérifie la bonne température de l'eau après avoir utilisé la bouilloire électrique et sert le thé avec son obsession habituelle. Après avoir pris son mug, Isabel ramène le sujet sur la table. Elle récupère le vernis à ongles, un peu de coton, une lime à ongles et la bouteille de dissolvant.
— Ta main, frangin. Tante Kuchel déteste te voir avec du vernis écaillé.
Levi baisse les yeux sur ses ongles. En effet, il est temps de s'en occuper.
Il tend sa main droite à Isabel après avoir lancé une musique d'ambiance sur son téléphone. Il ne choisit rien de particulier, juste une playlist proposée par l'application « une soirée relaxante entre amis ».
Isabel commence par retenir l'ancien vernis avec la patience et la délicatesse qui la caractérisent. Ses gestes sont doux en dépit de son énergie et sa maladresse habituelle. C'est la raison pour laquelle Levi n'accepte de confier ses ongles qu'à elle. Partager ce genre de moment l'aide à se détendre.
Cela apparaît comme une belle récompense, après la misère qu'ils ont connu...
— Arrête de faire semblant de ne pas avoir la migraine avec moi. Tu peux me dire ce qui ne va pas. C'est à cause de Blondie ? Tu penses encore à lui ?
— Je l'ai vu... murmure-t-il, le regard rivé sur la fenêtre.
De là, Mitras ne semble pas aussi chaotique qu'elle peut l'être de jour. Il tente de paraître indifférent, tout en sachant que c'est impossible, même s'il le voulait.
Il a trop mal à la tête pour pouvoir faire semblant.
Isabel laisse retomber sa main alors qu'elle n'a pas terminé de retirer son vernis.
— QUOI ?!
Levi utilise sa main gauche pour chercher le profil de Blondie. Ceci fait, il tend son téléphone à Isabel.
Elle lui lance un regard, observe la photo, puis revient à lui. Ses joues sont toutes rouges.
— Mais c'est un DILF !
Effectivement, c'en est un. Il a toujours su que Blondie était plus âgé que lui dans cette vie ; il était adulte, bien que jeune, quand il a croisé Levi enfant. Aujourd'hui, il doit avoir entre 35 et 40 ans...
Dans leur vie précédente, leur différence d'âge n'était pas aussi importante.
Est-ce que ça pourrait un problème ?
Un de plus... ?
— Il est à croquer, Levi... Super beau ! Mais ça me fait marrer qu'il s'appelle Erwin. C'est vraiment un prénom de grand-père ! Et ces sourcils, mon dieu ! Mais...
Il voit à la façon dont Isabel bouge ses doigts sur l'écran qu'elle est en train de faire défiler ses photos.
— Ces yeux, Levi ! Maintenant je comprends ta fixette !
Levi répond avec un petit rire, un peu amer. Isabel se moque souvent de lui à cause de ça ; elle dit qu'il passe son temps à écrire des chansons sur ses yeux.
Mais ce sont les yeux de Blondie. D'Erwin...
C'est son souvenir le plus net de sa vie antérieure. Les yeux d'Erwin, braqués sur lui dans toutes sortes de contexte. Toujours éclatants, immenses.
Parfaits.
C'est la raison pour laquelle il a attiré son regard à l'âge de neuf ans. Ses magnifiques yeux. Il est convaincu que ça a toujours été ce qu'il aimait le plus chez lui.
Comment ne pas leur dédier de nombreuses chansons, ces yeux le méritent totalement.
— Mais comment tu l'as trouvé ? Tu ne se souvenais pas de son nom !
— Il est venu nous voir ce soir et a laissé un commentaire sous la photo que Moblit a postée après le concert.
— Quoi ?!
Les doigts d'Isabel bougent frénétiquement sur l'écran. Elle finit apparemment par retrouver le commentaire. Sa réaction est de plaquer ses mains sur ses joues.
— Putain, lâche-t-elle.
— Langage.
— Hein ? C'est l'hôpital qui se fout de la charité ! Levi, son commentaire est si gentil... ! Slide dans ses DM !
Levi sent ses joues le brûler.
— Non.
— Et pourquoi pas ? Levi, tu es amoureux de lui, tu l'as toujours aimé ! Tu sais si Furlan déteste autant le fait que tu continues à écrire des chansons pour lui, c'est parce qu'il est ja-loux !
Oh non...
— On ne va pas ravoir cette conversation.
Il reprend son téléphone de la main d'Isabel, malgré sa tentative de le garder. Il gagne bien sûr la bataille et le replace devant lui. Ceci fait, il agite ses ongles sous le visage d'Isabel.
— Allez, termine ce que tu as commencé.
Frustrée, Isabel reprend néanmoins sa manucure. Elle inspire en gonflant les joues ; c'est la grimace qu'elle fait toujours quand elle se retient d'être honnête.
— Allez dis ce que tu as à dire, ne fais pas cette tête, l'invite-t-il avec agacement.
Parce que s'il ne veut pas parler de Furlan, mais il ne veut pas non voir son visage contrarié.
Ce soir, il a seulement besoin de se détendre avec sa meilleure amie, avec de la musique en fond.
— Si Furlan se plaint tout le temps de tes paroles, c'est parce qu'il est jaloux de Blondie, Levi. Il en pince pour toi depuis qu'on est enfant. Tu le sais très bien !
— Je lui ai déjà dit que je ne n'arrivais pas à le voir de cette manière.
C'était sans doute le pire moment de sa vie. Et oui, il est chanceux dans cette vie au point de pouvoir dire que ce moment avec Furlan soit le pire moment de sa vie.
Il est reconnaissant et n'oublie pas tout ce qu'il a traversé dans son ancienne vie (il ne pourrait pas, même s'il le voulait). Mais ce n'est pas pour autant que cette nuit-là fut une partie de plaisir.
Même si les souvenirs de sa vie antérieure sont douloureux, certains choses sont capables de blesser le Levi actuel.
C'est comme être deux personnes en même temps. Il y a le vieux Levi épuisé, avec sa cape verte et le visage couvert de sang.
Et le Levi chanteur qui, sans la musique, serait devenu dingue à cause de ces souvenirs impossibles à contrôler.
— Je sais, poursuit Isabel. Mais tu sais mieux que quiconque qu'on ne peut pas contrôler ses sentiments. Je sais que Furlan essaye vraiment de passer à autre chose, mais si tes paroles continuent de l'énerver, eh bien...
Isabel réclame sa main gauche, que Levi lui accorde. Tout en commençant à retirer le vernis, elle poursuit :
— Mais ce n'est pas la question, frangin. La question est : tu aimes Blondie, et peut-être qu'il se souvient de toi, lui aussi. À moins que tes oncles ne se soient pas souvenus immédiatement l'un de l'autre ?
— Quasi. Kenny est le premier à s'être souvenu.
Ils ne lui ont pas raconté ce qu'il s'est passé en détails. Pour être honnête, la réincarnation n'est pas un sujet souvent abordé dans sa famille. Le fait est que sa mère ne se souvient de rien. Peut-être parce qu'elle n'a jamais aimé quelqu'un de cette manière ? Ou du moins c'est la théorie d'oncle Kenny.
Levi et Kenny se sont accordés sur le fait de ne pas lui parler de son passée. Et de tout faire pour lui épargner cette douleur innommable qu'ils partagent. Le souvenir de sa mère étendu dans le lit de ce putain de bordel.
C'est la seule chose parvient à briser la carapace derrière laquelle ils se cachent en présence de l'autre.
Tout ce que ses oncles ont fait, c'est lui explique le peu que Kenny avait appris de son propre grand-père. Et ils ne lui en ont parlé qu'après que Levi ait retrouvé ses souvenirs. Et ils ont essayé tant bien que mal de le soutenir dans le processus d'adaptation à ces nouveaux souvenirs au fur et à mesure qu'il grandissait, bien sûr. Mais pas bien plus. C'est quelque chose qu'oncle Uri prenait sérieusement et Levi lui en est reconnaissant. S'il avait uniquement dépendu de Kenny eh bien...
Même s'ils l'avaient voulu, ils n'auraient pas pu lui en dire davantage.
Si seulement il pouvait comprendre la putain raison à tout ça...
Ses oncles et sa mère ont toujours insisté sur un point, avant tout : sa vraie vie est celle-ci, pas l'autre. Il ne doit pas tourner le dos à cette vie pour vivre dans le passé.
Il sait qu'ils ont raison.
C'est pour ça qu'il parle rarement de ce qu'il ressent. Comme maintenant, avec Isabel. Et avec sa mère, mais sans lui montrer qu'il parle du passé.
Personne d'autre.
Seule la musique lui permet de déverser tout ce qu'il qu'il garde à l'intérieur, comme il le veut, avec l'intensité dont il a besoin.
C'est seulement dans ces moments-là qu'il se sent lui-même.
C'est pour ça qu'il dédie toutes ses chansons à Blondie. Parce qu'aucun de ses souvenirs n'est beau à voir. Absolument aucun. Sauf lui.
Enfin, sauf ceux de ses camarades aussi, bien sûr. Mais Blondie est à part, il est sur un autre niveau.
Ce que Levi éprouve lorsqu'il se remémore le regard de Blondie pendant l'amour est le sentiment le plus fort et le plus marquant qu'il ait ressenti de sa vie. De cette vie, comme de la précédente.
Son âme n'a plus jamais été la même après s'être plongé dans son regard de cette manière.
Il l'aime encore, oui.
C'est vrai.
— Frangin ? La terre appelle la lune.
Levi reporte son regard sur Isabel. Elle a terminé de nettoyer les ongles de sa main gauche et est en train de vernir son petit doigt. Elle commence toujours par le petit doigt.
— Ouais.
Elle lui souffle un baiser avant de poursuivre son activité.
— Pourquoi tu n'envoies pas un message à Blondie ? Je te jure, je ne te comprends pas... Si tes sentiments sont si...
Levi regarde par la fenêtre. La vérité est que, à chaque fois qu'il réfléchissait à ce qu'il ferait s'il le trouvait, il arrivait à la même conclusion.
Et les photos de la rive méridionale n'ont fait que confirmer cela.
— Est-ce que ça te viendrait pas à l'idée de penser que peut-être, il n'est pas célibataire et a une belle vie de son côté ? Regarde ses photos... Il voyage, prend des photos de ses livres annotés comme un nerd... Peut-être qu'il se souvient, mais et si c'est pas le cas ? Je ne sais pas si j'ai envie que ce soit le cas.
Surtout considérant un détail en particulier.
Car peut-être que Blondie ne lui pardonnera jamais pour ce qu'il a fait.
— Je suis désolée si ce que je vais te dire est déplacé, mais ce commentaire ne transpirait pas la joie de vivre ! Et je pense que tu devrais essayer de lui parler ! S'il se souvient de toi, le fait qu'il ait laissé un commentaire aussi déprimant est un peu une invitation, non ? Il s'est sans doute reconnu dans tes chansons ! Et s'il ne se souvient de rien eh bien... Tes chansons ont réussi à le toucher malgré tout, tu ne trouves pas que c'est beau ? Pourquoi ne pas au moins essayer ? Peut-être que ça ne se passera pas comme tu veux, peut-être que ça ne fonctionnera pas entre vous comme la dernière fois, mais je pense que si vos chemins se sont croisés, c'est pour une bonne raison. Rien n'arrive par hasard !
Isabel se mord la lèvre en terminant de vernir son pouce, concentrée pour ne pas dépasser.
Et si ce frisson qui remonte sa colonne vertébrale à chaque fois que quelqu'un lui dit « Levi, merci » n'était pas un hasard ?
Et si le besoin de chanter Après la guerre n'était pas un hasard ?
Ne devrait-il pas le laisser être heureux... ?
— Je ne sais pas, soeurette.
— Pense-y ! S'il te plaît, essaye au moins d'y penser.
Isabel lui offre un sourire. Ce sourire a suffisamment de pouvoir sur lui, pour qu'il promette de le faire.
Une fois qu'Isabel a terminé ses ongles, il s'occupe des siens en retour. Leur thé terminé et la musique coupée, ils s'allongent ensemble dans le lit. Isabel le prend dans ses bras comme s'il était un ours en peluche. Une minute plus tard, elle dort déjà. Levi jalouse sa capacité à s'endormir aussi vite.
Une grande confusion s'emparre de lui alors qu'il fixe le plafond. À travers la fenêtre, il remarque que Mitras commence à s'éveiller.
Et si Erwin pressentait qu'il était Blondie.
Et si cette phrase sur leurs émotions qui ne faisaient qu'un était une référence à ce geste qu'ils avaient partagé la dernière fois où ils avaient couché ensemble, pour s'offrir mutuellement leurs coeurs.
— Putain...
Oui, peut-être devrait-il clarifier tout ça.
Néanmoins il doit faire autre chose avant.
Il va lui falloir beaucoup de courage.
Ça, et arrêter de penser que Blondie ne lui pardonnera jamais de ne pas lui avoir donné le sérum.
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Le bilan des deux premières sessions est positif, ou du moins ne le décourage pas.
Il est heureux d'avoir demandé de l'aide. Mr. Shadis est très sérieux, mais a une certaine empathie, ou plutôt l'image qu'il dégage parvient à le faire parler. C'est ce qu'il y a de plus dur : parler. C'est effrayant à quel point ça peut l'être.
Mais il essaye. Et il doit apprendre à apprécier ce premier pas en avant.
Il est toujours réticent à prendre des médicaments. Peut-être à cause de ses propres préjugés, mais il est rassuré par le fait que Mr. Shadis ne lui en propose pas dès le début. Selon son diagnostic, son état actuel ne le requière pas. Du moins, pas pour le moment. Dans un premier lieu, ils vont essayer la psychothérapie ont-ils décidé ensemble. Et s'il ne fait pas de progrès majeur, eh bien... Erwin devra mettre ses préjugés au placard.
Pour le moment, il a toujours l'impression d'être prisonnier d'une boucle sans fin. Et pleure toujours avec Après la guerre en fond.
Il n'a pas suivi No Name sur ce réseau social de photos et de stories. Il n'a même pas écouté leur musique, ni regardé de vidéo d'eux. Il n'a pas vu le visage de Levi Ackerman depuis deux semaines. Enfin si, au lycée, sur les sacs à dos et les classeurs.
Cependant Après la guerre continue de résonner dans son esprit, comme si la chanson essayait de lui dire quelque chose.
Il ne comprend même pas ce que cette chanson lui évoque ; l'origine de de cette mélancolie et de cette tristesse demeure inconnue. Il n'en a pas encore parlé à Mr. Shadis ; mais il lui a raconté des choses sur Marie, Nile et son incapacité à s'ouvrir aux autres depuis cette époque. Selon lui, sa capacité à faire confiance a été endommagée par ces mauvaises expériences.
N'était-ce pas évident ? Certainement, mais c'est peut-être pour ça qu'il existe des professionnels.
Ils rendent visible les choses évidentes. Pour que ces personnes prises au piège de la boucle sans fin puissent ouvrir les yeux et voir enfin l'évidence.
Une fois de retour chez lui, Erwin prend place devant sa télé et envisage de commander une pizza. Il ne se sent pas de cuisiner. Il regarde l'écran noir, puis le livre entamé qu'il a laissé sur la table basse la veille, et les copies qu'il n'a pas terminées de corriger.
C'est vendredi. Il ferait bien de se détendre un peu et d'arrêter de penser à Marie, Nile et Après la guerre.
Arrêter de penser à Levi Ackerman qui inspire devant des milliers de personnes, mettant son âme à nue avec tant de fragilité.
Tellement réelle.
Il allume la télévision, déterminé à zapper un peu. Et il commande une pizza. Il parcourt les chaînes d'info, de sport...
Sa pizza arrive enfin, il se lève pour aller la récupérer. Puis il se rassoit pour manger devant la télé. Et il mange comme un cochon.
Il rit tout seul, face à cette image pitoyable de lui-même.
Erwin se demande ce que ça ferait de rire avec quelqu'un de quelque chose d'aussi trivial.
Quelqu'un d'important pour lui.
Quelqu'un en qui il pourrait avoir suffisamment confiance.
Il termine son repas et regarde un peu le match de foot : l'équipe bleu et blanche contre la verte et rouge. Les deux rassemblent les meilleurs joueurs du monde, s'il se souvient bien. Et même il ne comprend pas bien ce qui se passe sur le terrain, il continue de regarder le match.
Ce n'est pas très passionnant.
Après que l'équipe bleu et blanche ait marqué un incroyable but sur un coup franc, il change de chaîne. Il parcourut quelques chaînes de cinéma et de séries, pour arriver sur ses chaînes habituelles de documentaires...
Et atteint enfin les chaînes musicales.
— Est-ce qu'ils existent encore ? pense-t-il tout haut en retenant un rire.
Le boys band doué en chorégraphie chante une chanson joyeuse et pop. Quand le morceau touche à sa fin, il est immédiatement suivi par un groupe de filles qui elles aussi dansent très bien et proposent le même genre de pop. Puis vient la musique folk d'une jeune fille, et après elle, un morceau typique de soirée, chanté dans une langue du sud :
¡El fuego de tus besos me quema la piel! ¡Dámelo! ¡Dámelo! ¡Dámelo!
Il essaye de se souvenir ce que fuego signifie, sans prêter réellement attention à l'écran. Le cœur d'Erwin manque un battement.
C'est No Name.
Il attrape la télécommande à la vitesse de l'éclair mais non, il ne parvient pas à changer de chaîne.
Il ne peut pas, pas face à cette vision à couper le souffle de Levi Ackerman. Vêtu d'un t-shirt noir légèrement transparent, ses habituels bandages autour des yeux, allongé sur un lit recouvert de ce qui ressemble à des roses et des plumes : une moitié bleue et une moitié blanche.
Levi reste étendu sur ce lit, avec en fond une douce mélodie au piano. Devant sa télé, Erwin a l'impression que Levi est le plus bel homme qu'il ait jamais vu.
Quand Levi commence une chorégraphie hypnotique en utilisant seulement ses mains aux ongles vernis de noir, Erwin ne le voit plus seulement comme le plus bel homme du monde.
Il sait qu'il l'est.
Envouté – car c'est bien le seul mot capable de décrire ce qu'il ressent actuellement – Erwin laisse tomber la télécommande dans le canapé.
Il lit le titre qui apparaît pendant quelques secondes en dessous de cette image époustouflante.
La dernière nuit.
Tu le sais, n'est-ce pas ?
Pourquoi tu me demandes ça ?
Si je suis ici avec toi
C'est parce que la réponse est oui.
Aucune récompense,
Éphémère et charnelle,
Ne pourrait me pousser
À te transmettre ma chaleur.
Seulement quand tu tiens mon cœur entre tes mains
Et que tu me dis ces quelques mots qui
Ici, prennent un sens nouveau,
Je suis capable d'embrasser la vérité.
Pour toi, pour ce qui est en toi,
Pour ton coeur, mon amour,
Je suis capable de tout, d'être ton soleil et ta lune.
Te dire ces trois mots. Que tu as tant besoin d'entendre.
Ces mots que je ne devrais pas prononcer
Car je ne veux pas te dire adieu.
Ces mots qui j'espère, si je te les dis,
T'aideront à me retrouver la prochaine fois...
Peu importe qui tu es,
Peu importe qui je suis...
Si tu prononces ces mots magiques
Je t'offrirai mon cœur à nouveau, pour l'éternité.
Levi referme son poing droit contre son cœur. Sa main gauche se ferme sur son t-shirt, au niveau du ventre.
La façon dont il serre les poings, l'élégance de ses ongles noirs, la passion brute qu'ils expriment subtilement, si on peut dire...
C'est magnifique.
Il est le plus belle homme qu'il lui ait été donné de voir, vraiment.
Ce serait mentir que de le nier, pense-t-il, pas après deux semaines à le fuir, tout en répétant Après la guerre dans sa tête.
Cet homme l'ensorcelle, pas le groupe en lui-même. Et il y parvient non seulement grâce à sa beauté, tellement évidente à ses yeux qu'il est difficile de voir au-delà.
Mais grâce à ce qu'il dit, ce qu'il exprime.
Il est tellement heureux de l'entendre chanter.
Ce qu'il lit entre les lignes est si puissant.
Quelque chose chez lui l'attire.
Comble le vide en lui.
Le motive.
Le rend heureux.
Même si Après la guerre...
Il comprend qu'il est en train de ressentir quelque chose, quelque chose de vrai, de tangible de façon symbolique et qui n'est pas le fruit de son imagination. C'est quelque chose qui n'appartient qu'à lui et qui fonctionne selon ses règles. Et Erwin comprend également le sens des paroles de Pieck, il y a quelques semaines. C'était pourtant évident...
Si tu apprécies quelque chose, peu importe ton âge, s'il te plaît ne t'en prive pas, surtout si ça te fait du bien. La vie est suffisamment difficile comme ça !
Peut-être que suivre No Name n'est pas une si mauvaise idée.
C'est ce qu'il se dit alors qu'il récupère son téléphone et ouvre l'application de photos et de stories. Confus, il remarque qu'il a de très nombreuses notifications. Il ne l'avait pas remarqué jusqu'à maintenant, étant très peu intéressé par les réseaux sociaux de façon générale.
Mais pourquoi a-t-il autant de notifications ? Il ne parle jamais à personne.
Une brève inspection lui permet de constater qu'elles sont toutes liées à ce commentaire qu'il a laissé sur le compte officiel de No Name deux semaines auparavant.
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Un cœur bleu et un cœur blanc de chaque côté d'un poing levé par Levi Ackerman lui-même.
Sans raison, seulement à cause de l'absurdité de la situation, il se met à rire.
Erwin suit No Name et Levi juste après ça.
*
*
*
— Attention mon chou ! glousse sa mère, assise devant sa coiffeuse.
Ils échangent un regard à travers le miroir ; elle reste la femme la plus extraordinaire du monde, de l'univers tout en entier. De son monde. Elle est la plus importante femme de son monde.
— Désolé, m'man, s'excuse Levi en continuant sa tâche, à savoir brosser ses cheveux. Tes cheveux sont complètement emmêlés.
— Si ce n'était pas le cas, ça ne serait pas les miens !
C'est totalement vrai.
Levi a passé deux vies à brosser ses cheveux et oui, ils sont constamment emmêlés.
Il poursuit avec calme. Il a toujours aimé faire ça. C'est très relaxant.
Et ces derniers temps, il en a bien besoin.
— M'man... soupire-t-il sans réfléchir.
Regrettant presque, il ferme les yeux.
Sa mère lui prend la brosse des mains et la repose sur la commode. Puis, elle se retourne sur son tabouret, restant assise et lui tend les bras. Levi se voit dans le miroir, dans ses bras.
— J'ai remarqué que tu étais un peu maussade ces derniers temps. Mais je sais que te le faire remarqué n'est jamais une bonne idée.
— C'est vrai.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé, mon chéri ?
Il envisage de lui dire la vérité, qu'il a trouvé son Uri, la personne qu'il a le plus aimé dans sa vie précédente.
Mais non.
Il inspire profondément, serre sa mère un peu plus fort dans ses bras.
— Si tu étais dans une situation où tout te laisse penser que tu ne devrais pas faire quelque chose, mais pourtant tu as besoin de le faire... tu ferais quoi ?
— Est-ce qu'on parle de sexe ?
Levi la repousse, scandalisé.
— Maman ! Dis pas des trucs dégueu comme ça ! Je suis sérieux, tu me prends pour qui ?
— Oh pardon !
Sa mère se relève en riant. Elle lui prend la main et l'entraîne hors de sa chambre.
— Faisons du thé. Mais à t'écouter, on dirait que tu as envie de sauter le pas avec quelqu'un et que tu n'es pas sûr de si c'est la chose à faire ou pas !
— Laisse tomber...
Quelques minutes plus tard, elle dépose le plateau avec la théière sur la table basse du salon, qui se trouve face à une immense fenêtre d'où ils peuvent contempler la ville, de leur 15e étage.
Avant de servir le thé, elle lui prend la main.
C'est irréel, parfois. De vivre avec elle ici, si près du ciel.
— Deux choses, commence-t-elle en souriant. Premièrement, le sexe est un sujet sérieux. Et ça n'est pas dégueu. Ce n'est pas une mauvaise chose, tant que c'est consenti, entre deux personnes capables de faire le choix de partager cette intimité l'un avec l'autre. D'accord ? Je sais que tu n'aimes pas parler de ça, mais je n'aime pas quand tu dis que c'est sale ou futile.
Levi détourne les yeux. Ce sujet le rend mal à l'aise, tout particulièrement quand c'est sa mère qui en parle.
Si elle savait qu'il n'avait jamais couché avec personne dans cette vie...
Enfin, elle le sait sans doute, mais elle ne lui posera pas la question. C'est pour ça qu'elle lui tient ce genre de discours.
— Tout le monde ne ressent pas forcément d'attirance sexuelle, m'man.
Il se sent coupable de se cacher derrière un tel mensonge.
Parce si c'était Blondie, il ne...
— Je sais, je sais... Mais je pense que tu ne devrais pas dévaloriser ce que d'autres personnes peuvent ressentir.
— Tu dramatises.
— Sans doute, mais je voulais te le dire. Ceci étant dit !
Sa mère verse le thé avec la même attention que lui. Exactement comme il ne laisse qu'Isabel venir ses ongles, il n'y a que sa mère qu'il autorise à lui servir du thé.
— A propos de ta question, tant qu'on ne parle pas de choses illégales...
— Maman, sérieusement ? Je suis chanteur, pas un criminel !
— Je sais ! Laisse-moi finir.
Elle lui prend à nouveau la main.
— Tant que ce n'est pas le cas, eh bien, je pense que le risque peut en valoir la chandelle, tant qu'on n'oublie pas que, si ça tourne mal, on ne doit pas se laisser abattre. Ta philosophie a toujours été de vivre sans regrets, mon chéri... C'est peut-être évident ce que je te dis, et tu sais déjà tout ça.
Sans poursuivre la conversation, sa mère relâche sa main et retourne à son thé.
C'est vrai, c'est tellement évident.
Il se gratte le crâne en pensant à son passé peuplé de titans. Il était tellement fort, déterminé, courageux à l'époque.
Dans cette vie, il est beaucoup moins sûr de lui. Et il déteste ça.
Mais il a tellement peur que Blondie se souvienne de lui seulement pour le détester.
Tellement, tellement peur.
Il peut sans doute vivre avec le fait que Blondie ne se rappelle de rien. Mais il ne peut même pas supporter l'idée qu'il le déteste si c'était le cas.
Parce qu'il est certain qu'il ne se souvient pas.
Et il est convaincu que, si c'était le cas, non seulement il n'aurait pas laissé un commentaire aussi intense sous cette photo...
Mais il le haïrait.
La vérité est qu'il a passé les deux dernières semaines, depuis le concert, à envisager de faire quelque chose. Quelque chose de plus que laisser un commentaire avec ses emoji préférées.
Peut-être lui envoyer un DM ou lui dire ce qu'il ressent, à quel point il lui manque, combien il l'aime.
Mais trop de choses lui font peur. L'idée de l'arracher à une vie heureuse, passée dans une ignorance salutaire, et de ce qui est important pour lui dans sa nouvelle vie.
L'idée qu'il ne l'apprécie pas.
Qu'ils se revoient et se rendent compte que leurs sentiments ne sont plus les mêmes.
Que ce Blondie et ce Levi ne soient pas compatibles comme...
Merde...
Enervé et sentant la migraine imminente, il reprend son mug.
Blondie, son commandant, aimé par le brave et puissant Levi qui tuait des titans comme un enfant écrase des fourmis.
Aimerait-il le chanteur célèbre avec des troubles anxieux, beaucoup trop fragile et vierge ?
Quel mot détestable. Il le déteste, mais c'est le seul qui résume sa situation actuelle.
Il n'a jamais eu envie de coucher avec qui que ce soit. Il a essayé, il s'est forcé, a voulu tenter de coucher avec quelques hommes, dont Furlan, qui a d'ailleurs toutes les raisons du monde de lui en vouloir à cause de ça.
Mais il n'a jamais réussi.
Quelque chose l'arrête toujours. L'idée d'être nu devant quelqu'un, et que cette personne soit aussi nue ne l'attire pas, ne l'intéresse en aucune façon et est même source de gêne.
L'absence de sentiments profonds, comme seul Blondie parvient à réveiller dans ses rêves, le bloque.
Un minuscule détail, juste un doigt de Blondie qui le touche furtivement et il en perd la raison. C'est la seule chose dont il ait besoin.
Il veut l'extase. Le sexe et l'amour en même temps, telles deux branches pointant vers la même personne et provenant du même tronc.
Une vraie connexion.
Sans elle, il n'a même pas envie de baiser.
Parce que c'est vrai. Même si sa mère n'aime pas l'entendre parler de sexe en ces termes, et que Levi a conscience d'être bourré de préjugés, à ses yeux le sexe est sale et futile dans tous les autres contextes que celui-là.
Ce moment d'extase absolue où le cœur et le corps ne font qu'un.
Et qu'eux-mêmes ne font plus qu'un. Corps et âme.
Blondie, lui.
Et rien d'autre.
— Ooooh ! s'exclame sa mère en regardant son smartphone. Regarde ce magnifique fanart dessiné par un de tes fans !
Elle lui montre l'écran. Elle est sur cette appli de microblogging où tout le monde s'insulte pour des raisons absurdes, ce réseau sociaux bien trop violent pour sa mère, mais qui parvient pourtant à la faire rire de façon absolument adorable.
Il est impressionné par le fanant en question, c'est magnifique. Il représente No Name, dans un style de vieux dessins animés. Il est inspiré d'une de leurs photos les plus connues, qui était dans le livret de leur premier album.
— Envoie-moi le lien. Je le partagerai en story avec le compte du groupe.
Sa mère s'exécute. Levi lance l'application. Il allait changer de compte pour passer sur celui du groupe, mais son attention est attirée par de nombreuses notifications. Pour des raisons évidents, il masque toujours les notifications, compte tenu du nombre de messages qu'il reçoit à la minute.
Il les ouvre une seconde, juste le temps de les passer en vues, avec dans l'idée de les consulter plus tard.
Erwin Smith et 346 autres ont commencé à vous suivre.
Son cœur manque un battement.
Erwin l'a suivi.
Il ne le déteste pas.
Donc non, il ne se souvient pas.
Non...
Faire le choix qu'il regrettera le moins. Merde.
Un pari, comme cet homme sur la photo avait tant l'habitude d'en faire.
*
*
*
Il regarde le match de foot suivant. Ce but de la star de l'équipe bleu et blanc est tellement élégant. La façon dont la balle s'élève pour ensuite filer dans l'angle en fait un but magnifique.
La beauté se cache parfois dans des lieux inattendus.
Il devrait faire du sport ou au moins aller marcher, se dit-il en mangeant des chips devant la télé. Ces chips causeront sa perte ; ces derniers temps, il n'arrête pas d'en manger. L'idée de prendre du poids ne l'effraye pas tant que ça, ce n'est pas une question d'apparence. C'est qu'il devrait faire attention à son cholestérol.
Mais comment se priver de chips ?
Alors qu'il fouille dans le paquet, son téléphone abandonné dans le canapé émet un petit son. Il se dit que c'est peut-être Zeke qui lui envoie des recommandations de documentation. Mais non, la notification vient de l'application de photos, celle-là même qu'il a fermée après avoir suivi No Name et Levi.
Levi Ackerman a commencé à vous suivre.
— Qu'est-ce que... ? murmure-t-il.
Une chip tombe de sa bouche.
Il vérifie. C'est bien Levi Ackerman, avec son compté vérifié. Mais la joie absurde qu'il ressent en voyant la notification (maintenant, il comprend pourquoi les réseaux sociaux rendent ses élèves aussi anxieux !) se calme bien vite en constatant que Levi suit énormément de fans.
Peut-être est-ce grâce à son commentaire qui avait reçu beaucoup de likes ?
Mais pourquoi deux semaines après ?
Erwin laisse échapper un long soupir.
Il se comporte comme un abruti. C'est inadmissible.
Même si la beauté se cache dans des lieux inattendus, cela ne veut pas dire qu'il est logique de la voir partout.
Et qu'elle est toujours réelle.
*
*
*
Après avoir partagé le magnifique fanart, Levi retourne sur son compte personnel.
Erwin le suit toujours.
Ils ont passé leur vie précédente à se battre contre des titans et à enterrer leurs camarades. Maintenant, Levi est réduit à être un jeune adulte trop anxieux, qui a peur d'être unfollow par Blondie.
C'est pathétique.
Il en a assez de se comporter comme un lâche. Un lâche n'aurait pas fait tout ce qu'il a fait pour tenir sa promesse de tuer ce putain de bestial.
Il doit être courageux.
Il ne veut pas rester dans le doute éternellement !
— M'man... souffle-t-il.
— Quoi ?
— Tu peux faire quelque chose pour moi pendant que je me prépare ?
Parce qu'il regrettera davantage de n'avoir rien fait.
*
*
*
Alors qu'il s'apprêtait à quitter l'application, l'icône de No Name dans les stories les plus récentes attire son attention. Il l'ouvre, c'est un lien vers un très joli fanart, posté sur la tristement célèbre application de microblogging.
Il sourit en l'observant. Ce doit être un grand honneur de recevoir de tels cadeaux ; la beauté inspire la beauté.
Par curiosité, Erwin jette un œil aux commentaires sous le dessin.
Mon ship est plus logique que le tien !
Non le mien est plus canon !
Eh arrêtez ! Ce sont des vraies personnes ! Respectez-les un peu ! Ce ne sont pas des personnages d'anime ! Arrêtez de les shipper !
Isabel est trop jeune. Svp ne la shipper avec personne. Mike a NEUF ans de plus #eurk !
Mais je vous dis que Levi n'est pas gaaaaay !
Il se frotte la nuit sans comprendre réellement ce qu'il vient de lire.
Assez d'interactions avec la jeune génération pour aujourd'hui.
En refermant l'application, il est ramené automatiquement à celle de photos. Levi vient de poster une nouvelle photo.
C'est lui avec des lunettes bleues censurant ses yeux, une guitare acoustique noire devant lui. Il a les jambes croisées, assis sur un joli canapé dans un salon décoré dans des couleurs pastels.
Et si on improvisait un petit live de trois chansons ? Demandez-moi ce que vous voulez. Je dédicacerai chacune d'entre elles.
A la fin de son message, il a ajouté le coeur blanc et le bleu, avec un poing serré entre les deux. Il semble utiliser ces emoji très souvent.
Ses doigts veulent écrire Promesse, mais la honte d'avoir 36 ans ne lui permettent pas de faire une telle bêtise.
Il ne devrait pas agir de façon impulsive sur les réseaux sociaux. C'est quelque chose que Levi fait pour ses jeunes fans, pour ses vrais fans.
Il est seulement un homme en thérapie qui apprécie la nouveauté que le groupe, ou plutôt le chanteur, lui apporte après une si longue période sans rien ressentir du tout.
Seulement ça.
Il éteint l'écran et laisse son téléphone sur la table basse, à côté du paquet de chips vide. À la télé, le match de foot continue.
Mais et si... ?
Il ne va rien se passer. S'il ne répond pas, ce n'est pas si grave.
C'est l'évidence que même un esprit aussi embrumé que le sien peut voir.
Un chanteur célèbre ne va pas prêter attention à quelque comme lui, peu importe à quel point il a l'impression que toutes ses chansons lui sont adressées, à lui et à personne d'autre.
Il reprend son téléphone et autorise ses doigts à parler pour lui.
C'est simplement un pari stupide. Savoir que ça ne veut rien dire le rassure suffisamment pour qu'il ose le fait.
Apprendre à rire de lui-même. C'est ce qu'il veut.
Il veut pouvoir s'accepter tel qu'il est.
Un imbécile qui essaye d'aller de l'avant.
*
*
*
Levi reçoit un nombre incalculable de notifications. Et même quelques DMs et tags en stories. Il cherche quelles chansons sont les plus mentionnées. Promesse, Bestial et Après la guerre (celle-là il ne la jouera pas même s'ils la lui demandent) sont les plus populaires.
Il visionne les stories, riant des mentions improvisées de ses fans. Puis, il consulte ses DMs.
Erwin Smith.
Il parcourt le message, le cœur battant.
Je m'appelle Erwin Smith, j'ai 36 ans.
13 ans de différence. 13. Blondie a l'âge qu'il avait quand il est mort.
La petite déesse est définitivement une emmerdeuse.
Je suis un peu trop vieux faire partie de vos fans, n'est-ce pas ? Même si c'est le cas, et que je sais par avance que vous ne me répondrez pas, je vais faire ce pari pour une fois.
Un pari. Lui.
C'est lui, putain.
J'aimerais vous demander de jouer Promesse, s'il vous plaît. C'est la première chanson de No Name que j'ai entendue. J'enseigne l'histoire dans un lycée, je vois votre visage sur tous les sacs à dos et les cahiers de mes élèves. À chaque fois que je les entends parler de No Name, je suis heureux de voir que vous leur donner une manière d'exprimer leurs sentiments. Votre groupe est d'une aide inestimable pour eux.
Vous les rendez heureux. Et moi aussi, pourrait-on dire. Parfois je me surprends à sourire quand j'entends vos morceaux pendant les intercours.
Vous êtes très talentueux, Levi. Autant que votre mère l'était. J'étais fan d'elle à l'époque du cirque Moonlight.
Oui, je suis vieux à ce point. Je sais.
Merci de mettre les mots sur tant de sentiments.
E.
— Levi... ?
— Putain de boomer... Il m'envoie le plus long DM de tous les temps...
Sa mère l'enlace. Levi retire ses lunettes bleues qu'il a prévues pour le live pour essuyer les larmes qui coulent de son œil gauche.
C'est lui. Même cette vibe de boomer lui correspond totalement.
Il l'adore.
Et il a atteint son rêve d'être professeur, d'apprendre l'histoire à des gosses. C'est ce qu'il a toujours voulu, enseigner la vérité.
Erwin est heureux.
— Qu'est-ce qu'il se passe, mon chou ? Quelqu'un t'a dit quelque chose de méchant ?
— Non...
Maintenant qu'il sait qu'Erwin est heureux, peut-être n'est-pas une si bonne idée.
Mais il préfère être déçu maintenant, en étant si proche de Blondie, plutôt que de vivre éternellement dans un passé qui ne le laissera jamais avancer.
Parce que personne ne peut espérer avancer sans être écrasé par la souffrance tous les deux pas.
*
*
*
Après quelques minutes, le live commence. Erwin le regarde, recroquevillé dans son canapé. Et il ne reste plus une seule chips. Il a coupé le son du replay du match de foot.
Levi est assis sur le même canapé que la photo postée plus tôt. Il porte les mêmes lunettes bleues qui dissimulent ses yeux. Il est vêtu d'un jean serré noir et d'un pull en laine noir vraiment très très détendu.
Sublime, même habillé aussi sobrement.
Levi salue et souhaite la bienvenue à ses fans, les remercie.
Un doux sourire illumine son visage.
— La première chanson est Bestial, pour Petra. Merci pour ton gentil commentaire.
Bestial en acoustique est la chanson la plus drôle qu'Erwin ait jamais entendue. Levi lui-même se retrouve distrait par le rire de la personne tenant la caméra. Une voix qui, alors que la chanson touche à sa fin, lit un commentaire à haute voix.
— Tes fans se demandent qui est la femme avec toi, Levi.
Levi fronce les sourcils. Erwin peut voir qu'il n'apprécie pas cette question.
— Hein ? C'est ma mère. Dis bonjour, maman, répond-il sèchement.
Kuchel ?
— Salut !
Erwin sourit en entendant sa voix si douce.
— La deuxième sera Confiance. Pour Oluo. Merci de suivre No Name.
Levi est timide, mais il le cache derrière une forme d'indifférence. On voit que c'est un introverti, ce qui n'est pas du tout visible sur scène, mais qui assez évident pendant un tel live improvisé.
En l'écoutant avec moins de bruit autant, de façon plus brute, il découvre chez Levi plus de virtuosité qu'il l'avait imaginé. C'est à en couper le souffle. Sa voix est absolument splendide.
Face à toi,
Je me vide de mes forces
La douceur de tes caresses me suffit
Je te confie ma vie
L'émotion que Levi parvient à transmettre à travers ces mots lui donne la chair de poule. Il surprend à plaquer sa main gauche sur sa poitrine pendant que l'autre tient le téléphone. Il n'arrive pas à y croire.
Ce qui ne rend heureux ne le guérira pas. Rien ne le peut. Ce n'est pas magique.
Néanmoins, quand le silence et la solitude sont une prison, chaque sourire compte. Chaque émotion aussi.
Son coeur battant lui rappelle qu'il est toujours en vie. Ce qui signifie qu'il y a encore de l'espoir.
Même pour quelqu'un comme lui.
Pour lui aussi, il y a de l'espoir.
Il se caresse le torse alors que Levi répète le refrain une dernière fois. Sa voix est magnifique. C'est un artiste. Ça ne fait aucun doute, il ne peut plus le nier.
Quand il termine, Kuchel le félicite avec un « bravo ! » au milieu de gloussements tout à fait adorable. Elle est fière de son fils.
Levi regarde la caméra, ou du moins en donne l'impression derrière ses lunettes blues.
— La dernière chanson sera Promesse. Je veux la dédicacer à...
Erwin prend une profonde inspiration. À sa surprise, Levi fait de même de l'autre côté de l'écran.
— B... Erwin. À Erwin. Il n'y a pas d'âge limite pour secouer un peu la tête et sourire si tu en as envie. Nos sentiments sont ce qui nous maintient en vie. Merci pour ton DM.
Levi inspire à nouveau.
Erwin, qui se frotte toujours la poitrine, l'imite en miroir.
Ce n'est pas possible...
Voler avec tes rêves, tes yeux brillent !
Sur mon âme ruissèlent les larmes alors que je te sens te refroidir
En ton nom, je le ferai ! Je n'abandonnerai pas !
Parce qu'à travers moi, ton cœur continue de battre
— À travers moi, ton cœur continue de battre... murmure-t-il en chœur avec Levi, qui chante avec une émotion brute.
Il continue de battre, c'est vrai. Il continue de battre au rythme de la guitare, à l'unisson avec cette merveilleuse voix.
Son cœur continue de battre. Toujours. Peu importe ce qui se passe. Il y a toujours un moyen d'avancer.
Toujours.
Même lui peut le faire.
Même lui peut avoir sa chance.
*
*
*
À la fin de l'enregistrement, sa mère insiste pour savoir ce qui ne va pas, mais Levi lui demande de le laisser seul un moment. Toujours inquiète, elle le laisse néanmoins s'enfermer dans sa chambre, non sans lui avoir rappelé qu'il peut lui faire confiance.
Il le sait déjà. Elle sait qu'il sait.
C'est seulement que...
Son regard se pose sur son bureau. Y traînent ses vieilles notes sur la réincarnation. Il n'y a pas grand chose. Et ce sont plus des suppositions que des faits. Mais il doit bien exister une réponse quelque part, qu'il pourrait trouver sans l'aide de la grincheuse Ackerman.
Il ne supporte plus cette situation. Il a besoin de savoir si Blondie se souvient ou pas.
S'il le haït ou si...
Putain.
Tendu, il checke ses réseaux sociaux. Il a été taggé par des fans dans de très nombreuses stories et photos. Ses notifications sont pleine de commentaires plein de gentillesse.
Maugréant contre son manque de confiance en lui, il ouvre ses DMs.
Erwin Smith, encore.
Je ne m'attendais pas à cette dédicace. Mille merci...
Levi a envie de hurler, de chanter, et de ne plus s'en vouloir de faire ce que tout le monde lui a ordonné de ne pas faire.
Envier son ancienne vie.
Envier ce qu'il partageait avec Blondie et le recréer dans ce monde qui, même s'il est imparfait, est sans contexte plus juste et plus doux.
Meilleur.
Il répond sans réfléchir. Il est stressé, mais il a besoin d'une réponse.
Il faut qu'il sache si...
Merci à toi. J'apprécie voir que nous avons des fans de tous âges. J'aime penser que ce fandom est un safe space pour déconnecter un peu de son quotidien. Pour tout le monde, je veux dire.
Il envoie ce message, le relit, le rerelit.
J'ai dû chercher la définition de fandom, pardon. Je crois que je suis trop vieux pour ce genre de choses...
— Boomer à la con...
Il est en train de parler à Blondie.
Pour de vrai.
Il se tient la tête, réfléchissant à quoi répondre. Il ne pensait pas que ce jour arriverait. Cela fait dix ans qu'il se languit de quelqu'un qu'il n'a vu qu'une seule fois.
Ça fait trop longtemps.
Les souvenirs sont parfois trop intenses pour qu'il les supporte. Les mauvais. Les érotiques. Les heureux, trop parfaits pour être oubliés.
Arrête de dire que tu es vieux. Ce n'est pas comme si tu avais 81 ans. Et même si c'était le cas, ça ne serait pas un problème ; le fandom t'accueillerait les bras ouverts. Ici, on ne rejette personne. On adopte tout le monde et encourage chacun à être soi-même sans avoir peur. Merci d'écouter notre musique.
Les sourcils froncés, il fixe l'écran.
Vous avez raison, je ne devrais pas dire des choses comme ça. Je suis trop dur avec moi-même. Merci de me le rappeler. Ça me semble surréaliste que vous répondiez à mes messages !
— Pareil, Blondie...
Il n'a aucune idée d'à quel point c'est important pour lui.
Pourquoi ça te semble surréaliste ? Je suis un peu célèbre, je sais, mais je reste une personne qui parfois, oui, discute avec d'autres personnes.
La réponse de Blondie le prend au dépourvu, et pas seulement parce qu'elle arrive dans la seconde.
Mais surtout pour son contenu.
Quand je vous ai vu sur scène il y a quelques semaines, vous aviez une telle présence que j'ai été époustouflé par votre charme. Vous avez beaucoup de talent, c'est quelque chose de rare, un vrai don.
Il avait l'habitude de lui dire la même chose, mais pour une autre raison.
Les mêmes putain de mots, mais pas à propos de sa capacité à voler – parce que selon Blondie, son commandant, il volait comme un oiseau quand il portait ce harnais bizarre aux allures BDSM.
Et il adorait le voir voler.
Excusez-moi si c'était déplacé. Vous devez avoir beaucoup de messages.
— Une autre vie et tu continues à te dévaloriser ?
Je ne parle qu'à toi, Erwin. Ton message m'a beaucoup touché. Merci. Tu peux me parler quand tu en as envie, mes DMs sont ouverts.
Est-ce qu'il sait ce que ça veut dire « mes DMs sont ouverts » ?
Qu'est-ce que vous entendez par là ?
Il se gratte la tête. Il a envie de lui demander son numéro et de FaceTime avec lui. Il veut lui parler de certaines choses pour voir s'il se souvient ou non.
Il veut...
Il veut retrouver ce qu'ils avaient avant.
Le plus beau sentiment qu'il ait jamais connu de sa vie, putain, au moins une dernière fois.
Je veux dire, tu peux m'écrire quand tu veux. Ça ne me dérange pas, au contraire. Parfois ça fait du bien de discuter avec de nouvelles personnes. Et arrête de me vouvoyer.
Le dernier message d'Erwin avant qu'il lui dise au revoir gonfle son cœur.
Oh, je vois. Alors mes DMs sont ouverts aussi.
Merci. Passe une bonne soirée, Levi.
Il inspire. Expire. Encore et encore.
Il est terrifié par l'idée que Blondie le déteste, ne lui pardonne jamais, ne sache jamais combien il l'a aimé, combien il l'aime et continuera à l'aimer. Pour toujours, Blondie. Bordel de merde.
Mais il a encore plus peur de ne pas tenter sa chance.
Et de rester un putain de trouillard.
Merci à toi, Erwin.
Merci beaucoup.
***
Note de l'autrice
Pardon de poster si rapidement ! J'ai écrit ce chapitre à la vitesse de l'éclair lundi et je n'arrivais pas à m'arrêter d'écrire.
Merci à tous pour vos gentils commentaires. Ils m'encouragent beaucoup :,)
A propos de Levi et Kuchel, pardonnez-moi, mais mon headcanon Modern!AU numéro 1 est que Levi est un fils à maman xD <3 Il vit encore avec elle parce qu'il n'est pas souvent chez lui.
Au sujet de ce que dit Levi sur l'extase, c'est une référence directe au prologue de Delta of Venus par Anaïs Nin. Il m'est apparu que ce concept s'appliquait bien à ce que j'essayerai de faire avec Levi dans ce chapitre.
« Seule l'union du sexe et du cœur peuvent créer l'extase. » <3
Erwin regardait le match Argentine / Portugal. Messi et CR7 existent donc dans cet AU ? XD La réponse va vous surprendre (?). Ce but existe, Messi l'a fait pendant la coupe d'Amérique Centrale 2016 aux Etats-Unis xD
Je déteste le mot « soccer » (ndtr : football en anglais, parce que football c'est le football américain, pas le foot avec le ballon rond, bref vous devez le savoir).
Sur La dernière nuit, je n'avais pas de référence particulière en tête, mais le visuel du clip m'a été inspiré par la dernière partie de I Stand de Gabriela Gunčíková (les paroles sont TELLEMENT Eruri OMG). Et si j'ai pensé au piano, c'est probablement parce que je chiale en écoutant My Immortal d'Evanescence.
Pourquoi Levi cache toujours ses yeux ? Un peu à cause de son anxiété, mais aussi pour une autre raison que vous comprendrez plus tard !
Merci pour votre soutien. Je suis très surprise que vous aimiez cette fic, je ne m'y attendais pas du tout. MERCI. Ça me touche beaucoup !
Merci pour vos encouragements <3
A bientôt pour un nouveau chapitre !
Note du traducteur
Hello !
J'espère que vous allez bien. Ce chapitre aura été loooong à traduire c'est moi qui vous le dit. Et pourtant il ne fait « que » 9K (et plus de 10 en français). Quand je pense au chapitre 6 qui en fait 22, j'ai envie de pleurer ;____;
Mais bon j'espère au moins que vous appréciez cette fic. N'hésitez pas à laisser des commentaires, pour moi et puis aussi pour l'autrice qui je pense fera un tour avec Google Translate haha.
En tout cas, j'aime beaucoup traduire cette fic, j'aime énormément le contexte et les thèmes abordés. Et j'ai très hate d'avoir le 7e et dernier chapitre (même si j'ai peur qu'elle nous ponde un chapitre de 30K).
A très bientôt (j'espère) (le chapitre 4 fait 12k, j'en ai pour un moment)
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