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3. Confusion

Fais bien attention, on peut pas prévoir c'qui arrive
Que tu sois riche, qu'tu réussisses, tu payes le même tarif
Et j'ai beau faire du rap ouais, remplir des salles
À la fin, elles repartent toujours avec le guitariste
Même si ça m'tente, j'essaie d'éviter le bédo
J'veux faire le tour du monde mais j'ai qu'un ticket de métro

Bigflo & Oli, Un soir au studio

Le casque sur les oreilles, l'ordinateur portable sur les genoux, Désiré fixait le plafond en essayant d'oublier la douleur qui cognait dans son crâne et la nausée qui comme souvent accompagnait ce mal de tête. Allongé dans son lit, il se levait à peine pour préparer à manger et aller aux toilettes. Déjà une semaine que Katia et lui étaient de retour dans leur petit studio dans un immeuble de cité de Bobigny, Seine Saint-Denis. L'unique pièce était meublée comme un appartement témoin Ikea, la décoration en moins. Ils avaient pourtant emménagé plus de six mois auparavant, malheureusement l'aménagement intérieur n'était clairement pas le point fort de Désiré, et Katia avait mieux à faire que d'acheter des bibelots.

C'était une beurette hyperactive et carriériste. Là où l'école avait eu sur Désiré le même effet que de l'eau sur les plumes d'un canard, chez Katia elle avait éveillé une soif furieuse, non pas d'apprendre, mais de réussir. Et c'est à cela qu'elle employait toutes ses forces, avec une rage qui n'était pas pour Désiré le trait le plus attirant de sa personnalité, et qui au contraire avait tendance à créer de l'incompréhension voire des conflits. Car même si Désiré partageait son envie de s'en sortir dans la vie, il n'avait tout simplement pas la même énergie.

De famille musulmane, elle n'était pas franchement pratiquante, avec des parents religieux modérés. Ils faisaient leurs cinq prières par jour, ne toléraient pas la moindre goutte d'alcool, mais ne s'émouvaient pas outre mesure du manque de piété de leur fille. Désiré avait été invité deux fois chez eux. La première fois, l'accueil avait été formel, et la rencontre avait tourné à l'interrogatoire autour d'un thé à la menthe. On voulait savoir si Désiré était musulman (non), s'il avait un emploi (oui, en CDI, à la RATP), s'il buvait (un verre ou deux en soirée), si ses parents approuvaient sa relation avec leur fille (oui, ils étaient surtout soulagés de savoir que leur fils n'était pas homosexuel). La blague n'avait pas fait rire, et en ressortant de l'appartement Désiré s'était excusé auprès de Katia que cette rencontre ait été une telle catastrophe, pourtant elle l'avait rassuré en lui disant que si personne n'avait quitté la pièce en hurlant, tout irait bien.

Et effectivement, lorsque Désiré fut invité au repas de l'Aïd El-Kebir chez la famille de Katia, l'ambiance se révéla beaucoup plus conviviale. Katia avait suivi le Ramadan, plus ou moins sérieusement, elle avait bien sauté la pause déjeuner au bureau, mais elle ne s'était pas dispensée de boire un peu d'eau dans la journée. Le soir en famille, autour de l'énorme tajine aux boulettes de mouton, Désiré avait été chaleureusement accueilli comme un membre de la famille. Il s'était particulièrement bien entendu avec le petit frère de Katia, Jibril, avec qui il parla football, études, vie du quartier et transports en commun.

Ils étaient devenus potes. Ils se revoyaient depuis, pour fumer une chicha ou boire un café. Grâce à Jibril, Désiré avait compris que malgré l'apparente décontraction de son entourage, le fait que sa sœur soit en couple avec un Noir ne plaisait pas à tout le monde. Pas la famille proche bien sûr, ni les vrais amis, mais d'autres voix plus éloignées ne tarissaient pas d'indignation, et parfois lorsque Désiré entendait le mot « karlouche » tandis qu'il tenait son bras sur l'épaule de Katia à la terrasse d'un bar ou dans la rue, il savait que c'était à son sujet.

Toujours est-il que Désiré avait d'autres préoccupations que celle de s'intégrer à l'environnement social de sa copine. Il était en arrêt de travail depuis le retour de ses vacances à la Réunion. Les migraines qui étaient apparues n'avaient pas cessé depuis. Au contraire, elles avaient gagné en intensité et par moments l'empêchaient de faire quoi que ce soit. Il avait consulté son généraliste, qui lui avait prescrit du paracétamol et fait passer une IRM qui ne montra rien d'anormal. Désiré avait un rendez-vous chez un neurologue dans un mois. En attendant, et en l'absence de cause particulière, Désiré avait obtenu un arrêt de travail de dix jours, car il n'envisageait absolument pas de conduire un bus dans ces conditions, et passait ainsi ses journées sur Internet à chercher des cas similaires au sien.

Il ne s'avérait pas difficile de trouver une série de vidéos intitulées « Man wrestles shark on beach », « Man grabs live shark on beach with bare hands », « Majorque: un requin sème la panique sur une plage », ou encore « Un requin (ou un autre monstre marin) effraie les baigneurs sur une plage catalane ». On trouvait aussi celles où il apparaissait lui-même, « Un groupe d'hommes pêche un requin à mains nues », ou encore « Baigneurs sauvés d'une attaque de requin à la Réunion ». Mais aussi loin qu'il pousse les recherches sur ces incidents, il ne parvenait pas à trouver de lien avec des perturbations sensorielles ou de comportement.

Car les migraines n'étaient pas le seul souci. La nourriture posait des problèmes, tout lui semblait trop sucré, trop salé ou trop épicé. Il ressentait des pulsions soudaines et inexpliquées auxquelles il avait du mal à résister, et qui le mettaient dans un état de confusion à tel point qu'il se sentait coupable et ridicule. Les envies de sexe n'avaient pas longtemps trouvé écho chez Katia. Les fringales nocturnes ne la faisaient pas rire non plus, et il regrettait souvent les paquets de cookies dès que le goût sucré avait envahi sa gorge et lui laissait la sensation d'avoir avalé du sable. Quant aux soudains accès de colère et les crises de fou rire, il se sentait soulagé qu'elles n'aient pas lieu en public.

Les médicaments n'y faisaient rien. Désiré cherchait : « pk g mal a la tête » et lisait les sites de Femme Actuelle ou Allo Docteur. Il en conclut après une demi-journée de recherche qu'il fallait boire plus d'eau. Il constata surtout que fumer des pétards calmait la douleur, mais pas longtemps, et il passait ses journées défoncé et avec toujours le mal de tête. Jibril s'inquiétait par texto de sa hausse de consommation, si bien que Désiré avait dû apaiser ses craintes en lui certifiant que « C térapeutiq ». Il n'en restait pas moins que le cannabis ne constituait pas le remède dont Désiré avait besoin.

En désespoir de cause, il créa une adresse mail particulière qu'il laissa en commentaire sous la vidéo de lui qui avait le plus de vues, 146341 la dernière fois qu'il avait vérifié. Il écrivit un appel à l'aide: « C moi sur la vidéo. Depui g tro des migrenes de ouf. Svp aider moi. Je sé plu koi faire. » En fin d'après-midi, il compta une vingtaine de réponses. Il s'agissait autant de félicitations que de mails d'insultes. « T'es tro badass, mec. Fo faire un film, sérieux. » « Monsieur, vous êtes un irresponsable et vous ne comprenez rien à la cause animale. Vous devriez avoir honte de mettre en scène de tels actes de cruauté. » « Bravo pour votre courage et d'avoir sauver les enfant. » « Tu mérite qu'on te fume comme ce requin, rentre dans ton pays. » Désiré poussa un soupir de frustration et se massa les tempes en fermant les yeux.

Dans le lot, ses yeux tombèrent sur un message intitulé « stage nature ». Il s'agissait d'un message accompagné d'une brochure :

Peut-être que vous êtes intéressé par le séminaire suivant. Nous ne pouvons pas promettre de trouver une solution à un problème particulier, mais nous nous concentrons sur le bien-être et l'estime de soi. Pourquoi ne pas l'essayer ?

Ça sentait la traduction automatique. Désiré jeta un œil sceptique à la brochure. Un stage survie, nature et bien-être en Allemagne. Durée 5 jours, coût 300 euros, transport à la charge des participants. « Stage remboursé si vous êtes notre grand gagnant ». Un stage de bien-être avec une compétition au milieu ? Le concept semblait foireux, mais Désiré se sentit séduit. Rien que l'idée de prendre l'air, après des jours d'enfermement volontaire, l'amena à sérieusement considérer l'offre. Sans parler de la possibilité de trouver un endroit où on ne jugerait pas son comportement, et peut-être même que quelqu'un comprendrait ce qui lui arrivait. À cet instant, Katia rentra du boulot.

« T'es encore cloué au pieu ? Faut te bouger, wesh. Bon on bouffe quoi, j'ai la dalle.

— Viens voir, bébé, faut que je te montre un truc.

— C'est quoi ça ? On dirait trop une arnaque. Ça vient d'où d'abord ? Je suis sûre que c'est genre des Chinois.

— C'est en Allemagne, tu vois bien. Écoute, bébé, j'en ai ma claque de rester ici à pas trouver de solution à mes soucis. Faut que je fasse quelque chose.

— Tu vas reprendre le boulot, ça te fera du bien. Et arrête de fumer du shit toute la journée. Me regarde pas comme ça, ça refoule dans tout l'apart. Et tu crois que je sais pas que t'achètes aux potes de mon frère ? Ce qu'ils te vendent, c'est de la merde, et ça là aussi c'est de la merde.

— Tu comprends pas, j'ai besoin de trouver des réponses, et j'en trouverai pas ici. Je peux pas reprendre ma petite vie tranquille, ça marche pas.

— Mais t'es cinglé. T'as plus de congés, tu vas perdre ton boulot si tu reprends pas lundi matin. Et t'as vu le prix ? Tu vas flinguer tes économies.

— Et si c'est le prix à payer pour me retrouver ?

— Et si c'est le meilleur moyen de me perdre ? »

La question resta en suspens comme un défi. Désiré lui renvoya son regard. Le silence pesant prit la forme d'une réponse. Elle se redressa, tourna les talons, fit trois pas et claqua la porte.

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