La folle du bal
Elle s'est laissée périr.
Des mains se posent sur mes hanches, je frissonne sous le contact. Je suis incapable de savoir s'il me plaît ou si c'est la bile qui s'invite dans ma gorge. La musique anesthésie mes sens, l'alcool brouille tout ce à quoi je pense. Je ferme les yeux, laisse mon corps s'évader sous les notes insolites qui se jouent. Je ne réfléchis pas, ne réfléchis plus. Ça fait trop mal, ça fait des bleus à la tête. Alors je me noie dans l'enfer de la fête. C'est plus simple ainsi. Pas de douleur sur l'instant, pas de pleurs pour mon amant.
Pourtant, j'y pense. À toi, à ton regard solitaire, à tes sourires effacés, à ton corps ébréché. Je pense à tes cassures puisque c'est tout ce qui te constituait, rien de plus, rien de moins. Si je me retrouve ici, c'est par ta faute. Et j'essaie. Putain qu'est ce que j'essaie. Je me casse, me fissure, pour que mes brisures ressemblent aux tiennes, qu'elles répondent brutalement à ta douleur chronique. Celle qui ne te quittait pas. Jamais. Même lové dans mes bras. Je brûle mes ailes, je les calcine, l'éthanol est mon combustible. Si je les réduis en cendres, j'atteindrai les abysses, là où tu disais te trouver. Je crois que je l'ai atteint, ce Tartare que tu maudissais autant que tu chérissais. La femme que tu désirais ce n'était pas moi, Persephone a toujours eu la première place dans ton cœur. Tu aimais trop tes démons pour me laisser une place dans ta vie, un petit espace, un endroit pour respirer à tes côtés.
Ma présence ici est un paradoxe, le genre de théorie philosophique compliquée que tu aurais adoré. Je souhaite t'oublier dans ce bruit qui couvre la cacophonie de mes pensées, pensées qui te sont rattachées. Et ironiquement, je vis entre ces murs aux lumières criardes pour retrouver un peu de toi, un reste de nous. Le manque m'étouffe, atrophie le bonheur que j'embrassais autrefois. Avant que je ne m'éprenne de ta voix. De tes mots si mélancoliques, si poétiques. De ton âme charmante, mystérieuse, avec sa pointe de romantisme. Oh tes douces idylles d'amour, ta vision si pure, mais si pessimiste de cette émotion tant convoitée. Quelle sotte, je m'étais promis de te la faire découvrir, cette vraie passion, celle qui pourrait te faire courir au bout du monde, écrire les plus belles chansons. Mais voilà, plus le temps passait, plus l'angoisse me prenait, plus je le niais. J'ai échoué, lamentablement. Gorgée d'orgueil, je pensais pouvoir réparer ton cœur que je savais pourtant si sombre, plus aucune lumière n'y passait. Un trou noir, un gouffre sans fond, voilà ce que tu étais. Et tu m'as absorbé dans ton néant, tu m'as pris tout ce qui me poussait à aller de l'avant. Mon optimisme si souvent complimenté, tu l'as avalé. Ou peut-être que je me suis laissé dévorer. C'est ma faute si Hadès m'a cueilli près de lui, je voulais tant te ressembler, pour mieux te comprendre, et voilà, il n'y a maintenant plus rien à sauver ici-bas. Plus un reste de moi.
Tu sais, lorsque tu as commencé à me reprocher mes vices, simple reflet des tiens, j'ai senti la colère gronder en moi. L'amertume de ne pas pouvoir t'avoir m'a consumé, inévitablement. Ainsi, les reproches ont commencé, les disputes journalières, les excès de violences dans ce petit appartement parisien que tu louais pour trois sous. Je me demande encore comment on faisait pour s'y plaire là-bas. Il faut croire que n'importe quel lieu nous allait, tant qu'on pouvait accorder nos soupirs le temps d'une nuit, raconter nos peurs, allongés sur le sol. On s'emmêlait dans nos cris, on se réconciliait dans ton lit puis on finissait la soirée sur ton parquet, tristement. Les choses étaient faites ainsi. Enfin, j'oublie peut-être des moments plus doux, des instants emplis d'amour, d'une vraie affection. Mais je crois que ça me ferait d'autant plus mal de me dire que tu m'as vraiment estimée, que malgré ton attachement, tu n'as pas su me garder. "Penses-tu qu'on s'est réellement aimé ?" J'ai peur que ces mots m'échappent un jour, si on se retrouve. Alors si cela arrive, ne me réponds pas, s'il te plaît. J'aurais trop peur de ton oui. Trois pauvres lettres suffiraient pour qu'on se jette corps et âme dans ce vide, qu'on replonge brutalement dans cette histoire qui ne mène à rien, qu'on se déchire de nouveau. La rancœur est tout ce qu'il me reste, c'est ce que je me suis promis lorsque je suis partie. Quand j'ai mis un terme à tout ça, avec la volonté de retrouver mon ancienne vie. Pourtant, on sait tous les deux qu'on ne retrouve jamais la surface après avoir traversé le Styx.
J'entends une voix me proposer un verre, une invitation dissimulée, la promesse d'une nuit sous l'œil de Vénus. Je me retourne doucement, ralentissant mon corps qui suivait la musique. Mes pupilles partent à la recherche de son visage, de la bouche qui porte ces mots aguicheurs. Mais le temps se fige dans mon mouvement, avant que je ne puisse découvrir son identité, car au loin, je rencontre tes yeux, accrochés à moi. À cet instant plus personne ne compte, j'oublie l'inconnu aux traits anonymes, je ne vois que toi. Seul, au milieu de tous. Tu étais pourtant si sombre, éteint, et te voilà au centre de cette foule, à brûler d'une conviction et d'une émotion que je ne te connais pas. Mon cœur s'accélère, je sens mes jambes s'engourdir tandis que mes épaules se tendent, tous mes muscles entrent en contradiction. La surprise s'empare de mon expression faciale, avant qu'elle ne laisse une colère sourde peindre ma bouche.
Je tourne les talons, dans un mouvement vif qui les fait claquer de façon muette. Ici, chaque son meurt sous la musique, sous les décombres des notes agressives. Anesthésie des paroles, anesthésie des rires, anesthésie de pleurs. Il n'y a rien, que le silence des âmes esseulées qu'on recouvre avec la sono pour masquer le vide que représente cette soirée. C'est un trou dans notre existence, dans lequel on plonge avec joie, par curiosité morbide sûrement. C'est vrai ça, quelles saveurs ont les ténèbres ? Est-ce la même sensation que celle qu'on ressent à la surface ? Est-ce que le néant est comparable à l'étouffement de notre quotidien, le poids du monde sur nos épaules ? Et si tout en bas, la vie est bien pire, alors des graines d'optimisme fleuriront peut-être à la surface, on se dira que là-haut, même si le soleil ne brille pas, ce n'est pas si terrible que ça. Est-ce cette réflexion qui me pousse à fuir ce sous-sol délabré ? Ou est-ce ton regard que je souhaite éviter ? Il n'y a pas de raison précise à mon action, elle est même dénuée de sens. Sinon pourquoi l'espoir que tu me suives guiderait mes pas ? Pourquoi est-ce qu'à chaque enjambée, je souhaite que ta main me retienne, m'emmène loin du bal des fous ? Je désire que tu t'effaces, néanmoins d'un sourire malicieux, je t'invite à me suivre. Je suis réellement tombée dans la folie, je ne suis plus que l'allégorie de la contradiction.
Slalomant entre les corps et les verres, je pousse finalement une porte métallique, à l'écart, au fond de la pièce. Ici, il fait bien plus frais, la musique s'estompe derrière le battant qui se referme, l'odeur de sueur disparaît. On respire un peu mieux, on vit plus dignement aussi, loin de la luxure de chacun, de leurs vices qui s'éclatent contre les murs. Et si je monte les escaliers face à moi, tout ne sera plus qu'un lointain souvenir, un mirage parce qu'on se demande toujours si ce que l'on a vécu ici était bien réel. C'est ce que je fais. Je grimpe, je m'élance vers le dehors. Pourquoi ? Pourquoi est-ce que j'étouffe ici ? Depuis que je t'ai vu, je me sens périr dans cette cave édulcorée. Tu viens de conjurer le sort qui me liait à cet endroit, pourtant c'était le seul que je souhaitais fréquenter depuis mon départ. Et maintenant, maintenant il ne m'évoque qu'aversion et dégoût. Ton visage s'y est imprégné trop violemment, évidemment les souvenirs de ce que j'étais avant ressurgissent en même temps. Je hais la forme que je revêts, le rôle que j'ai joué ici.
J'entends tes pas derrière moi, mon cœur s'emballe, j'accélère et finis sur le toit terrasse sans hésiter une seconde. Je tremble, de froid, de peur, d'appréhension. Je suis hors de moi. Je sais que ce n'est plus qu'une question de seconde avant que ta silhouette ne se dresse devant moi. Je m'élance alors au bord du vide, l'esprit désarticulé, avec l'envie de sauter. De plonger de nouveau. Pas vers les ténèbres de la cave cette fois, mais vers les lumières de la ville qui crépitent en contrebas. Est-ce la solution pour retrouver l'éclat que je portais autrefois ? Pourquoi est-ce que cela m'importe maintenant ? Pourquoi est-ce qu'après m'être brûlé les ailes, je souhaite maintenant retrouver le soleil ? C'est trop tard, ma peine à tout consumer. On ne peut plus rien tirer d'un tas de cendres, d'une terre calcinée.
— Tu ne crois pas qu'on en a fait assez tous les deux ?
Je prononce ces mots mécaniquement lorsque je sens ta présence me rejoindre. Maintenant que tu es là, je suis bien obligée de te confronter.
— Ce monde n'est pas pour toi.
Tu me réponds et je m'esclaffe ironiquement. Bien sûr. Bien sûr qu'il n'est pas pour moi. Je le sais pertinemment. Et pourtant regarde moi bien, j'y ai baigné, encore et encore, jusqu'à m'y noyer. Tout ça pour te comprendre un peu mieux, pour me tenir à tes côtés puis finalement pour vivre dans ton ombre, la seule trace de toi qui a fini par me subsister. Le reste m'a filé entre mes doigts. Tu es une idée intangible, une créature trop fugace pour qu'on puisse la suivre, un concept trop abstrait, trop complexe.
— Il fallait y penser avant, c'est toi qui m'as traîné ici, je réponds.
C'est faux, je le sais pertinemment. Mais c'est bien plus simple d'être en colère contre toi. Je me déteste suffisamment pour ajouter ma colère à ma peine et mes regrets. Alors que toi, si je te méprise un peu plus, peut-être que mon cœur se décidera finalement à t'oublier. Je l'espère, si fort. Parce qu'à ce moment précis, je sais aussi qu'il peut vite flancher. Je hais me l'avouer, mais tu m'as terriblement manqué. Oui, si seulement tu pouvais me répondre, me convaincre qu'on peut aller mieux tous les deux, s'aimer sous des jours plus radieux, c'est évident que je m'accrocherai à ton cou et t'embrasserai éperdument. Tu es mon fléau, une malédiction que je désire au-delà de la raison, sinon je me serais délivré de ta noirceur il y a bien longtemps déjà. Mais voilà, tu ne dis rien, tu me regardes seulement. Pas de promesse de nouveau départ, pas de rédemption pour les pêcheurs. Je ne sais pas pourquoi j'ai espéré des choses de toi, l'espace d'un instant. Tu ne sais pas aller de l'avant.
— J'aurais dû savoir qu'il n'y avait rien à sauver... Une étoile éteinte ne se rallume pas.
C'est terminé. Définitivement. Aucun mot ne sort de ta bouche, rien qui résonne dans la nuit. J'ai raison, j'aurais espéré me tromper, mais j'ai raison. Tu es éteint. Et moi aussi. S'il n'y a plus de feu, les bougies ne se rallumeront pas, elles resteront seulement coincées dans leur propre cire qui a une fois coulé, lorsqu'elles vibraient par le passé. Elles vivront sans chaleur, avec le seul souvenir de leurs moments plus doux, marqués sur leur propre corps.
— Je suis là pour te sortir d'ici une bonne fois pour toutes. On peut fuir ce monde à deux, je te le promets.
Orphée use de sa lyre.
Il réveille les âmes des tréfonds.
Charme les cœurs vides.
Chante pour récupérer sa bien-aimée.
Ma respiration se coupe. Les larmes montent, mais je les refoule. Je me sens prise au piège, immobilisée. J'ai envie d'y croire, terriblement. Pourtant, je ne peux pas. Et si tout cela n'était que mensonge, que des paroles balancées sans grande conviction ? Tu ne peux pas. Tu ne peux pas sauver les gens, tu n'as pas ce rôle. Tu les enfonces, les détruis, les entraînes en enfer. Comment peux-tu prétendre au titre d'Orphée, celui qui a triomphé des abysses pour ramener à la vie sa moitié ? Tu portes le nom du serpent, celui qui plante son poison sous la chaire, qui nécrose l'espoir et tait l'avenir. Tu es porteur de malheur.
— Tu es mort de l'intérieur, tu es un être creux. Tu penses sincèrement que tu seras capable d'entrapercevoir suffisamment d'espoir pour nous deux ?
— Je n'ai peut-être pas d'étincelle en moi, mais ma noirceur peut devenir ton charbon. Je sais que toi, tu as encore des braises. Laisse-moi t'aider.
M'aider ? Tu comptes réparer tes erreurs ? Nos erreurs ? Je ne sais pas. Je ne sais plus. J'aimerais te faire confiance, miser notre bonheur sur tes jolis mots. Ce serait toutefois tellement imprudent, on ne s'approche pas une seconde fois de la flamme qui nous a abîmé la peau. Il ne le faut pas.
— On ferait mieux de tous les deux brûler en enfer.
Il n'y a plus d'espoir que je veux donner, plus de vie que je souhaite mener. J'ai bien trop peur de la chute que cela pourrait causer. Les aspirations, c'est pour ceux qui n'ont pas peur de sombrer. Alors je m'avance sur le rebord du toit, y grimpe puis j'y effectue quelques pas qui frottent le béton. La ville se mue en une traînée de lucioles. Phares de voiture, enseignes de magasin, lampadaires, tous clignotent, m'appellent. Ils me tendent leur bras.
Un souffle.
Un deuxième.
Enfin l'ultime voyage vers le Tartare.
C'est ainsi que le mythe d'Orphée et Eurydice se termine. La jeune femme court seule à sa perte. J'endosse son rôle, je deviens maîtresse de mon propre destin tragique.
Jusqu'à ce qu'une chaleur m'enveloppe. Pas celle des lumières orangées tout en bas. Celle que je n'attendais plus. Mes yeux s'ouvrent, je hoquète. Ma respiration se coupe lorsqu'une douleur vive me prend de l'épaule jusqu'à ma cuisse. Je racle le sol froid, humide, je me débats, paniqué. Ce n'est pas la chute que j'avais envisagée. Je pleure, à chaudes larmes lorsque je réalise ce que je viens de tenter, la fin à laquelle je viens d'échapper. Ces mêmes larmes qui ne sont jamais sorties après mon départ, celles que je me suis juré de ne pas verser pour toi. Jamais. Pourtant, là, dans tes bras, je les laisse aller. Je leur rends leur liberté. Je m'accroche, m'agrippe à ta chemise, je sens tes mains autour de mon corps, pris de spasmes. C'est doux, tellement doux, une douceur que je ne te connais pas. À présent, j'ai peur que tu t'en ailles. C'est risible, ridicule, insensé, voilà que je ne veux plus te quitter. Je crois qu'au fond, c'est tout ce que je voulais, que tu m'éloignes de force de mes démons, que tu m'empêches de leur offrir ma dernière valse. Que tu me ramènes loin du vide. Que tu me prouves qu'en effet, on peut fuir ce monde à deux. J'ai misé ma vie, pariant sur ton amour.
— Il est temps d'aller mieux, pas vrai ?
Tu dis ça, dans un chuchotement léger, tes doigts caressent mes cheveux. Je hoche la tête, incapable de parler.
— Je suis désolé, tellement désolé. Tu m'as offert ta lumière, je n'aurais jamais dû l'éclipser avec ma mélancolie. Mais maintenant je vois ton monde, celui tourné vers l'avenir, rempli d'ambition et rêve. C'est là-bas qu'on doit s'aimer, pas en enfer.
Mon regard coule vers toi. J'aime quand tu parles ainsi, avec plein de poésie. On ressemble aux personnages principaux d'une tragédie. C'est pour ça que je suis tombée amoureuse de toi. C'est d'autant plus beau quand tu parles avec espoir, je découvre une nouvelle facette de toi. Tirez les rideaux pourpres, sonnez les coups de bâtons, un nouvel acte se prépare.
— Ce n'est pas à toi de chuter pour me rejoindre. C'est moi qui m'élève pour me tenir à tes côtés.
Mes mains empoignent ton col pour approcher ton visage du mien. J'y écrase mes lèvres, mon cœur aussi se presse sous ce geste. J'en avais besoin. Terriblement. Mes larmes reprennent de plus belle, je suis heureuse. Un bonheur qui gonfle d'autant plus quand tu réponds à mon baiser, dans des gestes désespérés. J'y lis tout ton amour, celui pour lequel j'avais un jour douté.
Et sous ce ciel nocturne, teinté de nuage, on se promet un futur nouveau. On ramasse les débris de nos cassures, on fait place à plus de douceur, d'apaisement. Et même si nos démons courent toujours, on sait à présent qu'ils ne constitueront plus une menace. Ils seront loin derrière nous, parce qu'on aura survécu aux enfers. Qu'on aura défié Hadès et son destin funeste.
Bien que leur monde se soit arrêté
Dans la salle du bal, ils se sont retrouvés.
Et tout en haut, dans la lumière du soir,
Amour à mort, Orphée et Eurydice ont vaincu les Moires.
✶ ✶ ✶
Je fais mon clap de fin ici même si un bébé chapitre arrive juste après.
Merci d'avoir lu cette histoire, d'avoir donné une chance à 5500 mots un peu différents de d'habitude, avec deux personnages un peu plus flous. J'ai mis énormément de temps à la finir, je n'ai réussi à l'écrire que lorsque j'allais vraiment bien (et que j'avais le temps ofc). Ce qui est plutôt drôle parce qu'on a déjà vu récit plus joyeux.
Enfin bref, en cette fin de 2024 je peux dire que j'ai hâte de voir ce que l'avenir me réserve, une phrase que je n'aurais jamais pensé dire un an auparavant. J'attends beaucoup de 2025, j'ai envie de voir plus haut, de passer au dessus des nuages, comme ces deux persos, alors je trouve que c'est une bonne façon de clôturer ces 366 jours :)
Bonne année en avance. Je vous souhaite de réussir vos objectifs ou d'en trouver ! Merci encore d'être arrivé jusqu'ici.
Love love
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