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Chapitre 26 - Kingdom of Days

** Lundi.

Le lundi débutait sur les chapeaux de roues. À 6h15 pétantes, Miracle déboulait comme une tornade dans la chambre de Grégoire et secouait le pauvre ado endormi jusqu'à ce qu'il ouvre les yeux. Des disputes éclataient souvent à cette occasion, car il fallait se fâcher pour que Grégoire émerge pour de bon. Il lui arrivait plus d'une fois d'attendre que sa grande sœur le laisse enfin tranquille, et il s'emmitouflait de nouveau dans ses couvertures pour terminer sa trop courte nuit. Avec le temps, Miracle trouva des parades. Elle remontait les volets en grand pour inonder la chambre de lumière. Parfois, et particulièrement quand la température au-dehors était encore fraîche, elle allait jusqu'à ouvrir la fenêtre pour laisser entrer l'air glacial et les embruns du large, puis elle arrachait la couverture du lit et la jetait dans le couloir. Grégoire, qui n'était pas du matin, lançait alors une tirade mortelle qui donnait le ton pour toute la journée.

« Vas-y, laisse-moi tranquille. T'es pas ma mère ! »

Ce à quoi Miracle rétorquait sur le même ton qui ne faisait rien pour arranger la situation :

« Bouge ton gros cul d'handicapé avant que je vienne te botter le train. »

Autant dire que l'ambiance au petit déjeuner volait rarement vers l'allégresse. Miracle plongeait le nez dans sa tasse de café noir et tapait du talon sous la table, comme à son accoutumée quand elle était contrariée, tandis que Grégoire se servait un grand bol de céréales auxquelles il ajoutait du sucre et du chocolat avant de noyer le tout dans un demi-litre de lait et d'engouffrer de grosses cuillerées en mâchant bruyamment. Dans ce silence relatif, la crise passait. Miracle reprenait alors d'une voix plus calme et mesurée.

« T'as préparé ton sac ?

— Mhmm.

— Tes devoirs sont faits ?

— Mouaiiiiis.

— Tu as bien pris des affaires pour trois jours ?

— Hmmmm

— Tu as des interros prévues cette semaine ? »

L'avalanche de questions provoquait en général une reprise des hostilités et l'adolescent finissait par laisser son bol en plan pour retourner dans sa chambre en claquant la porte.

« Et magne-toi, criait la grande sœur dans le hall, on décolle dans quinze minutes. »

S'ensuivait un moment de calme avant une nouvelle tempête, jusqu'à ce que Miracle passe de nouveau à l'assaut et fasse irruption dans les quartiers de son petit frère.

« Mais qu'est-ce que tu tournes ? s'écriait-elle alors. On devrait déjà être partis et t'es toujours pas prêt ! »

Dans la panique, le rouquin ramassait à la hâte ses classeurs éparpillés, les fourrait dans son cartable, posait son sac de voyage sur ses genoux et rejoignait sa sœur sur le palier. Quand les affaires du rouquin se trouvaient particulièrement éparpillées, on entendait d'abord à travers la porte une incantation accompagnée d'un éclat de lumière bleue : « INVENTORY ! » Miracle avait déjà sorti une esquisse de leur destination et chassait la frustration de son esprit pour parvenir à ouvrir le passage.

« C'est bon, hasardait Grégoire. Je suis prêt.

— Au point où on en est, j'en ai plus rien à foutre. »

Le portail prenait forme et elle le précédait sans se retourner. Ils débarquaient sur un petit sentier calme non loin du Jardin Moralès où Grégoire allait passer les trois prochains jours, pour une scolarité en internat doublée d'une prise en charge médicale. Le tout coûtait à Miracle la bagatelle de 28 000¢ par semaine, mais Grégoire avait besoin à la fois de soins et d'une scolarité normale. Il n'y avait pas à hésiter.

L'ado s'avançait sur le chemin stabilisé qui serpentait entre les arbres, puis lançait par-dessus son épaule :

« Merci pour le trajet, sœurette. »

L'adulte lui rendait un regard attendri et répondait simplement :

« De rien, frangin. » Avant d'ajouter « Passe une bonne semaine.

— Toi aussi. »

Et elle s'en retournait par son passage magique. De retour dans la grande maison devenue bien calme, elle savourait le silence et profitait de cette tranquillité pour savourer un autre café, confortablement calée dans un fauteuil du séjour. Arrivée au milieu de sa tasse, elle inspirait un grand coup et activait Bub. Selon les instructions de sa propriétaire, l'IA affichait la liste des courses mise à jour par tous les habitants de la maison au cours de la semaine précédente. Elle approuvait la majorité et rejetait les objets inscrits par Grégoire au cas où elle n'y prêterait pas attention. « Dix figurines de mangas ! s'écriait-elle seule devant son écran. Il croit qu'on roule sur l'or ou quoi ? » La liste approuvée, Bub se chargeait ensuite de passer commande auprès des fournisseurs habituels ou bien d'autres qui bénéficiaient d'un fort score de satisfaction. Les premières livraisons n'arriveraient qu'au bout d'une grosse heure, car la maison se situait à une extrémité du maillage réseau, à quinze minutes de trois pigeonniers eux aussi relativement isolés.

Dans l'attente des premiers vrombissement d'abeilles livreuses, Miracle s'attelait au ménage. La maison était équipée d'un nettoyeur de sols, mais il restait encore bien des tâches de nettoyage à accomplir. Entre les trois salles de bain, la cuisine, la poussière sur les étagères et les vitres, elle avait instauré une rotation qui permettait à peine de conserver un semblant de propreté aux parties communes et aux sanitaires. En ce qui concernait les chambre, chacun son bordel. Et pour sûr, il y en avait, du bazar.

Vers dix heures trente, elle posait son éponge et rinçait son seau, puis elle passait en cuisine. Un détour par le pigeonnier lui permettait de récupérer les quelques articles tout juste arrivés. Elle en déposait quelques uns dans le frigo, mais la plupart du temps elle les mettait directement sur le plan de travail et attaquait une préparation. Au fil du temps, elle recréa à sa sauce une poignée de recettes de Désiré dont elle se souvenait. La ragoût de champignons à la méditerranéenne était une de ses meilleures réussites, avec le paleron de veau en sauce gribiche et ses légumes fondants. Elle cuisinait en grosses quantités, remplissait huit boîtes en verre qu'elle plaçait au frigo pour la consommation du foyer, puis plaçait le reste dans des barquettes individuelles qu'elle prenait en photo et répertoriait avec l'aide de Bub, avant de les placer dans les compartiments réfrigérés du Pigeonnier où ils seraient récupérés une fois vendus. Le bénéfices de ce petit business lui rapportaient environ 3 000¢ par semaine, comme quoi il n'y a pas de petit profit.

Après son repas, elle se retirait dans sa chambre, prenait son nécessaire de peinture puis posait son chevalet sur la terrasse qui surplombait la falaise et donnait sur l'océan à perte de vue. La plaine ondulante des vagues aux crêtes d'écume changeait de couleur au fil des jours et des heures, aussi surement que le ciel au gré des mariages d'Éros et Psyché. Ce paysage chatoyant et chaotique accompagnait à merveille son esprit dans ses divagations artistiques. Elle reconstituait son stock d'esquisses, ou bien elle travaillait pour une commande, sinon elle peignait pour le plaisir. Quelques unes de ses toiles commencèrent à se vendre. Elle s'étonna, au début, du marché culturel en Elysion. Les œuvres tombaient toutes dans le domaine public et devenaient disponibles dans la banque de donnée centrale. L'acheteur original conservait bien sûr l'exemplaire physique. Les prix des premiers travaux ne montaient pas très haut, mais à chaque vente l'artiste gagnait en cote et ses œuvres suivantes, sculptures, peintures, écrits, chansons ou encore films, prenaient de la valeur. En quelques semaines, une toile signée Miracle atteignit les 10 000¢, et sa réputation grandit à mesure que les citoyens appréciaient son travail.

Quand venait le soir et que l'un des deux astres disparaissait derrière l'horizon, elle posait son pinceau et remballait ses affaires. Elle échangeait son attirail de peintre contre celui de sabreuse et s'esquissait vers la demeure de maître Malcolm. Miracle ne s'attendait certes pas à trouver un maître du sabre en Elysion. Quand elle dénicha son profil sur le réseau, elle demeura dubitative quant aux réelles capacités du soi-disant artiste martial. Elle vint à sa première séance accompagnée de Grégoire et demanda à l'ado de lancer un scan sur l'individu. À l'issue de l'entraînement, le petit pirate informatique confirma :

« Le mec a 5 étoiles en aïkido, karaté, wakizashi, tanto et naginata. Il affiche même 7 étoiles en katana, c'est impossible ! »

Mais Miracle connaissait déjà la réalité. Elle n'avait eu besoin que de croiser sa lame avec celle de Saint Malcolm pour se trouver paralysée sous une aura de puissance invisible et pourtant aussi tangible qu'un mur de pierre. Depuis cette date, elle ne rata pas un entraînement.

La séance se terminait tard dans la soirée. Miracle en sortait physiquement vidée, mais l'esprit détendu et en paix. Elle se changeait, remerciait ses partenaires, saluait le maître et s'éloignait à pied en direction d'un groupe de maisons qu'elle n'atteignait jamais. Une fois seule sur le chemin, elle sortait sa troisième esquisse de la journée et se rapatriait dans sa chambre, où elle laissait tomber sur le sol son sac et ses vêtements, et entrait avec délectation sous la douche.

Quand elle sortait enfin de sa chambre en robe de chambre et une serviette sur la tête, Nadia l'attendait souvent dans le salon avec une théière fumante, parfois avec un verre de whisky pour elle. Depuis leur emménagement, la beurette ne portait plus son voile en intérieur, elle laissait tomber sa longue et magnifique chevelure noire luisante dans son dos. Au bout de quelques semaines, quand elle se sentit plus à l'aise avec sa compagne, Miracle aborda le sujet de ses croyances.

« Je suis heureuse de voir que tu ne portes pas le hijab à la maison. Ça signifie beaucoup pour moi.

— Oui, sourit Nadia. Cet endroit est mon foyer et toi et Grégoire êtes un peu comme ma propre famille, c'est naturel que je me dévoile un peu.

— Mais je me demandais... hésita Miracle. Tu promets de ne pas te vexer ?

— Je peux tout entendre.

— Eh bien, je ne comprends pas pourquoi tu continues à respecter les traditions de la religion musulmane. Sur le chemin d'Elysion, tu as pourtant pris la voie de nouvelles croyances.

— Je m'en souviens bien, soupira Nadia les yeux dans le vague au-dessus de sa tasse de thé. J'ai beaucoup hésité sur cet embranchement, et puis j'ai décidé que de nouvelles erreurs ne me feraient pas de mal. Mais pour autant, personne n'a le droit de me demander de changer au point d'oublier tout ce dans quoi j'ai été élevée, toutes les valeurs que j'ai reçues et qui me sont chères. Pour ce qui est de ma croyance en Allah, c'est compliqué mais même si nous sommes dans une vie après la mort, cela n'exclut pas la possibilité d'une force supérieure, d'un Dieu qui nous observe et nous juge selon la vertu de nos actions. En tout cas, moi j'ai besoin d'y croire un peu pour avancer.

— Je peux respecter ça.

— Et puis regarde Grégoire. Il pense dur comme fer que nous vivons dans une sorte de réalité virtuelle, il arrive même à faire ses tours de passe-passe où il fait disparaître et réapparaître des objets. Je n'ai pas de pouvoirs magiques comme lui, ni comme toi d'ailleurs même si tu ne crois en rien, mais est-ce que ça rend ma religion nulle et non avenue ? »

La question n'attendait pas de réponse. Miracle se contenta de hocher la tête. « Mais pourtant, remarqua-t-elle soudain, je ne te vois pas prier cinq fois par jour.

— Ha ! s'esclaffa la brune, parce que tu sais peut-être dans quelle direction se trouve la Mecque ? Je n'en ai pas l'air, mais je prie très souvent. Tu ne me vois simplement pas me promener avec mon tapis de prière sous le bras. Disons que j'ai procédé à quelques... ajustements.

— De nouvelles erreurs ?

— On peut dire ça. D'ailleurs, j'avais commencé un peu avant de venir en Elysion. Tu sais comment j'ai appelé mon IA ?

— Non, d'ailleurs je ne t'ai jamais vue l'utiliser.

— Au contraire, il me sert au quotidien. Il s'appelle Sheytan. »

Miracle éclata de rire avec Nadia à ce blasphème si surprenant de la part d'une femme si pratiquante. Même ignorante qu'elle était des traditions de l'Islam, Miracle savait parfaitement que Sheytan est le nom que donnent les musulmans à Satan.

Les deux jeunes femmes se rapprochèrent beaucoup au fil des semaines et chérissaient ce moment privilégié où elles pouvaient se confier l'une à l'autre, ou simplement bavarder de tout et de rien. Après leur conversation, Miracle se réchauffait un plat et mangeait devant un film ou en écoutant un peu de musique. Quand elle ne parvenait plus à garder les yeux ouverts, elle enlaçait Nadia, lui souhaitait bonne nuit et bonne semaine, et se dirigeait ensuite vers sa chambre où l'attendait son lit moelleux et un sommeil bien mérité.

L'anniversaire de Grégoire tomba un lundi. sa date de naissance du 25 mars fut traduite en calendrier Elysien au Lundi S14. Ce jour-là, Miracle passa le récupérer en fin de matinée et ils passèrent la journée à Centrale où ils retrouvèrent Nadia et Albert. M. Truffe ne put pas se libérer et envoya un message d'excuses. Le quatuor prit un en-cas dans la meilleure cantine de la capitale et enchaîna avec une partie de bowling dans le Palais Américain qui reconstituait de façon assez stupéfiante le mode de vie des États-Unis dans les années 1980, avec un authentique diner, un bowling et une salle de jeux vidéo old school. Il fallut arracher l'ado surexcité à la borne d'arcade de Street Fighter, mais il était l'heure de rentrer et Miracle ne voulait pas rater son cours d'armes du soir. Quand elle déposa son petit frère à la porte de l'internat, il lui sourit et déclara :

« C'est officiellement le meilleur anniversaire de toute ma vie. »

** Mardi

Miracle se levait tôt le mardi. Elle rassemblait quelques affaires de rechange dans un sac de sport, descendait prendre son café, remontait se débarbouiller dans la salle de bain, et s'esquissait vers l'usine d'impression 3D où elle embauchait à 7h45.

Elle trouva sans peine cet emploi dès son emménagement dans la maison et accepta le poste sans trop hésiter car le salaire, comme pour toutes les tâches manuelles et physiques, était très attractif. Pour les trois journées complètes auxquelles elle s'engagea, elle touchait 36 000¢ par semaine. Il existait cinq usines de ce genre dans tout Elysion, et chacune d'entre elle pouvait tout produire en n'importe quelle quantité. Métal, verre, tissu, résine, bois, tous les matériaux récupérables et recyclables y étaient proposés, à l'exception du plastique qui n'existait pas en Elysion, par décision de la communauté. En l'an 56, l'industrie pétrolière fut votée comme une erreur du passé terrien, et ainsi Elysion trouva des substituts aux produits plastiques. Certains exemplaires étaient uniques, d'autres étaient imprimés en plusieurs centaines d'exemplaires par jour. Les citoyens n'avaient qu'à déposer leurs modèles et passer commande, l'usine produisait, assemblait et expédiait n'importe quel objet. Il y avait même une chaîne de montage pour l'électronique, entièrement automatisée. Le site sur lequel travaillait Miracle venait juste d'ouvrir et pour tester la nouvelle installation, on lui fit construire l'ébauche d'une nouvelle usine 3D. Miracle était employée à la division forge, un atelier où la température montait allègrement au-dessus de 34°C. Fort heureusement, les machines accomplissaient la majorité des tâches les plus pénibles. Au bout de ses douze heures de poste, elle pointait et passait au vestiaire pour se débarrasser de ses vêtements de travail.

En sortant, elle retrouvait des collègues, réguliers comme elle, et ils allaient manger un bout au pub du coin. Le dîner était toujours arrosé de plusieurs pichets de bière locale. Le groupe riait et parlait fort, échangeait des blagues sur les "occasionnels", celles et ceux qui ne s'engageaient pas sur la durée mais préféraient venir travailler à l'usine quand il le désiraient, contre un salaire un peu moindre. Entre réguliers, on désignait ces intérimaires par le terme de "touristes". Mal formés et peu fiables, ils servaient de souffre-douleur aux "régs" qui ne manquaient pas de rire de leurs déboires le soir venu. Tant qu'elles ne viraient pas à la cruauté, Miracle se joignait de bon cœur à ces blagues potaches, d'autant que son groupe admettait volontiers à sa table quelques uns de ces individus mal aimés. Quand un d'entre eux se vexait des remarques lancées autour des pintes de bières et signalait qu'il ou elle en était justement un, de ces touristes, Miracle ou un autre de ses collègues "rég" lui rétorquait :

« Mais toi c'est pas pareil. T'es un touriste professionnel ! »

Et les rires reprenaient de plus belle. Quand l'heure se faisait tardive et que le bar se vidait peu à peu, Miracle prenait congé. Certaines semaines, elle rentrait à la Lisière. D'autres fois, quand l'humeur la prenait, elle repartait au bras d'un client du pub qui la ramenait chez lui et elle s'offrait un moment de détente coupable dans les bras d'un inconnu dans les draps duquel elle finissait par trouver le sommeil, et des rêves venaient alors la prendre, où elle ondulait son corps contre celui d'une toute autre personne.

C'est un mardi que Miracle eut droit à la visite médicale obligatoire. En S7, elle reçut une notification qui l'informa de son rendez-vous obligatoire avec la Sainte Bergère De Almeida. Elle reporta plusieurs fois, demanda à Albert d'intervenir, au pire de s'en charger, mais rien n'y fit. Le mardi S9, elle prit congé à l'usine et se présenta à la clinique De Almeida. Pendant plus de six heures, la Sachante lui fit passer tous les examens possibles et imaginables.

« Combien ça va me coûter, tout ça ? s'inquiéta-t-elle tandis que la quarantenaire en blouse blanche parcourait son dossier sur son écran de terminal.

— Rien du tout, répliqua-t-elle derrière ses verres en demi-lune. La communauté prend en charge tous les frais pour la visite annuelle obligatoire. Dites-moi, enchaîna le médecin, votre bilan physiologique n'est pas brillant.

— Vous trouvez ? Pourtant je m'entretiens et je fais du sport.

— Un peu trop, justement. Vous avez de multiples traces de fractures mal ressoudées. Sans compter votre faiblesse cardiaque. Vous aviez des antécédents, sur Terre ?

— Oui euh... hésita Miracle. J'ai longtemps été malade, mais on m'a opérée et je me sens beaucoup mieux aujourd'hui.

— Hmmm, fit la Bergère avec une moue dubitative. Il reste une ombre au scan dans votre ventricule gauche. Ce n'est peut-être rien mais je veux surveiller l'évolution. D'ici l'année prochaine, levez le pied sur les sports à risques et tâchez de vous économiser.

— D'accord. C'est promis, doc. »

Intérieurement, Miracle soupira et se réjouit que la Sachante ne poursuive pas plus loin ses investigations sur la pierre dissimulée dans son cœur. Quant à sa promesse de moins tirer sur la corde, elle avait croisé les doigts dans son dos.

** Mercredi

Aux premières heures du mercredi, selon l'endroit où elle avait passé la nuit, Miracle pouvait soit répéter sa routine de la veille, soit s'extirper en silence du lit étranger qu'elle avait partagé pour quelques heures. Son amant éphémère se réveillait parfois et insistait pour obtenir son contact. Elle refusait toujours, peu importaient les arguments et les subterfuges employés par le type. Croissants chauds, murmures dans le cou, promesses d'ébats encore plus torrides, fleurs, regards charmeurs, rien ne la fit jamais céder. Règle numéro un, ne jamais se taper deux fois un coup d'un soir. Règle numéro deux, ne se taper que des inconnus de passage. En suivant ces principes, Miracle se préserva de deux maux dont elle ne voulait pas entendre parler : passer pour la salope de service, et développer des sentiments.

Elle repartait pour douze heures dans l'atelier de forge surchauffé, à manipuler des pièces montées à plus de 1200°C. Avec l'expérience, elle gagna des certifications qui lui permirent d'assurer des fonctions délicates qu'on ne confiait pas à n'importe quel touriste. Son salaire s'en trouva ainsi amélioré de plusieurs milliers de crédits. À 17h50 précises, elle pointait et fonçait au vestiaire où elle ramassait son sac et filait en trombe, sans prendre le temps de se changer.

Elle s'esquissait dans ses vêtements de travail aux abords du dojo de maître Malcolm. Le cours de pratique à mains nues commençait à 18h00, aussi il lui arriva plus d'une fois de s'aligner avec les autres élèves le visage couvert de crasse et de suie. Certains partenaires l'évitaient et le maître lui-même dut ordonner à son élève de prendre davantage soin de son hygiène. Il lui ouvrit les douches des vestiaires et lui permit de se présenter avec cinq minutes de retard si cela lui permettait de faire un brin de toilette avant la séance. Miracle veilla à suivre l'injonction de Saint Malcolm, car elle craignait qu'il ne l'exclue pour de bon. Les relations avec les autres disciples se détendirent par la suite. Elle se fit des connaissances, même certaines amitiés qui rendirent ces entraînements encore plus précieux à ses yeux.

Le cours s'achevait à 20h00 et la journée de Miracle n'avait pas encore touché son terme. Il lui restait à se trouver un coin discret pour s'esquisser dans un bois non loin du Jardin Moralès, puis aller sonner à la porte de l'internat où l'attendait Grégoire, son sac de voyage plein de vêtements sales et ses classeurs remplis de devoirs à faire. Le rouquin comprenait l'état d'épuisement avancé de sa sœur et ne tentait jamais de débuter une conversation. Il se contentait de faire rouler son fauteuil à la suite de sa guide, attendre sans broncher qu'elle parvienne enfin à établir le passage, et passer le plus naturellement du monde dans le hall de la maison. À peine arrivé, il saluait Nadia et montait dans sa chambre où il s'adonnait à on-ne-savait-quoi que font les ados de son âge quand ils rentrent de cours.

Miracle était la seule à n'avoir pas encore mangé, elle se servait dans le frigo et réchauffait un de ses plats préparés. Nadia préparait une pleine théière fumante aux arômes subtils et elles s'installaient toutes les deux au salon pour discuter. Elles parvenaient de temps en temps à faire descendre Grégoire pour qu'il leur raconte l'école, l'internat, la rééducation, les copains, les embrouilles et les trucs dingues et incroyables qu'il avait accumulés en trois jours.

Les festivités du Passage eurent lieu un mercredi, dans la semaine 26. Pour célébrer la bascule du Siège de Psyché à celui d'Éros, une grande fête fut organisée comme chaque année à Centrale. À l'occasion de cette journée fériée, un carnaval se déroula, durant lequel les participants défilaient dans une tenue dédiée soit à Psyché, soit à Éros. Dans la team Éros, Nadia se déguisa en rockeuse gothique coiffée d'un hijab arborant des pentagrammes enflammés, Miracle en prêtresse diabolique, et Albert en viking assoiffé de sang. Pour représenter Psyché, Grégoire se pasticha en roi sur son trône, accompagné de M. Truffe en désopilant Arlequin. Dans ce jour où les deux astres se succédaient et se combinaient pour éclipser la moindre minute de nuit, la petite troupe battit le pavé brûlant pendant plus de sept heures, échangeant des embrassades avec de parfaits inconnus, buvant et mangeant ce que bon leur chantait aux étals qui abreuvaient gratuitement les passants. Ils finirent par rejoindre le gigantesque concert organisé sur la Place des Fondateurs et s'unirent à la foule jusqu'à ce que leurs voix déraillent et que les rayons écarlates de l'astre rouge ne suffisent plus à garder leurs yeux ouverts. Ce jour-là, Miracle vit un sourire sur le visage de chacune et chacun de ses compagnons. Elle oublia l'espace de quelques heures que leur but n'était pas la recherche du bonheur, auquel ils avaient pourtant diablement droit, mais la victoire. Car même dans ces jours heureux, la guerre souterraine continuait.

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