53. Julius
JULIUS
« Donne-moi cet osselet, Honorius ! Sidonius, ne t'approche pas de la table !
— Mais papa, il y a des fruits dessus ! »
Julius sourit, attendri. Ses fils grandissaient à vue d'œil. Du moins, cette image de mes fils. Une création du maître des lieux pour son plaisir personnel.
Après avoir regardé le film avec tous les autres, Julius était retourné dans sa villa. Les maîtres n'étaient censés aller dans leur villa de campagne que très rarement, pour de courtes fêtes ou pour vérifier que l'intendant faisait bien son travail. Julius, cependant, affectionnait tant la tranquillité de ces lieux qu'il y passait presque tout son temps. Il n'en sortait que pour prendre un cheval pour Rome. Manquer les courses de chars n'était pas acceptable !
« Papa, on est où là ? demanda Sidonius en cessant d'escalader la table. Pourquoi il y a une nouvelle porte ?
— C'est normal, mon fils, répondit Julius avec bienveillance. Cette porte permet à papa de retourner chez lui.
— Mais c'est ici chez vous, papa ! rétorqua Honorius en lâchant son osselet. Je veux aller voir dehors aussi !
— Non, tu resteras dans cette villa. Tu peux aller voir la vigne et le jardin, mais pas ce qu'il y a derrière cette porte.
— Julius, intervint B. Ce n'est pas très grave s'ils voient ce qu'il y a de l'autre côté, ils ne sont pas réels.
— Je ne vous ai rien demandé. » répliqua Julius.
Il éloigna ses deux enfants de la porte et les mena dans la grande salle principale.
« Allez. Jouez sur la mosaïque, jouez aux couleurs. »
Julius avait fait transformer la mosaïque du sol de la pièce d'entrée pour que les jumeaux puissent s'amuser avec les motifs. Leur jeu favori consistait à marcher sur tous les carrés de même couleur en sautillant d'un endroit à un autre. Si par malheur l'un des jumeaux posait le pied sur une case de la couleur choisie par son frère, il recevait un gage. Honorius annonça qu'il n'allait marcher que sur du jaune et Sidonius choisit le brun. Julius les regarda jouer quelques minutes, ému de revoir ses deux têtes blondes. J'ai l'impression de ne pas avoir vu ça depuis des années... le temps passe si lentement, ici.
Il aurait voulu être renvoyé chez lui, certes, mais l'acharnement du maître des lieux à vouloir les tenir à l'écart du monde réel l'inquiétait au plus haut point. Peut-être serait-il poursuivi par des puissances obscures qui mettraient ses fils en danger s'il décidait de braver l'interdiction ! Il ne pouvait se permettre de prendre ce risque.
Julius ne savait même pas combien d'heures il était capable de passer à contempler ses enfants. Cette furie de prostituée qui avait absolument tenu à le remercier pour ses nombreuses offrandes de nourriture lorsqu'elle croupissait dans les rues de Rome avait finalement été une bénédiction dans sa vie. Lorsqu'elle l'avait à nouveau accosté à la sortie d'une course de chars pour geindre qu'elle ne savait comment s'occuper de sa progéniture, Julius avait pris les jumeaux sous son aile. Il avait bien vu dans ses yeux qu'elle n'en voulait pas, de toute façon. Anna pouvait bien écarquiller les yeux et pousser des cris d'orfraie, il savait ce qu'il avait fait. Il n'avait pas volé ses enfants. Les autres n'avaient pas à connaître sa vie en détail. Seul Lemnos le méritait, éventuellement.
Lorsque ses enfants s'effondrèrent sur la mosaïque, épuisés d'avoir tant chahuté, Julius éclata de rire.
« Alors, qui a gagné cette fois-ci ?
— Personne, répondit Sidonius, rouge comme une pivoine. On est tombés tous les deux sur des carrés noirs...
— Vous aurez donc tous les deux un gage ! Allez aider Benedicta à décorer la table du repas.
— Oh nooooon, soupira Honorius en détalant à l'autre bout de la pièce.
— En parlant de repas, Julius, il me semble que vos camarades vont passer à table. »
Ce fut au tour de Julius de secouer la tête, irrité. Il n'avait pas particulièrement envie de revoir les autres. Après tout, on lui avait donné l'autorisation de venir dans cette simulation de sa vie. Pourquoi ne pouvait-il pas y rester ? Il mangerait ici, avec ses fils, qu'ils soient réels ou non. Eux seuls étaient capables de le rendre heureux.
Julius avait une réputation d'homme froid et malpoli totalement erronée. Le vrai lui était ici, dans sa villa, entouré de ses enfants. Il n'avait que faire des jérémiades de Philémon et des autres ! Ils pouvaient bien rêver de rentrer chez eux – ce n'était plus son problème.
« Julius, je vais être obligé de ne pas vous laisser le choix.
— Pourquoi ? s'énerva le Romain en encourageant Honorius à rejoindre Benedicta, leur servante. Les autres ne m'intéressent pas.
— Lemnos va se sentir abandonné et vous le savez. »
Julius soupira devant tant de bassesse. B se jouait de lui, manifestement. Il savait comment le faire culpabiliser : Lemnos était la seule personne parmi les onze à lui importer un minimum.
« Il faut d'abord que je vérifie que mes enfants mettent bien le couvert, comme je le leur ai demandé. Et que je prenne garde à ce qu'ils mangent équilibré.
— Cela n'a pas d'importance, ils ne sont pas réels.
— Arrêtez avec ça ! s'emporta Julius. Si vous voulez m'empêcher d'y croire, cessez de les faire si ressemblants ! »
Le décor autour de lui partit soudain en fumée. Julius ferma les yeux, éreinté. Il n'allait pas pouvoir supporter tant de cruauté jusqu'à la fin des temps. Vais-je venir ici chaque jour pour voir des enfants qui ne sont pas les miens ? Est-ce que le reste de ma vie va ressembler à cela ?
« Absolument pas, Julius. Vous allez vous habituer à vos nouveaux amis. Votre quotidien sera fait de loisirs et de découvertes.
— Mais–
— Vos enfants sont en sécurité chez vous, le coupa B d'un ton ferme. Ils seraient mis en danger par votre retour, soyez-en certain. »
Julius réprima un rictus nerveux. C'est exactement ce à quoi je pensais.
« Pourquoi nous faites-vous... tout cela, nous enfermer, nous menacer ? Pourquoi ? Est-ce une malédiction ? Êtes-vous un dieu ?
— Je vous répondrai en temps et en heure.
— Je suis fatigué de ces mystères... Je vous en conjure, répondez-moi immédiatement !
— Retournez dans la salle de repas, Julius. »
Le Romain dut se retenir de tout son être de hurler. Après quelques instants de silence, debout et immobile au milieu de la fumée, il se sentit obligé de marcher vers la porte et de traverser les différents couloirs jusqu'à retrouver ses compagnons déjà attablés. Le maître des lieux m'effraie, voilà, je l'avoue.
Julius avait eu beau faire le coq devant Lemnos, il n'en demeurait que plus angoissé par tout ce qu'il vivait. Après toutes ces aventures – les tableaux, les félins endormis, le vin écœurant–, il avait progressivement pris conscience du vide laissé par l'absence de ses enfants, de son domaine, de son quotidien. Il aurait presque préféré être en danger de mort constant, cela l'aurait occupé. Ressentir autant d'ennui était inconcevable.
« Julius ? le héla Lemnos, assis avec les autres tandis que Stanislas cuisinait. Est-ce que vous allez bien ? Vous êtes si pâle...
— Ne t'occupe pas de moi, répondit Julius en s'asseyant à ses côtés. Où est passée la folle ?
— Nok dit qu'elle est allée dormir. Apparemment, elle en a vraiment besoin.
— Moi aussi, marmonna Julius en se servant de la salade. Qu'est-ce que c'est que cette chose ?
— Des pâtes, d'après Camille. C'est très bon ! »
Julius mâchonna pensivement le contenu de son assiette d'un air absent. Ses compagnons d'infortune semblaient aveuglés par toute cette nourriture à profusion, ce luxe illimité. Ils ne désiraient manifestement plus rentrer chez eux ! Julius s'était résigné à ne plus se battre, si cela entraînait des risques pour ses enfants. Mais les autres ? Les avait-on prévenus que leurs proches risquaient de souffrir de leur retour, eux aussi ? En particulier Maurice, qui avait tant vociféré quand ils avaient convenu de rester ici... Où était passée sa hargne ? Oh. Un éclair de compréhension traversa l'esprit du Romain. Il joue la comédie pour mieux fuir, certainement ! Julius n'avait plus qu'à attendre de voir ce que le vieil homme avait prévu. Philémon est sans doute de mèche, lui aussi. Le cœur plus léger, il s'autorisa à savourer ses pâtes, comme disait Lemnos.
Le repas se déroula sans encombre. Lorsque Philémon ne put réprimer un bâillement entre deux bouchées de tarte, Anna leur annonça en français – avec traduction de Camille en grec – qu'il était temps d'aller se coucher.
« C'est vrai que je suis complètement épuisé, dit Lemnos. Pas comme après un nettoyage complet du palais. Pas physiquement...
— Je comprends ce que tu veux dire, fit Julius en se levant de table. Ces derniers jours ont été denses. Je vous souhaite à tous une bonne nuit. »
Il adressa un signe de tête à chacun pour se faire comprendre, même les femmes. Un peu de politesse préservera ma tête. Elles sont peut-être toutes folles comme Agnès, on ne sait jamais. Camille lui fit un signe de la main réservé à l'Empereur, ce qui le surprit.
« Qu'est-ce que c'est que cette mascarade ? Une moquerie ?
— Non, intervint Lemnos. Je pense qu'elle a vu ce geste dans un film parlant du passé et qu'ils se sont trompés... Les choses anciennes sont peut-être mal connues ! Vous devriez lui apprendre comment saluer quelqu'un pour qu'elle ne se trompe pas... non ? »
Encore plus froissé que sa toge, Julius ne lui répondit pas et partit en silence. Imiter des choses erronées de mon époque... Me prend-elle pour un spectacle du cirque ? Quelle ignorance ! Très vexé, le Romain traversa le couloir à grands pas et claque la porte de sa chambre. Il s'arrêta net devant les statues de ses enfants. Je ne dois pas être en colère devant eux.
Immédiatement plus serein, il secoua la tête et revêtit sa tenue de nuit. Il s'allongea et enfouit son visage sous les couvertures. Belle invention de l'avenir. C'est très confortable. Le futur était impoli... mais doux au toucher.
« Bonne nuit, Honorius et Sidonius, murmura-t-il en fermant les yeux. Éteignez vos bougies. »
Il s'endormit presque aussitôt, éreinté.
Lorsque Julius se réveilla, il avait si faim qu'il crut qu'il avait passé trois jours à rêver de ses fils jouant dans sa villa – son seul rêve récurrent. Il enfila une autre toge après une toilette sommaire et rejoignit les autres dans la salle à manger. Au bout de la table se trouvait Agnès, moins moribonde que d'habitude. Lemnos salua le Romain avec une pointe d'amusement.
« C'est midi ! Vous avez dormi très longtemps !
— J'en avais certainement besoin. Ma domestique me levait avec le soleil... Je ne suis pas habitué à me réveiller seul.
— Je pourrais frapper à votre porte tous les matins, si vous voulez. Je me réveille toujours très tôt par réflexe. »
Julius imaginait sans peine Lemnos se faire sortir de son infâme tas de paille à coups de pied dès l'aube. Ce genre de traitement devait laisser des traces indélébiles.
« Bonjour, Julius, lui dit Camille en rougissant. Je suis désolée pour hier, je croyais que c'était un geste de respect...
— C'était bien trop respectueux pour quelqu'un comme moi, rétorqua le Romain en s'asseyant devant un bol de soupe de poissons. Réserve-le à l'Empereur en personne, femme. D'ailleurs–
— Parlez un peu mieux à Camille, s'il vous plaît. » le coupa Lemnos avec sévérité.
Julius haussa les sourcils, incrédule.
« Je sais pas ce qu'il dit, ce petit, intervint Maurice, mais il a sacrément pris la confiance avec l'autre en robe.
— Chut, Maurice, ne les critiquez pas dans une langue qu'ils ne comprennent pas. » le réprimanda Nok.
Lemnos baissa la tête.
« Excusez-moi, marmonna-t-il, penaud. J'ai été impoli. Je n'aurais pas dû vous reprendre aussi sèchement.
— Euh..., bafouilla Julius, interdit. Qu'ai-je dit de méchant ? »
Julius savait que si Lemnos avait été choqué de ses paroles, cela devait être très grave. On devait lui parler extrêmement mal toute la journée. Il faut que ce soit une infamie pour qu'il me reprenne.
« N'appelez pas Camille femme, c'est vraiment très méprisant.
— Je n'arrive pas à prononcer son prénom, répliqua Julius, embarrassé mais trop fier pour s'excuser.
— Appelez-la comme vous le pouvez, mais pas comme ça ! »
Le Romain resta un instant silencieux et demanda :
« Qui t'a appris le respect pour les femmes, Lemnos ?
— Le quotidien. »
Les yeux de Lemnos brillaient de colère. Est-ce qu'il parle de sa sorte de deuxième mère, Psamathé ? Oh ! Il doit vouloir dire que c'est une femme respectable dans ses actes. Il n'a connu qu'elle.
« Peut-être que ton expérience du palais ne suffit pas à te faire une opinion sur les femmes.
— Pas plus que la vôtre avec une prostituée. » répliqua Lemnos en mangeant un morceau de pain sans le quitter des yeux.
Camille rougit si fort en écarquillant les yeux que Julius crut que sa tête allait éclater. Il garda son calme et acquiesça lentement en s'intéressant à sa soupe de poissons.
« Très bien.
— Je ne voulais pas vous vexer, s'excusa Lemnos, mais il faut être gentil avec autrui. C'est tout.
— Je comprends très bien. »
Lemnos posa son pain et rétorqua :
« Non, vous faites semblant pour stopper cette discussion. Je tiens à vous assurer que je ne vous en veux pas.
— Oui oui. »
Camille et Lemnos se jetèrent un coup d'œil mutuel avant de hausser les épaules. Julius n'aimait pas les conflits et préférait avoir l'air froid que s'enliser dans ce genre de disputes. Il savait qu'il continuerait de parler avec Lemnos sans problème, alors pourquoi s'énerver ? Il n'allait pas perdre son nouvel ami si facilement.
À la fin du repas, Philémon exhorta tout le monde à se rendre dans la salle de loisirs pour jouer à des jeux de société.
« Il pense que ce serait génial pour nous de découvrir des jeux d'autres époques, traduisit Camille, encore gênée par l'ambiance lourde entre Lemnos et Julius.
— Bien, fit le Romain en posant ses couverts. Je sais ce que je vais te présenter, Lemnos... mon jeu préféré ! »
Lemnos sourit, sans doute soulagé de voir que Julius était de si bonne humeur. Ils se levèrent tous de table et se rendirent dans la pièce de jeux. Camille se précipita vers un rectangle gris posé sur le sol et installa un dispositif semblable à celui qu'Agnès portait sur le nez.
« Énorme ! s'exclama-t-elle C'est un casque de réalité augmentée tellement petit qu'on dirait des lunettes de soleil ! On n'avait pas encore de pub pour ça à mon époque. Qui veut jouer à deux ?
— C'est pour jouer à des jeux vidéo ? demanda Nok en s'approchant du canapé installé devant l'objet.
— Oui ! Ça a l'air génial, il faut qu'on essaie ! »
Julius n'essaya pas de comprendre ce qu'ils faisaient et fit signe à Lemnos de le rejoindre à une table. Un plateau carré de huit cases de large y trônait, n'attendant qu'eux pour se rendre utile. Julius et Lemnos s'assirent face à face et le Romain disposa les pièces dans leurs emplacements respectifs.
« Chacun possède seize pions et un chef. D'habitude, ce ne sont que de vulgaires pierres ramassées sur le chemin, mais je vois que ces pièces sont très bien taillées...
— C'est du marbre, commenta Lemnos en faisant tourner la pièce du chef entre ses doigts. Et donc, que faut-il faire ?
— À chaque tour, tu dois déplacer un pion d'une seule case, mais jamais en diagonale. Si l'un de mes pions se trouve enfermé entre deux de tes pions, ma pièce sort du plateau de jeu et est considérée comme perdue. Lorsque l'un des joueurs n'a plus de pièces, il a perdu.
— Et le chef ?
— Le chef n'a pas besoin d'enfermer une pièce adverse avec un autre pion, il peut sauter par-dessus pour aller vers une case vide.
— Et le pion en question sort du jeu ? »
Julius hocha la tête.
« Bien. Je commence. »
Julius battit Lemnos à plate couture une bonne demi-douzaine de fois. À la septième partie, l'esclave enfouit son visage entre ses mains.
« Je ne trouve pas de technique pour vous battre !
— C'est normal, j'y joue sans cesse, se vanta Julius avec un petit air satisfait. Personne ne peut me battre aux latrunculi.
— C'est moche comme mot, en plus, soupira Lemnos. Qu'est-ce que ça signifie, en grec ?
— Vil brigand.
— Je ne comprends absolument pas pourquoi. »
Après l'avoir battu une septième fois, Julius proposa à son ami de faire une pause. Lemnos s'étira longuement.
« Bonne idée, j'aimerais voir ce que font les autres. »
L'ambiance autour d'eux était bon enfant : chacun s'était rassemblé par binôme ou trinôme. Nok et Camille avaient encouragé Agnès à se joindre à eux pour une partie de cartes. Julius était très sceptique devant leur bonne humeur. Je pensais que Nok n'appréciait pas Agnès... ce n'était peut-être qu'une impression. Philémon et Anna jouaient à un jeu de plateau qui ressemblait grandement aux latrunculi avec des pièces beaucoup plus variées. Devant son regard interrogateur, Anna lui expliqua en latin qu'il s'agissait du jeu d'échecs. Le Romain haussa les épaules et s'éloigna d'eux.
« Anna et Philémon ont l'air gênés d'être ensemble, dit Lemnos. Ils ne se regardent même pas dans les yeux.
— Et alors ?
— Eh bien... Ils avaient l'air un peu plus proches, avant. Ou alors il s'est passé quelque chose entre eux ! »
Julius soupira.
« Lemnos, sache que je ne suis pas du tout intéressé par les histoires sentimentales de quiconque se trouvant dans cette pièce.
— Avouez que ce serait amusant. À quoi ressembleraient leurs enfants ? »
À rien, nous ne sommes pas réellement ici. Personne ne doit être fertile dans un tel état. Il préféra cependant la politesse au sarcasme.
« Ils naîtraient avec une moustache, sans doute. »
Lemnos éclata alors d'un rire cristallin qui lui rappela Honorius. Julius réprima un rictus triste et regarda ailleurs. De l'autre côté de la pièce, Stanislas participait avec Juka et Maurice à un jeu différent des autres. Ils devaient réaliser des recettes qui s'affichaient sur une plaque grise.
« Encore un engin qui fait des images bougeant d'elles-mêmes, grommela Julius.
— J'ai demandé à Camille de m'expliquer ça à table, dit Lemnos. On appelle ça un écran. »
Julius se renfrogna. Encore du vocabulaire destiné à les impressionner, sans aucun doute. Les trois amis vociféraient, ce que le Romain n'aurait pas imaginé de la part de Stanislas.
« Bouton A, Stan ! cria Maurice. Tu dois mettre la salade sur le steak, pas l'inverse ! Non mais c'est pas possible, donne-moi cette manette !
— J'ai presque réussi mais mes doigts sont trop gros ! répondit le cuisinier en grimaçant.
— Némari sté ! Sanisas, némari sté ! » s'exclama Juka en le secouant par les épaules.
Lemnos sourit à Julius.
« Ils ont vraiment l'air de bien s'amuser ! Il faudra que nous le testions un jour, nous aussi...
— Je ne sais pas si je saurai m'en servir, maugréa Julius. Toutes ces lumières, tous ces mouvements à réaliser...
— Tout s'apprend, dit Lemnos avec sagesse. Nous avons le reste de notre vie pour y arriver. »
Julius déglutit. Il n'aimait pas du tout qu'on lui rappelle ce type d'informations. Pour éviter de se mettre en colère, le Romain s'approcha du dernier groupe de joueurs constitué de Charles et Eric. Ils étaient très concentrés sur un jeu coloré. Eric parut se souvenir qu'il parlait latin et expliqua à Julius :
« Maurice nous a présenté ce superbe jeu qu'il affectionne tout particulièrement : les dames chinoises. Il faut sauter par-dessus les pions de ses adversaires pour placer les siens à leur place.
— C'est exactement comme les latrunculi mais sans la perte de ses pièces, marmonna Julius.
— Sans doute. » fit Eric en haussant les épaules.
Charles semblait reprendre des couleurs en jouant aux dames chinoises.
« J'ai l'impression qu'on va avoir la plus belle éternité du monde, affirma Lemnos. Qui peut se vanter de jouer toute la journée ?
— Ce n'est que temporaire. Dès demain, nous allons devoir apprendre leur langue gutturale de gaulois, maugréa Julius.
— Le français, c'est ça ? Camille sera une excellente maîtresse, j'en suis sûr. Vous verrez, Julius, elle est très gentille. »
Le Romain n'en doutait pas.
Bạn đang đọc truyện trên: Truyen247.Pro