CHAPITRE 6
6
Le retour du génie
KÔME
Ma casquette aux couleurs des RedFox enfoncée sur ma tête, la visière baissée afin de cacher au max mon visage, je traverse le campus pour atteindre le gymnase. J'ai l'impression que ça fait une éternité que je n'ai pas mis les pieds ici, pourtant mon éternité n'a duré que cinq mois. Cinq longs mois sans entraînements, sans pouvoir assister aux cours ni même traîner ici tout simplement.
J'avoue que j'avais hâte de pouvoir enfin sortir de chez moi, pas que j'étais réellement assigné à résidence, mais disons que je n'avais pas grand-chose à faire de mes journées à part me tuer à la console plusieurs heures d'affilées ou bien, m'entraîner inlassablement à mettre des paniers.
Mais remette les pieds ici, ça veut aussi dire reprendre le basket donc revoir mon équipe et je ne sais pas trop comment gérer ça. D'après Kita, certains de mes coéquipiers se fichent de cette histoire alors que d'autres pensent que je suis réellement un drogué et un tricheur. Du coup, je ne sais pas à quoi m'attendre lorsque je passerai les portes du bâtiment. Si mon pote était là, il me dirait de ne pas me prendre la tête avec ça et c'est sûrement lui qui a raison. Mais j'étais capitaine, respecté par la plupart des mecs de l'équipe et aujourd'hui, je ne suis plus qu'un simple joueur. Un ailier, le mec qui porte le numéro 10.
Et qui dorénavant sera très sûrement sur le banc de touche.
Je fais claquer ma langue, saoulé et le gymnase apparaît enfin. Je glisse mes mains dans les poches de mon jeans et réduit la distance qu'il y a entre lui et moi. Une fois à l'entrée, je me plante devant la porte et la fixe bêtement.
— Fais gaffe, il parait qu'elle bouffe les mecs moches et prétentieux !
Un bras encercle mon cou et le visage de Kita apparaît dans mon champ de vision.
— Mmm... dans ce cas, je comprends mieux pourquoi t'attends toujours qu'on t'ouvre la porte.
— Enfoiré !
Je me marre et Kita me lâche. Nos paumes s'entrechoquent, suivi d'un check propre à nous.
— Content de te revoir enfin parmi nous, me salue mon coéquipier et meilleur ami.
— On peut savoir ce que t'as fait à tes cheveux ? je réponds tout en l'observant curieusement.
— J'ai décoloré mes locks.
— J'avais remarqué.
— C'est ta frangine qui a dit que ça m'irait bien l'autre fois, poursuit Kita avec fierté.
Je secoue la tête, amusé.
— Mec, sérieux faut que t'arrête d'écouter tout ce qu'elle te dit.
— Quoi ? C'est si moche que ça ? boude mon pote tout en tripotant l'une de ses longues locks blonde platine.
J'esquisse un sourire et ouvre la porte du gymnase sans prendre la peine de répondre. Kita m'emboîte le pas et nous prenons la direction des vestiaires tandis qu'il me casse la tête avec ses cheveux. Sérieux, il devrait avoir l'habitude pourtant, chaque fois qu'il débarque avec une nouveauté capillaire, je me fous de lui. Ce n'est pas que je déteste, bien au contraire, c'est jusque que j'aime bien le faire chier car peu importe ce qu'il fait à ses cheveux, tout lui va.
Je me souviens du jour de notre rencontre, il avait le crâne pratiquement rasé et coloré en rose. C'était chelou, mais ça lui allait super bien. Kita c'est le genre de mec à qui tout va, que ce soit vestimentaire ou capillaire. Et franchement, ses locks blondes c'est bien le truc le plus soft qu'il ait fait jusqu'à maintenant.
Alors qu'on se rapproche du vestiaire, je peux entendre les voix de certains de mes coéquipiers dont une en particulier. Je me stoppe à quelques mètres de l'entrée et Kita se met à mon niveau. Il pose une main sur mon épaule et la presse légèrement comme pour m'encourager.
— On peut savoir pourquoi tu flippes ?
— Je ne flippe pas, je grogne.
— Alors avance, abruti.
Je hoche la tête et passe la porte. Sans surprise, tout le monde arrête de parler en me voyant entrer. Je les salue d'un mouvement de tête comme si on s'était vu la veille et me dirige droit vers mon casier.
— Tiens ! Mais on dirait que le génie est de retour !
Je serre les dents et pivote légèrement la tête sur la droite. Mon regard accroche aussitôt celui de Taylor qui m'offre un putain de sourire hypocrite.
— Ouais et il s'est entraîné pendant cinq mois alors ne vous étonnez pas s'il vous fait bouffer le parquet durant les matchs d'entraînement ! clame Kita pour essayer de détendre l'atmosphère tandis que je ne lâche pas Taylor des yeux.
— C'est vraiment digne d'un capi.. pardon, d'un ex-capitaine, réplique ce connard sans se départir de son sourire à la con.
— Mec, pourquoi tu fais chier ? s'agace mon meilleur pote. Il est là depuis quoi... trois minutes.
— Et dire que je pensais que t'aurais mûri en cinq mois, j'interviens calmement, faut croire que je me suis planté. T'es toujours un connard et t'es toujours aussi flippé de te mesurer à moi.
Le regard de Taylor s'embrase d'une lueur assassine et il fonce sur moi. Il m'agrippe par le col de mon sweat et me bouscule méchamment contre les casiers sous les regards surpris de nos coéquipiers. Mon dos heurte le métal et le bruit résonne dans la pièce.
— À peine revenu que tu joues déjà au plus malin, crache-t-il tout en me maintenant contre la porte en métal rouge. Laisse-moi te dire un truc Williams, personne ne veut de toi ici. On se portait bien mieux pendant ton absence. On a gagné nos matchs, preuve qu'on n'a pas besoin d'un drogué de génie dans l'équipe.
J'esquisse un sourire et enroule mes doigts autour de son poing pour le dégager d'un mouvement brusque.
— Te fous pas de moi Mackenzie, je crache tout en tirant sur mon sweat pour le remettre en place. Si vous avez gagné vos matchs comme tu dis, ce n'est sûrement pas grâce à toi et ton putain d'égocentrisme. On a des joueurs bien meilleurs que toi dans l'équipe. Franchement mec, redescend. Sur une échelle de 1 à 10, ton niveau à toi est de 6.
— Fils de...
— Okay ! Okay, les gars ! s'écrie le coach Adams en débarquant soudainement dans les vestiaires. Dépêchez-vous de vous changer, je veux vous voir sur le terrain dans cinq minutes !
Mes coéquipiers s'activent sous le regard amusé du coach et alors qu'il est sur le point de sortir de la pièce, il marque un temps d'arrêt et son regard se pose sur moi.
— Williams, dans mon bureau !
Je hoche la tête et laisse mes affaires sur le banc. Kita me tapote l'épaule et je sors des vestiaires. Le coach Adams en tête, je me mords la lèvre inférieure nerveusement tandis qu'on se dirige silencieusement jusqu'à son bureau. Une fois arrivé, il m'invite à entrer et je m'exécute. Je retire ma casquette et m'avance dans la pièce tandis qu'il referme la porte derrière lui.
— Comment tu vas Kôme ? me demande-t-il tout en s'installant derrière son bureau en bois massif, recouvert de tout un tas de papiers, dossiers, cadres photos et autres conneries.
— Bien. Je peux enfin reprendre le basket alors tout va bien.
Il acquiesce d'un mouvement de tête, puis s'affale un peu plus dans son vieux fauteuil en cuir noir. Ses grands yeux sombre rivés aux miens, il se frotte le menton, signe de sa nervosité.
— Je suppose que tu t'en doutes déjà, commence-t-il, mais je t'ai retiré du poste de capitaine.
— Je sais, Kita m'en a parlé.
— Je ne vais pas te mentir Kôme, ça m'a fait chier. T'es un très bon joueur, t'es même l'un des meilleurs de cette équipe et s'il n'y avait pas eu toute cette histoire, tu serais...
— Je ne vous en veux pas coach, je me permets de le couper. Je comprends chacune de vos décisions concernant ce qu'il s'est passé et honnêtement, je me fous de devoir retaper mon année. Tout ce que je veux c'est jouer au basket alors je vous suis reconnaissant de ne pas m'avoir viré de l'équipe.
— T'es un bon gars, j'avais confiance en toi donc il était hors de question que je te vire. En toute franchise, j'aurais aimé que cette affaire soit gérée différemment, mais le doyen et le conseil de discipline en ont décidés autrement.
— Je sais. Le vieux voulait absolument faire de moi son exemple.
— Kôme, bordel, ton langage !
J'étouffe un rire, rassuré de voir que notre bonne entente n'a pas changé. Du haut de ses cinquante piges, le coach Adams est quelqu'un sur qui on peut compter et même s'il arrive qu'il soit dur et sévère avec nous, il apprécie sincèrement chacun de ses joueurs. Je crois que j'aurais aimé que mon père soit comme lui. Qu'il ait suffisamment confiance en moi pour ne jamais douter de ma sincérité ni de mon innocence quant à cette histoire.
— Au fait, il s'est passé quoi entre Taylor et toi ? Quand je lui ai demandé son avis sur cette histoire, il a dit que tu l'avais bien cherché.
Je me retiens de rire. Entre nous, j'aimerais pouvoir lui dire que si ce connard et moi on s'entend aussi mal, c'est simplement parce qu'il est tellement bouffé par la jalousie qu'il a développé une sale obsession pour moi. Mais je pense que le mieux, c'est de garder ça pour moi.
— De souvenir vous étiez de bons amis, non ? ajoute le coach, véritablement intrigué par cette affaire.
— Ouais, en première année c'était le cas.
— Qu'est-ce qu'il s'est passé ? Ne me dit pas que c'est à cause d'une fille ?
J'esquisse un sourire.
— Franchement... soupire-t-il, dépité. Pas d'embrouille pendant les entraînements.
— Pas de problème.
— Bon, va te changer et rejoins les autres.
J'opine du chef, enfonce ma casquette sur la tête, visière à l'envers cette fois et avance jusqu'à la porte. Je l'ouvre et alors que je m'apprête à sortir, le coach m'interpelle. Je me retourne et un petit sourire au coin des lèvres, il lâche :
— J'espère que tu t'es entraîné pendant ces cinq mois parce qu'on a un match contre Berkeley dans deux semaines.
Je souris en guise de réponse et quitte la pièce, soulagé de savoir que je serai présent sur le terrain et non le cul vissé sur un banc. Une fois changé, je fonce retrouver les autres et en passant les portes battantes qui mènent au terrain, je sens mon corps s'enflammer à l'idée de remettre les pieds ici.
C'est dingue, c'est juste un gymnase universitaire et pourtant, c'est l'endroit où je me sens le plus chez moi.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro