ÉPILOGUE

Berzé-Thimma soupira de soulagement en se massant les tempes. Il venait de vérifier que Manon, la jeune femme tuée par Agnès dans la première version de sa vie, n'était jamais sortie de l'hôpital psychiatrique et n'avait pas influé sur le cours de l'Histoire. Agnès... Complètement imprévisible. Il se déconnecta de sa session, B-11008-XY, et s'étira.

Berzé-Thimma passa une bonne partie de la nuit à rédiger son rapport de stage, la mort dans l'âme. Il allait se faire réduire en poussière par son directeur, sans aucun doute. Personne n'avait plus raté une étude du passé que lui ! Il finirait peut-être en prison, même s'il n'avait pas le sentiment d'avoir modifié son époque. C'est déjà ça...

Il envoya son rapport via le réseau universel et attrapa son sac-à-dos pour rentrer chez lui. Son colocataire lisait une puce d'infos sur l'algèbre, confortablement installé dans son canapé.

« Encore une soirée pourrie ? lui demanda-t-il avec amusement.

— Un peu..., soupira Berzé-Thimma. Mais c'est fini, en tout cas ! Et toi, alors ?

— J'arrive pas à dormir. J'ai envie de changer de prénom, mais je n'arrive pas à faire un choix. J'essaie de voir s'il y a un truc sympa en rapport avec les maths. Il y a plein de jolis mots, tu sais ?

— Donc je dois continuer de t'appeler T-11007-XY ?

— Appelle-moi Trigonométrie pour le moment, ça me plairait beaucoup. Toujours sur Berzé-Thimma, toi ?

— Yep. »

Berzé-Thimma posa son sac dans le salon et alla immédiatement se coucher. Il rêva des douze résidents du manoir et de Berzé et Thimma, ses deux premiers Opus de -8700 et 2557. Ils avaient eu des vies simples... Aucune question à leur poser.

Deux jours plus tard, Berzé-Thimma était dans le bureau de son directeur.

« Votre travail n'est pas très détaillé, B... comment faut-il vous appeler, en ce moment ? Je n'aime pas beaucoup cette nouvelle mode.

— Berzé-Thimma, murmura-t-il.

— Ah, ça me rappelle quelque chose... J'ai beaucoup aimé leurs histoires, d'ailleurs. De manière générale, votre rapport était intéressant mais peu détaillé. Je pense que vous devriez repasser un peu sur chaque Opus avec un superviseur pour récupérer des informations supplémentaires. Je vous propose Thibault, un chercheur très compétent. »

Berzé-Thimma acquiesça en silence. Le directeur le regarda intensément derrière ses lunettes carrées.

« Vous faites la même tête que les élèves qui modifient accidentellement le passé après avoir laissé des Opus se suicider dans leur environnement virtuel. Je suis toujours là pour vous parler, donc j'imagine que rien de grave n'est arrivé, mais je vous demanderai d'être honnête. Avez-vous laissé des Opus rentrer chez eux avec des souvenirs de notre époque ?

— Euh... peut-être ? »

Le directeur soupira.

« Vous n'êtes peut-être pas fait pour ce métier, Berzé-Thimma.

— Je m'implique trop, avoua-t-il. Est-ce que vous allez me renvoyer ?

— Non, car cela reste du bon travail ! Je peux vous envoyer en stage dans l'émission historique du journal télévision, cependant. Vous étudierez le passé sans interférer avec la réalité, ce qui ne sera pas plus mal. »

Préparer l'émission historique n'était pas le métier le plus passionnant de l'univers, mais Berzé-Thimma savait qu'il n'avait pas le choix.

« Mais, ajouta le directeur, puisque je sais que cela fait beaucoup de mal aux chercheurs de se replonger dans une histoire bouclée du début à la fin, je demanderai à ce que vous fassiez une émission sur l'un de vos Opus. Considérez cela comme une punition pour ne pas avoir respecté les règles. D'ailleurs... »

Le directeur se gratta le menton et décida :

« Je vous ferai faire le récit de la vie de Philémon Marsanguet. Elle est triste à souhait. »

Berzé-Thimma se retint de répliquer, mais il le prit très mal. Son directeur considérait l'histoire de Philémon comme un divertissement glauque, pas comme une véritable existence...

« Regardez votre tête ! s'exclama le directeur. Vous ne pourriez vraiment pas faire ce métier toute votre vie. Je ne peux pas vous laisser vous noyer dans la dépression, mon métier n'est pas de vous mener au casse-pipe. »

Berzé-Thimma acquiesça en silence. Il a raison... Je ne peux pas continuer de faire des nuits blanches en essayant d'empêcher tout le monde de mourir... En rédigeant son rapport de stage, il avait presque regretté d'avoir sauvé Philémon. La télévision, ce sera très bien.

*

« Et ce midi, restés connectés pour l'histoire incroyable de Philémon Marsanguet ! Une descente aux enfers de la bourgeoisie à la mutilation, des jeux d'argent à l'épluchage de pommes de terre ! Ensuite, pour vous remonter le moral, notre nouvel historien vous proposera également l'histoire délicieuse de Maurice Lalie, un scientifique amoureux de sa secrétaire dans la Russie du deuxième millénaire. Restez après cette page de publicité ! »

FIN

Eh oui, je confirme... c'est terminé ! Pas de cliffhanger final pour un tome 2 ! Et puis, de toute façon, c'est bien assez long comme ça... non ? 

Je vous remercie du fond du cœur d'avoir lu cette histoire jusqu'au bout, d'avoir voté, commenté, rapporté des petits anachronismes ou des coquilles, regardé les dessins en vous demandant ce que c'était que ce machin, et j'espère qu'il vous restera un peu de chaque personnage maintenant que c'est terminé. 

Chaque époque a ses avantages et ses inconvénients. On envie le futur parce qu'il a l'air technologiquement plus pratique, on envie le passé parce qu'on se persuade que leur vie était plus compliquée donc plus intéressante que la nôtre... Vivez la vie que vous avez, dans l'époque où vous êtes, malgré les obstacles et la peur de l'avenir ! 

Et n'hésitez pas à me dire quel était votre personnage préféré ! Pour l'instant je compte une Anna, un Maurice et un Nok... Et le mien, alors ? Est-ce que vous l'avez deviné ? ;)