Chapitre 2
Seungmin le savait déjà. Minho les avait prévenus que tout pouvait déraper. Mais il ne pensait pas que ça arriverait aussi vite.
Il était assis côté passager à l'avant, Jisung au volant, conduisant de manière professionnelle sans se déconcentrer. Derrière, Chan s'était retrouvé pris en sandwich entre Jeongin et Felix, qui se chamaillaient puérilement sur le sujet passionnant de leur égo respectif. Ils voulaient tous les deux Chan, c'était un fait, et le pauvre, qui n'avait rien demandé, cherchait à les calmer.
Alors, simplement pour fermer le clapet de Jeongin, Felix avait tourné la tête de l'Alpha dans sa direction et l'avait embrassé, tout simplement. Jeongin, hors de lui, l'avait arraché de force et avait embrassé Chan, à son tour. La situation avait dérapé bien trop rapidement, et ils s'étaient mis à se frotter à l'Alpha, le chauffant bien trop rapidement. La voiture empestait les phéromones, et Jisung leur avait hurlé que sa bagnole n'accueillait pas les partouzes.
Fort heureusement, il avait enfin trouvé la maison de Chan, et lui avait ordonné de sortir. Bien évidemment, Seungmin s'attendit à ce que ses deux meilleurs amis le suivent comme deux petits toutous, bavant presque du coin de la bouche. Il avait l'habitude, à force : dès qu'ils trouvaient un partenaire qu'ils voulaient tous les deux, ils finissaient généralement dans le même lit avec ledit partenaire.
À peine les portières furent claquées que l'Oméga somma à Jisung de redémarrer illico. Il était épuisé, ses chaleurs allaient arriver sous peu, un peu plus tôt que d'habitude en prime, et il voulait vraiment être seul. A l'inverse, son Oméga voulait passer ses chaleurs en bonne compagnie, de préférence avec l'Alpha juste à sa gauche qui lui servait de chauffeur.
Jisung ouvrit les fenêtres afin d'aérer son habitacle empestant les phéromones, et alluma la radio en fredonnant la chanson qui passait. Et finalement, il décida d'entamer leur première vraie conversation :
« J'y pense, toi aussi, t'es nouveau au cours de bachata de Lino ?
Le châtain se tourna vers lui, fronçant les sourcils, sans comprendre de qui il parlait. Il repassa en revue toutes les personnes qu'il avait vu au cours, mais seules des images de leurs jambes ne purent que lui venir en tête. Et puis, il se souviendrait de leur nom sans avoir vu leurs jambes... n'est-ce pas ?
— Lee Minho, le prof de bachata.
— Aaaaah, tu le connais ?
Jisung lui lança un regard furtif avant d'opiner :
— C'est un de mes potes. Ça fait longtemps qu'il voulait m'inviter à faire de la bachata, surtout que son cours est pour les novices. J'ai accepté ce soir uniquement parce que je n'étais pas pris. C'était la première fois.
— Et t'as trouvé le cours comment ?
L'Alpha haussa les épaules en s'arrêtant au feu rouge, tripotant le GPS pour marquer l'adresse de Seungmin.
— C'était cool. Même si je dois avouer que j'ai pas vraiment aimé la façon dont la plupart des gens m'ont fixé juste parce que je porte une jupe. Et toi alors ?
Il reprit la route, concentré sur sa conduite, et Seungmin devait avouer qu'il avait un certain charme lorsqu'il le voyait aussi concentré. Il ne pouvait décemment pas dire à Jisung qu'il était allé à ce cours juste pour baiser quelqu'un, ce serait de l'irrespect, d'autant qu'il était ami avec le professeur de danse.
Sa tête recommença à lui tourner légèrement, alors il inspira profondément l'air frais de la nuit, histoire de retarder encore un peu ses chaleurs.
— J'ai trouvé le cours bien, finit-il par dire. Franchement, c'était pas mal. En plus, j'ai jamais dansé, mais Minho est un bon prof, il sait bien comment expliquer les choses.
— Ça, tu l'as dit ! »
L'odeur de Felix et de Chan était enfin partie, il ne restait que celle du beau brun, qui embaumait incroyablement bien la voiture. Seungmin referma sa vitre, priant presque pour que Jisung en fasse de même avec les autres vitres pour garder l'odeur de fleur d'oranger imprimée en lui encore longtemps.
Il sentait qu'il avait chaud. Il sentait qu'il respirait plus fort qu'avant. Et pour être honnête, l'odeur de fleur d'oranger n'était pas assez forte pour lui. Il aurait voulu coller son nez à la nuque de Jisung pour le humer directement, mais il avait quand même une conscience : un geste déplacé et ils pouvaient finir encastrés dans un mur.
Jisung sembla s'alerter soudain, ses doigts se crispant sur le volant. Il fronça le nez et déclara soudain :
« Seungmin, dans la boîte à gants, il y a un pince-nez et des suppresseurs pour Alpha. T'as de l'eau juste derrière aussi. File-les-moi avant que ça dérape sérieusement.
L'Oméga sursauta, fixa Jisung un instant, mais finit par se reprendre et s'exécuta docilement. Il lui donna le pince-nez qu'il mit directement pour boucher ses cavités nasales, et lors d'un énième feu rouge, il prit un inhibiteur qu'il goba rapidement avec de l'eau.
Seungmin fouilla dans son propre sac pour en sortir ses propres inhibiteurs, et en avala un comprimé également. Il s'en doutait un peu, mais l'effet était beaucoup moins fort.
Il se pencha pour prendre la veste appartenant à l'Alpha, et, s'en pouvoir s'en empêcher, la porta à son nez et inspira profondément. Cette fois, il ne pouvait vraiment plus se contrôler.
Ses phéromones se lâchèrent, se mêlant aux phéromones déjà présentes de Jisung, et heureusement que les vitres étaient encore ouvertes, sans quoi, il aurait perdu les pédales depuis bien trop longtemps. Jisung consulta le GPS une dernière fois, certainement pour juger ce qu'il fallait faire en cet instant, alors qu'il transportait un Oméga en presque chaleur dans sa voiture.
Seungmin fut alors surpris de le voir éteindre brusquement le petit appareil et de braquer vers la gauche, roulant alors à une vitesse bien trop élevée pour la ville. Le véhicule s'arrêta brutalement, et Jisung se gara bien rapidement, avant de sortir en claquant la portière et d'ouvrir au châtain, l'aidant à se déplacer.
Et ce dernier ne trouva rien à redire, puisque de toute façon, il savait que c'était trop tard. Un Alpha le traînait presque, et son Oméga était bien trop heureux d'avoir une présence agréable pour pouvoir ouvrir ses cuisses en sécurité. Seungmin se colla de plus en plus à son sauveur, et inspira profondément son odeur corporelle. La fleur d'oranger envahissait tant ses narines qu'il sentit déjà un liquide couler de son intimité.
— Pitié, Seungmin, garde le contrôle encore un peu et je te promets de passer une merveilleuse nuit en ta compagnie si c'est ce que tu veux, marmonna Jisung avec son nez toujours bouché. Ou peut-être pas, finalement, t'es déjà bien excité.
— Jisung, j'ai chaud...
— Je sais, je sais, on est bientôt arrivé, promis.
Le brun croisa le regard désapprobateur d'un de ses voisins certainement, et ne lui lança qu'un bref hochement de tête, alors qu'il peinait à ouvrir la porte de son appartement. Faut croire que Seungmin faisait quand même son poids.
La serrure concéda enfin à s'ouvrir, et Jisung traîna l'Oméga dans le noir en refermant la porte du pied, leur fit ôter leurs chaussures avec difficulté, et le tira jusqu'à sa chambre en le déposant lourdement sur son lit. L'Alpha s'apprêtait à reculer pour se changer, mais Seungmin en décida autrement et l'attrapa contre lui en passant ses jambes dans son dos, commençant à se frotter de manière lascive.
— Jisung, je te veux, s'il te plait.
Ce dernier prit sur lui pour ne pas céder à ses caprices, et se redressa brusquement, relâchant des phéromones légèrement aigres pour faire obéir Seungmin. Il n'aimait pas faire ça, mais là, il n'avait pas le choix.
— Seungmin, déshabille-toi et va sous la couette. Je te prête mon lit pour toute la durée de tes chaleurs, parce que je sais que tu ne pourras pas rentrer chez toi. Et tu peux faire absolument tout ce que tu veux, tant que tu restes ici.
— Me laisse pas seul, je t'en supplie !
— Je ne veux pas prendre de risque, Seungmin. On ne se connait qu'à peine depuis quelques heures, et je ne veux pas que tu prennes de décisions sans avoir l'esprit totalement clair. Vraiment désolé. »
Le problème n'était pas l'Alpha de Jisung, lui était sous inhibiteur, et semblait pour le moment assez bien résister aux appels de l'Oméga. Le problème venait de Jisung lui-même, qui, il devait se l'avouer, trouvait Seungmin beaucoup trop craquant, et serait prêt à le prendre si c'était ce qu'il voulait... Mais il le respectait bien trop, alors il ne pouvait pas se le permettre.
Alors, conformément à ses principes, l'Alpha parvint avec grand peine à le clouer au lit, fit quelques allers-retours pour déposer dans un coin de la chambre trois bouteilles d'eau et ses rations de survie comme il l'aimait l'appeler ainsi lorsqu'il avait ses ruts, abandonna son pyjama à contre-cœur en voyant que Seungmin sniffait déjà ses draps, et referma la porte à clé qu'il rangea soigneusement dans une commode elle-même avec un verrou, dans le cas où il aurait l'idée saugrenue de changer d'avis dans les heures à venir.
Et, son nouveau pyjama en main, il s'enferma dans la salle de bain, ôta le pince-nez, et passa enfin sous l'eau en soupirant de bonheur.
C'était le bazar. Jisung avait accueilli chez lui un Oméga inconnu qui passait ses chaleurs dans son lit, alors que le week-end venait tout juste de commencer. Ses parents reviendraient certainement le lundi suivant, encore heureux que le week-end soit prolongé d'ailleurs. Mais il n'avait clairement pas envie que Seungmin croise ses parents.
Maintenant que son nez était débouché, les phéromones à l'odeur chocolaté enivraient toute sa maison. Dire que ça ne lui faisait aucun effet serait mentir. A présent qu'il était un peu tranquille, son cerveau ne pouvait s'arrêter d'imaginer tout ce que le jeune Oméga faisait dans la chambre. Il avait dû très certainement tomber sur les jouets sexuels rangés dans un bac en haut de son placard, et devait s'amuser avec.
Jisung finit rapidement sa douche à contrecœur, et envoya directement un message à ses parents. Ils ne devaient surtout pas se pointer à l'improviste durant les prochains jours, c'était inconcevable. Il ne sut comment il réussit à rester complètement lucide. Son cerveau le chauffait avec beaucoup trop d'images suggestives du châtain, et son Alpha, qui sortait doucement de sa léthargie, commençait à grogner de plus en plus, sommant Jisung d'aller rejoindre immédiatement l'Oméga.
Il enfonça des bouchons d'oreille afin de ne pas entendre davantage les gémissements plaintifs de Seungmin, et s'enferma dans la seconde chambre, se laissant glisser contre la porte en un soupir. Faisant fi des jouets qui traînaient partout par terre, il rampa jusqu'au lit simple, mais n'ayant pas la force d'y grimper, il resta assis sur le tapis.
Bien sûr qu'il ne put s'en empêcher, une érection venait de montrer le bout de son nez. Jisung aurait bien voulu se toucher, mais il avait quand même une morale et refusait de le faire dans la pièce où il se trouvait, et il n'avait plus l'énergie de revenir dans la salle de bain.
Alors il ferma les yeux afin de vider son esprit, et il finit par s'endormir profondément.
***
Jisung savait que ce n'était pas bien, mais pour le bien de Seungmin, il avait pris des suppresseurs tous les matins pendant tout le week-end prolongé. En même temps, son odeur de fleur d'oranger avait été rapidement remplacé par celle chocolatée de Seungmin. Une porte fermée à clé n'empêchait malheureusement pas les phéromones de passer, et son Alpha ne cessait de s'agiter en lui à chaque fois qu'il passait devant sa chambre.
Lundi était arrivé trop vite, et l'Alpha eut l'instinct que les chaleurs de l'Oméga avaient pris fin.
Dans l'optique de lui préparer un petit-déjeuner digne de ce nom, et surtout parce qu'il avait faim, Jisung se lava et se changea rapidement. Le problème, c'était que tous ses joggings se trouvaient dans sa chambre, pour le moment impossible d'accès. Ce n'était pas parce que Seungmin avait terminé ses chaleurs que les phéromones n'y baignaient plus.
Alors il saisit une jupe lavande évasée, histoire de ne pas traîner les fesses à l'air, et s'en alla dans le salon. Il se permit de déverrouiller la porte de sa chambre, au cas où Seungmin voulait enfin sortir pour se rafraîchir, puis s'activa dans la cuisine pour préparer une omelette digne de ce nom.
Tout se passait bien. Il régnait dans la pièce un sentiment de bonheur, peut-être le soleil y était pour quelque chose.
Alors qu'il se trémoussait en fredonnant, tournant et retournant son omelette, son téléphone vibra sur la paillasse. Il se pencha pour voir la notification, et n'eut à peine le temps de lire le message que son cœur rata un battement. Il lâcha sa spatule et coupa immédiatement le feu, puis fonça vers la porte d'entrée dans l'espoir de l'empêcher de s'ouvrir par tous les moyens...
Et à son plus grand malheur, elle s'ouvrit malgré tout. Deux individus d'un âge bien avancé se tenaient là, la femme avec une clé à la main, sourire aux lèvres, tandis qu'une petite fille fonçait sur lui en hurlant :
« Papa !!
Jisung ne put ne pas enlacer sa fille, mais il releva la tête et fusilla soudain du regard les deux nouveaux venus en sifflant :
— Je vous avais dit de ne pas venir à l'improviste et d'attendre mon appel !!
Les deux adultes allaient rétorquer, mais ils avaient bloqué net en voyant que le jeune homme portait non pas un pantalon, mais une jupe.
Au même instant, sa chambre s'ouvrit, faisant tourner la tête de toutes les personnes présentes, et le brun devint blême en voyant Seungmin sortir, la mine encore endormie, mais surtout nu, avec pour seul vêtement le drap qui enveloppait son corps et qu'il traînait à bout de bras.
— Pourquoi tu cries de si bon matin... » Marmonna-t-il alors qu'un silence régnait dans la pièce.
Puis le châtain ouvrit nettement les yeux et se figea en remarquant que Jisung n'était pas tout seul, bien au contraire. Et comme si ce n'était pas suffisant, les phéromones enfermées dans la chambre depuis trois jours s'échappèrent vers l'unique sortie, et se répandirent dans tout l'appartement.
En l'espace de dix secondes, ses parents avaient débarqué chez lui pour lui ramener sa fille, Han Soyun, l'avaient vu en jupe alors qu'il s'était bien gardé de leur montrer son plaisir personnel depuis des années, et un Oméga fraîchement sorti de ses chaleurs déboulait dans son salon, à poil, et emportant avec lui des milliers de phéromones sexuelles. La journée avait si bien commencé, alors pourquoi ?
Une demi-heure plus tard, une fois Seungmin lavé et habillé, et les fenêtres ouvertes, ils s'étaient tous attablés dans le salon, exceptée Soyun qui était allée dans sa chambre parce qu'ils allaient avoir une discussion d'adulte lui disait-on.
Se raclant la gorge, ce fut Jisung qui coupa le silence malaisant en faisant maladroitement les présentations :
« Hum... Seungmin, je te présente mes parents... et euh... voici Kim Seungmin, mon... euh, mon...
— Un invité imprévu, compléta ce dernier en restant droit sur sa chaise, ne sachant où se mettre.
Madame Han le toisa de haut en bas en hochant vaguement la tête, tandis que Monsieur Han ne cacha aucunement son reniflement et ses sourcils froncés :
— Vous êtes un Oméga ?
— On n'a pas couché ensemble, si c'est ce que tu veux savoir ! S'écria soudain son fils.
— Pas du tout, je vous le promets, monsieur ! Renchérit le châtain, crispé au possible.
— Vous sortez de chaleurs, non ?
— Oui, enfin, c'est compliqué, mais je vous assure que nous n'avons rien fait.
Monsieur Han souffla du nez, et se tourna de nouveau vers Jisung avec un air sévère :
— J'espère pour toi que tu ne l'as pas engrossé encore une fois.
— Mais puisque je te dis qu'il ne s'est rien passé ! Et puis, c'est pas ton problème, ça !!
— Tu accueilles un Oméga en chaleur chez toi et tu me dis qu'il n'y a rien eu ? Surtout que Soyun a failli voir ça ! Je ne t'ai pas appris à mentir, et je sais très bien que les Alphas sont incapables de–
— Chéri, et si tu discutais avec Seungmin pour apprendre à le connaître ? Coupa Madame Han avec un sourire en posant autoritairement sa main sur l'épaule de son mari. Je vais m'occuper du repas avec Jisung, n'est-ce pas, mon cœur ? »
Son ton doucereux et trop calme ne disait rien qui vaille. Les trois hommes déglutirent en évitant son regard, et Jisung jugea bon qu'il fallût mieux obéir à ses ordres. Après un simple regard désolé à Seungmin, il partit dans la cuisine, sa mère sur ses pas.
Il connaissait très bien ses parents. Si son père, Alpha, était quelqu'un de sévère en apparence, notamment en public, en réalité, c'était sa mère qui servait de cheffe de famille au sein des Han, et elle était parfaite dans ce rôle. Autoritaire et leader née, fait très rare pour une Oméga, quiconque osait contester ses ordres ou lui faisait une crasse regretterait amèrement ses actes.
« Jisung.
Ce dernier sursauta lorsque sa mère l'appela. Il se tourna vers elle, tendu, ne pouvant que remuer distraitement l'omelette. Cette femme était effrayante, on ne savait jamais à quoi elle pouvait penser, et il pouvait s'attendre à tout et n'importe quoi.
Madame Han se chargea de faire sauter de la viande en bonne quantité, ignorant presque la présence de son fils. C'était encore pire lorsqu'elle agissait ainsi, Jisung ne pouvait que patienter anxieusement, et il était même certain qu'elle prenait un malin plaisir à le faire poireauter comme ça.
Et au lieu de lui faire des remontrances ou autre, elle lui demanda de rajouter des œufs dans l'omelette, parce qu'ils seraient cinq à table. Et c'était tout.
Le jeune homme, impatient, faillit faire la bourde de lui demander pourquoi elle l'avait isolé, mais un regard glacial dans sa direction le ravisa immédiatement. Il était trop jeune pour mourir, après tout.
— C'est Soyun qui t'a influencé dans tes choix vestimentaires ?
Le brun baissa rapidement le regard, sans comprendre, et se souvint qu'il portait présentement une belle jupe. Il devint rouge pivoine, et balbutia des phrases sans queue ni tête, cherchant une excuse sans succès.
— Tu peux me le dire, je ne vais pas te juger, tu sais.
— Nan... oui... je suppose...
— Alors ?
Il nota que le ton de sa mère s'était largement adouci. Gêné, il fixa l'œuf qu'il battait, tandis qu'il répondit doucement :
— J'ai toujours aimé ça... tu sais, porter des jupes, des robes... enfin, surtout les jupes...
— Je me disais bien que ça ne datait pas d'aujourd'hui.
— Tu le savais ?!
Comme pour le défier, Madame Han leva un sourcil en lui jetant un regard espiègle, et un micro sourire apparu aux coins de ses lèvres.
— Je suis ta mère, je te signale. Je te connais par cœur.
Jisung fronça le nez alors qu'il grommelait dans sa barbe. S'il savait, il ne l'aurait jamais caché à ses parents... Du moins, à sa mère. Son père, il le savait un peu trop macho pour accepter que son fils, Alpha de surcroît, porte un vêtement jugé féminin.
— Je suppose que tu vas le dire à Papa ?
— Il se pourrait. Je peux même lui faire changer d'avis sur la question du style vestimentaire, si tu le souhaites. »
Son fils haussa des épaules. De toute façon, il se prenait déjà bien assez de remarques lorsqu'il portait des jupes en public, ce n'était pas une personne de plus ou de moins qui allait changer quelque chose.
« On mange quoi ? Ça sent bon !
Madame Han se tourna vers la petite voix fluette, couvant affectueusement la petite fille du regard, et un sourire radieux illumina son visage tiré par les traits quelque peu sévères de l'âge :
— Ah, Soyun ! Nous avons un invité aujourd'hui. De la bonne viande, c'est parfait pour un repas de fête, non ? Va donc faire la table et parler un peu avec notre invité, tiens.
Quelle fête ?! Ahuri, Jisung cligna des yeux en fixant sa mère. Son cerveau tournait à plein régime, et il comprit que ce qu'il craignait le plus était en train de se produire : ils étaient en train de considérer Seungmin comme son partenaire durable !
Avec horreur, il se voyait déjà à la mairie, tous les deux vêtus de beaux costumes blancs et d'un sourire crispé, face à la famille Han et ce qu'il pouvait imaginer de la famille de Seungmin – il ne connaissait même pas son nom de famille ! – alors qu'ils échangeaient des vœux emplis de mensonge. Et Soyun, elle n'allait certainement pas accepter d'accueillir un nouveau membre dans la famille aussi facilement !
Okay, Jisung n'était plus tout jeune, mais il était encore loin de la quarantaine ! Il n'avait que vingt-quatre ans, et même avec un gosse sous le bras, il voulait encore profiter de sa vie. Hors de question de s'encombrer d'une relation longue durée ! Et Seungmin, il ne le connaissait qu'à peine depuis soixante-douze heures, et il ne lui avait même pas demandé son avis pour rencontrer ses parents, le pauvre.
Bon, en même temps, c'était la faute de ses parents : il leur avait bien spécifié d'attendre qu'il les appelle au lieu de se pointer comme une fleur, comme toujours ! Dans ce genre de cas, il regrettait sincèrement de leur avoir laissé un double de ses clés, quand bien même c'était pour le bien de Soyun.
Alors, pour bien noyer toutes ses pensées chaotiques, Jisung jugea bon de décapsuler une bouteille de bière et de boire cinq longues gorgées au goulot.
Et comme si ce n'était pas suffisant, sa fille se dit que c'était une excellente idée de remuer le couteau dans la plaie en demandant ingénument :
— Papa, le monsieur dans le salon, c'est ton amoureux ?
Il s'étouffa avec sa boisson, ne comptant bien évidemment pas sur sa mère pour le sortir de cette situation, et décida de répondre le plus normalement possible :
— Hum... pas vraiment...
— Ah... Alors c'est ton presqu'amoureux ? Il est beau ! On dirait un prince !
Jisung ne savait plus où se mettre. Sa propre fille l'embarrassait avec ses questions, et sa mère n'avait rien trouvé de mieux que de pouffer de rire en douce, le faisant grogner.
— Allez, Soyun, va discuter avec lui, insista Madame Han. Et fais bien la table, surtout.
— Oui Grand-Mère !
Le jeune homme soupira, presque certain d'être enfin sorti d'affaire. Mais ce ne fut pas sans compter sa mère qui lui déclara comme si c'était une évidence :
— Prends soin de ton Oméga, il a l'air d'être un gentil garçon. »
Sa bouche ouverte comme un poisson frit, il n'eut à peine le temps de se reprendre que sa mère s'en alla avec des bols de riz sortis d'on ne sait où, et le wok avec la viande. Jisung s'empressa de lui emboîter le pas, bien déterminé à régler le malentendu une bonne fois pour toute.
Et forcément, rien ne se passa comme il le voulait, puisqu'il découvrit son père et Seungmin rirent de bon cœur, comme s'ils se connaissaient depuis des années. Et sans lui laisser le temps à la parole, Madame Han invita tout le monde à s'attabler tandis qu'elle finissait le service.
Ils avaient repris les mêmes places que précédemment, à l'exception de Soyun, assise en bout de table, heureuse d'être considérée comme la petite princesse parmi ses valets selon ses dires. Elle était bien bavarde, surtout pour raconter toute la vie de son père à Seungmin, et Jisung ne se gênait pas pour la reprendre en grognant.
« Laisse-la, j'ai bien le droit d'en savoir un peu plus sur toi, roh !
Et en prime, il ne savait plus si l'Oméga était dans son camp ou pas du tout. Sa fille avait visiblement réussi à le rallier à sa cause, à son grand désespoir.
Tous deux commencèrent même à se chamailler, prétexte parfait pour Madame Han qui les coupa en déclarant d'un air attendri :
— Vous allez bien ensemble, je trouve. N'est-ce pas, chéri ?
Les deux concernés se tournèrent vers la mère de famille, les yeux grand ouverts. Monsieur Han renchérit en se raclant la gorge, bras croisés :
— Moui, Seungmin me semble correct et convenable pour toi, contrairement à tes anciens compa–
— Oui, oui, c'est bon ! J'ai compris ! Vous le validez !
Un silence pesant revint prendre place au milieu de la table, et Madame Han jugea que débarrasser la table et qu'apporter le dessert – il y avait un dessert ?! – était une excellente idée pour continuer la conversation sur un ton plus enjoué.
Bien évidemment, un magnifique cheesecake apparut dans le champ de vision de Jisung, et son regard se mit à briller. Et pourtant, il s'efforçait tant bien que mal de ne pas oublier le sale coup que ses parents lui avaient fait, et tous les dégâts qu'ils avaient causés.
— Papa, tu baves ! On dirait un chien !
Ce dernier sursauta brusquement et essuya sa bouche d'un revers de manche en grognant, avant de se raviser en sentant le regard noir de son père, qui lui hurlait distinctement : « Tes manières ou je te déshérite ! ».
Comme seule réplique pour défendre sa cause, la seule idée qu'il eut fut de sortir en pointant Seungmin du doigt :
— C'est lui, le chien ! Moi, je suis un joli petit chaton !
— Hein ? Répondit automatiquement ledit chien. Tu t'es vu, peut-être ? T'as foutu du riz partout et t'as dégueulassé la table, mais c'est moi, le chien ?
Monsieur Han s'étouffa dans son verre d'eau en entendant le langage bien riche de Seungmin, lui qui pensait le connaître suffisamment. Il faillit même intervenir mais sa femme le coupa dans son élan en lui donnant son assiette de cheesecake, avec un regard clair et net sur ses intentions de laisser le jeune couple gérer leurs affaires en couple.
— Demande à Soyun tiens, elle te le confirmera ! Continua Jisung en pointant sa fille sans aucune honte.
— Mon cul, oui ! Jura Seungmin, faisant s'étouffer son futur beau-père une nouvelle fois. T'as surtout une tête de hamster, tu bouffes toute ton assiette d'un coup pour tout stocker dans tes joues, c'est moche !
— Et arrête de dire des gros mots, y a une enfant avec nous, idiot !
— C'est quoi, moncul ? Demanda innocemment Soyun après avoir plongé sa cuillère dans sa bouche.
— La lettre Q, Soyun. La lettre Q.
Seungmin était relativement ingénieux d'avoir pensé aussi rapidement à une idée pour détourner la petite de ses propos peu raffinés. Elle s'illumina d'un coup, empêchant Jisung de finir sa dispute, et clama avec ferveur :
— Oh ! T'as une lettre de l'alphabet avec toi ? Trop bien ! Papa ! Je veux la lettre S avec moi !
— Je t'en achèterais une, promis... »
Enfin, sa mère s'était décidée à participer à la discussion. Jisung lui lança un regard reconnaissant, alors que Soyun exprima son contentement en s'exclamant et en engloutissant sa part de gâteau.
La fin du déjeuner arriva enfin, et il était déjà quinze heures que Monsieur Han annonça qu'il avait une entreprise à faire tourner – drôle d'idée de la faire tourner chez son fils, tiens. Jisung les pressa de partir, Seungmin s'étant dévoué pour faire la vaisselle, et il les raccompagna à la porte.
« Ma foi, ce fut enrichissant, annonça Madame Han, amusée. Merci pour le déjeuner, Jisung.
— Je vais rien dire, au risque de passer pour l'ingrat de l'histoire, grommela-t-il en levant les yeux au ciel.
Il râla de plus belle lorsque sa mère lui ébouriffa les cheveux, mais ne se dégagea pas pour autant.
— J'aimerais rencontrer ses parents avant le mariage, affirma Monsieur Han d'un ton solennel. Je veux savoir s'il est de bonne famille, mais au vu de son langage...
— Ça va, Papa, il y a pire ! Et de toute façon, je dis bien des gros mots aussi, et c'est pas comme si t'en disais pas non plus ! »
Jisung se stoppa soudain : son père venait-il à l'instant de parler de mariage ?
Sa mère ne lui laissa pas le temps à plus de réflexion qu'elle le salua chaleureusement, fit un dernier bisou à Soyun qui passait par-là, puis referma la porte en prenant joyeusement la main de son mari.
« Tiens, Soyun, va faire tes devoirs pour demain, lui dit-il d'un ton neutre.
La petite ne réfléchit pas plus longtemps et partit dans sa chambre comme une fusée. Jisung se dirigea vers la cuisine à pas lents, ne réalisant pas totalement ce qu'il venait de se passer. Seungmin s'essuya les mains lorsqu'il entendit l'Alpha venir. Il se tourna vers lui, prêt à le remercier pour l'hospitalité, mais son teint blême et son expression troublée ne lui disait rien qui vaille.
— Oula, on dirait que t'as vu un fantôme !
Le regard que lui lança Jisung était équivoque, et il déglutit, ne sachant à quoi s'attendre. Qu'avait-il de si important à lui annoncer à lui, alors qu'ils ne se connaissaient qu'à peine ?
— Seungmin.
— Oui, c'est mon nom.
— On a un gros problème.
— Gros, du style, tu vas avoir tes ruts et tu dois me jeter de chez toi ? Ou gros, genre tes parents ont découvert qu'on était même pas en couple et qu'on se connait pas du tout ?
Une pensée supplémentaire vint s'ajouter aux idées salaces de Seungmin, qui baissa furtivement le regard vers les jambes de Jisung, se retenant de sourire en voyant la jupe couleur lavande qui le mettait magnifiquement en valeur.
Le brun secoua la tête, attirant de nouveau son attention, et d'un air contrit, il annonça :
— On dirait que mes parents t'aiment bien.
Seungmin cligna des yeux, incrédule, et fronça les sourcils en croisant les bras :
— C'est une bonne nouvelle, ça, non ?
— Tu ne comprends pas. Ils t'aiment bien. Ils te tolèrent. Ça veut dire qu'une chose : d'après eux, nous sommes en couple, visiblement fiancés, et nous allons nous marier très prochainement. »
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