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On fait la paix ?

KARA

Perdue dans mes pensées, je marche tout en fixant mes pieds. Malgré les ondes solaires de Dakota, je n'ai pas réussi à retrouver la pêche. Mon accrochage de ce matin avec Taylor me pèse énormément. J'ai voulu lui envoyer un texto plusieurs fois au cours de la journée, mais je me suis dégonflée à chaque fois. Je ne savais pas comment m'excuser pour ma réaction de ce matin du coup, j'ai fini par éteindre mon téléphone. De toute façon, je suis certaine que Taylor lui a déjà zappé alors que moi, ça m'a saoulé toute la journée.

Je gonfle mes joues et souffle quand soudain, deux bras se referment autour de moi pour me tirer en arrière. Je perds l'équilibre et mon dos heurte un torse dure. Je relève la tête et plonge dans les magnifiques yeux océan de mon meilleur ami.

— Je t'ai trouvé, murmure Taylor.

Ses lèvres embrassent tendrement mon front et je plisse les yeux.

— J'ai essayé de t'appeler, avoue-t-il en me serrant toujours contre lui.

— Mon téléphone est éteint. Plus de batterie.

— Menteuse. T'es toujours fâchée ?

Je hausse brièvement les épaules et Taylor me relâche.

— Dans ce cas, je vais devoir utiliser mon joker.

Intriguée, je fais volte-face.

— De quoi tu parles ? je lâche en fronçant les sourcils.

Un petit sourire en coin vient étirer ses lèvres et il sort de sa poche arrière de jeans, une petite brique de lait à la fraise qu'il vient agiter devant mon nez.

— On fait la paix ?

Je me pince les lèvres pour m'empêcher de sourire tant je suis heureuse de voir que lui aussi était saoulé de cette dispute et lui arrache la brique de lait des mains.

— Je prends ça pour un oui, dit-il sans se départir de son foutu sourire.

Je fais mine de l'ignorer et plante la paille dans ma brique pour boire son contenu.

— Tu as encore cours ? demande mon meilleur ami tout en se frottant l'arrière du crâne.

— Non.

— On rentre ensemble ?

J'opine du chef et nous traversons le parc, direction la sortie. Son bras enroulé autour de mes épaules pour me garder près de lui, nous marchons comme ça jusqu'à l'appartement et j'ai beaucoup de mal à calmer mon imbécile de coeur qui bat franchement n'importe comment.

Une fois chez nous, je dépose mes affaires dans ma chambre et me change. J'enfile une tenue plus décontractée et retourne me poser dans le salon. Je m'affale sur le canapé et allume ma Switch pour reprendre une partie en cours. Taylor disparaît dans sa chambre un moment et quand il revient, il se laisse tomber lourdement sur le canapé.

— On se commande une pizza ce soir ?

— Tu passes la soirée ici ? je demande étonnée qu'il ne sorte pas.

— Ouais, j'ai envie d'une soirée tranquille. Je suis crevé.

— D'accord. J'aime bien quand on passe la soirée tous les deux, j'avoue timidement. Ça n'arrive plus très souvent ces derniers temps.

— Désolé. Tu m'en veux ?

— Un peu, je murmure sans quitter mon écran des yeux.

— En fait, c'est pour ça que t'étais de mauvaise humeur ce matin ? Parce qu'on se voit moins ?

Je hausse les épaules. Ma réponse favorite quand il s'agit d'éluder certaines de ses questions.

— Cupcake ? insiste Taylor.

Je mets mon jeu sur pause et tourne la tête vers lui. Et je remarque seulement maintenant qu'il ne porte que son short de basket. Je déteste quand il se balade à moitié à poil comme ça. En fait non, j'adore, c'est juste que j'ai du mal à ne pas le dévorer des yeux. Lui, son torse parfait et ses incroyables tablettes de chocolat.

— Alors ? s'impatiente mon meilleur ami.

— Alors, quoi ?

— C'est parce que je passe moins de temps avec toi que tu faisais la gueule ce matin ?

— Oui et... non.

Il hausse un sourcil, attendant que je développe. Mais comment lui dire ? Quel mensonge lui sortir ? Nerveuse, je joue avec le cordon de mon sweat à capuche noir, floqué d'un énorme logo blanc Batman.

— C'est juste que...

... que je crève d'amour pour un mec qui s'en bat les couilles.

— Tu sors avec un mec ?!

— Je sors avec un mec... ? je répète lentement, comme si mon cerveau avait besoin de temps pour assimiler le sens de cette phrase.

— Tu viens de dire que tu crevais d'amour pour un mec qui s'en bat les couilles. Ça veut bien dire que t'as un mec, non ?

— Hein ?! je m'étrangle à moitié.

Cette fois, c'est la douche froide. Mon coeur s'emballe, la panique me gagne. Est-ce que je suis débile au point d'avoir lâché une bombe pareille à haute voix ? Sérieusement ?

Quelle abrutie. Pitié, achevez-moi.

— C'est qui ? Un mec de la fac ? enchaîne mon coloc, visiblement curieux.

— Per... personne ! je bégaie. Je ne sors avec personne !

— Pourtant, tu viens de...

— Tu as mal entendu ! j'insiste en me levant d'un bond du canapé.

Le coeur au bord de l'explosion, je traverse le salon comme une flèche direction ma chambre.

— Cupcake ! Où tu vas ? s'écrie Taylor, complètement largué.

— Je... mon portable... t'as dit que tu voulais commander des pizzas, non ?! je bégaie à nouveau avant de disparaître dans ma chambre.

Plantée au milieu de la pièce, je me prends la tête entre les mains et répète inlassablement combien je suis une idiote.  Je suis tellement amoureuse de mon meilleur ami que mon cerveau se ramolli.

— Kara !

La voix légèrement rauque de Taylor me pétrifie sur place. L'objet de tous mes fantasmes se trouve derrière moi, cette fois c'est fichu.

J'inspire profondément pour me calmer et ouvre la bouche pour lui sortir un nouveau mensonge, mais je n'en ai pas le temps. Taylor agrippe mon bras et me fait pivoter de force. Mon regard accroche aussitôt le sien et une fois de plus, je perds tous mes moyens. Je pensais qu'avec le temps je m'habituerais à la profondeur de son regard aussi bleu que l'océan, mais ce n'est pas le cas. Il suffit que je m'y perde ne serait-ce qu'une fraction de seconde pour oublier tout ce qui se trouve autour de moi. Et comme si ce n'était pas suffisant de m'hypnotiser à coup de regard désarmant, il saisit mon menton et approche son visage du mien.

Je retiens mon souffle. Sa bouche est si près qu'il me suffirait de me pencher légèrement pour pouvoir l'embrasser. Parfois je me demande comment Taylor réagirait si je cédais à la tentation. Mais j'ai bien trop la trouille pour faire un truc pareil, peut-être qu'avec une bonne dose d'alcool je pourrais chasser la peur et l'embrasser, mais je suis le genre de fille qui déteste boire. J'ai bien essayé évidemment, mais disons que je trouve la bière et les autres alcools vraiment dégueulasses. Alors pour la dose de courage... on repassera.

— Tu veux bien arrêter de fuir et me dire une bonne fois pour toute ce qu'il y a ? m'ordonne Taylor tout en maintenant mon visage près du sien.

— Si je te le dis, tu me lâches le menton ?

Mon meilleur ami hoche la tête. Je soupire et baisse légèrement les yeux pour fuir ses foutues billes bleues.

— Je veux que tu arrêtes de ramener des filles ici, j'avoue timidement.

— C'est tout ?

Je relève les yeux et constate avec étonnement qu'il m'écoute sérieusement. Alors prise d'une soudaine assurance, je lui déballe ce que j'ai sur le coeur, du moins en partie :

— Non, je veux qu'on passe plus de temps ensemble, comme avant. J'en ai marre de te partager avec tout le campus.

— OK.

— Et aussi, je ne supporte plus d'être réveillée la nuit par toutes les filles que tu mets dans ton putain de lit alors, arrête de toutes les ramener ici !

Mon caprice terminé, Taylor esquisse un sourire et lâche mon menton délicatement.

— T'es vraiment une emmerdeuse, Kara.

— Attends, c'est toi qui...

— Me priver de sexe dans mon propre appart, me coupe mon coloc, t'es gonflée ! Mais bon... t'es ma petite sœur adorée donc je peux bien faire un effort.

Et cet idiot vient de me planter une dague en plein cœur. Impossible qu'il me voit autrement que comme sa foutue petite sœur. Je pourrais me balader le cul à l'air dans l'appart, qu'il me dirait simplement d'aller mettre un pantalon.

— Bon, maintenant qu'on a mis les choses au clair, commence Taylor en me soulevant pour me balancer sur son épaule comme un vulgaire sac à patates, tu vas choisir un film pendant que je commande les pizzas.

Je râle et lui demande de me poser, mais il refuse et sort de ma chambre. Une fois dans le salon, il me fait tomber lourdement sur le canapé, puis il récupère son portable posé sur la table basse et s'installe à côté de moi. Alors que Taylor se charge de commander nos pizzas, en s'assurant bien sûr de commander celle que je préfère, je fais défiler les films sur Netflix afin d'en choisir un qui nous plaira à tous les deux.

Ma pizza entamée de moitié et mise de côté, je me suis blotti contre mon basketteur préféré pour regarder le film. De toutes les soirées que je peux passer ici, ce sont celles avec Taylor que je préfère. Je chéris chaque petite seconde passée ensemble. Et cette soirée qui aurait pu mal se terminer n'est finalement pas si mal puisque le mec que j'aime comme une cinglée me tient fermement contre son corps brûlant et musclé.