14. Évasion
Désiré s'approcha de la grange sans se douter de rien. Sa jument Slama portait des sacoches pleines de tout un tas d'affaires empruntées indéfiniment à des propriétaires non avertis. Il se sentait un peu fier de sa razzia. Mais quand il guida Slama par les rênes entre les portes, il remarqua immédiatement que quelque chose clochait.
Pour commencer, pas la moindre trace de Jen. Inutile de l'appeler, il savait déjà que personne ne respirait à vingt mètres à la ronde. Désiré sentit la panique lui comprimer la poitrine, mais se força à garder son calme. Il jeta un rapide regard alentour et vit des traces de lutte. Le foin éparpillé à terre en portait les marques. Un bouton de la robe de Jen avait roulé jusque vers l'entrée. Son journal se trouvait encore dans le box où elle s'était cachée, la plume au sol, l'encrier renversé. Il trouva la dernière page et découvrit le texte interrompu. Sur le montant de la porte du box, une trace de sang. Oh non, Jen... Et quelle était cette odeur atroce ? On aurait dit un steak haché Lidl, comme ceux que sa mère lui cuisinait le mercredi midi. Près de la petite porte du fond, une touffe de longs cheveux bruns. Ils appartenaient à Jen, c'était certain. Et une large trace. Quelque chose — quelqu'un — avait été traîné au sol. Entre l'odeur et la marque au sol, il n'en fallait pas plus à Désiré pour savoir qu'il pourrait remonter cette trace. Priant pour que Jen soit saine et sauve, il attacha Slama, laissa tout en plan, et prit la piste.
La nuit s'éclaircissait alors que la lune émergeait du cercle de nuages bas qui ceinturait l'horizon. Des hommes s'approchaient de plusieurs directions. Tout un groupe à environ cinq cents mètres derrière, deux individus plus proches sur sa gauche, un autre avec un chien à droite. La lueur de torches dansait sur des façades éloignées. Il fallait faire vite. Il sprinta, toujours concentré sur les effluves de viande cramée.
Après à peine une poignée de minutes, il tourna à une rue et entendit des jurons d'une voix d'homme, et les cris de Jen. Tout proches. Il piqua une dernière pointe et se cacha à l'angle d'une maison. Ce connard de Pasteur Prindis traînait Jen par les cheveux et la couvrait d'insultes. Ils gravissaient la pente qui menait au cimetière.
Désiré contourna la maison et prit par les jardins, sautant les clôtures pour les dépasser sans se faire voir. Puis il se tint en embuscade. Au moment où Prindis dépassait sa cachette, il lui sauta dessus et le renversa. Le prêtre, surpris, ne songeait qu'à se défendre. Désiré le maintenait à terre entre ses jambes, et le roua de coups. Il fut pris d'une telle colère que plus rien ne l'arrêtait. Il lui saisit le col et lui fracassa la tête au sol.
« Toi tu touches à ma meuf, je vais te niquer la gueule. »
Il frappa jusqu'à ce que le visage ensanglanté soit méconnaissable, la tête flasque.
Reprenant sa respiration, il prit conscience des flammes autour de lui. Des torches, des lampes à huile. Des visages pleins de haine. Les hommes les encerclaient. Jen, toujours allongée, le visage égratigné, sanglota:
« Oh, Dizrye, tu n'aurais pas dû venir. Tu aurais dû fuir et me laisser. »
Il lui sourit.
« Smesny. Je ne te laisserai jamais. »
Et regardant autour de lui, il constata que les hommes avaient formé un cercle parfait et se rapprochaient pas à pas. Il se murmura:
« Oh putain, là va falloir assurer. »
Désiré se redressa et d'une voix rauque et puissante harangua les hommes:
« Je suis Dizrye Tmavy. Fils de la nuit. Vos femmes me désirent. Vos enfants m'admirent. Vous me jalousez. Craignez ma colère. »
Un frisson parcourut les hommes. Le cercle hésita, mais reprit sa lente progression. Jen lui serra le bras en lui jetant un regard affolé.
« Dizrye, qu'est-ce que tu racontes ?
— Des conneries. Ils y croient, non ? »
Ils échangèrent une demi-seconde un regard qui sembla durer une éternité. La flamme d'une résolution désespérée s'alluma dans les yeux de Jen. Elle se releva et se tint droite au côté de Désiré.
« Il dit la vérité. Dizrye est venu parmi nous pour éprouver notre vertu. Et nous l'avons déçu ! »
Le cercle s'arrêta. Une rumeur enfla dans les rangs.
« Les hommes comme Prindis Kazani ont déshonoré notre peuple. Ils exploitent la faiblesse des plus démunis et se vautrent dans le confort de leur luxure, tout en vous sermonnant sur la vertu et le devoir. Ces hommes sont coupables, mais vous l'êtes tout autant de prêter foi à leurs paroles. Dizrye a vu la corruption qui nous ronge. Pourtant, dans sa grande sagesse, il a aussi vu qu'il y a du bon en nous, et il nous a accordé sa clémence. »
Elle baissa la tête et sa voix trembla d'émotion.
« En échange d'un sacrifice. »
Il y eut un long silence plein de sens.
« La lune que vous voyez dans le ciel s'achèvera bientôt, et elle ne se relèvera pas. Ce monde va mourir, recouvert par le Grand Froid, privé de la divine protection de la lune. Mais soyez rassurés, car Dizrye m'a choisie pour lui succéder. Ce soir, je pars avec Dizrye dans le Grand Froid pour y mourir. Après ma mort, il prendra mon visage et l'accrochera sur le grand rideau de la nuit. Je souhaite que chacun regarde cette nouvelle lune que je serai devenue, et se souvienne de ces mots: notre devoir est de donner à chaque enfant, chaque femme, chaque homme, non pas la peur de mourir, mais la joie de vivre. »
« Nous partons cette nuit dans le grand froid, renchérit Désiré. Nous rejoignons mon frère le blême. J'emmène cette femme en sacrifice. Malheur à celui qui tentera de nous arrêter. »
Ils se prirent la main et marchèrent lentement vers l'extérieur. La foule hésitante ouvrit un étroit passage. Ils s'y engouffrèrent avec appréhension. Leurs visages ne trahissaient aucun doute, leurs expressions conservaient toute la détermination qui avait animé leurs paroles. À l'inverse, la lumière des torches leur montrait des faces en proie au doute et à la confusion. Ils passèrent. À peine eurent-ils tourné à l'angle, ils se mirent à courir vers la grange. La rumeur d'une grande dispute s'éleva de là où les hommes était restés.
« Bien parlé, Jen. Qu'est-ce que tu leur as dit exactement ?
— Des kon ryj. Dépêchons-nous, mon amour. Ils ne mettront pas longtemps à comprendre que nous les avons dupés.
— Oui. J'espère qu'Ondrej est chez lui. »
Slama avançait au pas, chargée comme une mule de deux personnes et leurs sacoches. Elle renâclait à chaque pas, secouant la crinière et laissant des traces profondes dans la boue, puis le fin manteau neigeux. Ils approchaient de la maison du vieux sauvage. Désiré ne décelait pas le moindre signe de vie. Par contre, même Jen entendait une agitation, et des lumières dansaient dans le ciel. Trois kilomètres derrière eux, peut-être quatre.
« Est-ce que tu sens si Ondrej est là ?
— Non, mais cet homme est spécial. À chaque fois que je suis venu, je n'ai jamais réussi à tr... »
Désiré n'eut pas le temps de finir sa phrase. Il fut renversé de cheval. La jument trébucha sur le côté et tomba sur le flanc dans un grand hennissement, éjectant son fardeau. Désiré se trouva à terre, suffoquant sous le poids d'Ondrej.
« Cette fois, je vais te tuer. Ensuite, j'offrirai ta tête à ceux qui vous poursuivent.
— Laisse... moi... te...
— Silence, homme sombre. J'aurais dû te laisser mourir avec ton ami. Mais je vais réparer mon err... »
Sa tête fut violemment jetée en arrière et la pointe d'un couteau vint se poser sur sa gorge. Jen le tenait par les cheveux et lui pressait la lame sur le cou.
« Tu vas nous aider, que tu le veuilles ou non. »
Ondrej leva les mains. Libéré de la pression sur sa trachée, Désiré prit une grande inspiration, toussa, cracha et se releva péniblement.
« Où tu as trouvé ce couteau ?
— C'est celui du pasteur. Il n'en a plus besoin. Bien, à genoux, Ondrej. Et pas un geste brusque ou tu le regretteras.
— Tu laisses ta femelle se battre à ta place ? Je ne te pensais pas si lâche.
— Parle-moi directement si tu as une remarque à faire, siffla Jen en serrant le cou d'Ondrej dans son bras gauche. L'un comme l'autre, nous sommes parfaitement capables de nous protéger, mais nous sommes plus forts ensemble. Tu nous as mal jugés, alors assume ton erreur et tais-toi. Dizrye, tu peux lui attacher les poignets ?
— Oui, J'ai une corde dans mon sac. Je vais calmer Slama. »
La jument avait fui non loin, Désiré n'eut aucun mal à la retrouver. Il s'approcha en murmurant des mots apaisants et saisit les rênes. Il fut soulagé de voir que Jen avait su garder Ondrej sous contrôle. Quand ce dernier fut entravé et attaché à la selle, ils ramassèrent hâtivement leurs affaires éparpillées. Désiré contrôla le contenu de la sacoche restée en place sur la croupe de Slama, et constata qu'il n'y avait pas de casse.
« En route. Nous devons nous dépécher. »
Ils dépassèrent la hutte du sauvage et s'enfoncèrent plus avant dans le Grand Froid. Ils progressaient en silence, Jen sur la selle, et Désiré marchant devant, guidant Slama par les rênes. Au bout de quelques kilomètres, la température devint difficile à tolérer. Jen frissonnait. Ondrej demanda à s'arrêter.
« Détachez-moi. De toute façon, maintenant il est trop tard. Quoi que je leur dise, ils croiront que je vous ai aidés. Ils vont incendier ma maison et me traquer tout comme vous. Notre seul espoir est dans le Grand Froid. Mais je doute que vous y surviviez. Le cheval en premier lieu. Avec les vents glacés, cette jument ne tiendra pas jusqu'au matin, même si nous ne nous avançons pas davantage.
— Tu as raison, Ondrej, je vais la laisser aller. »
Désiré défit le harnachement de Slama, la soulagea des sacoches et lui prit la tête entre les mains pour lui murmurer
« Va maintenant. Tu m'en as trop fait chier au début, mais je t'aime bien en fait. J'ai pas envie que tu crèves ici. Allez file, sale bête. »
Il la repoussa, lui faisant faire demi-tour, et la frappa sur la croupe. Elle ne demanda pas son reste et prit le galop entre les bouleaux avant de disparaître.
Ondrej poursuivit: « Pour continuer, vous n'êtes pas équipés pour survivre dans le Grand Froid. Vos vêtements ne vous protégeront pas, sans compter ceux de la f.. de Jenovefa, qui sont déchirés. Je lui donne deux heures avant de s'effondrer. Pour toi, un peu plus, mais guère mieux. Et nous si nous faisons du feu, nous serons découverts. Je ne vois pas comment vous pensiez vous en sortir.
— Ne t'inquiète pas, j'ai tout prévu. Jen, voici des vêtements de rechange. »
Ce disant, il sortit de la sacoche un pantalon épais, une chemise et une veste, et une paire de bottes. « Ils sont trop grands, mais tu auras moins froid avec. Change-toi.
— Mais, Dizrye, ça ne suffira pas. Je suis déjà frigorifiée. Je ne pourrai pas avancer bien plus loin.
— Ça n'est que le début. Regarde. »
Il plongea la main dans le sac et en extirpa plusieurs bouteilles étiquetées, remplies de liquides de couleurs diverses. Il tendit à Jen l'une d'entre elle. Elle l'examina d'un air circonspect.
« Sakail ? Qu'est-ce que c'est ?
— Tu te souviens du traitement de Velka contre les engelures ? Moi oui. J'en ai senti l'odeur pendant des jours quand Freyd se remettait chez Bolek. J'ai un peu amélioré la recette.
— Tu as créé une potion pour résister au froid ?
— Oui. Elle marche. Je crois. Bois-en un peu. »
Jen but, grimaça, se tint la gorge et tira la langue en toussant. Au bout de quelques secondes, ses tremblements cessèrent. Elle se jeta dans les bras de Désiré, l'embrassa en riant, et s'éloigna.
« Je vais me changer. Ne regardez pas. »
Ondrej se pencha vers Désiré. « Un alchimiste. Je ne me serais pas douté. Tes tours de passe-passe ne vous sauveront pas.
— On verra. Tu veux de ma potion Sakail ?
— Inutile. Économise tes réserves, vous en aurez bien besoin.
— Maintenant, emmène-nous où je t'ai demandé.
— Très bien. Mais il n'y a rien là-bas. Vous ne faites que différer l'heure de votre mort.
— Elle est plus lointaine que tu crois. En route. »
Ils reprirent leur périple, et progressèrent ainsi pendant des heures, Ondrej en tête, suivi de Désiré et enfin Jen qui fermait la marche. Désiré donna son blouson North Face et son bonnet Oxbow à Jen pour l'aider à garder la chaleur, cependant le vent soufflait fort et le froid s'insinuait jusque sous les vêtements. Ils buvaient à tour de rôle à la bouteille de Sakail. Ils en vidèrent une. Jen s'étonna qu'Ondrej n'en veuille pas.
« Comment fait-il ? Même avec la potion, je souffre du froid. Lui est à peine vêtu et il ne montre aucun signe de faiblesse.
— Je crois qu'Ondrej n'est pas humain. J'ai une potion dans mon sac qui me permettrait de le vérifier. Tu veux que je m'en serve, Ondrej ?
— Non. Et je ne veux pas en parler.
— Tu vois, Jen. Je crois que nous avons eu de la chance de parvenir à le forcer à nous aider.
— Je vous entends. Et oui, vous avez eu de la chance.
— Que feras-tu quand tu nous auras emmenés à notre destination ?
— Je me cacherai dans le Grand Froid aussi longtemps que possible. Quand je ne pourrai plus, je retournerai vers les hommes pour voler de la nourriture et réchauffer mon corps. Avec un peu de chance, je ne serai pas pris.
— Tu pourrais venir avec nous.
— Et courir à une mort certaine ? Non merci. La nuit touche à sa fin, mais nous arrivons bientôt. »
Effectivement, une centaine de mètres plus loin, Ondrej fit halte au pied d'un arbre. Jen s'arrêta et reprit son souffle, pliée en deux les mains sur les genoux.
« C'est ici que je vous ai abrités.
— Bien. Il faut me montrer où tu nous as trouvés.
— C'est en terrain dégagé, le vent y soufflera fort et il y fera très froid. Même pour moi, ce sera difficile d'y rester longtemps.
— Montre-nous, c'est tout.
— Vous êtes fous, tous les deux. Et vous serez bientôt morts.
— J'ai confiance en Dizrye, intervint Jen. Notre amour est plus fort que le Grand Froid.
— Ha ! L'amour. C'est encore pire que la folie. C'est par ici. »
Ondrej les mena en lisière de la forêt. Dès qu'ils s'aventurèrent sur le plateau, les vents les frappèrent de plein fouet, du givre recouvrit le visage de Désiré et les cheveux de Jen. Le vacarme était assourdissant. Chaque pas dans l'épaisse couche de neige demandait un effort surhumain, un temps infini. Dans la lueur naissante de l'aube, on ne voyait rien qu'un rideau blanc. Il fallait hurler pour se faire entendre.
« Nous y sommes.
— Parfait. Jen, passe-moi la sacoche. »
Il détacha une bouteille. L'étiquette indiquait « kouz », un clin d'œil à la blague salace de Freyd. Jen se pencha par-dessus l'épaule de Désiré.
« Kouz ? Comme Kouzelnik ?
— Oui, c'est une potion pour voir la magie. »
Il déboucha la bouteille et en vida le quart.
« Putain, c'est l'heure de vérité. Si ça foire, on est dans la merde. »
Ondrej tapa sur le bras de Désiré.
« Adieu les amoureux. Je ne vous regretterai pas, mais je prierai pour vous. »
Puis il se retourna et se mit en route. Au bout de quelques pas, la tempête l'avait avalé. Désiré se redressa et prit une grande inspiration d'air glacial. Jen se cramponna à son bras.
« Tu vois quelque chose ?
— Oui. C'est par là. »
En réalité, il ne voyait rien. Pas la plus infime particule de lumière bleue, ni d'une quelconque couleur. Juste le blanc. Le hurlement assourdissant de la tempête qui les frappait. Ils marchaient, lentement, au hasard. Jen but encore un peu de Sakail et tendit la bouteille à Désiré. Il en prit une gorgée et tomba à terre, se tordant de douleur, des poignards dans le ventre. L'effet combiné de deux potions. Il cracha rouge.
« Dizrye, que t'arrive-t-il ?
— Ce n'est rien. Garde cette bouteille pour toi. Tout ira bien.
— Mais tu ne pourras pas supporter longtemps le froid. »
Effectivement, Désiré tremblait de tout son corps.
« Ça ira. »
Il fournit un effort pour se relever, et avança plié en deux avec l'énergie du désespoir. Toujours rien. Soudain, une très légère odeur d'ammoniaque vint chatouiller ses narines.
« Wow, mon frère, ta magie elle refoule on dirait une piscine municipale. »
Encore quelques pas. Un chatoiement bleu à la surface de la neige. Il se tourna vers Jen, posa les mains sur son visage et l'embrassa.
« Nous allons vivre. »
Guidé par d'infimes indices, Désiré suivit la piste, trébuchant à de nombreuses reprises, épaulé par Jen. De violents frissons, presque des spasmes, secouaient son corps, il se sentait écrasé par la fatigue. Encore deux rasades de kouz. L'espoir renaissait. Peu à peu, le vent se calmait. Le manteau de neige s'amincit. La vision s'éclaircit. Désiré reconnaissait le paysage. Ils franchirent la lande. Ils arrivèrent au bois. Ils retrouvèrent le sentier, débouchèrent sur le plateau. La progression se fit plus facile, le froid moins intense. On ne voyait presque plus de neige, juste le sentier entre les sapins.
Mais Désiré était épuisé, il ne trouvait plus la force de marcher et s'affala en travers du chemin. Jen se pencha sur lui.
« Relève-toi, je t'en prie, mon amour. Tu dois encore avancer. »
Grimaçant, il se remit sur ses pieds. Encore plusieurs mètres. Le sentier paraissait interminable. Soudain, Jen sursauta de peur.
« Il y a une chose là-bas. »
Ouvrir les yeux lui coûta un effort. Malgré le trouble qui envahissait sa vision et le vertige qui faisait tout tanguer, il remarqua la carrosserie noir métallisé entre les arbres.
« N'aie pas peur. Aide-moi, je dois aller ouvrir. »
Il s'approcha du coffre et l'ouvrit. Les paquets de chips et la viande séchée sous vide s'y trouvaient encore. Il fit le tour, se tenant à la carrosserie, tira la portière et s'effondra sur le siège arrière.
Désiré se réveilla dans les bras de Jen sur la banquette. Elle le serra dans ses bras et éclata en sanglots.
« Tu as réussi, mon amour. Nous avons traversé le Grand Froid.
— Nous avons marché entre les mondes. Mais le voyage n'est pas fini. J'ai dormi longtemps ?
— Oui. Je crois que le jour va se coucher.
— Tu as mangé ?
— Un peu, oui. Mais j'en ai surtout gardé pour toi.
— Je mangerai en route. Il faut partir. »
Un peu d'énergie lui était revenue. Il passa derrière le volant et trouva la clé sous le pare-soleil. Il mit sa bouteille de kouz dans le porte-gobelet, glissa la clé dans le contact et tourna. Il y eut allumage, mais le moteur ne démarra pas. Au moins la batterie n'était pas naze. Il réessaya, martelant la pédale d'accélérateur.
« Allez, grosse merde de bagnole coréenne, démarre. »
Comme pour exaucer sa prière païenne, le moteur hoqueta, puis rugit soudainement, crachant par l'arrière un grand nuage de fumée noire. Il sentit Jen sursauter sur le siège passager, mais elle ne poussa aucun cri. Elle avait trouvé des lunettes de soleil. Désiré la regarda un moment, surpris de son calme. Elle se cala dans son siège et pencha la tête. Un rayon de soleil toucha son visage, dont le reflet trancha tout l'habitacle.
« Je ne pleurerai plus, et je n'aurai plus peur. »
Désiré sourit.
« Alors rentrons chez nous. »
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro