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64. Charles

CHARLES

Charles avait passé toute sa journée de repos à marcher sans but chez Nok. Il avait demandé à B de lui ouvrir les portes de 5032 et s'y était promené pendant des heures. Durant sa session de tourisme en solitaire, il avait apprécié la chaleur et le vide de ces lieux. Charles avait besoin d'être seul, tout simplement.

En revenant pour le dîner, il avait dû subir une rafale de questions. Où était-il passé pendant le déjeuner ? Pourquoi avait-il voulu marcher sans prévenir personne ? N'était-il pas heureux de vivre avec eux ?

Allongé sur son lit, il se demanda pourquoi il continuait de se forcer à avoir l'air sociable. Il n'appréciait pas que l'on s'intéresse de trop près à sa vie personnelle. Voilà ! Le révolutionnaire soupira et décida de se couler un bon bain chaud. Pourquoi essayer de dormir ? Il allait encore faire des cauchemars. Il finit par fermer les yeux dans l'eau brûlante et se laissa glisser vers le fond et le sommeil.

Charles se réveilla brusquement avec de l'eau dans le nez. Paniqué, il n'arriva à retrouver son calme que lorsqu'il eut craché tout le liquide qui menaçait de s'infiltrer dans ses poumons. Il s'essuya le visage, choqué. J'ai failli me noyer dans mon bain... Quel imbécile.

Il posa les deux coudes sur le rebord de la baignoire et se prit la tête entre les mains. J'en ai marre de vivre ici. J'étais vraiment tranquille avant les cauchemars... Tous les autres semblaient souffrir du même mal, mais cela ne dérangeait personne ! Ils s'en fichent. Peut-être qu'ils ne rêvent pas des mêmes horreurs que moi. Charles n'en pouvait plus de passer ses nuits à voir Louis traîné jusqu'à la guillotine en hurlant son nom. Charles, viens me chercher ! Ne les laisse pas me faire ça !

Il soupira à nouveau. Que faire de plus ? Il était coincé ici, de toute façon. Peut-être que ses cauchemars finiraient par passer. Mais tout de même, que tout le monde soit concerné... C'est vraiment louche. Est-ce que B essaie de nous tourmenter ?

« Je ne fais rien de la sorte, vous pouvez me croire. »

Charles sortit précipitamment de son bain et se couvrit d'une serviette. Voilà qu'il me regarde me laver, maintenant !

« Vous n'êtes pas responsable de nos cauchemars ? demanda Charles en cherchant des vêtements propres.

Absolument pas. J'essaie de trouver des solutions à ce problème, mais je ne peux pas contrôler les rêves de chacun d'entre vous.

— On va finir par se faire du mal pour éviter ce genre de choses, le prévint Charles. J'en suis capable. Faites-moi confiance.

Ne mourez surtout pas ! hurla B, et sa voix résonna dans la salle de bains. Ne faites pas ça, écoutez-moi, je vais vous aider !

— Renvoyez-moi chez Louis ! rugit Charles en lâchant sa serviette, oubliant sa nudité. J'étais menacé en permanence mais je ne faisais pas des cauchemars répugnants toutes les nuits ! Renvoyez-moi à la maison ! J'étais presque heureux ! Tous ces inconnus sont très sympathiques mais ce ne sont pas mes amis ! Laissez-moi tranquille ! »

Seul le silence lui répondit. Lorsque sa colère disparut, Charles ramassa sa serviette, l'esprit totalement vide. Il ne ressentait plus rien. Il s'habilla sans un mot et retourna dans sa chambre. À ce moment précis, quelqu'un frappa à la porte. Charles l'ouvrit sans réfléchir, inconscient de l'expression effrayante placardée sur son visage.

C'était Nok. Il ne regardait pas dans sa direction, trop occupé à lacer ses chaussures.

« Salut, Charles. On regarde un film avec les autres, tu ne veux pas venir ? »

Nok finit par se redresser et écarquilla son unique œil.

« Charles ? s'inquiéta-t-il. Tu ressembles à un cadavre... Ça va ? »

Le révolutionnaire serra les lèvres pour ne pas pleurer pour la millième fois devant Nok. Que pouvait-il lui dire ? Que le maître des lieux l'avait vexé ? Qu'il était plus malheureux qu'il ne l'avait jamais été ?

« J'ai envie de mourir, dit-il dans un souffle.

— Oh. »

Nok entra sans se faire inviter et referma la porte.

« Je t'aurais bien dit de ne pas raconter n'importe quoi, mais je commence à te connaître, Charles. Je pense que tu as sincèrement l'intention de le faire, mais laisse-moi te dire quelque chose. »

Charles n'avait pas très envie de l'écouter, mais il s'assit sur son lit et le regarda en silence.

« Si tu meurs maintenant, tu ne comprendras jamais pourquoi nous sommes ici. Peut-être que quelque chose va bientôt arriver.

— Peut-être que non, marmonna Charles.

— Je suis persuadé que si, insista Nok. Est-ce que tu penses que B peut se permettre de nous laisser nous plaindre chaque jour de nos cauchemars ?

— Il m'a dit qu'il faisait le maximum et qu'il ne voulait pas que je me suici... enfin... que je parte de mon propre chef, disons.

— Eh bien, peut-être qu'il fait le maximum et que nous serons bientôt tranquilles la nuit. Est-ce que tu veux venir voir ce fichu film, maintenant ? »

Nok lui sourit. Charles était impressionné par le talent qu'il avait pour parler aux gens. Il avait désamorcé ses pulsions mortifères en une simple conversation. Le révolutionnaire renifla et rassembla ses cheveux mouillés en une queue de cheval pour qu'ils ne dégoulinent plus sur ses épaules.

« Uniquement si c'est un bon film.

— Tu es difficile, dis donc ! » s'exclama Nok.

Tous furent très enthousiastes de voir Charles les rejoindre pour regarder la télévision. Mince... J'ai dit à B que c'étaient des inconnus, mais personne n'a jamais été aussi heureux de me voir. Sauf Louis, évidemment. Ils avaient presque tous remarqué qu'il ne semblait pas dans son assiette. Même Maurice évita de faire des blagues de mauvais goût sur Danton ou Robespierre.

Contre toute attente, Charles passa la meilleure soirée de son séjour au manoir en regardant le western que Juka avait choisi. La sauvageonne glapissait de joie à chaque apparition des Indiens, ce qui n'était pas très logique selon Maurice. Charles apprécia beaucoup l'histoire, même s'il ne comprenait pas où ni quand elle se déroulait. De quel siècle sortaient ces cavaliers ? Est-ce que ce genre de choses arrivait dans la vraie vie, à l'époque ? D'après Maurice, tout était vrai.

Ils allèrent ensuite se coucher. Avant de fermer les yeux, Charles se demanda s'il allait encore faire des rêves abominables ou si son cerveau allait lui accorder quelques heures de répit.

Lorsqu'il se réveilla en sueur et le cœur battant la chamade, Charles comprit qu'il n'avait pas échappé aux cauchemars. Il se calma en respirant lentement et se rendit compte qu'il ne se souvenait de rien.

« Charles, lui dit soudain B, vous êtes le premier à vous réveiller. Je constate que ma technique fonctionne !

— Comment ça ? grogna Charles en étirant ses jambes.

Je ne peux pas agir sur vos pensées lorsque vous dormez. Mais je peux agir à mon aise sur vos souvenirs lorsque vous êtes éveillé ! J'ai effacé votre mémoire de toute cette nuit dès que vous avez ouvert les yeux. »

Charles se frotta les yeux et acquiesça.

« C'est bizarre, mais c'est une bonne idée. Et ça marche.

Alors... Vous n'allez pas vous suicider ? demanda B d'une voix faible.

— Non. Arrêtez de vous inquiéter comme ça, c'est tout. Allez vous occuper des autres, ils ont besoin de vous. N'oubliez le réveil de personne, d'accord ? »

Charles sentit B partir. Il ne parvenait pas à mettre des mots sur ce genre d'événements, mais une sorte de tension disparaissait de la pièce lorsqu'il la quittait. Il se prépara au tourisme du jour, dont personne n'avait parlé au dîner la veille. Ils ont dû dire de qui il s'agissait pendant le déjeuner, mais je n'étais pas là...

Dans la salle à manger, Eric était habillé avec plus de magnificence que jamais. Ah, eh bien, c'est plutôt facile à deviner ! Il portait un heaume plus beau que celui qu'il avait en apparaissant dans le manoir, avec un protège-nez très pointu. Tout son corps était recouvert d'une cotte de maille et de plaques métalliques brillantes. Il avait ajouté par-dessus son armure un vêtement coloré descendant jusqu'à ses genoux.

« Le vert est la couleur de ma famille, expliquait-il à Camille. Je suis vêtu ainsi aux tournois. Mais pendant la bataille d'Azincourt... Mes vêtements se sont déchirés. Quelle affreuse journée, morbleu.

— Tu nous montreras où s'est passée cette fameuse bataille ? lui demanda Nok, qui avait lui aussi tenté de mettre une armure.

— Non ! Azincourt est au nord, bien plus au nord... Je vis en Bourgogne, maintenant que j'y pense. Je l'avais oublié ! »

Le pauvre, il a dû aller sacrément loin pour faire cette guerre inutile. Charles n'était jamais allé en Bourgogne, mais il en avait entendu parler d'une manière ou d'une autre. Peut-être un mot sur un pamphlet à distribuer dans les rues de Paris.

Le révolutionnaire n'essaya pas de s'habiller comme Eric mais il retourna dans sa chambre pour porter quelque chose de plus... vert. Ça lui fera plaisir, je pense. Comme il s'y était attendu, Eric le remercia pour cette sympathique attention.

« Bon, où sont les retardataires ? J'ai tout mon domaine à vous faire visiter. Vous allez voir, c'est très joli. Il y a le château, les douves autour, le grand parc au-delà, la forêt... »

Tandis qu'Eric énumérait le reste du royaume tout entier, les autres habitants du manoir arrivèrent un par un. Le chevalier, tout focalisé qu'il était sur sa description des lieux, ne remarqua pas qu'ils faisaient demi-tour pour s'habiller en vert. Lorsque chacun fut fin prêt, Charles songea qu'ils avaient tous l'air d'un rassemblement de lézards.

La porte les mena directement devant le château du chevalier déserteur, une bâtisse impressionnante surmontée de trois donjons. Autour de la demeure d'Eric se trouvaient un très grand parc où des paysans s'occupaient de plusieurs champs et de trois troupeaux. Encore un très riche qui peut se permettre de loger toute sa population. Mais bon, au moins, en cas de siège, ils sont tous en sécurité... Charles était amer mais persuadé qu'Eric faisait de son mieux. Il avait assez de puissance et d'argent pour mettre sa population à l'abri de l'ennemi... et le faisait. C'est un homme bon.

« Au fait, lui demanda Charles, quel est votre titre de noblesse ?

— Hm... »

Eric regarda vers l'horizon. Il ne s'en souvient pas... ce n'est qu'un détail.

« Duc, fit-il après un long silence. Enfin, mon père l'est.

— Duc ?! s'étrangla Anna. Enfin, je veux dire... C'est un titre extrêmement élevé ! Je vous pensais de petite noblesse...

— Mon titre importe peu, vous savez. Je tiens à vivre simplement. »

Simplement ? Est-ce qu'il a vu son château ? Ce n'est pas ce que j'appelle vivre simplement, moi. L'air renfrogné, Charles suivit le petit groupe au-delà du pont-levis. Au milieu des petits champs, les paysans semblaient heureux de voir le fils du duc local. Ils saluaient Eric en soulevant leur chapeau, luisants de sueur sous la chaleur étouffante. Le chevalier leur répondit d'un geste de la main.

« Je connais tous ces paysans, dit-il. Ils sont toujours là pour m'aider et c'est réciproque.

— Y a-t-il un village plus loin ? demanda Philémon. Avec d'autres paysans ?

— Effectivement, juste derrière le château, il y a une ville. Mais ces gens sont les plus motivés de mes vassaux. Ils ne sont pas tous paysans, d'ailleurs ! Certains viennent du clergé ou encore de la basse bourgeoisie. Je les apprécie grandement. C'est moi qui les ai poussés à venir ici, car mon père hésitait à laisser entrer le peuple au sein du château. »

Décidément, Eric était surprenant. Il avait eu la grandeur d'âme et l'intelligence de se lier à sa population malgré les remontrances de son père. Un duc, tout de même ! Après s'être extasié devant la beauté de son troupeau de vaches, Eric les mena devant l'entrée du château.

« Je vous préviens, les amis, qu'il ne s'agit pas du château de Fontainebleau. Il est bien moins luxueux.

— Ouvre ! » s'exclama Agnès, impatiente.

Eric poussa la lourde porte et les laissa admirer la salle de réception des invités. La pièce était un peu trop sombre mais Charles put admirer quelques tableaux des ancêtres du chevalier. Il plissa les yeux pour trouver la date de ces œuvres. Deux siècles avant lui... Pas mal. Il détestait les nobles et leurs privilèges, mais cette façon de respecter leurs ancêtres en les immortalisant en peinture lui parlait beaucoup. Lorsqu'il avait demandé à Louis à quoi ressemblait son grand-père décédé, il lui avait répondu qu'il ne s'en souvenait pas. Avec un tableau, la réponse aurait été bien plus simple à trouver...

« Vous venez de visiter la pièce où sont accueillis les invités de mes parents.

— Et toi, tu n'invites personne ? lui demanda Julius. Moi, j'avais beaucoup d'invités.

— Une si belle maîtrise du français pour être un crétin prétentieux, marmonna Agnès sans être entendue du Romain.

— Je ne reçois personne, admit Eric.

— Pas d'amis ni de dulcinée ? fit Anna. Vous êtes pourtant noble et... euh...

— Beau, compléta Juka.

— Oh, vraiment ? s'exclama Eric en s'animant. Je suis flatté, morbleu. Mais non, je ne reçois pas. Mes amis sont les amis de mes parents. Et je n'ai pas de douce mie. »

Il soupira. Maurice, gêné, se racla bruyamment la gorge.

« Bon, on continue ? le pressa-t-il.

— Un problème avec la douce mie d'Eric ? se moqua Agnès.

— Je vais mourir de rire si j'entends encore une fois cette expression, chuchota Maurice.

— Douce mie, répéta Agnès.

— Par pitié, sorcière, tais-toi ! »

Ils éclatèrent tous les deux de rire. Eh bien, il faut croire que le vocabulaire de chacun peut être sujet de moqueries. Charles se demanda depuis quand ces deux-là s'entendaient si bien. Je croyais que personne n'aimait Agnès, à part Nok qui a l'air de la comprendre mieux que nous tous. Lorsqu'ils arrivèrent dans la salle à manger du château, Philémon et Anna poussèrent des exclamations ébahies.

« Mais, Eric, dit Anna, ce n'est pas une pièce pour manger ! C'est une bibliothèque !

— Je suis bien obligé de vous expliquer d'où sortent tous ces livres. » admit Eric.

Des étagères remplies d'ouvrages recouvraient tous les murs. De nouveaux tableaux des ancêtres d'Eric tenaient maladroitement au-dessus des meubles.

« Mon père est un très grand lecteur. Nous avons beaucoup trop de livres, ils ne tiennent plus dans son bureau...

— Mais..., balbutia Anna en feuilletant un ouvrage au hasard. Ce sont tous des manuscrits ! Du monde entier, en plus ! Cela doit coûter une véritable fortune !

— Ce sont les seules dépenses de ma famille, pour être honnête, avoua Eric. Nous ne tentons pas de posséder de nouvelles terres donc notre armée est très réduite. Le peuple de notre duché nous fait assez confiance pour payer les impôts jusqu'au dernier sou. Ma mère est très pieuse et reçoit des aides du clergé et du Pape lui-même. Nous n'organisons pas de fêtes fastueuses ni de réceptions hors de prix. Tout cet argent nous sert à acheter ces livres et à conserver les connaissances de notre temps ! »

Juka ouvrit la bouche mais la referma, hésitant à parler. Camille l'encouragea à s'exprimer.

« Euh..., dit-elle. J'ai admiration pour Eric.

— Moi aussi, ajouta Lemnos. Vous êtes très intelligent.

— Sacrebleu, cessez vos louanges ! rugit le chevalier en devenant rouge pivoine. Je ne suis pas aussi génial que mes parents !

— Tu feras de grandes choses, lui dit Nok. Enfin, au manoir. On va te nommer gardien de la bibliothèque et spécialiste de Chrétien de Troyes.

— Chrétien de Troyes est fantastique ! s'exclama Eric. Venez voir ma chambre, j'ai tous ses romans ! »

Charles suivit les autres en attrapant un livre sur l'une des étagères. Chaque début de chapitre était décoré par des enluminures prenant un quart de la page. Il le reposa, impressionné. Eric et sa famille avaient bon goût ! Ils traversèrent plusieurs couloirs beaucoup moins sinistres que ceux du château de Stanislas. Ce n'était pas spécialement décoré, mais les murs semblaient plus fins. Les passages étaient moins étroits, la température plus élevée. Mais ce château n'était pas aussi calme que celui de Stanislas : les chaussures métalliques portées par Eric et Nok faisaient un bruit insupportable.

« Franchement, Nok, s'irrita Charles, tu aurais pu éviter de porter ça.

— Et toi, alors ? Tu crois que c'est suffisant d'être en vert ? J'ai fait le maximum, moi ! affirma Nok avec fierté.

— Ouais, ouais, vu comme ça... Mais vous faites un boucan incroyable avec vos pieds ! »

Charles soupira lorsque Nok fit exprès de marcher encore plus bruyamment. Juka intervint en lui envoyant une claque très sèche et douloureuse sur l'épaule. Malgré son armure, Nok poussa un petit cri et se plaqua contre le mur pour éviter de nouveaux coups.

« Tu es sacrément violente, Juka ! » se plaignit Nok, amusé.

La sauvageonne lui jeta un regard froid mais Charles la vit sourire lorsqu'elle détourna la tête. C'était sans doute sa façon de jouer avec lui. Ils passèrent devant une porte entrouverte qui ressemblait à toutes les autres, mais Stanislas entra dans la pièce en affirmant qu'il avait senti un courant d'air frais. Il pensait sans doute arriver dans un garde-manger, mais il s'agissait d'un tout autre lieu.

« Voici notre chapelle personnelle, chuchota Eric en se signant devant un bénitier. Nous invitons souvent le peuple à participer à la messe, en particulier ceux qui s'occupent des champs que vous avez pu voir. »

Charles trouvait la chapelle d'Eric très correcte. Bien sûr, elle était plus petite que n'importe quelle véritable église, mais un sentiment de familiarité et de tendresse se dégageait du lieu. Charles ne parvenait pas à s'expliquer pour quelle raison il se sentait si bien. Les murs semblaient froids, rien n'était décoré. Seul Jésus les regardait de l'autre côté de l'autel, crucifié sur une croix de marbre. Ils firent le tour de la chapelle et reprirent le chemin de la chambre d'Eric.

« Ah, ça, je connais ! lança Maurice avec un grand sourire. Je m'en souviens !

— Maurice a vu ma chambre reconstituée lors des activités en binômes, expliqua Eric.

— C'est exactement la même pièce ! J'aime beaucoup ta petite bibliothèque. »

Eric désigna l'étagère et annonça :

« Tous les romans de Chrétien de Troyes sont là !

— Ce lit de fou, souffla Agnès. Regarde-moi ça, le mec a des rideaux partout autour de son lit ! Ça va, tu te mets bien.

— Je... me mets bien, effectivement... Oh, ventrebleu, je ne comprends jamais ce que vous dites, mademoiselle Agnès !

— Tu te fais plaise ! T'as du luxe ! insista-t-elle en écartant les bras.

— Oh, je crois comprendre... Oui, mon lit est très confortable. Que voulez-vous voir d'autre ?

— J'ai faim. » dit Stanislas.

Ils éclatèrent tous de rire. Stanislas était impayable. Eric les mena directement à une grande pièce au centre de laquelle trônait une longue table en bois montée sur des tréteaux. Oh, ça a l'air bourré d'échardes ! Les sièges ne semblaient pas spécialement confortables.

« Un peu simple, s'excusa Eric. Installez-vous, je vais appeler mes cuisiniers.

— Et moi ? gémit Stanislas. Je veux vous aider !

— Tu regardes et tu t'imprègnes. » ordonna Eric en tapant dans ses mains.

Stanislas s'attabla en bougonnant. Trois hommes entrèrent et s'inclinèrent très bas devant Eric.

« Que désirez-vous manger, monsieur ?

— Quel est le menu ? demanda le chevalier avec autorité mais bienveillance.

— Bœuf bourguignon et assortiment de fromages, monsieur.

— Bien. Mes invités vont découvrir des spécialités de ma région ! »

Les cuisiniers partirent s'affairer en cuisine et Camille prit la parole.

« Le bœuf bourguignon est un plat qui est toujours à la mode en 2012. Par contre, il est souvent servi avec des carottes et des pommes de terre, ce qui ne devait pas être votre cas...

— Seulement des carottes et des échalotes, confirma Eric. J'adore les échalotes. »

Le repas dura des heures. Revigoré par la viande délicieuse tout droit venue des troupeaux du château, Charles n'hésita pas à raconter son adolescence au reste du groupe. Il ne savait pas si ses anecdotes avaient du sens, ni si elles étaient vraies, mais il ne pouvait plus s'arrêter de parler.

« C'est le vin rouge, marmonna Maurice. Il est complètement torché, retirez-lui son verre !

— Attendez, le coupa Charles, qui se sentait en effet un peu saoul. Est-ce que je vous ai raconté le jour où j'ai essayé de faire tomber Ernest dans la boue ?

— Par pitié, Charles, s'exclama Nok, ça n'intéresse personne ! On ne sait même pas qui est cet Ernest !

— Alors, à la place, écoutez bien ma nouvelle théorie. »

Il entendit les autres gémir de désespoir mais poursuivit.

« Nous sommes tous des chefs. Attention, je vais vous dire pourquoi. Philémon a plein d'argent, même s'il le dépense n'importe comment.

— Charles, je ne crois pas que vous puissiez vous permettre de–

— Attendez, attendez, attendez. Anna est noble. Eric est carrément presque duc. Julius est maître de son domaine. Les parents de Nok et ceux de Juka sont chefs de leurs tribus respectives. On est tous des chefs et des gens puissants.

— Je suis esclave ! s'exclama Lemnos, horrifié.

— Ah, dit platement Charles. Ah ouais. Ouais, c'est vrai.

— Et toi, bougre d'âne, ajouta Maurice, tu n'es qu'un pouilleux dans un grenier qui écrit des tracts contre les vilains royalistes. Ne te prends pas pour un chef, Desmoulins bis.

— J'aurai essayé. » soupira Charles en reprenant un verre de vin.

Juka lui fit le plaisir de déclarer :

« Ce n'était pas stupide.

— Ah ! s'écria Charles. Je savais que c'était pas si mal !

— Je vais éloigner le pichet de ces deux-là. » dit Eric en regardant Charles puis Julius, qui regardait le plafond, ivre mort.

Le chevalier fit venir des musiciens pour égayer le repas. Il enseigna à Anna et Philémon d'autres danses tandis qu'Agnès remuait de manière improbable au milieu de la pièce. Charles se sentait plus lourd que jamais. Il n'était pas habitué à boire, tout comme Julius qui coupait ordinairement son vin et avait oublié de le faire. Lorsque Nok proposa au révolutionnaire de danser avec lui, il posa une main sur son front et marmonna :

« Si je tourne comme ça, je vais vomir.

— Tu veux qu'on te ramène dans ta chambre ? proposa Nok, visiblement amusé.

— J'aimerais bien, même si les cauchemars... C'est pas marrant, les cauchemars...

— Je pense que tu vas plutôt dormir comme une bûche et avoir une belle gueule de bois au réveil. »

Charles se sentit décoller de sa chaise et écarquilla les yeux. Nok l'avait soulevé comme un nourrisson. Il a une sacrée force... Ils quittèrent le château et retrouvèrent la porte d'entrée. Arrivé devant sa chambre, Charles était presque en train de dormir dans les bras de Nok. Ce dernier le déposa sur son lit avec un petit rire.

« Je ne te croyais pas si facilement saoulé.

— Te fous pas de moi, Louis. » grogna Charles avant de sombrer dans un sommeil sans rêve.

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