CHAPITRE 1
1
Cookie Dough
KARA
Assise sur le plan de travail de la cuisine, je savoure ma glace tout en poussant des petits gémissements de satisfaction. De tous les parfums que propose Ben & Jerry's, cookie dough est de loin celle que je préfère. Pourtant, habituellement, c'est la fraise que j'aime le plus. J'aime ce fruit sous toutes ses formes, mais mon péché mignon, c'est quand même les petites briquettes de lait aromatisé à la fraise qu'on peut trouver dans les distributeurs de la fac. Je pourrais en boire à longueur de journée.
Ma cuillère en bouche, je ferme les yeux et laisse la glace fondre sur ma langue. Sérieusement, je ne sais pas qui a eu l'idée d'inventer un parfum pareil, mais je pourrais l'épouser. Enfin, non, peut-être pas. Après tout, mon imbécile de cœur aime déjà...
— Elle est si bonne que ça ta glace ? Je t'entends gémir depuis le salon.
J'ouvre les yeux, surprise et mon regard accroche aussitôt celui de mon meilleur ami. Appuyé contre le chambranle de la porte de la cuisine, bras croisés, il me fixe de son magnifique regard bleu-vert tout en souriant malicieusement. Et comme chaque fois que je me retrouve dans la même pièce que lui, mon abruti de cœur s'emballe. Il bat un peu trop fort, un peu trop vite. Ça me file limite le tournis.
Pour être honnête, mon corps est tellement faible face à lui que c'en est désespérant. Pourtant, Taylor et moi, on se connaît depuis pas mal d'années maintenant. Je me souviens du jour où sa famille a emménagé dans la maison voisine de la mienne à Phoenix. En croisant son regard, je me suis dit qu'il valait mieux ne pas lui adresser la parole. Avec ses cheveux blonds rasés, son regard noir et son air renfrogné, il n'inspirait franchement pas la sympathie. Je me souviens avoir pensé qu'on resterait surement des inconnus l'un pour l'autre, mais je me suis planté.
Aujourd'hui on est inséparables. Comment c'est arrivé alors qu'il me faisait flipper ? Taylor est venu à mon secours un jour. Des mecs de notre collège me faisaient chier et il leur a cassé la gueule à tous les trois sans même sourciller et après ça, il a continué à veiller sur moi. Étant plus vieux de trois ans, il se comportait avec moi comme un genre de grand frère.
Petit à petit, on est devenu inséparables. Duo improbable. Moi, la geek accro aux jeux vidéo et lui, la racaille du lycée. Le hic, c'est que je suis tombée amoureuse de lui dès l'instant où ses lèvres se sont écrasées sur les miennes. C'était juste un jeu, c'était juste pour rire pas de quoi y penser jour et nuit. Taylor m'a embrassé comme il aurait embrassé n'importe quelle fille de cette foutue soirée à la con. Le problème, c'est qu'il m'a choisis moi et depuis ce soir-là, mes sentiments pour lui ont changés. J'ai commencé à tomber amoureuse de lui, trop vite, bien trop vite. Et aujourd'hui, mon amour pour mon meilleur ami est si fort que parfois j'en pleure la nuit.
Être amoureuse de son meilleur pote, ça craint. Encore plus lorsqu'on vit en coloc avec lui et que chaque soir l'objet de tous nos désirs rentre avec une fille différente au bras. Dans ces moments-là, mon cœur me fait un mal de chien, c'est comme si on le roulait dans du verre pilé. C'est insupportable, mais j'encaisse. Encore et encore parce que je ne veux pas le perdre. Taylor m'aime, je le sais, mais pas comme je l'aime alors, pour éviter de perdre tout ce qu'on a tous les deux : notre lien, cet amour-amitié un peu bizarre, ce côté fraternel, je garde mes sentiments pour moi et je fais comme si tout ça ne me tuait pas.
— Hey... tu partages avec moi ?
La voix rauque et sexy de Taylor me sort de mes pensées. Je retire rapidement la cuillère de ma bouche et hoche la tête pour confirmer. Alors sans se départir de son foutu sourire, il avance vers moi et se cale pile entre mes cuisses. Son regard d'un bleu rehaussé d'une pointe de vert m'hypnotise. J'aime la couleur de ses yeux, on dirait qu'il y a l'océan dans son regard.
Je retiens mon souffle et il me pique la cuillère. Il esquisse un sourire et la plonge dans le pot de glace avant de la fourrer dans sa bouche. Et comme pour se moquer de moi, il pousse un gémissement exagéré.
Agrippée au bord du plan de travail, je me mords la lèvre inférieure d'envie. Je me demande quel goût peut avoir la glace sur ses lèvres. Je suis presque sûre que le parfum que j'aime tant serait encore plus dingue si je léchais sa langue. Et à cette simple pensée, mon cerveau part en vrille. Dans ma tête, c'est du délire complet. Un porno crème glacé est en train de s'y jouer. Du grand n'importe quoi.
— T'as raison, elle est bonne cette glace, dit-il en tapotant le dos glacé de la cuillère sur mon nez.
Je grogne et essuie mon visage avec le revers de ma main.
— Évidemment qu'elle est bonne, je rétorque en lui arrachant la cuillère des mains, c'est la meilleure glace du monde.
Il éclate de rire et pose ses mains sur mes cuisses. Une légère décharge remonte le long de ma colonne vertébrale au contact de ses doigts sur ma peau. Mon cœur tambourine dans ma poitrine, mon corps tout entier est sur le point de s'enflammer. Mes lèvres brûlent d'envie de lui demander de glisser ses doigts sous mon short en coton rose, mais au lieu de ça, je me fous une claque mentale et lâche :
— Au fait, tu ne devais pas sortir ce soir ?
— Si, il y a une soirée chez Kappa Tau. Tu veux venir?
Je me pince les lèvres et réfléchis sérieusement à sa proposition. Pour le plus grand désespoir de mon meilleur ami, je suis ce qu'on appelle une geek. J'aime les jeux vidéo, jouer en réseau, les animes et les mangas alors autant dire que les soirées étudiantes, c'est à mille lieues de ce que j'aime vraiment. Mais si ce soir je fais l'effort d'accompagner Taylor, alors je peux sûrement passer la soirée collée à lui et avec un peu de chance, aucune pouffe ne finira dans son lit cette nuit.
— Je suis con, soupire mon coloc, laisse tomber, t'as sûrement déjà rencard avec un de tes potes de jeu en réseau.
J'ouvre la bouche, prête à le contredire, mais il ne m'en laisse pas le temps. Il se penche sur moi et me dépose un tendre bisou sur la joue.
— Je rentrerai tard, ne m'attends pas, déclare-t-il en s'éloignant de moi. Bonne soirée, cupcake !
Je hoche la tête et agite une main pour le saluer. Taylor quitte la pièce et quelques secondes plus tard, j'entends la porte d'entrée claquer. Je soupire, blasée de ne pas lui avoir dit que j'étais d'accord pour l'accompagner ce soir et saute du plan de travail pour ranger mon pot de glace. Je balance ensuite la cuillère dans l'évier et sors de la cuisine à mon tour. Alors que je traverse le salon pour atteindre ma chambre, je récupère au passage le mini ballon de basket qui traîne sur un meuble et le lance en direction du panier de basket qui est accroché sur la porte d'entrée. Le ballon touche l'arceau et tombe du mauvais côté du panier avant de rebondir sur le parquet. Je lève les yeux au ciel, j'ai beau être la fille d'un entraîneur de basket, on ne peut pas dire que je brille par mes lancés. Et si cet idiot de Taylor avait été là, il m'aurait charrié toute la soirée. Il faut dire que lui, ne rate jamais un panier. Taylor est un super joueur de basket et je parie que cet été, une fois diplômé, il se fera recruter par une grosse équipe.
Rien que d'y penser ça me rend malade. Je n'ai pas envie d'être à nouveau séparé de lui. Après tout, si je suis venue étudier ici, à Pasadena pour ma première année de fac, c'était pour être auprès de lui.
Quand j'ai découvert que son université possédait l'une des meilleures écoles de conception jeux vidéo et animations 3D, je n'ai pas hésité un seul instant, j'ai tout de suite envoyé ma demande et par chance, j'ai été accepté.
Et parce que ce jour-là, les planètes devaient toutes être alignées pour moi, quand la mère de Taylor a appris que j'allais dans la même université que son fils, elle a insisté pour que j'emménage chez lui, pour je la cite : garder un œil dessus. Squatter une chambre étudiante ou vivre avec le mec dont je suis raide dingue ? Sérieusement, je n'ai pas eu à réfléchir bien longtemps. Et je dois avouer que j'adore vivre ici. J'adore vraiment cet appartement. Il est proche du campus et suffisamment grand pour deux. Le seul problème dans notre maison du bonheur, c'est que la chambre de Taylor est située sur une mezzanine qui surplombe le salon. Alors chaque fois qu'il ramène une fille, tous les bruits gênants qui émane de là-haut se répercutent dans tout l'appart, y compris dans ma chambre.
Et une vague de tristesse déferle sur moi à l'idée qu'il rentre avec une fille ce soir. Peut-être que si je n'avais pas aussi peur de tout faire foirer entre nous, je lui avouerais tout. Mais même si je le faisais, même si je lui disais que je l'aime, Taylor ne me regarde pas de cette façon. Quand il me prend dans ses bras, quand il m'embrasse tendrement la joue, l'épaule ou même le front, qu'il me dit qu'il tient à moi, c'est toujours sans arrière-pensée. Rien à faire, à ses yeux je suis comme sa petite sœur, sa meilleure amie, la fille qu'il surnomme affectueusement « Cupcake ».
J'ai bien essayé de le rendre jaloux. Mais là encore rien à faire. Chaque fois que je sors avec un mec pour tenter de le faire réagir, il joue les grands-frères, rien de plus. Mon meilleur ami m'a collée dans la friendzone et je désespère de pouvoir en sortir un jour.
Je soupire à nouveau et entre dans ma chambre. Je récupère mon casque audio rose avec des oreilles de chats qui traîne sur mon bureau et me laisse tomber à plat ventre sur mon lit. J'allume ma console et lance le jeu sur lequel je joue en ce moment pour rejoindre mes « potes geek » comme Taylor les appelle. J'ajuste mon casque et deux joueurs avec qui j'ai l'habitude de jouer, dont ma pote de fac Dakota, me saluent joyeusement. Je les salue en retour et me concentre sur la partie tout en discutant avec eux. S'il y a bien une chose capable de me remonter le moral, c'est bien tout ça.
Vers quatre heures du matin, j'éteins ma console et me glisse sous ma couette pour me coucher. Emmitouflée, je ferme les yeux et baille à plusieurs reprises, crevée d'avoir joué aussi tard. Alors que je suis sur le point de m'endormir, j'entends la porte d'entrée claquer suivis de rires étouffés. Dégoûtée qu'une fois de plus, Taylor soit rentré avec une fille, je me recroqueville sous ma couette comme si elle pouvait me protéger de tout.
Ma vue se brouille de larmes et mon cœur se serre. Ce soir encore, une fille va se glisser dans le lit du mec que j'aime.
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