Chapitre 28
Compagnie.
Jimin n'avait pas revu le garçon aux cheveux verts depuis le moment où ils s'étaient adressé la parole dans la salle commune. Hoseok était passé – enfin – hier, mais depuis Jimin n'avait à nouveau plus personne à qui parler. Il lui avait cependant promis qu'il repasserait ce soir, pendant les heures de visites de l'après-midi.
Son père venait de quitter la chambre. Il avait blêmi en voyant Jimin encore plus maigre qu'auparavant, une perfusion toujours plantée dans le bras. Là il devait être en train de parler avec un de ses médecins à l'extérieur, les résultats des examens de Jimin étaient alarmants. Il s'était privé de nourriture diversifiée trop longtemps et avait donc des carences – mais ça c'était à prévoir –, mais ses flores intestinale et stomacale avaient aussi été déréglés du fait qu'il ne mange plus assez, enfin son estomac s'était réduit et presque atrophié du fait des vomissements de ces derniers jours. Son régime allait être réajusté avec de aliments qu'il serait capable de supporter avant de réintroduire petit à petit une alimentation diversifiée. De ce qu'il avait compris il allait rester ici un moment, et ça ne l'enchantait pas, bien au contraire, il avait pris cette information comme un nouveau coup dur pour son moral... Il avait tellement peur de ne plus pouvoir redanser. Et même s'il le pouvait d'ici quelques semaines – voir mois le temps que les médecins lui autorisent – aurait-il encore le même niveau ? Serait-il capable de réintégrer une compagnie et de danser à nouveau comme professionnel sur scène ? Une larme commença à couler sur son visage. Ça lui prenait tout le temps en ce moment, dès qu'il commençait à penser à son futur. Qu'est-ce qu'il allait faire s'il ne pouvait plus danser ? Il ne savait faire que ça : il n'avait jamais fait d'études sérieuses, il n'avait que son diplôme du secondaire en poche, autant dire rien du tout pour trouver du travail dans ce monde. De plus, serait-il capable à la manière de son père, de sa mère ou de sa belle-mère de travailler à longueur de journée devant un bureau, devant un ordinateur ou au téléphone ? Il en doutait...
Il fallait qu'il aille rejoindre son groupe pour les activités du matin, qu'allaient-ils faire aujourd'hui ? Du coloriage, de la poterie, des ateliers d'écriture, du théâtre ? Il s'ennuyait à mourir, il n'avait personne à qui parler – ou plutôt personne à qui il ne voulait parler. Il voyait bien que leur cheffe de groupe aurait voulu engager une conversation avec lui, mais il n'avait pas envie qu'ils partagent leurs histoires d'anorexiques. Il n'avait pas non plus envie de savoir de quels maux souffraient les autres, de toute façon à part le gars aux bras écorchés tout le temps en tee-shirt, ils faisaient peur... Même le petit gars aux cheveux verts. Par contre à lui il aurait bien aimé lui parler, bien qu'il ne sache pas pourquoi. Peut-être simplement parce qu'il avait un rapport avec sa vie d'avant ? Il l'avait croisé à la salle de spectacle à un moment de la journée où il n'y avait pas de représentation et depuis il se demandait toujours ce qu'il était venu y faire. Mais malheureusement pas de traces de lui hier, pas non plus ce matin au regroupement et il doutait qu'il vienne participer aux activités... Était-il rentré chez lui ? Il n'aurait pas parié sur sa forme il y a deux jours pourtant...
Jimin se leva pour rejoindre son activité, traînant derrière lui sa perfusion.
Jimin marchait jusqu'à sa chambre. Il venait de manger, un peu de compote, quelques légumes et un microscopique morceau de viande. Il avait tout avalé, mais pour combien de temps. Son estomac était censé digérer ces aliments on lui avait dit, mais pour le moment il se sentait tout aussi nauséeux qu'après tous ses repas jusqu'à présent. En plus il détestait l'odeur du réfectoire : des odeurs de nourritures toutes mélangées y parvenaient des cuisines voisines. Le pire était quand même l'activité de l'après-midi à laquelle il était obligée de participer un jour sur deux : la dînette comme il l'appelait... Lui et quelques autres – volontaires ou non – devaient préparer un repas équilibré pour le soir ou le lendemain midi. Il était dans sa première semaine, ce n'était donc pas encore lui qui préparait ses propres repas jusqu'à présent, mais à terme il aurait accès à la cuisine avant chaque repas avec la possibilité de se préparer lui-même à manger sous le regard attentif du personnel. Il n'avait pas hâte... la nourriture le dégoûtait et son odeur encore plus... Comment ferait-il s'il n'avait envie de rien ? Rien ne lui faisait envie, tout le révulsait. On lui avait demandé ce qu'il aimait manger, quel était son repas préféré : il se souvenait qu'à un moment il adorait le poulet et les pommes de terre que faisait son père le dimanche ; mais ça faisait bien longtemps que ce plat lui donnait des sueurs froides, il n'avait donc pas su répondre.
Il avait très envie d'aller aux toilettes, mais tous ceux de l'étage étaient fermés pendant une heure après le repas au moins, ceux de sa chambre y compris – pour prévenir les vomissements éventuels de certains résidents. Il poussa donc la porte sur laquelle était écrit son nom – et toujours aucun autre, il n'avait pas eu de nouveau voisin – et entra à la suite de sa perfusion. Pourquoi faisaient-ils des portes aussi lourdes ? se demanda-t-il alors qu'il avait du mal à la tenir ouverte à une main.
Il allait s'allonger sur son lit pour essayer de digérer – comme on le lui conseillait fortement – quand il aperçu une forme humaine recroquevillée dans le fauteuil au fond de la chambre.
Les jambes pendant dans le vide, les pieds nus, le corps légèrement penché sur le coté, la tête posée sur le dossier du fauteuil, la bouche entre-ouverte, les bras repliés contre le torse, le garçon aux cheveux verts était endormi sur le fauteuil de Jimin.
Le résident de cette chambre se figea, tant par surprise que pour ne pas déranger l'endormi. Il l'observa quelques secondes – il avait l'air tellement paisible et pas aussi maladif qu'il y a quelques jours avec ses cheveux verts et sa peau très blanche. Malheureusement la lourde porte échappa des mains de Jimin et se referma causant assez de bruit pour réveiller l'invité surprise.
Jimin grimaça légèrement en entendant le claquement, il espérait que le jeune homme n'avait pas le sommeil léger, mais en vain : celui aux cheveux colorés se réveilla, ouvrant tout d'abord les yeux pour contempler l'endroit dans lequel il se trouvait, puis, une fois ses esprits retrouvés, il commença à bouger lentement.
Jimin était toujours debout, sa perfusion dans la main, devant la porte, comme s'il n'osait même plus rentrer dans sa propre chambre. Il observait le jeune homme s'étirer les yeux grands ouverts, humidifiant et jouant avec ses lèvres sans un mot.
Ce fut Yoongi qui brisa le silence. Une fois étiré il s'assit droit dans le fauteuil et fit face à Jimin :
- Tu n'essaies plus de l'enlever finalement ? demanda-t-il en indiquant la perfusion du menton.
Jimin tourna la tête vers sa perfusion et l'aiguille qui la reliait à son bras. Les infirmiers avaient déjà du la changer de place deux fois tellement ses veines étaient fragiles, et maintenant c'était sa main qui commençait à enfler pour une raison qu'il ne connaissait pas.
Il haussa les épaules :
- Je sais pas vraiment ce qu'il y a dedans et je ne veux surtout pas le savoir, et j'imagine que sans ça je serai plus ou moins mort donc je supporte.
L'autre lorgna son corps, de haut en bas puis de bas en haut d'un regard totalement neutre, mais Jimin se sentit mal et serra de sa main libre le bras dans lequel était enfoncé la perfusion faisant mine de cacher son torse très maigre sous le fin pull à manches longues qu'il portait ; il détourna le regard, gêné et honteux.
- Ce n'est pas ce que tu veux ? demanda Yoongi, ces mots lui échappant avant qu'il ne se rende compte du mal qu'ils allaient faire à Jimin.
- Pardon ? répondit Jimin, pas très sûr de ce qu'avait pu vouloir dire l'intrus.
Les mots lui avaient échappé, mais Yoongi ne voyait pas pour quelle autre raison quelqu'un laisserait dépérir son corps à ce point si ce n'était pour mourir. En tout cas c'est ce que lui pensait, et faisait.
Voyant que l'autre ne répétait pas ni ses précédentes paroles, ni d'autres, Jimin eut les larmes qui lui montèrent, il se mordit l'intérieur de la joue, puis la lèvre une fois que la première larme eut coulé.
- Je suis désolé, essaya alors Yoongi, gêné d'avoir mis celui dont il squattait la chambre dans un tel état. Je n'ai pas mesuré mes paroles, pardon.
D'une main Jimin essuya les larmes qui avaient commencé à couler sur ses joues et haussa les épaules.
- Pourquoi tu es dans ma chambre ? demanda-t-il alors, changeant de sujet.
Le jeune homme aux cheveux verts releva un peu plus la tête, comme s'il avait déjà oublié où il se trouvait quand il s'était réveillé.
- Ah oui, désolé pour ça aussi.
Il hésita avant de continuer :
- Je me cache. J'avais besoin de dormir mais ils ne me laissent pas dormir tranquille alors je m'échappe dans des endroits où ils ne me retrouvent pas...
Jimin hocha la tête.
- Mais pourquoi ma chambre ? demanda-t-il encore.
Yoongi ouvrit la bouche pour répondre, qu'allait-il pouvoir dire ?
- Ils connaissent à peu près toutes mes autres cachettes et tu es la seule personne ici à qui j'ai déjà parlé, donc je n'ai pas trop réfléchi et je suis venu là quand tout le monde était aux activités.
Jimin n'osa pas demander comment il savait et son nom, et la chambre où il était – l'un allait de toute façon avec l'autre puisque le panneau d'entrée indiquait son nom complet. Se contentant de ces réponses et parce qu'il était fatigué, la digestion s'avérant plus difficile que ce qu'on avait voulu lui faire croire, il s'avança finalement vers son lit pour s'y reposer.
- Je peux rester ? demanda Yoongi voyant le résident s'allonger sur son lit sans commentaires.
Jimin hocha la tête en basculant sur le coté, tournant le dos au visiteur. Yoongi regarda alors le lit voisin de celui de Jimin. Était-il libre ? Il n'avait pas osé s'y allonger tout à l'heure de peur qu'il soit occupé par un autre résident.
- L'autre lit est libre ? demanda-t-il encore.
Un autre hochement de tête et Jimin ajouta :
- Vas-y, je vais dormir aussi de toute façon.
Plutôt content de cette réponse et jugeant que le lit serait plus confortable que le fauteuil, Yoongi s'y allongea avant de se replonger immédiatement dans le sommeil, se forçant à ne penser à rien d'autre qu'au fait de s'endormir.
*
Bonjour !
Avec les chapitres précédents on arrive un peu à comprendre les raisons pour lesquelles Yoongi est blessant ainsi lorsqu'il s'adresse aux autres...
Les chapitres 28, 29 et 30 étaient au départ un seul chapitre que j'ai séparé puisqu'il était beaucoup trop long : vous aurez donc les trois entre aujourd'hui et demain (je ne sais pas encore si j'en publierais 2 aujourd'hui ou 2 demain, j'aviserai dans la journée).
N'hésitez pas à voter et à commenter si ça vous plaît (toujours, ou plus, ou pas), moi j'aime bien avoir vos réactions !
A très vite !
Tacha'
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