
Collision
Ce fut la sensation d'une bourrasque de vent apportant du sable dans ses yeux qui ramena John brutalement vers les dunes de Kandahar. Il était déjà tard. Il traversait Postman's Park pour se rendre au Barts où il était de garde cette nuit-là. Une journée supplémentaire s'était ajoutée, semblable à toutes celles qui étaient désormais les siennes depuis son retour.
Au début, cela avait été épouvantable. Les retours à l'aube de l'hôpital dans le métro déjà bondé. Les escaliers de son appartement qu'il montait, la démarche lourde, tirant la jambe. Un thé avalé debout en vitesse. Un toast dont il jetait la moitié. La douche aurait été la bienvenue si elle n'avait pas été le pire moment de confrontation avec son corps. Il évitait de regarder son épaule dans le miroir. La blessure était trop récente. Même s'il n'avait plus vraiment mal, il ne pouvait pas regarder les chairs abimées sans entendre le rire de son tortionnaire et les mots jaillir de sa bouche en dari, promettant une douleur inévitable.
assab ma ra kharab kardi
Ses yeux creusés, quand il se regardait pour se raser, lui racontaient les mois d'hospitalisation, la souffrance, la tentation du Sig qu'il avait gardé illégalement. Quand il se lavait, il pouvait sentir les os de ses hanches. Il évitait soigneusement de passer sa main sur son sexe plus longtemps que l'hygiène ne lui commandait. De toute façon, même quand il se réveillait, il était flasque. La brûlure de l'eau ne parvenait pas a chasser l'impression de saleté. Il frottait sa peau jusqu'au sang pour se débarrasser de cette odeur qui ne le quittait pas, croyait-il, celle du cuir trempé de sueur des boots et du holster de son arme. Le sommeil n'était pas plus réparateur. Sa thérapeute, Ella, s'était tellement inquiétée des courbes qu'elle lui demandait de tracer que John avait fini par mentir un peu, et puis finalement beaucoup. Il avait pris l'habitude de dormir sur le sofa du salon, face à la porte, la main sur la crosse, l'index sur la gâchette, le visage contre l'oreiller qui sentait la graisse de l'arme et qui absorbait les larmes, au moment des pires cauchemars. Il avait beau pourtant savoir qu'il était en totale sécurité depuis son retour, il ne pouvait tout simplement pas dormir autrement. Il s'interdisait la douceur et la chaleur d'un lit que, de toute façon, il ne partageait plus avec personne.
A son réveil, il avait besoin d'un laps de temps de reconstruction de lui-même, surtout les nuits où les ombres le ramenaient auprès de Sholto et de Fayaz et qu'en pashto, il entendait les supplications des blessés. Ella lui avait donné un protocole à suivre. Ouvrir les yeux. Laisser entrer la lumière. Respirer profondément. Et se lever tout de suite. Bouger. Respirer de nouveau. Boire le plus possible. Barrer au fur et à mesure ce qu'il avait fait pour mesurer les actions accomplies. S'habiller. Il avait trente minutes pour ce rituel. Il s'accrochait au cadran de la montre, comme un noyé à une bouée de survie. Et toute la journée était séquencée de la sorte. Ella lui avait dit que bientôt il retrouverait son propre rythme, que les envies suivraient, qu'il était pour l'instant dans un entre-deux. Il devait accepter de se donner du temps, s'autoriser du plaisir, se permettre de vivre. Elle lui avait conseillé d'ouvrir un blog et d'y consigner ce qu'il faisait. Il était resté devant une page blanche durant des semaines. Il avait beau avoir revu quelques anciens copains de son équipe de rugby, aller à des réunions de réinsertion pour les anciens soldats, effectuer trois fois par semaine des gardes de nuit aux urgences de Barts, tenir une permanence au dispensaire pour nourrissons de son quartier tous les lundis, il avait l'impression qu'il ne faisait rien, que sa vie était restée là-bas dans les montagnes afghanes, dans ces villages pilonnés par les bombardements où il tentait d'apaiser les cris terrifiés des enfants quand il retirait de leur corps meurtris la mitraille ennemie.
C'était donc les dunes de Kandahar et sa voute étoilée qu'il avait commencé à raconter sur son blog. Et plus encore, la sueur, le sang, les étreintes arrachées à la peur ambiante, les baisers violents donnés dans l'effroi d'une mort qui pouvait survenir à tout moment, les corps qui cherchaient dans la jouissance l'oubli de l'horreur présente. Et cela avait marché. Depuis qu'il mettait ses mots, jour après jour, sur tout cela, une distance semblait s'être installée. Il évitait bien sûr soigneusement d'évoquer James Sholto, son odeur musquée, son assurance. Il n'était pas prêt. Le serait-il un jour ? Mais sur le reste, oui, sur presque tout le reste, il mettait des mots et, depuis quelques semaines, même s'il continuait à dormir face à la porte, au cas où, il allait mieux. Ses mots, sur internet, avaient même su croiser la route de ceux qui avaient vécu la même chose et son blog ainsi que son compte twitter @JHW, connaissait un succès d'estime certain. Son dernier texte avait dépassé les dix mille vues.
Il y a des enfants debout ici
Les bras tendus et tendus vers le ciel
Larmes séchant sur leur visage
Aujourd'hui, la journée avait été banale. Les quelques heures de sommeil n'avaient pas été si mauvaises. Il fait connu pire. Parce qu'il ne se faisait pas encore confiance, il avait accompli son rituel avec soin. Merci Ella. Après avoir avalé quelques toasts, les yeux rivés sur twitter, il s'était rendu chez son kiné, un type espiègle, très baraqué dont les mains précises faisaient jouer en douceur ses articulations et lui redonnaient progressivement souplesse et fluidité.
Les mains de Sholto partout sur moi
Dans le cabinet médical, il avait eu soudain comme un vertige. Il avait vacillé et serait tombé si le kinésithérapeute, toujours vigilant ne l'avait pas rattrapé et allongé sur un lit.
« John, ça va ? Parle-moi. »
La voix de Chris lui parvint difficilement à travers le bruissement des battements de son propre coeur. Pendant un très cours instant, il n'avait plus été dans cette pièce blanche, mais dans cette baraque accablée de chaleur où il avait trouvé refuge avec Sholto et Fayaz, entre deux bombardements. Mais il s'était repris très vite et s'était redressé, plaquant un sourire sur ses lèvres.
« Oui, Chris, ça va, c'est rien, juste un coup de fatigue », avait-il murmuré d'une voix qu'il voulait légère.
Pas dupe, le kiné l'avait repoussé doucement sur le lit et lui avait intimé de prendre quelques minutes de repos, tout en le surveillant étroitement. La séance de soin avait repris ensuite son cours normal. Elle l'avait laissé fatigué mais il récupérait assez bien. Il pourrait bientôt, lui avait dit le professionnel, passer de quelques gardes de nuit à l'hôpital à un travail à plein temps. Pourquoi pas dans ce dispensaire où il pouvait s'occuper des tout-petits ? Sa douceur, son sourire faisaient merveille, d'après ses collègues.
Par hasard, en rentrant chez lui, après, il était tombé sur un copain de faculté, Mike Stamford; ils avaient discuté, d'abord avec une certaine gêne, surtout quand Mike lui avait posé des questions sur sa blessure. Et puis assez rapidement, Mike lui avait dit qu'il cherchait quelqu'un au cabinet, qu'il pourrait peut-être l'embaucher.
« Mais il faut quand même que tu te retapes un peu avant », lui avait-il glissé en lui donnant une accolade au moment de le quitter,
« tu as l'air ..., » il chercha soudain ses mots, attentif à ne pas en faire trop, « ... épuisé ». John avait grimacé autant sous la pression de la poigne vigoureuse que sous celle de la remarque qui le ramenait vers un passé qu'il s'efforçait de surmonter. Il avait salué Mike, un peu trop rapidement et était rentré dans son appartement.
Il lui restait un peu de liberté avant d'aller prendre sa garde à vingt-trois heures à l'hôpital. Se sentant vaguement coupable, il décida de sauter le repas; il aurait le temps d'avaler quelque chose juste avant de partir travailler. Il avait passé la fin de l'après-midi sur son blog, à pianoter sur son clavier. Il avait en tête une idée, mais il savait qu'elle ne prendrait vie qu'une fois qu'il se serait mis à l'écriture. C'était les mots qui incarnaient les sensations qui le traversaient. Dans un mouvement parfaitement réciproque, inspiration et écriture s'enfantaient l'une l'autre et se répondaient. Encore une fois, les images familières revinrent, dès qu'il commença à écrire.
Maisons incendiées irréparables
L'odeur de la mort est dans l'air
Il avait perdu depuis longtemps le conscience du temps quand un un message de Keira, la régulatrice des Urgences de Barts, le fit revenir au moment présent.
Tu peux venir maintenant ? C'est l'enfer, ici. K
Pas de souci. J'arrive. JW
John s'aperçut alors que la nuit était tombée. Étirant son dos et ses bras, engourdis par l'immobilité forcée des dernières heures, il jeta un coup d'oeil sur les statistiques, en attrapant sa veste. Son dernier texte avait déjà recueilli un nombre invraisemblable de « like » et de commentaires. Un d'entre eux, signé SoldatForever, attira particulièrement son attention.
Hey, mec, on dirait que t'es dans ma tête, dans mon coeur, dans mes veines.
Souriant pour lui-même, John referma doucement son clavier. Il répondrait à ce commentaire plus tard. Pour l'instant, il devait faire abstraction de tout cela. C'était quelque chose qu'il avait appris à faire, dissocier ses moments d'écriture de ses tâches professionnelles. La nuit promettait d'être particulièrement longue à l'hôpital.
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Les urgences de Barts ressemblaient à un vrai champ de bataille, cette nuit-là. Un accident de voiture qui avait impliqué quatre véhicules avaient fait de nombreux blessés; un couple pleurait dans un coin, près d'un brancard entièrement recouvert d'un drap; la salle d'attente était bondée, les deux couloirs étaient encombrés de patients assis dans des fauteuils roulants ou allongés sur des brancards, attendant d'être pris en charge par les médecins dans les box de soins.
« Ah, John, merci d'être venu aussi vite ! Tu es déjà passé au vestiaire, à ce que je vois. Super ! C'est l'horreur ce soir », lui glissa Keira à l'oreille, en lui tendant un stéthoscope. « Comme si l'accident de voiture ne suffisait pas ! Tiens, prends le box numéro 3, un type vient d'arriver, il y a deux minutes. Les filles prennent déjà ses constantes. » Et elle ajouta, en lui tendant le dossier du patient, « tu vas voir, c'est bizarre son entourage » ». Et elle poussa le jeune médecin vers la porte du box devant laquelle se tenaient un homme, qui faisait comme une sorte de barrage et vérifiait avec attention les abords immédiats de la pièce. Interloqué, John jeta un coup d'oeil rapide à l'intitulé du dossier.
Gregory Lestrade, H, 43 ans, chute d'un toit
John écarta l'homme et pénétra dans le box où le bruit insistant d'un moniteur cardiaque, bipant régulièrement, l'accueillit. D'un coup d'oeil rapide, il intégra tous les détails : une jeune femme brune, debout près du patient, qui demandait aux infirmières des informations; l'homme allongé sur la table d'examen, les yeux à demi -clos, une minerve de sécurité déjà placée autour de son cou, une plaie ouverte sur la tempe; dans un coin du box, deux grands gars surplombaient un autre homme, assis par terre, la tête entre les genoux. John ne distinguait qu'une silhouette anguleuse et masse de boucles brunes mais il perçut immédiatement la respiration laborieuse et les mains qui tremblaient violemment.
« Julia, tu peux conduire tout le monde dehors, s'il te plait », demanda John à l'une des infirmières.
« Hors de question », lui répondit d'une voix autoritaire la jeune femme brune qui se tenait près du blessé. Elle s'écarta toutefois de la table où il était allongé pour laisser le médecin l'examiner. « C'est une question de sécurité », fit-elle en agitant la main vers l'homme assis par terre. « Cette personne ... William... », reprit-elle, « ...William ne doit pas ... , » elle chercha ses mots « ... ne peut pas ... » Mais elle s'arrêta alors que le moniteur fit un bruit plus insistant. John de toute façon s'était déjà porté auprès du patient et se livrait aux premières investigations.
« Pouvez-vous me dire ce qu'il s'est passé ? » demanda-t-il à la jeune femme.
« Mon patron est tombé d'un toit. Heureusement, sa chute a été arrêtée presque immédiatement par un échafaudage de chantier qui se trouvait miraculeusement contre la façade de l'immeuble; il n'est finalement tombé que d'une hauteur de trois mètres mais il a quand même perdu connaissance ... ». Pendant que Sally poursuivait ses explications, John avait pu établir un premier diagnostic plutôt rassurant. Le score de Glasgow était satisfaisant. Le patient souffrait vraisemblablement d'un léger traumatisme crânien, de deux côtes fracturées et d'une cheville cassée, mais rien de plus. Il en serait bon pour quelques semaines de convalescence et de repos. Pour le moment, le plus urgent était de suturer la plaie qui saignait abondamment, malgré les bandages.
« Monsieur Lestrade, vous m'entendez ? Vous pouvez ouvrir les yeux ? Je suis le docteur Watson, votre médecin. Ouvrez les yeux, s'il vous plait, Monsieur Lestrade.
John frotta fermement le sternum de son patient pour le faire revenir à lui. Avec un gémissement de douleur, ce dernier ouvrit enfin les yeux. Alors qu'il tentait de porter sa main vers sa tempe qui le faisait visiblement beaucoup souffrir, John arrêta son geste avec douceur.
« Non, ne touchez pas; on va vous donner quelque chose contre la douleur. Ça va aller. Vous n'avez rien de trop grave. Comment vous-vous sentez ? Vous savez ou vous êtes ? Regardez-moi. Vous pouvez me dire votre prénom ? » Et comme son patient ne répondait pas, John insista. « Dites-moi comment vous vous appelez. » Il se pencha pour saisir le murmure qui s'échappait des lèvres de l'homme blessé.
« Myc ... » entendit John. Le médecin leva la tête, étonné et son regard croisa celui de Sally. « Mais je croyais que c'était Gregory ? », interrogea-t-il, en montrant le dossier.
La jeune femme se pencha vers Greg qui la regardait, les yeux vitreux, sans bien réaliser, semblait-il, où il se trouvait.
« Myc , répéta-t-il, Myc ... » il commença à s'agiter et à repousser le drap qui le recouvrait.
« Calme-toi, Greg, calme-toi. Il va venir. On va l'appeler. » Sally jeta un coup d'oeil vers l'homme maigre toujours assis par terre, le dos appuyé contre le mur et dont les mains ne cessaient de trembler. Un des gars qui le surplombait un peu auparavant s'était agenouillé près de lui et, sur une demande muette de Sally, fouilla la poche de son manteau trempé et lui tendit son téléphone. L'homme pianota frénétiquement un court message.
Besoin de toi ici. Vite. SH
La réponse fut immédiate.
C'est Greg ? Je prends le premier avion. MH
Sans relever la tête, toujours silencieux, l'homme montra le téléphone à Sally qui se pencha de nouveau vers Greg, chuchotant quelques paroles à l'oreille de l'homme blessé qui se calma progressivement. Durant cet échange, John avait préparé un kit de sutures. Les gestes mille fois répétés dans le désert afghan lui donnait une assurance que tous ressentaient.
Il s'approcha de Greg qui frissonnait et avait refermé les yeux.
« Vous avez froid, Monsieur Lestrade ? C'est normal, c'est le choc; ça va aller mieux dans quelques minutes. Attendez, je vais arranger cela. » Il fit un signe à l'infirmière qui recouvrit le blessé d'une légère couverture. « Voilà ce que l'on va faire maintenant. Je vais vous donner un léger sédatif pour vous aider à vous détendre et je vais suturer votre plaie, pendant que Julia et Kathy vont plâtrer votre cheville, d'accord ? ».
Positionnant le scyalitique, le médecin entreprit la tâche délicate qui nécessitait une grande dextérité. La plaie était très profonde. Pendant qu'il effectuait les injections d'anesthésiant local et que Greg s'assoupissait progressivement, sous l'effet du calmant, le médecin pouvait entendre la respiration trop rapide de l'homme brun toujours assis par terre.
« William, ca va ? » demanda-t-il. Comme ce dernier ne répondait pas, John lança un regard interrogateur vers Sally, qui lui retourna un regard où se disputaient l'anxiété et l'exaspération. Pendant la demi-heure qui suivit, John sutura la blessure dans le silence le plus total. Seule la respiration heurtée de l'homme assis par terre, se faisait entendre, inquiétant davantage le médecin. Dès que la plaie de Greg fut refermée et qu'un dernier examen le rassura sur l'état de son patient, John murmura d'une voix ferme.
« A nous, maintenant, William, d'accord ? »
« Laissez- moi tranquille, » fit le jeune homme se recroquevillant davantage. « De toute façon, on emmène Greg et on s'en va. » Et il fit signe aux deux gardes du corps qui ne le quittaient pas d'établir une barrière entre lui et le médecin.
« Oh, ça, ça m'étonnerait », murmura John en s'agenouillant, malgré la présence de des gardes du corps, près du jeune homme et en lui saisissant le poignet. Ce qu'il trouva sous sa main ne fit que confirmer ses inquiétudes. Un pouls rapide, fuyant, qui lui disait déjà ce qu'il soupçonnait depuis le début.
« Sh ..., mais Sally se reprit, ... William, ne fais pas l'enfant, laisse le docteur Watson jeter un coup d'œil. Et puis, c'est ce Greg voudrait. Tu lui dois bien ça, non ? » Sally ajouta alors d'une voix blanche. « Qui que vous reconnaissiez, Docteur, vous êtes tenu au secret le plus absolu, n'est-ce pas ? »
Qui que je reconnaisse ? Mais qu'est-ce qui se passe ici ? C'est quoi ce bazar ?
« William ? » demanda John prévenant le jeune homme qu'il allait le toucher davantage. « Vous voulez bien relever votre visage ? »
Et comme ce dernier ne réagissait pas, John, releva avec précaution le menton du jeune homme. Un visage d'une beauté singulière, ravagé par les larmes s'offrit à lui. Ce fut comme une collision, non pas avec des traits qu'il ne reconnut absolument pas, mais avec deux iris d'un bleu glacé dont les pupilles dilatées en disaient trop long. John se sentit transpercé de part en part. Les deux hommes se regardèrent sans dire un mot, l'un perdu dans le regard de l'autre.
Ce fut l'homme assis par terre qui rompit brusquement le silence :
« Afghanistan ou Irak ? »
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