Chapitre 34
Explications.
Troye Sivan – Bite.
Jimin avait été lavé, séché et mis au lit, bien au chaud sous des couvertures. Trop faible pour quoi que ce soit, on lui avait aussi remis une perfusion de glucose. Il commençait à retrouver ses esprits. Il regarda ses mains. Il n'y avait plus de trace de sang. Ses vêtements avaient été amenés à la blanchisserie où ils espéraient pouvoir les récupérer. Le personnel avait quitté sa chambre pour le laisser se reposer, le priant d'appeler au moindre soucis. Les activités de l'après-midi avaient été dispensées de sa présence et il avait pour seul ordre de se reposer.
Il avait commencé par un peu somnoler, mais rapidement le sort du garçon aux cheveux verts le préoccupa. Il avait de nouveau des images de ce qu'il s'était passé. Il essaya d'y mettre de l'ordre : il était arrivé au fond du couloir, à la cage d'escalier qui menait à un étage supérieur mais que personne n'empruntait jamais puisqu'il y avait des ascenseurs. Il avait entendu des gémissements qui provenaient de sous ces escaliers et n'avait pas hésité une seconde tellement ils ressemblaient à ceux qu'il avait entendu pas plus tard que la veille, dans le lit voisin du sien. Il avait reconnu Yoongi à ses gémissements donc d'abord, puis à sa silhouette allongée sur le sol, à sa robe de chambre bleue ciel et à ses mèches vertes. Puis il avait vu la tâche sombre sur le sol bleu, et enfin sa main ensanglantée d'où semblait provenir cette tâche. Il s'en voudrait tout le reste de sa minable vie si l'hésitation qu'il avait eu à ce moment là, si son trop grand temps de réaction, avait de quelque manière que ce soit porté préjudice aux chances de survie du jeune homme.
Une demi-heure plus tard il n'avait pas de nouvelle. Il décida de se lever et d'aller lui-même en chercher. Il n'avait aucune idée de là où se trouvait la chambre de Yoongi mais il savait qu'elles étaient toutes réparties sur cet étage, il lui suffirait de lire les écriteaux sur les portes.
Une fois debout il fut bien content d'avoir la perfusion, mais surtout son support pour pouvoir s'appuyer dessus. Il était encore très faible. Il voulut mettre ses chaussons de danse rembourrés mais ils avaient du être emportés au pressing avec le reste de ses vêtements. Il chaussa donc ses claquettes de piscine en plastique après s'être épuisé à mettre des chaussettes et se dit qu'il ne pourrait pas traîner des pieds autant qu'il le voudrait.
En effet, comme après chaque fois qu'il vomissait, il avait mal de partout et là, le simple fait de devoir soulever les pieds pour marcher lui paraissait un exploit. Il réussit néanmoins à sortir de la chambre non sans mal tellement la porte paraissait encore plus lourde que d'habitude, et décida de partir vers la droite du couloir, là où il y avait le plus de chambres. Il trouva celle de Yoongi à deux portes de la sienne, bien content de ne pas avoir à faire tout le tour de l'étage. Il voulut frapper mais entendit des voix et se ravisa donc.
- Je ne pense pas que ce soit une TS, dit une voix féminine.
- Et quoi d'autre ? demanda une voix, masculine cette fois, agacée.
Il entendait parfaitement leurs paroles, et pour explication, la porte était entre-ouverte.
- Je le connais depuis longtemps, reprit la voix du début. Il cherchait à se faire mal, pas nécessairement à s'ôter la vie.
La poignée de la porte s'abaissa et la porte se referma sous le nez de Jimin qui ne put entendre la suite de la conversation. De ce qu'il comprenait, le jeune homme aux cheveux verts était en vie.
Après encore quelques courtes minutes la porte s'ouvrit délicatement. La psychiatre de Yoongi en sortit. Elle fut surprise de tomber nez-à-nez avec Jimin, debout, qui semblait l'attendre.
Le jeune homme blond se tenait droit malgré la fatigue physique – en bon danseur. Elle lui sourit gentiment.
- Il va bien, expliqua-t-elle sans attendre. C'est moins grave que ce dont ça avait l'air, tu peux arrêter de te faire du soucis à présent.
Un poids immense se souleva de la poitrine de Jimin qui esquissa même un sourire timide.
- Je peux... ? demanda-t-il en pointant la porte du doigt.
La psychiatre secoua négativement la tête. Il en fut un peu déçu.
- Il se repose, dit-elle. Il n'a pas encore complètement repris connaissance mais c'est surtout l'effet des calmants.
Jimin hocha la tête.
- Viens avec moi, dit-elle alors en lui indiquant le fond du couloir.
Jimin pivota légèrement et amorça des pas lents. La psychiatre, voyant qu'il avait du mal à se déplacer passa un bras sous son aisselle pour le soutenir. Elle était plus grande que lui. Elle était très grande pour une femme, se dit Jimin. Elle devait faire plus d'un mètre quatre-vingt. Il s'appuya sur elle, elle paraissait solide et ce n'est pas comme si, avec son poids, il allait lui poser problème.
Ils marchaient en silence vers des sièges violets rembourrés – dans un couloirs aux murs jaunes et au sol bleu, oui oui, Yoongi n'était pas le seul à trouver ça de très mauvais goût, Jimin partageait sans le savoir son avis – quand Jimin demanda :
- Qui est Tae ?
Ils étaient presque arrivés aux sièges. La psychiatre ne répondit pas avant d'avoir fait s'asseoir Jimin sur le plus proche. Enfin, elle s'assit à ses cotés et répondit :
- C'est sa conscience.
Jimin n'était pas sûr de comprendre ce qu'elle voulait dire par là. Voulait-elle signifier que Tae n'existait pas ?
Avant qu'il ne demande des approfondissements, elle compléta d'elle-même :
- Le véritable Taehyung est mort il y a quelques années de cela.
Elle devait des explications à ce garçon qui semblait s'en faire pour son protégé, qui l'avait vu au bord du gouffre aujourd'hui.
- Je ne sais pas l'exacte relation que ces deux là entretenaient – amour ou amitié ? – mais ils étaient très proches, ça ne fait aucun doute. Ils ont grandi ensemble dans des foyers, Yoongi ayant été retiré de sa famille très jeune et Taehyung ayant été abandonné à la naissance par sa mère ne pouvant s'occuper de lui. Autant dire qu'à la mort de Taehyung, Yoongi a été dévasté. Il a fait une première crise quelques mois plus tard : c'est à ce moment que je l'ai rencontré. Il s'est bien battu et il a même fini par trouver un travail qu'il apprécie et qui lui a permis de tenir alors même qu'il n'allait pas mieux à certains moments.
Elle fit une pause. Jimin en profita pour demander :
- Quel genre de crise ?
Il avait bien conscience que cela ne le regardait pas personnellement, mais il voulait en savoir plus sur ce garçon qui l'intriguait beaucoup.
- Il oublie que Taehyung est mort, lâcha la psychiatre.
Jimin ouvrit la bouche de surprise. Ça lui paraissait plutôt inhabituel comme maladie. Il n'imaginait pas ce que cela pouvait faire, quelles étaient les modalités de l'oubli ?
- C'est un enchaînement cyclique, s'efforça-t-elle d'expliquer au mieux à Jimin qui, s'il devait passer du temps avec Yoongi ne saurait que mieux y faire s'il avait toutes les informations. Il oublie sa mort, Taehyung ré-existe à nouveau dans son esprit comme s'il était juste parti quelques temps, tantôt à l'étranger, tantôt travailler dans une autre ville etc. Sauf qu'à un moment il s'enferme dans cette vie imaginaire qu'il a avec Tae un peu trop. Il le voit réellement, il lui parle – entre autre – et ça devient assez gênant pour lui. C'est complexe mais au fond de lui il sait très bien que Tae est mort, c'est juste qu'il ne veut pas se l'avouer.
Jimin écoutait avec attention. Le cerveau était vraiment un organe fascinant... Était-ce un moyen pour protéger Yoongi de la douleur que causait la perte de son ami ? Il n'en fut plus aussi sûr quand la psychiatre prononça ces mots :
- J'ai du annoncer à Yoongi quatre fois que Taehyung était mort depuis qu'il a réellement quitté ce monde.
Elle en avait presque les larmes aux yeux. Prononcer ces paroles lui rappelait toutes ces fois où elle avait vu, la dernière pas plus tard qu'il y a quelques jours, Yoongi s'effondrer devant elle.
- Tu sais, c'est extrêmement douloureux pour lui, il se souvient de la mort de son ami dont il n'a pas encore fait le deuil et en plus il se souvient qu'il a oublié qu'il était déjà mort. C'est dans ces moments là qu'il est le plus fragile. Quand une partie de lui-même commence à vouloir le rappeler à la réalité, il se renferme, il se laisse dépérir pour ne pas avoir à l'affronter : soit il se laisse mourir de faim, soit il boit, soit il prend des médicaments à trop forte dose... C'est vraiment compliqué à gérer, pour lui comme pour nous qui ne savons pas vraiment comment l'aider à dépasser ça définitivement.
Jimin en avait les larmes aux yeux. À la surprise première s'était substituée la compassion. Il imaginait la souffrance de Yoongi : perdre un ami si proche et ressentir à répétition avec la même intensité que la première fois les effets de sa perte, Jimin n'osait même pas l'imaginer. Se rappeler de la mort de son Taehyung à lui lui causait toujours de la peine, mais il ne supporterait pas de revivre ce qu'il avait vécu la première fois.
- C'est une de ces « crises » qu'il a eut tout à l'heure ? demanda alors Jimin.
La psychiatre hocha la tête avant de développer :
- Il était en train de replonger et a fait une grosse bêtise, du coup j'ai décidé qu'il était temps qu'il passe un peu de temps ici. Ce n'est pas la première fois, c'est pour retrouver un rythme de vie acceptable que je lui impose ça. Mais cette fois il était bien plus mal que ce que je pensais, je suis désolée, vraiment, que tu ais dû assister à ça...
Jimin contracta sa mâchoire. Il ne l'oublierait jamais, mais au moins il avait plus d'éléments sur Yoongi ; pourrait-il plus facilement l'aider avec cela ? Il n'en était pas sûr. Dans son corps si mal en point, avec sa tête qui n'allait pas beaucoup mieux, il voyait mal ce qu'il pourrait apporter au jeune homme.
- Mais quand vous disiez que Taehyung était sa conscience... ? demanda Jimin se rappelant les mots de Yoongi.
- Taehyung est à la fois la cause de l'état dans lequel il se trouve, du moins sa disparition, mais dans la tête de Yoongi il est aussi celui qui l'empêche de laisser sa vie partir en roue libre. Comme si inconsciemment Yoongi ne pouvait s'autoriser à se laisser abattre à cause de Taehyung. Comme s'il pensait que Taehyung n'accepterait jamais qu'il se laisse choir ainsi.
Jimin imagina que le lien qui le liait à Taehyung devait être très spécial s'ils avaient grandi ensemble et si sa mort en arrivait à lui causer tant de maux. Comme lui avec sa famille ? Avec Hoseok peut-être ? Ou avec Haneul lorsqu'ils étaient toujours ensemble. Il pensa ensuite que c'était le genre de détresse que Hoseok avait du ressentir quand leur Tae à eux était mort. Tae et Hoseok étaient bien plus proche que Jimin et Tae et Jimin lui-même avait toujours mal en repensant à son ami décédé.
Après ces longues explications ils restèrent silencieux, assis au bout du couloir où bientôt les résidents passeraient afin de se rendre à leurs chambres, puis au réfectoire.
- Merci, dit alors la psychiatre.
Elle avait la tête penchée vers l'avant, le visage triste. Elle devait vraiment tenir à Yoongi. Jimin n'aurait pas imaginé qu'un lien aussi fort puisse exister entre un médecin et son patient.
- De quoi ? fit-il surpris.
Elle sourit.
- D'avoir été là, hier, et à nouveau aujourd'hui même si j'imagine que tu t'en serais volontiers passé.
En effet, il s'en serait passé, mais qui sait ce qui serait advenu s'il n'avait pas été là ?
- Par contre, à présent je ne sais pas vraiment quoi faire. Je me sens carrément impuissant, se confia-t-il.
Elle passa un bras autour de ces épaules si faibles qui ne se sentaient pas la force de soutenir Yoongi.
- Je ne te connais pas, dit-elle, je ne connais pas non plus ta relation avec Yoongi, mais je pense que ta simple présence peut l'aider.
Il hocha la tête.
- Je ne peux pas te demander plus que cela de toute façon. Et je n'ai même pas le droit de te demander d'être présent pour lui sachant que la première chose que tu dois faire en étant ici c'est te concentrer sur toi et sur ta guérison personnelle. C'est le meilleur moyen de pouvoir aider des gens ensuite.
C'est vrai qu'à la base Jimin était là pour lui. Il l'avait presque oublié. Il baissa les yeux sur ses jambes, squelettiques elles paraissaient sous le jogging collant qu'il portait. Il y passa ses mains : combien de temps encore arriveraient-elle à le porter ? Elles semblaient ainsi complètement incapable de danser. Son corps lui faisait peur, réellement, pour la première fois depuis longtemps. Il fut pris d'une angoisse pesante en l'imaginant en entier, ses collants de danse trop larges, son justaucorps lui retombant sur les épaules, son visage creusé telle une vanité sous les projecteurs de la scène. Il n'était plus rien du lui d'avant et ne se sentait pas vraiment la force de redevenir quoi que ce soit jusqu'à aujourd'hui.
Aujourd'hui pour la première fois depuis longtemps il avait pris conscience qu'il y avait plus à plaindre que lui dans ce monde, d'autres personnes qui avaient besoin de lui comme lui avait eu besoin de certaines personnes à des moments de sa vie. Comment avait-il pu se laisser aller ainsi à inquiéter ses proches sous les yeux desquels, il se décomposait ? Pourtant ce ne serait pas si simple. La pente à remonter était longue...
*
Bon, désolé, je manque un peu plus chaque chapitre à cette exigence de réalisme que j'avais pourtant comme fil conducteur depuis le début de mon écriture... Notamment dans l'enchaînement des évènements de ces derniers chapitres : Yoongi qui finalement ne va pas si mal après l'horrible scène que j'ai écrite, le secret médical qui est sur cette fin de chapitre un peu brisé etc. Est-ce que c'est très gênant ? Si ça ne saute pas aux yeux je ne changerais rien, si vous trouvez ça exagéré peut-être que je ferai quelques changements (quoi ? Je ne sais pas à vrai dire mais je peux y réfléchir). En fait je ne me sentais pas de gérer un truc aussi grave que ce que j'avais écrit dans le chapitre précédent...
Sinon apercevrait-on un espoir vers la fin ?
Tacha'
P.S. : vous vous dites sûrement que c'est un peu tiré par les cheveux ce qui arrive à Yoongi après les explications de la psychiatre... Pourtant je tenais à vous dire que même si je n'ai personnellement rencontré personne dans cet état, le cerveau est capable de tant de choses ! Il y a beaucoup de livre qui parlent de maladies psychiques improbables et d'histoires personnelles à dormir debout... (des témoignages ou reportages hein, pas des fictions !)
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