III. Ses yeux Mercure
Avril, 1967
Il marchait simplement dans les couloirs de son lycée, le nez en l'air, perdu dans ses pensées. Un flâneur, disait-on de lui. Toujours dans la lune, ou en train de discuter avec les nuages. Il passait ses heures de cours à observer le ciel, à regarder l'ombre de la lune qui se dessinait encore au loin. Son rêve, c'était de rendre visite aux étoiles, d'embrasser la vue de la Terre d'un seul regard, de contempler l'immensité de l'inconnu, d'endroits inexplorés, de repousser les limites de la science.
C'était lors d'un de ces cours où il rêvait de l'infini, et où il se faisait irrémédiablement reprendre, que sa voisine se retourna vers lui.
« À quoi tu penses, toujours à regarder le ciel ? » lui demanda-t-elle.
Il la fixa d'abord avec des yeux ronds, on était vers la fin de l'année scolaire et il ne se rappelait même pas l'avoir déjà vue dans l'un de ses cours. Il aimait bien ses yeux. Ils ressemblaient à deux petites planètes d'un bleu explosif comme Mercure. On pouvait presque distinguer les nuages de gaz sur le bord de son iris. Il voyait aussi les tâches de couleurs sur les mains de la jeune fille, à la manière de nébuleuses flottant dans une autre dimension. Sa voisine dégageait comme une aura, comme si elle laissait flotter autour d'elle ses sentiments en de vastes vagues.
Il reporta son regard vers le ciel, dégagé en cette douce journée d'avril.
« Tu n'as toujours pas répondu à ma question », s'impatienta-t-elle.
« Aux planètes qui peuplent l'espace de la même manière que tes yeux. »
Le garçon souhaitait trouver le moyen d'observer la Terre sous toutes les coutures, d'un seul regard. Et Anna lui en apporta une peinture vibrante d'émotion le lendemain. Une Terre peinte, détaillée, ombrée, avec sa lune y figuraient avec la précision d'une photographie.
Il faillit en tomber par terre, et c'était le cas de le dire. En s'approchant, la bouche ouverte en un « o » admiratif, il lui demanda :
« C'est toi qui as fait ça ? »
Elle acquiesça d'un signe de tête. Il lui tendit la main, et ils se les serrèrent comme pour passer un pacte.
« Gabriel.
— Anna. »
–
le vieil homme — ou plutôt Gabriel, maintenant que je connais son nom — sourit, nostalgique. perdu dans ses pensées, sûrement en train de repenser aux yeux Mercure d'Anna. moi, je vois surtout les étoiles dans les siens lorsqu'il parle. il se racle la gorge, puis me sourit.
« Et c'est comme ça grâce à son ô superbe talent que tu es devenu un mordu de la peinture », le taquina l'adolescent.
Gabriel sourit, puis éclate d'un rire franc qui résonne comme des cloches dans la pièce. l'adolescent le rejoint, et moi-même je me surprends à sourire. leur joie est contagieuse, comme de la poussière d'étoiles se dissipant autour d'eux. de moi. de nous. je me sentais moins étrangère dans cet appartement.
«Je ne te raconte pas cette histoire pour rien, jeune fille », reprit Gabriel. « Je pense que toi aussi, tu es une éponge à sentiments, je me trompe ? »
mon absence de réaction lui sert de réponse. je me reconnais en Anna, c'est vrai. mais je ne possède pas un talent comme lui me l'a décrit. je suis juste moi, et je galère déjà assez comme ça.
« Naël, montre lui comment peindre. »
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