Chapitre 53 - Babylon
Peuples de l'humanité, où que vous soyez, écoutez ce message.
Vos origines sont diverses, nombre d'entre vous sont nés sur Terre, mais vous êtes tout aussi nombreux à avoir vu le jour en Anhumia, en Svata Zeme ou encore sur Elysion, peut-être même avec un peu de chance ce message vous parviendra jusqu'aux confins des mondes, aux portes du Royaume d'Éther et aux premières marches des Cours du Chaos.
Vous n'en avez sans doute pas conscience, mais d'innombrables mondes existent en-dehors de votre réalité, hors de votre portée à l'heure actuelle. Mais ils sont bien là, les Rivages Infinis, les cités verticales de Thuria et Pertris, les landes paradoxales aux abords de la Source, et bien d'autres encore. Chacun vient de subir un grave cataclysme, un bouleversement profond qui met en péril votre mode de vie tel que vous le connaissez. Si vous avez levé les yeux au ciel, vous avez sans doute observé la comète qui accompagnait cet évènement majeur. Ce phénomène céleste est le signe qui nous unit. Il porte le message que vous recevez en cet instant : Vous n'êtes pas seuls.
Dans ce moment difficile où vous devez puiser dans vos ressources pour continuer d'exister, sachez que pire encore a été évité, que d'autres comme vous luttent pour leur survie, et que tous ensemble, chacun à notre façon, nous perdurerons.
Nous sommes Babylon. Nous formons un tout disparate, divers et parfois discordant, mais uni par notre humanité fondamentale. Ce n'est pas une question d'espèce, de sexe, de couleur de peau, de langue, de mode de vie, de croyance ou d'origine géographique. Tous ceux qui ont tenté de vous faire adhérer à ces distinctions n'ont fait que contribuer à ériger les barrières qui vous emprisonnent aujourd'hui. Des limites bien tangibles comme les murs de béton d'un abri censé vous protéger des dangers du monde extérieur, les clôtures des camps de réfugiés où l'on vous parque pour votre sécurité, où l'on enferme des populations en détresse pour les empêcher de nuire. Mais pensez aussi aux frontières invisibles tracées au nom d'une différence arbitraire de statut social, de religion ou d'appartenance ethnique. On a voulu vous faire croire qu'en raison de ce que vous êtes, de qui vous aimez ou de ce en quoi vous croyez, toute une partie du monde vous était inaccessible. Que les frontières de l'impossible commençaient à la surface de votre peau. Imaginez à quoi ressemblerait le monde si toutes ces murailles s'écroulaient. Voilà ce qu'est Babylon.
Nous ne vous demandons pas de nous rejoindre, nous n'attendons pas votre vote, votre argent ou votre soutien. Nous n'avons aucune revendication ni aucune mission à vous confier. Votre seule humanité vous inclut de droit dans ce grand ensemble. Et pourtant, nous ne prenons pas à la légère ce simple mot, et nous ne le considérons certainement pas comme acquis ou allant de soi. Il relève en effet d'une qualité simple et essentielle qu'il convient de cultiver et d'appliquer dans chacun de nos actes. Il s'agit de l'empathie.
Car on ne saurait se prétendre humain à condition de rechercher chez les autres, au-delà de leurs différences, de nos désaccords et de nos incompatibilités, ces qualités fondamentales qui nous rapprochent malgré les gouffres qui nous séparent.
La souffrance que nous ressentons face aux épreuves qui nous frappent, les élans de nos cœurs et la tristesse de nos âmes, le souffle de nos ambitions et de nos espoirs.
Babylon est la preuve vivante que nous méritons de vivre, la foi inébranlable dans le progrès de nos civilisations, et la confiance que chaque pas en avant contribue au bien de tous. Les ennemis qui ont envoyé sur nous les séries de désastres dont vous avez été témoins sont convaincus de notre incapacité à œuvrer vertueusement. Ils estiment nos peuples guère différents des sauvages que nous étions à nos balbutiements. Ils misent sur notre extinction à court terme et pèsent de tout leur poids sur les forces de division qui nous habitent pour nous mener à l'annihilation. Notre cupidité, notre défiance, notre intolérance et notre peur sont autant de leviers qu'ils manipulent dans le but de prouver notre malfaisance et justifier notre génocide, et au-delà l'anéantissement complet de nos foyers.
Les rescapés de Pribam peuvent témoigner de la volonté destructrice qui s'oppose à nous. L'oblitération de leur monde natal de Svata Zeme est le châtiment infligé par des puissances soi-disant supérieures pour expier la corruption de leur société. Pourtant ils survivent à cette perte. Réfugiés en Elysion, ils ont la chance de se reconstruire, se réinventer, et peut-être contribuer à bâtir un nouveau monde sans répéter les erreurs de leur passé. La Terre est aujourd'hui frappée d'un fléau global qui force les populations à s'isoler et se cacher dans des abris sous-terrains. Anhumia est le théâtre d'une guerre mondiale née de la discorde entre les espèces et le brouillage des moyens qu'ont les individus de se parler sereinement. Quelle que soit votre position face à ces calamités qui dépassent de loin l'échelle individuelle, vous avez le pouvoir de redresser les torts, d'accomplir de petits actes insignifiants qui mis bout à bout et combinés à ceux d'autres individus dont vous ne soupçonnez même pas l'existence, contribuent à guérir les terribles blessures dont nous souffrons et nous offrent un espoir de jours meilleurs. Vous êtes les millions de fers de lance de Babylon dressés contre ces forces adverses, chaque coup que vous portez nous fait avancer tous ensemble.
Mais il m'est nul besoin de violence. Notre arme est la connaissance, l'accumulation du savoir nourrie par la curiosité et la soif de découvertes. La lumière de l'érudition dissipera les sombres menaces qui pèsent sur nous, plus efficacement que le fracas des armes. Le remède à la guerre ne saurait être trouvé dans le conflit. Aussi, votre capacité d'invention doit devenir votre instrument le plus précieux. Aiguisez vos talents, approfondissez vos connaissances. Explorez des territoires vierges ou interdits, réalisez des expériences et repoussez les limites de la science. Partez à la rencontre de peuplades réputées sauvages, faites-vous des amis venus d'ailleurs, dites simplement bonjour à un inconnu. Bâtissez des écoles, plantez des jardins, soignez les malades, protégez les faibles. Imaginez des récits fantastiques, des histoires touchantes, réalisez des documentaires. Et par-dessus tout, racontez tout cela. Les terminaux qui nous relient nous offrent cette opportunité incroyable de donner et de lire d'innombrables exemples de notre incroyable faculté de création, et de l'empathie qui transpire à travers la multiplicité de nos actes anodins. Il faut croire dans le pouvoir infini de notre créativité, de notre humanité commune.
Durant mes années d'enfance, j'ai été hantée par un horrible cauchemar, une vision étrangement proche de ce qui se produit sur Terre de nos jours, et elle se terminait invariablement par notre anéantissement collectif. J'ai toujours choisi de croire que cette prémonition pouvait être évitée. J'ai cru que mes efforts à eux seuls suffiraient. Je me trompais.
Certains d'entre vous me connaissent, mon visage est apparu au grand jour et j'ai subi de plein fouet les injures et le mensonge. Je les ai en partie mérités. Non pour les raisons qui ont souvent été invoquées, car on m'a traitée d'espionne, de traitre, de comploteuse, de terroriste, d'assassin. La vérité est bien différente de ce que l'on a raconté de moi, des mensonges qui ont été tissés pour me décrédibiliser. La vraie raison de ma culpabilité est que je n'ai pas su appliquer ce que je vous expose à présent, je n'ai pas eu la force d'accorder ma confiance à davantage de mes semblables. Je me croyais trop seule, trop unique, trop isolée et peut-être assez solide pour tout endosser sur mes seules épaules. Par ma faute, la catastrophe a bien failli être totale.
Il n'est donc plus question de ma personne, mais bien de nous tous, nous qui sommes Babylon, car tous ensemble il n'est rien que nous ne puissions accomplir, aucune menace que nous ne puissions vaincre. J'ai encore tant de choses à vous raconter. Je ne vous demande pas de me croire, juste de me comprendre. Il faut que vous me compreniez.
Je m'appelle Miracle.
Miracle N'Kanté.
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