Chapitre 49 - Save Your Tears
Quand Miracle se redressa sur son lit, une main appuya sur son épaule et la força à s'allonger.
« Hey, doucement ! Tu as encore besoin de repos.
- Albert ? répondit-elle après avoir identifié la voix du Berger. Merci d'avoir veillé sur moi, mais ça va. Laisse-moi me lever. »
Elle avait menti, bien sûr. Sous l'effet des drogues qu'elle s'était administrées pour induire l'état d'hypnose sous instance, son champ de vision tourbillonnait sans que son cerveau ne parvienne à le stabiliser, son équilibre semblait si incertain que même en position assise elle s'agrippait aux barreaux du lit, et surtout une boule de nausée poussait depuis son ventre jusqu'au bord de ses lèvres. Elle tenta un geste confus pour arracher son interface neurale, mais Albert l'arrêta.
« Prends ton temps, lui conseilla-t-il d'une voix ferme. Tu n'iras nulle part dans cet état.
- Le temps, rit-elle de dépit. C'est justement un luxe que je n'ai pas. Il faut que... Moniyah..., balbutia-t-elle en essayant d'organiser ses pensées.
- Qui ça ? Tu veux dire ton terminal ? Comment est-ce qu'elle s'appelle, déjà ? Bub ?
- Mais non ! s'emporta la patiente. Moniyah ! C'est son nom. La femme inconsciente dont je t'ai demandé de t'occuper en priorité dès ton arrivée ici.
- Ça ne me dit rien, répondit-il en se grattant la tête. Tu sais, j'ai tellement de monde à traiter que je ne sais plus très bien où j'en suis. Même Patty en perd le nord. »
Miracle attrapa le Berger par le revers de sa blouse et son ton se fit cassant.
« Cherche dans tes archives ! » ordonna-t-elle en serrant les dents de colère.
Il roula les yeux au ciel et consulta l'affichage de son terminal. « Comment tu l'écris ? » Miracle épela et patienta tant bien que mal tandis que Patty passait en revue les dossiers. Finalement, un résultat s'afficha en trois dimensions au-dessus de la paume d'Albert. Il fit glisser un doigt en direction d'un écran mural pour visionner le document en grand.
« Ooooh je me souviens maintenant! s'exclama-t-il. De bonnes nouvelles, en fin de compte.
- Montre-moi, dit Miracle en s'extirpant du lit à grand peine.
- Là, sur la paroi utérine. »
Juste au bout de son doigt, sur le scan qu'elle aurait bien été incapable de déchiffrer sans aide, une minuscule bulle insignifiante était attachée contre le bord de la cavité. À présent qu'elle la fixait, même son cerveau désynchronisé ne pouvait plus l'ignorer. Ses bras en tombèrent.
« J'arrive pas à croire que Moniyah est enceinte, murmura-t-elle. Elle en est à combien ?
- Cinq semaines à peine. La mère et le petit étaient au bord de l'épuisement quand je les ai pris en charge, mais ils se sont vite refait une santé. Comme elle n'avait plus besoin de monitoring, je l'ai laissée sortir. Maintenant qu'on en parle, je crois que je t'avais déjà dit tout ça. Par tous les Saints, je vois tellement de monde que je ne sais plus où donner de la tête, c'est à devenir fou. »
Miracle se détourna pendant qu'Albert continuait à radoter tout seul dans son coin. La Bergerie était tellement pleine à craquer de lits et d'appareils de monitoring qu'il fallait se mettre de profil pour se glisser entre les patients. Elle ne reconnut personne parmi ces pauvres gens. Ils gisaient, couverts de leur drap, le visage enfoui dans leur oreiller ou bien perdus dans une masse de cheveux en bataille. Leurs voix se mêlaient en un chœur de geignements et de plaintes, une mélodie sourde et insupportable similaire en tout point avec celle qui avait accompagné sa séance de régression virtuelle. Profitant de l'inattention du Berger, elle se fraya un chemin jusqu'au placard où étaient rangés ses effets personnels, récupéra son barda et se faufila dehors en toute discrétion. Albert ne remarqua même pas qu'une de ses malades avait disparu.
Un placard de service lui permit de se changer et de se débarrasser de sa blouse. Elle partit alors dans les couloirs, bien décidée à retrouver sa compagne. L'état d'Albert n'augurait rien de bon au sujet de l'épidémie qui était tombée sur le Jardin Vermuelen. Le Berger n'en avait même pas conscience, mais son cerveau souffrait des attaques du Mal de l'Ombre à un stade avancé. De même sans doute que son assistante virtuelle, Patty, ainsi que tous les zemeiens qui avaient franchi le portail vers Elysion. Il y avait urgence à trouver un remède, non pas à chaque cas individuel, mais plutôt une solution globale qui mettrait un terme à cette affliction.
Les couloirs du complexe grouillaient d'une tranquille animation. On marchait par petits groupes en se tenant la main, on restait simplement assis contre le mur à ne rien faire, on discutait ou débattait de sujets importants, on réclamait le recours à un vote du Conseil des Anciens avant de se voir rétorquer que personne n'avait vu le maire de Pribam, ni aucun dignitaire du Conclave, depuis le Cataclysme. Miracle ne prêta pas attention à ces conversations, elle joua des coudes pour se dégager un chemin, tout en jetant des regards furtifs aux individus qu'elle croisait. Elle ne connaissait aucun de ces gens, dont les yeux étonnés ne semblaient pas non plus la reconnaître. Elle se dirigea vers le parc, avec l'espoir d'y trouver enfin un visage familier.
Ses espérances s'envolèrent dès qu'elle mit le pied dehors.
Le jardin ne ressemblait en rien au lieu clair et verdoyant qu'elle avait connu. Des nappes de brume léchaient les alentours du grand saule au centre, les lourdes branches des acacias retombaient sous le poids de leurs abondantes floraisons dont le jaune vif s'était terni en un morne brun clair. Le ciel bouché de nuages à la teinte violacée baignait le paysage d'une nuance maladive, comme un brin de lavande séchée resté trop longtemps au fin fond d'un placard. Partout où elle posait les yeux, des ombres déambulaient à pas lents et désœuvrés. Les passereaux, les grives et les moineaux se taisaient, ou bien leurs pépiements étaient noyés dans la longue et monotone complainte des égarés. Murmures, grondements, raclements de gorge, radotages et élucubrations se mélangeaient pour créer cette insupportable musique de la déchéance. L'horreur du Mal de l'Ombre sauta à la figure de Miracle, qui saisit à cet instant l'absolue cruauté de disparaitre à petit feu, mais également l'agonie pour ceux qui demeurent de savoir au plus profond de leur être que quelque chose, quelqu'un, leur a été arraché, sans pourtant en retrouver le nom.
Leurs noms. Elle devait bien pouvoir encore s'en souvenir.
Moniyah. Évidemment. Mais qui étaient les autres ? Marika. Oui, sauf que la Maîtresse de l'Ordre n'avait pas fait le voyage, elle avait été détruite avec Svata Zeme. Au moins, son souvenir demeurait intact.
Tandis qu'elle explorait ses souvenirs, Miracle marcha au hasard. Elle aperçut une lumière dans le brouillard et s'en approcha. Le pigeonnier du Jardin clignotait de toutes ses lumières. Des abeilles continuaient de s'y poser, chargées de colis de provisions, ou bien de nécessaire de toilette. Devant l'imposante antenne avec ses compartiments sécurisés, une table pliante avait été déployée, surmontée de quatre réchauds électriques raccordés directement au pylône. D'énormes marmites y mijotaient. Machinalement, poussée par la crampe qui saisit son estomac quand les effluves de nourriture chaude lui chatouillèrent les narines, Miracle prit un bol sur la pile et se servit une louchée de mixture chaude et épaisse, pleine de morceaux généreux. Elle se servit un morceau de pain, attrapa une grosse cuillère et se posa, assise à même le sol, pour calmer la faim qui la dévorait.
Le goulash lui réchauffa le corps en même temps qu'il lui éclaircit l'esprit. La sauce lui rappela un peu celle que préparait sa mère quand Désiré la laissait se mettre aux fourneaux. Les arômes de cumin lui réveillèrent les papilles, si bien que son bol à peine terminé elle retourna à la table pour s'en resservir une part. C'est alors qu'une révélation la frappa. Où se trouvait la personne qui tenait le stand ?
Tout en jouant de la cuillère, elle fit le tour du pigeonnier. Elle n'eut pas loin à chercher avant de découvrir M. Truffe affalé par terre. L'anhumain à demi conscient marmonnait dans son sommeil éveillé et de temps à autre Naomi traduisait un mot dénué de sens. Sous l'acier de sa visière intégrale, impossible de savoir s'il avait les yeux ouverts. Pourtant, elle décida de ne pas lui ôter, car l'interface neurale était son seul moyen de communication.
« Réveille-toi ! » s'alarma Miracle. Elle lui mit une petite claque sur le côté du museau pour le stimuler.
« À demain dans une flêche transversale qui approche du lisier tricoté avec une soupe de poireaux vinaigrette, répondit l'IA.
- Merde ! s'écria-t-elle en constatant son état avancé de dégénérescence. Allez, redresse-toi. C'est bien. Mange un peu, ça te requinquera. » Avec toute la patience dont elle put faire preuve, elle nourrit son camarade à la cuillère, à gestes lents accompagnés d'encouragements. Peu à peu, les gestes de l'anhumain retrouvèrent un peu de vigueur. « Est-ce que tu te sens mieux ? continua-t-elle.
- M. Truffe a l'impression d'avoir pris une gueule de bois monumentale avant de s'endormir dans une machine à laver, expliqua Naomi. il se demande ce qu'il fait ici et quel jour nous sommes. D'après mes données, nous sommes le mercremanche S23, 1118.
- On dirait que vous débloquez complètement, tous les deux. Je suis désolée, c'est ma faute. Je n'aurais pas dû vous appeler et risquer de vous exposer ainsi au Mal de l'Ombre. Il faut t'évacuer d'ici en toute vitesse avec Albert. »
Malgré les protestations de M. Truffe, selon lequel il était encore pleinement en mesure de rester pour l'aider avec son problème de cafards radioactifs, Miracle sortit son terminal et contacta Grégoire, toutefois son frère demeura injoignable. Elle tenta sa chance avec Nadia, et cette fois la jeune femme lui répondit. Après les réjouissances de mise lors de ces retrouvailles, Miracle en vint au fait.
« J'ai besoin que tu me rejoignes au Jardin Vermuelen pour récupérer Albert et M. Truffe.
- J'arrive, répondit la beurette sans la moindre hésitation. Mais qu'est-ce qui se passe là-bas ? J'ai vu des reportages aux infos. Les gens n'osent pas approcher du périmètre, ils ont érigé des barricades.
- La situation est sous contrôle, mentit Miracle. J'imagine donc que tu ne pourras pas venir par tes propres moyens, encore moins repartir. Donne-moi une petite heure et je te contacte par esquisse.
- Je serai prête.
- Au fait, hasarda Miracle, tu ne sais pas où est passé mon frangin ?
- Non, fit-elle alors que son visage s'assombrissait. Lorsque la nouvelle a circulé que tu étais de retour en Elysion malgré ta sentence d'exil, il est sorti en trombe et je ne l'ai pas revu depuis. Je suis un peu inquiète.
- On s'en souciera plus tard. Pour l'instant, j'ai d'autres chats à fouetter. »
Elle raccrocha avec la promesse de revoir son amie aussi vite que possible. Elle se mit aussitôt au travail sur l'esquisse dont elle avait besoin, sur une des pages vierges de son carnet encore toute gondolée par son séjour dans l'eau. Tandis qu'elle travaillait, elle fit la conversation à M. Truffe pour le garder alerte. Il lui raconta comment il s'y était pris pour gagner la confiance des réfugiés, leur apprendre à utiliser leurs terminaux, organiser les distributions de nourriture, les dortoirs et les douches. Dans l'ensemble, ces gens l'avaient impressionné par leur capacité d'adaptation et leur indépendance. Une fois leurs premières réticences abattues, ils avaient pris en main bon nombre des tâches et s'étaient répartis les tours de passage aux sanitaires. Les enfants qui n'avaient plus de parents avaient naturellement été pris en charge par des adultes qui n'avaient rien demandé en retour.
« M. Truffe les aime bien, conclut Naomi. Le petit Sebastian avec ses bouclettes rousses, et puis le vieux qui s'en occupe dont on ne sait plus le nom. Paiœter, je crois.
- Mais oui ! s'exclama Miracle. Leurs noms ! S'ils ont bien renseigné leurs IA, on doit pouvoir les localiser grâce à leurs terminaux. Aide-moi à me souvenir. Il y a celui à qui Marika a confié l'encyclopédie des Chasseurs.
- Un barbu maigrichon qui garde son livre de cuisine serré contre lui comme si on allait lui voler ? M. Truffe l'a vu. Il s'appelle Sacha. Non, Petra. Un truc en -a.
- Lukas ! Bub, envoie-lui une demande d'ami et transmets-lui nos coordonnées. Pareil pour Moniyah. Et les autres, comment c'était déjà. La gamine qui est devenue grande avec un fils et qu'on a sauvée des cultistes sur Svata Zeme.
- M. Truffe l'a entendue raconter une histoire dans le genre. Une rousse avec un chignon et une robe toute rapiécée, constamment un mioche dans les pattes, dans les sept ou huit ans.
- C'est ça ! Pavlova. Non, Pavlina. Bub, tu peux la retrouver ? » Ainsi de suite, à mesure que ses neurones fatigués reconstruisaient de fragiles connections, Miracle reconstitua le noyau de ses connaissances et leur définit un point de rendez-vous sous le pigeonnier.
Avec ces distractions, le travail sur l'esquisse de Nadia n'avança pas aussi vite qu'elle l'eût espéré. Toutefois, au bout de plus d'une heure son dessin avait pris forme et elle se prépara à ouvrir le portail. Quand le contact s'établit, Nadia apparut en train de faire les cent pas dans la cave secrète de la Lisière. Dans l'intervalle dont elle avait disposé, elle s'était vêtue d'un pantalon et d'une veste de camouflage, ainsi que d'un couteau de chasse et de grosses bottes noires, et l'ensemble militaire contrastait avec son hijab bigarré à motifs floraux. Quand elle prit conscience de la présence de Miracle, son visage s'épanouit en un sourire nerveux. Elle tendit la main pour saisir celle de son amie, avança et la prit dans ses bras.
« Je suis soulagée que tu ailles bien, dit-elle simplement. » Puis elle jeta un regard alentour et ses sourcils se froncèrent. « Qu'est-ce qui se passe ici ? Qui sont ces gens ?
- Je t'épargne les détails. Moins tu en sauras et mieux ce sera. Tu n'as pas à te soucier de ta sécurité, ils ne sont pas dangereux. » Miracle pointa du menton le couteau à la ceinture de son amie.
- C'était juste par précaution, balbutia la beurette.
- Je comprends. Tu n'as pas grand chose à faire. Ne t'arrête sous aucun prétexte et ne parle à personne. Va dans la Bergerie et récupère Albert. Il ne voudra pas abandonner ses patients mais à ce stade il ne peut plus rien faire pour eux. Dis-lui que quelqu'un vient pour le remplacer, même si c'est faux. Ramène-le ici et ensuite je vous réexpédie direct à la Lisière. Avec un peu de repos, lui et M. Truffe seront remis sans trop de souci.
- Compris. »
Sans poser davantage de questions, la courageuse jeune femme partit en petites foulées vers le bâtiment principal. Alors qu'elle la regardait s'éloigner, Miracle vit plusieurs ombres s'avancer vers le pigeonnier. Ce ne fut que lorsqu'elles eurent approché à moins de cinq mètres que son cerveau tilta.
« Moniyah ! s'écria-t-elle en courant pour se jeter dans les bras de sa compagne. Je me suis fait un sang d'encre.
- Cet appareil de malheur m'a dit que tu m'attendais ici. J'ai cru qu'il se payait ma tête, mais dans le doute...
- J'avais si peur de te perdre ! sanglota Miracle en l'embrassant avec ardeur.
- Hé, calmez-vous s'il vous plaît ! les interrompit une voix outrée.
- Ah oui, expliqua Moniyah en caressant la joue de Miracle. J'ai pris la liberté d'emmener Nadeje.
- Ah je... Nadeje, oui, bredouilla Miracle en remarquant la jeune Chasseresse de même pas dix-huit ans. Je suis désolée pour Marika.
- Merci. Son sacrifice m'honore. » Un lourd silence s'ensuivit, pendant lequel Miracle ne sut quoi ajouter, alors que son cœur lui criait que cette enfant avait le droit de pleurer la perte de sa mère.
« Bon, alors qu'est-ce qu'on fait ici ? enchaîna Moniyah pour rompre cet instant embarrassant.
- Tous les zemeiens sont en danger. Le Mal de l'Ombre va tous vous avaler si on ne fait rien. Il faut tous vous réunir et vous parler pour ralentir le procédé. »
Quelques minutes plus tard, Lukas se joignit au groupe, suivi de Pavlina et son fils, puis des Chasseurs que Lukas fit appeler, et d'autres habitants de Pribam. Miracle se mit au travail sur une esquisse de la Lisière, et une dizaine de minutes plus tard Nadia reparut en compagnie d'Albert. Elle expliqua qu'elle avait dû en arriver aux menaces, mais de mauvaise grâce le Berger avait fini par la suivre. Une demi-heure plus tard, Miracle ouvrit le portail vers la Lisière et les renvoya, non sans leur avoir donné à chacun une dernière embrassade. Nadia promit de prendre bien soin de ses deux nouveaux patients et de prévenir Miracle dès qu'elle obtenait la moindre nouvelle de Grégoire.
Quand le portail se referma, Miracle poussa un soupir de soulagement. Au moins, ses compagnons étaient saufs. Elle se retourna pour voir le groupe toujours plus nombreux des gens qui s'étaient réunis pour assister au tour de passe-passe qui allait les guérir de la malédiction dont ils souffraient depuis qu'ils avaient été arrachés à leur monde. Son sourire s'évanouit. Elle n'avait pas la moindre idée de ce qu'il fallait faire.
Ou plutôt si, le début d'une piste. Mais rien ne garantissait que ça marcherait. Et si elle se trompait, tout le monde mourrait.
Sans un mot pour les réfugiés, elle marcha jusqu'au saule et posa la main sur sa poitrine. Le Joyau répondit à sa requête et son cœur palpita de plus belle, si fort qu'un bruit de tambour s'échappa de son corps. Alors que sa concentration s'intensifiait, une lueur carmin grandit sous sa peau. Son sang se mit à bouillir dans ses veines, tandis que l'énergie de la Gemme se répandait dans tout son corps. Elle dégaina son sabre court et tint le fil de la lame contre la paume de sa main. Son bras trembla, paralysé par l'hésitation. C'était la seule solution qu'elle connaissait et il n'y avait plus une minute à perdre. Peu importe qu'elle n'ait pas la moindre idée de la manière de s'y prendre, ni même de ses chances de succès. Prométhée avait-il douté avant de tracer sa Marelle sur l'Ombre Terre ? Connaissait-il la méthode ?
Alors pourquoi hésitait-elle ?
« Miracle, arrête ! » la voix familière stoppa son geste. Elle releva les yeux et, à travers les flammes écarlates de son aura, vit le visage saurien de Raemone qui la tenait fermement par les épaules. « Ne fais pas ça, ordonna le Rejeton du Chaos d'une voix farouche.
- Il le faut, cria-t-elle pour se faire entendre par-dessus le rugissement du Fluide.
- Tu mourras, lâcha Raemone. Comme Prométhée avant toi, tu te videras de ton sang pour dessiner cette Marelle.
- Peu importe, si ça permet de sauver Moniyah.
- Même si tu réussis, ça ne la guérira pas. Il faudrait qu'elle parcoure ta Marelle, mais elle n'est qu'une ombre et elle serait détruite. Tu penses vraiment que chacun de ces gens aura la force de surmonter une telle épreuve ? Les enfants, les vieillards, les malades, que vont-ils devenir ? Tu ne veux donc sauver que ceux qui t'intéressent ? Que ceux dont tu crois qu'ils auront la force de traverser l'enfer juste parce que tu leur demandes ? Sans parler des conséquences pour l'équilibre de l'Univers. Crois-tu que la trame de la Réalité peut supporter un quatrième pôle ?
- Je dois essayer, sanglota Miracle en secouant la tête.
- Je t'en empêcherai. »
La pointe d'un couteau appuya sur son ventre. « Tu sais que j'ai raison. » insista Raemone en la regardant droit dans les yeux.
Les flammes furieuses refluèrent, l'incendie se calma peu à peu. Miracle tomba à genoux et se mit à pleurer à chaudes larmes. Raemone lui lâcha le bras et rangea son arme. Ses longs doigts et ses avant-bras couverts d'écailles avaient noirci et fumaient encore. Moniyah prit le relais et serra Miracle contre elle.
« C'est pas grave, murmura-t-elle. Tu as fait de ton mieux. Peut-être qu'on ne peut simplement pas être sauvés.
- Après tout ce qu'on a traversé, geignit Miracle en nichant le visage dans le giron de sa compagne, on a le droit de pouvoir être ensemble.
- Peut-être que c'est impossible.
- Je refuse de me rendre, cracha-t-elle entre ses dents serrées.
- Pourquoi ?
- Tu le sais bien. »
Moniyah écarquilla les yeux d'étonnement et des mots silencieux passèrent entre elles, qui n'avaient nul besoin d'être prononcés tant ils étaient d'une évidente simplicité.
Leur étreinte fut interrompue par une vive lumière qui les éblouit. Un véhicule venait de s'immobiliser juste devant elles et les éclairait de ses phares. Protégeant ses yeux, Miracle se redressa et s'approcha. Une notification retentit sur son terminal. Elle sortit l'appareil et Bub afficha un message.
Ahténa:
Mricale, j'ia besion de tno adie puor uen afffaier séruiese. C'set ua sjuet du porjet Choas. Tio suele puex rpéarer lse doammges. Cettte viotrue t'emènnera ua cnetre de cnotrôle. Fias vtie.
La portière coulissante de la voiture, qui pourtant n'avait pas de chauffeur, s'ouvrit pour l'inviter à s'installer. Elle se tourna vers ses amis, essuya son visage encore humide de larmes et leur sourit.
« Je dois y aller. Restez là et tenez bon. Il nous reste encore peut-être une dernière chance. »
Moniyah la retint par le bras.
« Et si c'était un piège ? Je viens avec toi.
- C'est très certainement un piège. » confirma-t-elle en inclinant la tête et en étirant les lèvres. Elle posa un délicat baiser sur le front de sa compagne. « Voilà pourquoi je dois y aller seule. »
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