Selon les textes anciens, Caïn, le fils aîné d'Adam et Ève, est le premier meurtrier de l'humanité que Dieu condamne à l'exil, suite au fratricide de son frère cadet, Abel.

Jamais je n'aurais pensé vivre cette fiction dans une réalité qui est la mienne. Quoique, un livre saint est-il réellement fictif ou y a-t-il une part de vérité ?

Dans tous les cas, cela ne change en rien la situation malheureuse dans laquelle je me trouve.

Le vrai Caîn, lui, est posté devant moi, droit comme un piquet, le regard méfiant à mon égard. Ironique venant d'un homme aussi perturbé que lui et commettant d'ignobles meurtres sous prétexte qu'il nettoie les rues des impuretés de ce monde.

J'admets avoir peur de lui, de ce que je vais devenir dans quelques secondes, cependant, j'arrive toujours à lui tenir tête face à ses questions inquisitrices.

En effet, si nous analysons correctement la situation, nous pouvons nous rendre compte que finalement, lui et moi, nous sommes exactement les mêmes. Nous agissons pour donner naissance au bien et non pour faire le mal.

Je pense que c'est pour cette raison que je suis encore bien vivante, assise sur cette chaise en bois qui me torture le dos, avec malgré tout les mains attachées à celle-ci.

- Je t'avais prévenue, Gaïa. Je t'avais pourtant dit que la fiction pouvait dépasser la réalité. Mais ce jour-là, tu m'as souri au nez comme si je n'étais qu'un illuminé !

- C'est totalement faux et tu le sais très bien, répliqué-je, avec un arrière-goût d'amertume quant à cette situation.

Et dire que nous aurions pu faire de grandes choses ensemble. Sauf que le destin peut être infâme. Pour pouvoir survivre à cette fin, il va falloir en sacrifier un.

Rien ne sert de le supplier, la force est la seule alternative à ce combat invisible trop longtemps mené entre nous.

Je compte bien ne pas être ce crucifié qui restera à la fin de l'histoire. J'aime Caîn, mais pas par-delà ma propre existence.

Je dois donc tourner cette page qui a été la nôtre durant un temps éphémère afin de rendre justice.

Je dois faire disparaître celui qui est le sujet de toute cette terreur qui règne là, dehors, depuis trop longtemps déjà.

De l'amour à la haine, il n'y a qu'un pas.

Fatalement, l'inverse est réciproque.

- Ce sera donc ça la suite de l'histoire ? Une fin tragique et inévitable.

- Gaïa, ce point final, c'est toi-même qui l'a décidé. Tout cela aurait pu se terminer autrement, or, tu préfères choisir le chemin de l'éternel plutôt que le chemin que je t'offrais.

- Tu ne m'as jamais rien proposé, Caîn.

- Soit. Dans ce cas, je vais réitérer mes propos, soupire-t-il en s'agenouillant devant moi.

Ce dernier relève ses manches jusqu'aux coudes et inspire et expire un long moment avant de river ses yeux aux miens.

Des yeux d'un noir profond que je n'oublierai jamais, même dans les plus profond sous-bassements de l'Enfer.

- Passons un accord. Ensemble. Rien que nous deux.

Face à ses mots concis, mais clairs, je hausse les sourcils avant de les froncer, incrédule.

- Tu sais que nous pouvons faire bien plus que ce que nous faisons déjà. C'est notre destin, Gaïa. Notre rencontre n'a pas été due au hasard. Tu le sais très bien !

Dois-je de nouveau conclure un pacte avec un homme aussi diabolisé que lui ?

Ou dois-je continuer de faire confiance à l'ange de la mort qui m'a lâché au moment où j'en avais le plus besoin ?

Cruelle décision...