40. Philémon
PHILÉMON
Le gentleman était quelque peu déboussolé. Tout le monde était à présent réuni. Ils ont l'air plus unis que lors du repas ! Juka s'amuse bien, à ce que je vois. Philémon appréciait l'ambiance qui régnait dans la pièce. Anna, quant à elle, le fixait avec appréhension. C'est vrai que nous avons quelque chose d'important à leur dire... Philémon voulut saluer les autres, ce qu'un gentleman se devait de faire, mais le maître des lieux le coupa dans son élan.
« Juka, Stanislas, je vous invite à prendre dans ce sac vos présents personnalisés.
— Mais la soupe est prête à être servie ! » protesta le cuisinier, que Juka traînait par le bras vers la table.
Philémon remarqua que Maurice, Nok et Camille semblaient inquiets. Il s'approcha d'eux et les gratifia d'une petite révérence.
« Alors, Philémon, s'enquit Maurice. On vous a vus disparaître par un trou dans le mur, tous les deux. C'était flippant ! Vous vous êtes écrasés quelque part ?
— Non, le rassura-t-il, mais nous avons dérivé dans le vide. Après une longue discussion, nous sommes finalement revenus ici. Pour quelle raison avez-vous l'air si...
— ... nerveux ? compléta Maurice en haussant les sourcils. Ces cadeaux sont une blague. On reçoit des mauvais souvenirs, pas des bons. Déjà que la petite Juka a l'air assez patraque, il faudrait éviter d'aggraver son cas. Pour l'instant, ça va mieux, mais ça ne va pas durer !
— Oh. »
Philémon grimaça et remit son chapeau en place, très agité. Il ne voulait pas voir la jeune femme du Néolithique triste ... Sans même parler d'Anna. J'aimerais juste quelques minutes de calme... Sans tristesse, sans désespoir, quelques minutes... Peut-être que tout se passerait bien, par la suite. Ils s'installeraient dans ce manoir et auraient tout ce qu'ils voulaient pour l'éternité.
« Ah, le cadeau de Juka ne lui plaît pas. » commenta Nok en faisant la moue.
Philémon se tourna vers la jeune femme et constata qu'elle avait jeté un poisson sur le sol. Juka secoua la tête avec dégoût et retourna s'occuper de la marmite au fond de la pièce.
« Est-ce que c'est à cause de la viscosité du machin ? demanda Maurice.
— Peut-être qu'il y a une histoire derrière tout ça. » soupira Nok.
Ces deux-là ont l'air d'avoir beaucoup discuté, en notre absence.
« Je ne sais pas ce que c'est, dit Stanislas en montrant son objet.
— De l'osier ? proposa Camille en s'approchant du cuisinier. Oui, c'est bien de l'osier. Comme pour les paniers.
— Je ne comprends pas le sens de ce présent. »
Il haussa lentement les épaules et s'éloigna, rejoignant Juka et sa marmite.
« Anna et Philémon, je vous en prie. »
La jeune aristocrate lui adressa un regard de biche traquée.
« Allez-y, mademoiselle. Ne vous inquiétez pas.
— Ils ont dit que ces présents nous rendraient tristes, se défendit-elle.
— Ne réfléchissez pas en le prenant, dans ce cas. Saisissez-le, hochez la tête. N'associez pas cet objet à vos souvenirs. »
Anna acquiesça, une pointe d'hésitation dans le regard. Elle s'approcha du sac et en sortit un ruban pour cheveux identique au sien. La jeune aristocrate haussa les sourcils, très sceptique.
« Même en cherchant dans mes quelques réminiscences, je n'ai aucune idée du sens de ce ruban. Oh ! Il est abîmé...
—Conservez-le, vous en aurez un deuxième au cas où. Il n'est pas inutilisable, si ?
— Non, il peut tenir le coup. Mais je ne comprends pas l'intérêt d'un tel cadeau ! J'aurais préféré une deuxième robe. »
Philémon risqua un regard vers les chevilles d'Anna et vit que le bas de sa robe était en mauvais état. Le tissu était déchiré et quelques fils pendaient lamentablement sur le sol. Les vêtements de la Renaissance étaient bien trop précieux et fragiles pour ce genre de lieu.
« À vous, Philémon. »
Le gentleman prit une expression neutre de circonstance et sortit son objet du sac. Le morceau de papier soigneusement enroulé ne lui était pas étranger.
« C'est une reconnaissance de dettes en bonne et due forme, expliqua-t-il en tripotant sa moustache. Ce n'est pas une surprise, je sais très bien que je dépense beaucoup d'argent pour mon mécénat.
— On ne peut pas dire que ce soit un bon souvenir, marmonna Maurice.
— Certes non. »
Philémon replaça la reconnaissance de dettes dans le sac et sentit une peur sourde monter en lui. Il allait maintenant devoir annoncer aux autres qu'ils allaient vivre dans ce manoir pour l'éternité. Leur cohabitation risquait de ne pas être de tout repos...
« Stanislas, ordonna le maître des lieux, servez la soupe. »
Philémon soupira en s'attablant. Peut-être la nouvelle passerait-elle plus facilement avec le ventre plein. J'ai si peur...
Stanislas traîna la marmite hors du feu. Une odeur de fumée emplit rapidement la pièce et le gentleman toussota. C'est un foyer sans cheminée ! Des assiettes creuses apparurent devant chacun d'entre eux avec un tintement retentissant, ce qui ne choqua personne. Ils commençaient à être habitués aux caprices de leur hôte, sans doute.
Stanislas remplit chaque plat d'une bonne louche de soupe à l'oignon. Juka disposa du fromage râpé et des croûtons à côté de chaque assiette. Maurice avait l'air béat.
« De la soupe. » murmura-t-il avec délectation.
Après avoir distribué des cuillères à tout le monde, Stanislas et Juka s'assirent à leur tour.
« Bon appétit ! » s'exclama le cuisinier.
Le vacarme des couverts remplaça vite le crépitement du feu. Personne ne parla, trop occupé à engloutir la soupe à l'ancienne de Stanislas et Juka. Philémon s'appliqua à manger lentement, anxieux. Lorsqu'il termina enfin son assiette, son cœur battait la chamade. Dois-je le faire tout de suite ?
« Bon allez, le moustachu, lança subitement Agnès. Accouche. »
Philémon se tourna vers la jeune femme, qui le regardait fixement derrière ses lunettes noires.
« Tu veux nous dire un truc, ça se voit, ajouta-t-elle.
— Vous êtes observatrice, admit-il, penaud.
— Alors vas-y. »
Philémon s'aperçut que tous les convives avaient posé leur cuillère et patientaient. Ceux qui ne comprenaient pas le français avaient imité les autres, inquiets et alertes. Philémon prit une grande inspiration et déclara :
« C'est vrai, j'ai quelque chose à vous annoncer. Nous avons pris, conjointement avec Anna, une décision.
— Vous allez vous marier ? glapit Camille, alarmée.
— Absolument pas, nia Philémon précipitamment. C'est malheureusement moins joyeux qu'un tel événement. »
Il vit Anna cacher ses joues avec ses mains pour dissimuler son embarras. Je me conduis comme un rustre.
« Nous avons dû conclure un marché avec le maître des lieux. »
Lorsqu'il fut certain que tout le monde l'écoutait avec attention, il poursuivit :
« Vous avez sans doute remarqué que le maître des lieux nous empêche de rentrer chez nous. Il tente de nous dissuader de nous intéresser à notre passé en ne nous montrant que le pire.
— Des fantômes donneurs de souvenirs qui ne partent que quand on sombre presque dans la folie, des cadeaux empoisonnés.., énuméra Nok. Oui, ça se tient.
— En effet. Pour pallier à ce problème, le maître des lieux nous propose de rester ici... définitivement. Nous pourrons avoir tout ce que nous désirons, et même apprendre pour quelle raison nous avons été réunis en cet endroit. »
Un silence de mort accueillit sa déclaration. Camille, bouche bée, n'avait pas encore traduit son discours en grec ancien. Anna dessinait dans son carnet pour aider Juka. Lorsque l'information fut relayée auprès de tous, le gentleman ajouta :
« J'admets vous avoir choqués. Veuillez m'en excuser. Nous allons faire un tour de table pour savoir ce que vous en pensez. Maurice ? »
Le scientifique regardait fixement ses mains. Dix années supplémentaires semblaient peser sur ses frêles épaules tant il était recroquevillé sur le banc.
« N... non, bredouilla-t-il. Non.
— Veuillez... préciser, s'il vous plaît, l'encouragea Philémon, mal à l'aise.
— Je ne veux pas rester ici sans Galina. Hors de question.
— Galina est votre secrétaire, c'est bien cela ?
— Oui, et je veux la retrouver ! s'écria-t-il. Je refuse de rester planté là comme un imbécile. Vous êtes bien sympas, mais je veux rentrer chez moi !
— J'entends bien, j'entends bien. »
C'est vraiment très mal parti... Si nous restons ici, Maurice sera inconsolable. Le gentleman implora du regard Anna pour qu'elle parlât à son tour.
« Juka préfère rester ici car ses souvenirs lui font peur. C'est également mon cas.
— D'accord. Et vous, Nok ?
— Hm, fit le jeune homme basané, je ne sais pas quoi répondre. Ma famille va me manquer... Qu'est-ce qui se passera pour les gens de nos époques ? Est-ce qu'on va juste disparaître ? Est-ce qu'ils nous chercheront ? J'ai peur de changer l'avenir... Imaginez que l'un d'entre nous ait modifié l'Histoire à un âge bien plus avancé ! Peut-être que j'aurai des enfants qui découvriront la vérité sur la guerre nucléaire. Je ne peux pas jouer avec le futur ! »
Philémon en eut le souffle coupé. Il a raison. Il a horriblement raison. Maurice semblait sur le point d'exploser, rouge comme une brique. Le maître des lieux intervint immédiatement.
« Vos époques sont figées. Vos familles ne vous chercheront pas car elles sont elles aussi figées. Ne vous inquiétez pas à ce sujet, Nok, vous pouvez me croire. Je n'aurais aucun intérêt à modifier le cours de l'Histoire.
— Très bien..., dit Nok en acquiesçant. Bon, ça me fait un peu mal de me forcer à oublier mon passé, mais si ça n'a pas de conséquences... autant m'amuser un peu. Je veux une immense bibliothèque ! Toutes les puces d'infos du monde !
— Cela peut se faire sans aucun problème. »
Philémon ne savait pas si Nok était sincère ou non. Peut-être faisait-il semblant d'accepter ce marché pour tenter de fuir plus tard... Dans tous les cas, il valait mieux qu'il gardât le jeune homme dans son camp. Nok était sensé et charismatique, ce qui était indispensable pour prendre des décisions. J'ai parfois du mal à me décider... Il faut bien que quelqu'un le fasse.
« D'autres avis ? reprit Philémon.
— Je veux rester ici, répondit Agnès. C'est super clair que c'est mieux là.
— Bien, dit Philémon, un peu surpris par son absence inhabituelle d'opposition. Camille ?
— Ça m'embête d'être aussi ignorante sur mon passé, mais j'ai un très mauvais pressentiment, répondit Camille. Lemnos ne veut pas retourner dans son palais et Julius... s'en fiche.
— C'est impossible, s'étonna le gentleman. Et ses enfants ? Il ne désire pas les revoir ?
— Il ne veut pas s'expliquer, désolée.
— Dans ce cas... Charles ? »
Le révolutionnaire parut sortir d'une profonde réflexion et déclara :
« Je suivrai Nok. »
Ce dernier se tourna vers lui, incrédule.
« Vraiment ? C'est... » bafouilla-t-il, ému.
Charles hocha la tête et retomba dans le silence. Ce jeune homme est très fermé...
« Eric ? demanda Philémon. Préférez-vous rester ?
— Entre ça et la guerre, certes oui !
— Très bien. Stanislas ? Vous êtes le dernier à devoir donner votre avis.
— La cuisine est plus intéressante ici. Je reste !
— Voilà, nous avons fait le tour. » conclut Philémon.
Maurice se leva.
« Vous allez me piéger, dit-il. Je vais être obligé de croupir ici.
— Calmez-vous, Maurice..., commença Camille.
— Non ! C'est une honte ! Je refuse de vous suivre ! Restez tous là mais laissez-moi rentrer chez moi ! J'ai de la science à faire, messieurs-dames ! Une femme à rendre heureuse !
— Vous ne pouvez pas rentrer chez vous, Maurice, dit le maître des lieux d'un ton que Philémon trouva las. Je vous jure que je vous expliquerai pourquoi.
— À la première occasion, je me barre ! le prévint l'inventeur. Vous avez intérêt à avoir une excellente raison, parce que je n'aime pas être pris pour un abruti ! »
Maurice se tourna alors vers Philémon et lui assena :
« Que ce soit clair, c'est pas à toi que j'en veux. Je sais qu'on n'a pas le choix et qu'on ne peut pas continuer à être traînés un peu partout sans réagir. Mais ça me rend dingue qu'on soit dans cette situation infecte !
— Je comprends votre colère, Maurice. J'ai moi-même une fiancée et j'aurais dû rentrer chez moi pour vivre ce pan de mon existence. »
Anna le gratifia d'un claquement de langue déplaisant et lui tourna le dos. Bien sûr, Philémon n'avait pas envie de revoir Amélie, mais il voulait réconforter le scientifique. Les mensonges innocents ne font de mal à personne, n'est-ce pas ? Philémon remit son chapeau bien droit sur son crâne et inspira profondément.
« Je ne m'attendais pas à rencontrer si peu de résistance, admit-il.
— Ce n'était peut-être pas la bonne décision, dit Camille en se tordant les mains. Je pense juste que, pour l'instant, nous n'avons pas d'autre alternative. »
D'autres approuvèrent.
« Nous devons rester unis, déclara Philémon. Un jour, nous connaîtrons toute la vérité.
— C'est difficile à accepter, quand même..., marmonna Nok. On ne décide de rien, finalement. On nous enferme et on nous force à être d'accord, c'est un peu gros. Il va falloir que les avantages soient à la hauteur du sacrifice !
— Et ils le seront, confirma le maître des lieux. Je compte remanier ces lieux en plusieurs pièces collectives et individuelles. Vous aurez tout ce que vous désirez. Je laisse à Nok le soin de rassembler vos demandes. »
Surpris, le jeune homme basané se redressa.
« Euh... moi ?
— Cela vous pose-t-il un problème ?
— Non, je pensais simplement que vous le demanderiez à Philémon, puisqu'il a accepté le premier de rester ici.
— J'ai constaté que vous aviez déjà envisagé quelques salles précises, voilà tout. »
Nok grimaça mais hocha la tête avec ferveur.
« Oui, c'est vrai, j'avais oublié votre télépathie. J'ai plusieurs idées, et même si elles sont un peu extravagantes...
— J'accepterai toutes vos propositions. Après tout, je vous retiens ici.
— C'est vrai. D'abord, j'aimerais avoir une bibliothèque. Toute l'Histoire dans des encyclopédies, des puces, tout ce que vous pouvez retrouver. Et des romans sur commande, aussi.
— Pardon, intervint Camille, mais est-ce que ça veut dire qu'on connaîtra tout le passé et l'avenir, du coup ?
— Ça ne changera rien. On restera tous là, à qui voudrais-tu le répéter ? »
Camille acquiesça et son regard s'assombrit. Elle doit prendre conscience de la vie qui nous attend... La laissant à ses pensées, Nok se tourna vers Stanislas.
« Ensuite, il nous faudrait une cuisine avec tout ce qui existe, un peu comme à notre repas collectif. On pourrait peut-être avoir quelques champs pour cultiver nos plantes, ça nous occuperait.
— Excellente idée ! s'exclama Stanislas en battant des mains. Et une forêt pour chasser !
— Je m'en chargerai ! lança Eric. Et la petite pourrait pêcher dans une rivière ! »
Juka le regarda avec incompréhension et méfiance, sentant qu'il parlait d'elle.
« Je lui expliquerai tout cela plus tard, s'excusa Anna. Et pour les pièces individuelles ?
— Chacun me dira ce qu'il préfère. Je vous prévois un lit classique du début des années 2000, puis je m'occuperai de vous un par un. »
Philémon frémit. Leur situation devenait de plus en plus réelle. Avait-il pris la bonne décision ? L'enthousiasme de Nok avait redonné le sourire à certains, mais le gentleman doutait encore. Est-ce viable ? Pourrons-nous nous supporter ?
Soudain, Philémon remarqua que Maurice le fixait avec attention. Le scientifique lui fit un très léger signe de la main, lui intimant de s'approcher de lui. Tandis que Nok discutait avec le maître des lieux pour créer des salles de loisirs, les deux hommes se rejoignirent à l'écart.
« Il n'est pas omniscient, expliqua Maurice. Il ne peut pas nous écouter et planifier notre tombeau avec Nok, ça fait trop de choses en même temps. Est-ce que tu as un plan pour sortir d'ici ? »
Philémon cilla, pris de court. Il reprit contenance en lissant sa moustache et répondit :
« Il faut faire semblant d'être heureux pour baisser sa garde. Ensuite, nous trouverons un moyen d'agir. Et surtout, il ne faut pas trop y penser.
— Ouais, il entend tout..., grommela l'inventeur. Donc tu veux l'amadouer, en gros ? On fait les gentils et il aura peut-être un peu pitié ?
— Je pense que cela peut fonctionner, pour être honnête.
— Philémon ! Maurice ! »
Ils sursautèrent violemment et se tournèrent de concert vers Nok. Ce dernier leur adressa un regard lourd de reproches. Il avait remarqué leur petit manège.
« Quelque chose à proposer, vous deux ?
— Non, répondit Philémon avec nervosité. Merci beaucoup.
— Mais de rien. »
Nok soupira en levant les yeux au ciel. Il faudra être plus discrets, la prochaine fois... Encore une fois, Philémon avait la preuve que ce garçon avait la bien tête sur les épaules.
Après avoir accepté de créer pour eux chaque lieu possible et imaginable, le maître des lieux leur proposa de les envoyer dans leur nouvelle demeure. Philémon décida de jouer la carte de la politesse et de le remercier.
« C'est très aimable à vous, monsieur... comment faut-il vous appeler, d'ailleurs ?
— Vous auriez bien du mal à le prononcer... Je connais toutes les langues, mais ce n'est pas votre cas. Mon nom ne s'écrit même pas dans votre alphabet. Appelez-moi B.
— Juste B ? s'étonna Philémon en écarquillant les yeux.
— Cela suffira. Bien, je vous invite à fermer vos paupières et à patienter. »
Suivant les ordres de B, chacun attendit son transfert dans le calme. Juste avant de fermer les yeux, Philémon vit qu'Agnès surveillait Nok de près. Elle était postée juste derrière lui. Quel est le problème de cette jeune femme ? Il craignait de le découvrir un jour.
Puis sa tête se mit à tourner.
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