Chapitre 27
Taehyung.
- Il faut que tu me parles Yoongi, dit la psychiatre en commençant à désespérer.
Depuis qu'il était arrivé, il y avait une semaine aujourd'hui, le jeune homme n'avait pas décroché un mot devant elle. De plus il ne se rendait pas aux activités, passant son temps à dormir dans sa chambre quand il y était autorisé, ou à somnoler dans tous les coins de l'hôpital qu'il trouvait. Elle s'inquiétait beaucoup pour lui. À cause de ce qu'il avait fait alors qu'il était encore chez lui, mais aussi parce qu'il mettait plus de temps à remonter que la dernière fois qu'il avait fait une crise.
- Je suis fatigué, lâcha finalement le jeune homme.
- Non, je ne crois pas que ce soit ça Yoongi, dit-elle. Tu te protèges dans le sommeil pour ne pas avoir à affronter ce qui pourtant ne demande qu'à sortir.
Le jeune homme serra les dents, inspirant et expirant un grand coup : il voulait que tout cela reste bien enfoui en lui, pour toujours. Ça avait failli être le cas il y a une semaine. Il avait failli réussir à s'en aller loin de tout ça, pour de bon, mais on l'en avait empêché, Taehyung l'en avait empêché. Il se mit à lui en vouloir, puis il se le reprocha immédiatement : comment pouvait-il en vouloir à Taehyung ? Son ami avait toujours voulu son bien, il l'avait sauvé plus d'une fois avec ses sourires, ses douces paroles, par sa simple présence...
Yoongi se battait intérieurement contre lui-même, contre cette force qui voulait que tout sorte pour un affront qui serait terrible mais sûrement salvateur.
- Tu l'as déjà fait Yoongi, rappela la psychiatre.
Oui, et la dernière fois il en avait été détruit. Il était coincé : soit il laissait tout sortir et il n'était pas sûr de s'en remettre, soit il gardait tout, évitant d'y penser le plus possible, mais dans ce cas, il finirait par aller jusqu'au bout du geste qui l'avait fait arriver là il y a une semaine, c'était inévitable.
- Je veux que tu me résumes ce qu'il s'est passé ce jour-là, on n'en a pas reparlé depuis que tu es ici, et toi comme moi savons que la clé se trouve là, continua-t-elle même si son patient ne l'écoutait qu'à moitié, occupé à lutter contre ses pensées que la psychiatre l'obligeait peu à peu à ressortir.
- Tu ne me fais plus confiance ?demanda-t-elle alors.
Elle savait qu'elle toucherait Yoongi de cette façon. Il détestait tout ce qui n'était pas sincère.
- J'ai peur, dit alors Yoongi sans la regarder.
- Parle moi juste, reprit-elle calmement. Je veux juste que tu me racontes, comme d'habitude. Ce qui doit venir viendra avec en temps voulu, ne t'en fait pas.
Yoongi prit donc plusieurs fois de suite de longues inspirations et se replongea sept jours plus tôt.
- J'ai arrêté de prendre les médicaments, commença-t-il par avouer. Enfin ça, ça date d'il y a plus d'une semaine. Je ne prenais plus les cachets contre les crises d'angoisses parce que j'avais l'impression que ça allait beaucoup mieux.
La psychiatre cligna des yeux, elle se doutait déjà la fois précédente que Yoongi ne prenait plus ses cachets.
- Mais en fait ça n'a cessé d'être de pire en pire. J'ai perdu pied, j'ai commencé à perdre la notion du temps, parfois j'allais au travail après 24h sans dormir, parfois je venais juste de me réveiller quand j'entamais mes heures du soir.
Il fit une pause. Tout cela avait commencé il y a un mois maintenant. Au début il gérait, puis il avait eu un moment d'inadvertance et ce fut comme s'il avait glissé dans une pente pierreuse, il n'avait eu d'autre choix que de rouler jusqu'en bas – et en bas il pensait y être à présent.
- C'est un cercle vicieux, je ne sais même pas expliquer à quel moment j'ai à nouveau basculé dedans mais je n'avais plus aucune notion du temps : je prenais des somnifères quand je voulais dormir, de l'alcool quand je voulais juste oublier, j'écrivais le reste du temps.
La cinquantenaire hocha la tête.
- J'ai téléphoné à mon travail pour dire que j'étais malade, c'était trois jours avant d'arriver ici, se souvint Yoongi. C'était un mensonge : je n'y suis pas retourné depuis. Le problème du travail résolu je pouvais donc rester tranquillement chez moi sans que personne ne me le reproche... Enfin sauf Taehyung, mais il n'était pas trop là ces derniers temps.
La psychiatre grimaça mais ne dit rien. Pas encore, il ne fallait pas que ça vienne d'elle mais directement de Yoongi.
- Le... Je..., articula Yoongi avec difficulté, sentant une angoisse monter à la mention du jour de l'incident.
- Ce matin-là, reprit-il plus calmement après quelques secondes de silence où il avait fermé les yeux, ce matin-là, je me suis réveillé dans mon salon, j'avais la gueule de bois de la veille et pourtant j'avais encore soif. Je me suis assis à mon piano et je sais pas... à un moment ça ne me faisait plus rien... Il y avait ces cachets sur ma table de nuit... Des somnifères sûrement, mais peut-être autre chose aussi. Je crois que j'ai plus ou moins vidé les boîtes. En tout cas j'ai commencé par les somnifères, me disant qu'un petit somme ne me ferait pas de mal. Après je ne sais plus trop... Je crois que j'ai erré dans l'appartement, entre mon piano et mon lit. Puis j'ai du reprendre des trucs, ce qui restait, mais peut-être que j'avais tout pris la première fois, je ne sais pas.
Elle sentit son cœur se serrer. Elle ne pouvait pas rester indifférente à la détresse dans laquelle avait du se trouver son patient à ce moment. Pourtant c'était la suite qu'elle attendait le plus.
- Je crois qu'à un moment Taehyung est rentré, à l'appartement puis dans ma chambre. On a parlé, un peu, peut-être... je ne me souviens pas. Je crois que j'étais déjà bien dans les vapes à ce moment. Je me souviens qu'à un moment il a quitté la chambre et qu'en suite il est revenu. Il s'est excusé aussi, d'avoir appelé j'imagine.
Yoongi repensa à la veille où il avait presque maudit son ami d'avoir fait ça. Mais lui-même aurait-il pu regarder son ami mourir juste devant ses yeux sans rien faire ?
- Mais je ne lui en veux pas, j'aurai sûrement fait pareil à sa place – et il l'avait fait, il avait appelé les secours, mais peut-être un peu trop tard...
Il ne comptait rien ajouter quand la femme aux cheveux grisonnants lui demanda :
- Tu es sûr que c'est Taehyung qui a appelé ?
Yoongi ne s'attendait pas à cette question.
- Je ne vois pas qui d'autre, dit-il.
La psychiatre laissa peser un long silence dans le bureau, espérant peut-être que Yoongi n'aurait pas besoin qu'elle enfonce elle-même le poignard dans sa chair.
- Toi, dit-elle simplement, espérant que cette fois ce simple mot permettrait à Yoongi de mettre lui-même en lumière ce qu'il s'était réellement passé.
Le jeune homme fronça les sourcils en la regardant, il ne comprenait vraiment pas. Il serra son pantalon dans ses poings. Comme il ne semblait pas y arrive seul elle expliqua :
- C'est ton numéro qui m'a appelé Yoongi.
Après un petit spasme au coin des lèvres, Yoongi dit :
- Il a du prendre mon téléphone sachant que j'avais votre numéro.
Elle voyait le désespoir commencer à monter en lui : sa respiration se faisait plus rapide et il avait de petit spasmes sur le visage, il se mordait l'intérieur des joues sans cesser de serrer – encore plus fort – ses doigts sur son pantalon de jogging.
- Il n'y avait personne au bout du fil, dit-elle pour finir l'histoire à sa place. Seulement un souffle qui se faisait de plus en plus lent. J'ai pris peur vu que tu ne parlais pas et j'ai envoyé une équipe chez toi...
Elle n'avait pas fini. Le regard de Yoongi hésitait entre l'incompréhension et le désespoir. Des émotions contradictoires passaient dans ses yeux.
- ... la porte était ouverte, ils sont rentrés n'entendant pas de réponse et en fouillant la maison ils t'ont trouvé allongé sur ton lit, tu étais comme mort.
- Et..., lâcha Yoongi alors qu'il commençait à avoir du mal à respirer, sentant des sanglots monter de sa gorge à l'entente des mots de son médecin. ... Tae ? finit-il par articuler.
La psychiatre respirait elle-aussi difficilement. Ce n'était jamais chose facile à annoncer à quelqu'un, ça l'était encore moins quand ce n'était pas la première fois et qu'elle savait très bien comment allait réagir son patient.
- Yoongi... laissa-t-elle échapper dans un souffle qui était presque un gémissement. Tae est mort, dans un accident, il y a quatre ans.
Le jeune homme arrêta seulement de trembler. Ses mains sur ses cuisses relâchèrent son pantalon. Il garda les yeux plongés dans le vide. Il savait très bien ce qui était arrivé à Tae.
- Il m'a sauvé, dit-il simplement. Encore cette fois.
Avant de fondre en larmes, ne cherchant même pas à se retenir devant cette femme qui l'avait tant vu pleurer la mort de cet ami, qui lui avait appris sa mort tant de fois. Pourtant chaque nouvelle fois était pire que la précédente. La première fois Taehyung avait cessé d'exister dans la réalité phénoménale du monde, mais à chaque fois qu'il mourrait dans l'esprit de Yoongi, c'était comme s'il disparaissait un peu plus et Yoongi avait peur qu'un jour il ne revienne plus jamais.
La psychiatre voulait, elle, que son patient arrive à faire un vrai deuil, mais en quatre ans il n'avait pas encore réussi. Taehyung mourrait, puis avant de passer dans la mémoire du jeune homme comme souvenir du passé, il revenait à la vie dans son esprit, il continuait à vivre normalement avec lui, à ses cotés, mais sa vie propre, la vie qu'il aurait peut-être eu... Yoongi voulait tellement que celui qu'il avait toujours considéré comme son petit frère vive qu'il s'en persuadait, et effaçait toute trace de sa mort de sa mémoire. Des fois, comme aujourd'hui, sa mort venait à nouveau le heurter, et tout remontait à la surface, pour un temps indéterminé, jusqu'à ce que Yoongi réussisse à l'effacer à nouveau pour reprendre à vivre, avec Taehyung.
Lorsque la psychiatre ramena Yoongi à sa chambre, il ne pleurait plus, mais c'était comme si lui aussi mourrait à chaque fois. Le plus dur c'était qu'il se condamnait à revivre sans cesse cette annonce, et qu'à chaque fois, même après avoir retrouvé ses esprits, il avait aussi mal que la première...
*
Bonsoir,
Finalement il fallait que je le poste, à un moment ou à un autre, donc maintenant pourquoi pas... La "vérité" sur Yoongi étant révélée, l'histoire va pouvoir progresser plus clairement à partir de là...
Ce chapitre est une réponse aux évènements qui se déroulaient au chapitre 21, on sait maintenant ce qu'il s'est vraiment passé à ce moment là.
C'est un chapitre qui demandait à sortir depuis si longtemps ! Au départ Taehyung ne devait pas mourir, c'est pourquoi il est présent dans certains chapitres au début que je n'ai pas modifié puisqu'il existe de fait de manière très réelle dans l'esprit de Yoongi - le cerveau est un organe fascinant, je n'ai jamais lu une telle histoire mais puisqu'il est capable de faire encore plus surprenant, je ne doute pas que la situation décrite ici soit vraisemblable - on a donc la réponse à pleins de questions qui avaient pu être laissées en suspend (pourquoi la fille qui semblait avoir passé la nuit avec Yoongi s'est enfuit aussi vite, pourquoi Taehyung n'a pas cherché à prendre de ses nouvelles etc.). J'ai eu cette idée quand mon ébauche de Yoongi était un peu au point mort... et j'ai pleuré, je ne vous dis même pas toutes les larmes que j'ai versé, mais je ne suis finalement pas revenue sur ma décision au grand désespoir de lilili1205.
A demain pour la suite à présent, je vous laisser tranquille pour ce soir...
Tacha (qui est désolée de la tournure que prend les évènements mais qui n'a pas su avoir le contrôle sur le développement de ses personnages à ce moment)'
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