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85. Charles


CHARLES

Charles aurait voulu se faire minuscule. Il s'était battu comme un beau diable pour éviter d'en savoir plus sur son passé depuis des semaines, et voilà que B allait le forcer à souffrir le martyre, ni plus ni moins. Je ne veux pas le savoir. J'ai passé quelques minutes devant une puce d'infos mais j'ai changé d'avis... Il faut qu'on me laisse tranquille ! Mais B ne lui adressa même pas la parole. De la lumière apparut sur l'écran et Charles se mit à crier d'angoisse.

« Je ne veux pas ! Je ne veux rien voir !

— Je peux vous faire ouvrir les yeux de force avec une ligne de code, le menaça B en faisant mine de remuer les doigts.

— C'est monstrueux ! sanglota Charles. À quoi ça peut bien servir de montrer ça aux autres ?

— J'ai envie de savoir ce qui a pu vous mettre dans un état pareil, répondit Anna.

— Fantastique, mes malheurs intéressent les aristos ! ricana-t-il avec mépris.

— J'ai été gentille avec vous ! le prévint Anna en fronçant les sourcils. Ne me parlez pas ainsi, Charles. »

Charles grimaça. C'était vrai : Anna avait été adorable et compréhensive en l'écoutant raconter ce qu'il pensait de Louis. Elle aurait pu être cent fois plus rétrograde... Il marmonna des excuses et s'enfonça dans sa chaise en croisant les bras.

« Bon, lancez le truc, et qu'on n'en parle plus jamais. » maugréa-t-il.

Charles échangea un regard attristé avec Nok pour chercher un peu de soutien. Le jeune homme basané posa une main sur son épaule.

« Dis-toi que ce sera forcément plus intéressant que ma mort.

— Pas sûr... C'était impressionnant de voir les ernaques attaquer ta tribu. Je ne trouve pas ça réjouissant, attention ! se rattrapa Charles.

— Je comprends, s'amusa Nok. Je ne pense pas non plus que ce sera drôle à voir, mais j'ai envie de, euh... »

Nok lui jeta un coup d'œil et baissa les yeux.

« Tu as envie de voir ce que tu as vu dans la puce d'infos, compléta Charles en soupirant. Je le savais.

— Je n'aurais pas dû le faire. Ni te mentir.

— Est-ce que c'est joyeux ?

— Non. »

Nok lui adressa un sourire désolé et le récit commença. Charles frémit en voyant son propre visage à l'écran. Il allait se voir mourir... et Louis aussi, peut-être. C'est même certain.


Paris, 17 mai 1794 ap. J.C.

Charles était assis sur son lit, un discours à la main. Il relisait le prochain pamphlet déclamé en pleine rue par Louis. C'est très important de ne pas laisser de fautes. Les passants pourraient ne pas prendre Louis au sérieux. Il entendit son meilleur ami entrer dans la maison et saluer ses parents avant de monter le rejoindre. Immédiatement, Charles vit qu'il cachait quelque chose derrière son dos.

« Du courrier ? lui demanda-t-il en faisant mine de ne pas remarquer son air contrarié.

— Non, mentit ouvertement Louis en fronçant les sourcils. Rien du tout.

— Pas de dénonciation... C'est bien. »

Au moins, personne n'avait voulu les épingler pour mauvais usage du calendrier républicain, comme leurs voisins quelques semaines plus tôt. En même temps, ce n'est pas possible de piéger Louis. Il est tellement motivé par la Révolution... Ça ne lui viendrait pas à l'esprit de penser au calendrier grégorien. Charles posa sa plume sur le petit bureau.

« C'est bon, le discours est correct.

— Impeccable ! Je vais devoir l'apprendre par cœur, maintenant. »

Louis ne faisait même plus semblant de savoir lire. Il savait que son esprit ne déchiffrerait jamais le discours à temps s'il devait le regarder en déclamant dans la rue. Charles le vit cacher subrepticement ce qu'il gardait contre son dos sous son matelas. Ne dis rien. Tu regarderas ça plus tard.

« Tu veux que je te lise le discours plusieurs fois ? lui proposa-t-il.

— Oui, ce serait gentil. »

Comme toujours lorsqu'il se concentrait pour retenir un pamphlet, Louis ferma les yeux et posa une main devant sa bouche. Il est toujours tellement... Charles se racla la gorge.

« Bien. Le peuple doit aller encore plus loin ! Cette Révolution ne doit pas être celle des bourgeois, mes amis ! »

Louis semblait très inspiré, même les yeux clos. Charles continua de lire le discours en tendant lentement la main vers le matelas.

« Robespierre doit être dépassé ! Je sais que vous le trouvez extrême, parfois... mais il faut aller encore plus loin ! »

Charles saisit entre deux doigts le morceau de papier caché sous le lit de Louis et le sortit avec d'infinies précautions.

« Le calendrier républicain doit être respecté ! Comment vivre si chaque jour vous rappelle le joug infâme de votre oppresseur ? Une Saint Louis dans le calendrier ! Qui oserait s'en réjouir ? Vous n'êtes pas les instruments de votre quotidien ! »

Charles laissa Louis s'imprégner de cette phrase profonde qu'il avait trouvée pour lui et regarda enfin ce qui l'intéressait. Il écarquilla alors les yeux et se retint de pousser une exclamation de surprise. Le message contenait un dessin assez ressemblant de lui, cheveux blonds inclus, aux côtés d'un autre dessin de tête de mort. En-dessous étaient écrits les mots « CHARLES EST NOBLE ».

« ... Louis ? murmura-t-il, et son meilleur ami ouvrit les yeux. Qui t'a envoyé ça ?

— Tu as fouillé mes affaires ! s'exclama Louis en lui arrachant le message des mains. Je n'arrive pas à lire le dernier mot. Ça n'a pas d'importance. »

Il s'affaira à effacer le dernier mot avec un torchon humide et Charles lui saisit le poignet.

« Tu as compris, ne me mens pas !

— C'est de la diffamation, répliqua Louis. Tu ne peux pas être pourri à ce point. Tu ne peux pas être comme... eux.» fit-il d'un ton dédaigneux.

Devant le regard fixe de Charles, Louis serra les lèvres.

« Tu n'es pas noble. »

Charles sentit des larmes brûler ses yeux et menacer de couler. Toutes ces années pour en arriver là...

« Non, insista Louis. Je t'ai trouvé dans la rue comme un miséreux. Je t'ai amené chez moi. On n'est pas aussi pauvre, quand on est noble !

— Je me suis enfui, chuchota Charles sans le quitter du regard.

— C'est une blague ? Tu essaies de voir si je suis digne du combat pour la République, c'est ça ? Tu te fais passer pour un noble pour épier ma réaction ! Tu veux que je le prenne mal et que j'essaie de te tuer ! Eh bien tu as gagné, Charles. Je ne pense pas être capable de dénoncer mon meilleur ami. »

Louis croisa les bras, vaincu. Charles ne savait plus quoi dire.

« Louis, je... enfin...

— Je vais faire comme si je n'avais jamais lu ce message. » conclut Louis avec un regard si dur que Charles ne put le soutenir plus longtemps.

Le jeune homme sortit de la pièce et s'assit sur une marche d'escalier. Il enfouit son visage dans ses mains et se demanda comment il avait pu tomber aussi bas. Oui, il avait fui de son petit château en province pour aller faire sa vie à Paris contre l'avis de ses parents. Il avait dû dormir dehors pour ne pas être retrouvé par les domestiques de sa famille dans quelque hôtel parisien. Lorsque Louis l'avait trouvé, sale et affamé, il avait cru pouvoir vivre avec lui et se battre contre la monarchie. Je l'ai fait, je me suis battu... Mais... Il était tombé désespérément amoureux de son nouvel ami et avait tenté d'oublier son passé. Quelqu'un s'en est souvenu pour moi !

Une pensée terrible lui traversa l'esprit et il retourna dans la chambre sous les combles.

« Louis, il faut que je parte. Si je reste ici, tu seras en danger.

— Je ne vois pas de quoi tu veux parler. » lui répondit Louis avec un grand sourire.

Il est dans le déni !

« Mais... du message, Louis. Si quelqu'un est au courant de ma véritable identité, tu seras arrêté aussi !

— Personne ne saura rien, répliqua Louis. Je serai toujours là pour te défendre. »

Charles dut se retenir de le prendre dans ses bras. Ces choses ne se faisaient pas, que ce soit chez les nobles ou entre meilleurs amis. Il n'arrivait pas à croire que Louis soit aussi tolérant, lui qui voulait envoyer les trois-quarts du pays à la guillotine. Peut-être qu'il a une sorte de faiblesse à mon égard ? Non, c'est stupide. Je suis son seul ami, c'est surtout pour ça qu'il me protège. Louis n'avait rien au fond des yeux lorsqu'il le regardait. Ceux de Charles, au contraire, étaient un livre qui lui était consacré. Mais il ne sait pas lire.

Charles se laissa tomber sur son lit, sceptique. Combien de temps allaient-ils pouvoir vivre ensemble après une telle révélation ? Louis faisait semblant d'avoir l'air jovial, mais quelque chose le tracassait. Il jetait des regards en direction de Charles sans lui parler. Puis, enfin, il lui demanda :

« Tu veux bien continuer à me lire le discours ? »


֍


« STOP ! s'écria Charles en se levant. Pas la suite, je ne veux plus rien voir !

— Charles, vous ne pouvez pas arrêter la projection comme bon vous semble ! le réprimanda B en stoppant l'image.

— C'est suffisant ! On a déjà appris que j'étais un noble, je considère que ça suffit !

— C'est vrai, intervint Nok. C'est complètement fou ! Et tu avais oublié un truc pareil ?

— Charles n'aurait pas compris quel genre de personne il était, si je lui avais laissé ce souvenir, expliqua B. Bon, reprenons.

— Non ! cria Charles. Je ne veux pas savoir ! »

Il regarda autour de lui et sentit ses jambes faiblir. Tout le monde avait eu le courage de voir la mort en face, même Lemnos. Je sais pourquoi c'est si difficile pour moi.

« Je me fiche de ma mort, dit Charles. Je ne veux pas voir Louis souffrir alors que tout est de ma faute ! Il ne mérite pas ça !

— Asseyez-vous. » lui intima B.

Il se retrouva sur sa chaise sans avoir amorcé un seul mouvement. B avait forcé son enveloppe corporelle à lui obéir. Charles se sentit terriblement seul et faible.


Paris, 18 mai 1794 ap. J.C.

Charles fut réveillé à l'aube par de violents coups de pied.

« On se dépêche ! cria quelqu'un dans son oreille droite.

— Charles ! » hurla Louis.

Charles se mit debout le plus rapidement qu'il put et protégea son ventre des coups. Quatre hommes se tenaient debout devant eux. Deux d'entre eux tenaient Louis par les bras et Charles fut rapidement immobilisé par les deux autres.

« Surveillance locale, annonça celui qui serrait son bras gauche contre lui. Nous avons été mis au courant de la présence d'un individu de la noblesse sous ce toit.

— C'est faux ! s'exclama Louis.

— Oh, arrête un peu de te débattre, toi ! Ses parents ont fait parvenir à plusieurs députés un dessin très précis de leur fils. Les cheveux blonds, l'air d'un faux pauvre... On ne peut pas se tromper. »

Mes propres parents ont signé mon arrêt de mort ? Il ne comprenait pas. Ils l'avaient peut-être fait exprès par honte.

« Ne le touchez pas ! » dit Louis d'un ton agressif.

Il reçut instantanément un coup de poing dans le torse. Charles se débattit de toutes ses forces en hurlant comme un possédé et la bague de cuivre qu'il portait au doigt glissa et tomba sur le plancher.

« Laissez-le tranquille ! LAISSEZ-LE !

— Vous allez devoir en répondre devant le tribunal révolutionnaire !

— Prenez-moi, mais pas lui ! Je suis un traître mais il n'a rien fait, je lui ai caché la vérité !

— Nous savons de source sûre que Louis Loguend a reçu une lettre lui faisant part de ta noblesse et qu'il n'a rien fait pour te dénoncer pendant la journée qui a suivi. Vous êtes tous les deux des traîtres ! »

Charles ne trouva rien à répondre à ces accusations. Il se laissa pousser au bas de l'escalier et baissa la tête en passant devant les parents de Louis. Ils tentèrent de s'interposer en le voyant sortir de la chambre à son tour, mais d'autres membres du groupe d'action entrèrent et les empêchèrent d'approcher leur fils. Charles et Louis se retrouvèrent dans la rue, aux yeux de tous. Leurs voisins les huèrent et leur jetèrent des fruits pourris.

« Mangez-les au lieu de gaspiller ! leur cria Charles.

— La ferme, sale traître ! Sale aristo ! » répondit une petite fille.

À son âge, songea Charles, j'étais persuadé de vivre une existence paisible... Son cœur se mit à battre la chamade. Il allait se faire décapiter après un simulacre de procès, comme tous les autres. Encore pire... Je ne suis pas juste considéré comme un traître, je suis un noble ! Après leur périple en chemise de nuit, Charles et Louis furent jetés dans une petite prison. Assis dans la même cellule, ils mirent un long moment à oser se parler.

« Je plaiderai ta cause, lui promit Louis. Tu ne mérites pas ça, tu n'es pas responsable de ce qu'ont fait tes parents.

— Mes parents..., murmura Charles. Ils n'ont rien fait de mal non plus, tu sais. Ils géraient des terres...

— Je veux bien accepter ta propre innocence, mais je n'irai pas plus loin. » le prévint Louis en détournant la tête.

Charles n'insista pas. C'est déjà un miracle qu'il ne me rejette pas... Il ferma les yeux. En une simple lettre de dénonciation, sa vie allait prendre fin. Il sentit alors la main de Louis sur son épaule.

« C'était peut-être notre destin, tu sais. Mourir comme des martyrs. Certains ne le méritaient pas et c'est notre cas.

— C'est facile à dire pour toi ! Je ne suis pas aussi courageux.

— Ah, ne dis pas ça, s'offusqua Louis. Tu as eu le courage de fuir une vie toute tracée, même s'il y a dû y avoir un peu de peur de la guillotine derrière tout ça...

— Non, je suis parti en 1787... avant le calendrier républicain, ajouta-t-il pour ne pas blasphémer auprès de Louis.

— Alors tu ne pouvais pas savoir. Mais c'est vrai que tu étais déjà chez moi pour la prise de la Bastille... et tu dormais dans la rue depuis deux ans, à ce moment-là ?

— Eh oui. » soupira Charles.

Il étira ses jambes et ferma à nouveau les yeux, mais Louis ne comptait pas se taire.

« Je me pose des questions.

— Oui ?

— J'ai l'impression de te voir sous un autre visage, en fait. Pourquoi as-tu accepté de venir dans mon taudis alors que tu étais noble ? Tu aurais pu aller dormir chez des révolutionnaires plus... aisés.

— J'ai eu confiance en toi, admit Charles. Immédiatement.

— C'est flatteur. Je crois. »

Charles rit doucement. Il était satisfait que Louis se sente complimenté en ces temps difficiles. Cependant, il n'avait pas envie de continuer sur sa lancée. Un accident d'honnêteté était si vite arrivé...

« Ils vont nous faire passer devant le tribunal, tu penses ?

— Oui, dit Louis, sombre, mais pour de faux. Pour la forme. On sera morts dans la semaine.

— Ne parle pas comme ça ! s'énerva Charles. Ça me fait peur... Je n'ai pas envie de mourir aussi jeune, et pour rien en plus. Tu vas passer à la guillotine à cause de moi ! Tu devrais avoir envie de m'égorger !

— Tu es mon ami, Charles, répliqua Louis. Je ne laisserai pas la colère et la peur briser un si beau lien. Je suis sincère. »

Il le regarda avec un sourire rassurant. Je vais le lui dire. Après tout, fichus pour fichus...

« Louis, je t– »

Il fut coupé par un brouhaha qui se rapprochait dangereusement de leur cellule. Des gardes ouvrirent la porte avec une énorme clé et empoignèrent Charles et Louis.

« Qu'est-ce que vous faites ? s'exclama Louis, effrayé.

— Tribunal. Maintenant. » répondit un garde.

Charles en resta bouche bée. On ne leur avait même pas laissé une nuit de calme avant le procès ! Cinq gardes les menèrent dans un silence glacial au Palais de justice, dans lequel Charles n'était jamais entré. Il aurait préféré ne pas avoir à s'en approcher... Ils allèrent directement dans la pièce principale où un jury et cinq juges les attendaient déjà.

« Il n'y avait pas d'autres affaires à traiter, constata Louis d'une voix tremblante.

— On ne parle pas. » intima un garde en le poussant en avant.

Charles fut placé en premier devant le jury. Il serra les poings avec force, certain d'être condamné à mort.

« Bien, dit l'un des juges, commençons. »

Je connais cette voix ! Charles leva vivement la tête. Il reconnut avec stupéfaction Léon Sonnet, un ami de sa famille. Il n'était pas noble mais avait beaucoup profité de la richesse de ses parents, en particulier de leurs terres où il avait déniché des métaux enfouis pour sa forgerie. Peut-être que je vais avoir droit à un traitement de faveur, et Louis aussi ! Léon Sonnet semblait impassible.

« Nous sommes le vingt-neuf Floreal de l'an deux. Accusé... Êtes-vous bien Charles de Grandchamp du Lys ?

— Oui, confirma-t-il en frissonnant à l'énoncé de son véritable nom.

— Vous êtes accusé d'avoir participé à des activités révolutionnaires malgré votre noblesse. Pour quelle raison ?

— Je pense que les révolutionnaires ont raison. Je refuse de profiter des privilèges qui étaient les miens avant leur abolition.

— Eh bien, dit Léon Sonnet, cela me semble plutôt courageux de la part de ce jeune homme. Qu'en pensez-vous ? »

Les quatre autres juges le regardèrent avec étonnement et un murmure monta du jury. Il m'a reconnu ! Les yeux de Charles croisèrent enfin ceux de Louis, resté à l'écart. On aurait dit que la foudre l'avait frappé tant il était stupéfié.

« J'ai entendu parler de la famille de l'accusé, poursuivit Léon Sonnet. Plusieurs d'entre eux sont devenus révolutionnaires. D'honnêtes citoyens de la République ! »

Personne n'était de mon côté en 1787... Il ment comme un arracheur de dents pour m'aider !

« Cependant, il me semble impossible de faire partir ce jeune homme sans une sanction à la hauteur de sa naissance. Je demande l'exil et la récupération de toutes ses richesses personnelles. Si l'accusé se trouve toujours sur le territoire de la République après le quinze Prairial prochain, il sera exécuté sur-le-champ et sans procès. »

Après quelques minutes de débat à voix basse, les juges se mirent d'accord. C'est incroyable... Et je me croyais malchanceux ! Il fallait absolument qu'il mette Léon Sonnet au courant pour Louis ! Seulement, il était cupide... Il avait sans doute aidé Charles pour que sa famille ait une dette envers lui.

Charles se retrouva à son tour à l'écart pendant le procès de son meilleur ami.

« Nous sommes toujours le vingt-neuf Floreal de l'an deux. Accusé, êtes-vous bien Louis Loguend ?

— Oui, répondit-il, le regard perdu.

— Vous êtes accusé d'avoir pactisé avec un ennemi de la République, qui sera d'ailleurs exilé sous peu, Charles de Grandchamp du Lys. Niez-vous ces accusations ?

— Non, mais–

— Il me semble que la seule sanction pour avoir hébergé un traître est la mort, n'est-ce pas ? déclara Léon Sonnet, provoquant des hochements de tête de ses collègues juges.

— Mais–

— NON ! » hurla Charles en se précipitant vers les juges.

Deux gardes l'arrêtèrent dans sa course et le forcèrent à s'asseoir sur une chaise à l'écart du procès. Il essaya de se débattre mais n'avait pas assez de force. La faim, la fatigue et cette trahison de Léon Sonnet l'avaient vidé. Il regarda avec horreur Louis se décomposer devant les juges. Charles n'avait jamais vu son ami pleurer, encore moins devant autant de personnes. C'est un cauchemar ! Je vais me réveiller ! Les gardes forcèrent Charles à sortir du tribunal malgré ses protestations.

Il était libre.

Cette nuit-là, Charles attendit sans dormir devant la Conciergerie. Louis était sans doute déjà entouré du bourreau et de ses aides. Il serait guillotiné le lendemain.

« Bon, tu vas partir ? » lui demanda un garde posté devant la prison.

Charles secoua la tête et se recroquevilla sur lui-même. Jamais il n'avait eu aussi honte. Il aurait pu se jeter sur les juges après le verdict... peut-être même tuer Léon Sonnet pour être condamné à mort et rester avec Louis... ou encore tenter de le faire sortir de la Conciergerie ! Malheureusement, Charles n'avait pas l'esprit assez clair pour mettre en place un plan d'évasion. Tout est beaucoup trop bien gardé... C'est trop tard.

Il passa une partie de la journée suivante à marcher sans but autour de la prison. Le bourreau n'avait pas dû aller voir Louis, en fin de compte. Charles décida d'aller vers la rue de la Barillerie, où les condamnés à mort devaient monter sur les charrettes les menant à la guillotine. Il attendit plusieurs heures et finit par apercevoir du mouvement, au loin. Il reconnut enfin Louis parmi les sept condamnés du jour et attendit le passage du convoi pour lui parler. Lorsque la charrette passa devant lui, Charles poussa les badauds attirés par l'odeur de la mort et courut à côté des chevaux.

« Louis ! cria-t-il, déjà essoufflé. C'est moi ! Regarde-moi ! »

Louis se tourna vers lui. Ses yeux étaient vides de toute étincelle vitale. Il lui sourit par pure politesse et lui lança :

« Je n'ai pas toutes tes connexions, Charles... mais je ne t'en veux pas. Ça devait m'arriver.

— Ne dis pas ça ! Je n'ai pas compris pourquoi on m'a pistonné comme ça... Je te le jure !

— C'est un mensonge, et ce ne sera pas le premier. »

Charles courut plus vite pour rattraper la charrette.

« Je suis désolé ! cria-t-il, les larmes aux yeux. Tout est de ma faute !

— Confesse-toi chez le prêtre, soupira Louis. Celui à qui j'ai parlé pour l'extrême-onction était très gentil. Très sincère.

— Louis... »

Il savait que Louis était fou de rage contre lui mais trop poli pour le montrer. Charles continua de courir en s'excusant, mais son ami ne lui adressa plus la parole. Arrivés devant la guillotine, Charles se retrouva accidentellement au premier rang. Non, je ne veux pas voir ça, c'est inhumain, je ne veux pas être là... Il tenta de jouer des coudes pour partir mais la foule était déjà trop compacte. Charles était aux premières loges pour voir Louis mourir. Je dois faire quelque chose... Il doit bien y avoir une solution !

Après trois exécutions que Charles refusa de regarder, Louis monta sur l'échafaud. Il ouvrit la bouche comme pour déclamer une phrase qui resterait dans les mémoires mais pâlit en voyant le sang et le panier où sa tête tomberait bientôt. Charles sut alors qu'il devait grimper à ses côtés. Il poussa sans ménagement le garde planté devant lui et profita de l'effet de surprise pour escalader l'estrade. Il se posta devant Louis, qui le regardait avec horreur et d'admiration. Et maintenant ?

« C'est une erreur ! cria Charles. Il ne le mérite pas ! Libérez-le !

— Va-t'en ou ils vont te tuer aussi ! lui dit Louis en secouant la tête. Ne fais pas l'imbécile !

— Je ne te laisserai pas seul. »

Charles ne savait pas s'il était stupide ou follement courageux. Des gardes le saisirent par le torse et l'immobilisèrent devant la guillotine.

« Insurrection ? lui dirent-ils d'un ton menaçant. On te connaît, tu es le fameux noble, tu étais censé quitter le pays ! C'est l'exécution sans procès, maintenant. »

Au milieu des huées de la foule, Charles s'aperçut qu'il se moquait éperdument de mourir. Qu'aurait-il pu faire d'autre ? Aller en Italie ? Attendre la mort, seul ? C'est mieux. C'est beaucoup mieux comme ça.

Il ne put se retenir de crier comme si le démon avait envahi son corps lorsque Louis fut allongé sur la planche de bois de la guillotine. Ses hurlements continuèrent même lorsque son meilleur ami ne fut plus en état de les entendre. Il regarda avec effroi le corps étêté de Louis être traîné hors de l'estrade. Les aides du bourreau mirent sa tête dans un sac en toile et ce fut le tour de Charles. On découpa ses longues mèches blondes avec de grands ciseaux pour éviter à la lame de dévier.

Quand il fut lui aussi allongé sur la planche, Charles baissa les yeux et vit le sang de Louis et des autres condamnés former une flaque au fond du panier. Il ferma les paupières. J'ai la nausée. Faites que tout ça se finisse. Il entendit le grincement du couperet lâché à pleine vitesse en direction de sa nuque.


֍


Charles renifla. Tous les autres le fixaient avec appréhension.

« Je n'ai pas aussi honte que prévu. J'ai fait ce que j'ai pu.

— C'est vrai, acquiesça Nok, certainement pour ne pas le brusquer. C'était courageux de ta part de décider de mourir avec lui.

— Je ne voulais pas tellement mourir, soupira Charles. Je croyais pouvoir m'enfuir avec lui... Mais c'était impossible. »

Charles se sentait étrangement calme. Le genre de plénitude qu'il avait ressentie le soir où il était parti de chez ses parents. Après quelques minutes de vide émotionnel, il avait soudainement craqué et s'était enfui à Paris.

« Charles ? fit Nok avec inquiétude. Tu ne vas pas bien, ça se voit.

— Non, c'est bon. »

Charles posa une main sur ses lèvres et se mit à hurler.


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